Edwood Vous Parle
10 ans et alors ?
On me dit que j’ai dix ans. Et que je devrais en être fier. Certains en ont même fait des chansons. Franchement y a pas de quoi. Je ne peux même pas prétendre être le dernier des cultes, d’autres le sont, bien plus que moi. Depuis plus longtemps. Tellement cultes qu’ils ont des tonnes de lecteurs. Ce qui, paradoxalement, leur ôte le titre. Pour être culte, il faut avoir, aller, disons, une centaine de fans, plus ou moins fidèles. Pas plus. Ca en fait dix par année d’existence, moins de un de gagné par mois. Rien de tonitruant. Pas besoin d’être nombreux pour faire ce que nous faisons ici.
Du temps a passé depuis les toutes premières pages de ce site. Et alors ? C’est toujours important de célébrer le temps qui passe. Cela prouve que l’on existe, que l’on a vécu. Comme une sorte de performance, l’une des plus remarquables. Un vrai challenge. Chaque jour supplémentaire est une victoire qu’il faut louer. 10 ans sur le web ? Un survivant, un vrai de vrai ! J’ai même échappé à l’explosion de la bulle économique machin truc. J’étais là au début. Quand les téléphones portables étaient en noir et blanc. Tout ça. Incroyable. Il n’y avait pas de sonneries polyphoniques. Le temps des dinosaures, à défaut de celui des cathédrales.
Tant de choses ont changé, et en même temps si peu. Pas de quoi sortir les cotillons. Pour célébrer quoi ? Le fait qu’un bout de virtualité est parvenu à passer les années, grâce à la technologie et à la folie de son créateur. Rien de bien glorieux là-dedans. Que d’heures perdues (surtout par vous). Des connections et des uploads. Plein de lettres blanches sur fond noir. Tout ça à la gloire d’une subjectivité dans un océan de subjectivités.
Et une subjectivité sans grandes particularités. Presque normale. La subjectivité d’un gars pas à plaindre, heureux, bien de sa personne. Pas de quoi se relever la nuit. A part pour regarder quelqu’un assumer pleinement la vacuité de son être. Spécialité maison. Très rare. Pas un spectacle de dépressif (trop commun) ou d’auto satisfait (si banal). Non, un truc autre, voyez. C’est intéressant. De voir jusqu’où cela peut mener. Comme ça, par curiosité, un peu malsaine, comme toute curiosité. Un plaisir de promeneur, sans aucun doute.
10 ans, ni bête, ni raisonnable. Ni meilleur, ni moins bon. Différent. Dans la persistance. Le grand chaos tranquille. Dehors il fait beau, le printemps, les mini-jupes, les bras dénudés des demoiselles, les meilleurs moments du monde. Vraiment pas de quoi se plaindre. Rien d’original. Un point de vue déjà vu. Sur tout. Grande globalité, fourre-tout. Rester dans l’être.
Il fait beau, c’en est embarrassant. Là, il fait nuit. Mais beau. Belle nuit. De printemps. Comme en été. Ou au début de l’automne. C’est presque agréable. Comme les bras dénudés et frais des demoiselles. Par exemple. Ca fait 10 ans que je l’écris ici. Cela pourrait être ailleurs. On fera comme si. Alors quoi ? Pas de quoi en faire un gâteau, un goûter d’anniversaire. Ou alors un petit. Un petit goûter. Entre amis. Avec trois ballons, un paquet de confettis, deux sachets de carambars, un disque de la Bande à Basile. Ca y est, c’est la fête. La folie. On saute sur le canapé. On monte le son. On fait la chenille. On emballe les demoiselles. La vie, quoi, quelle dinguerie, la vie.
10 ans à altérer la réalité, à moquer le quotidien en lui tirant les moustaches. C’est bien. On va en reprendre un peu pour la route. Pour brouiller l’essence. De l’être. Voir si en précipitant et en secouant on obtient de jolies couleurs. Il va se passer plein de choses. Ca risque même de nous exploser à la figure. Ce qu’il peut arriver de mieux.
Edward D. Wood Jr. (« some kind of bliss »)