Edwood Vous Parle
Le refroidissement climatique rime avec bouée pneumatique
Il neige. Du moins, il a neigé. C'est beau la neige qui tombe. Ca donne tout de suite un aspect poétique au moindre décor. Même quand le décor est tout gris et tout vilain. On s'imagine au palais de la fée Dragée, vous savez, toutes ces choses là. Alors, oui, la neige réveille le poète en nous. Du moins, le poète niais, celui qui ne passe pas son temps à essayer de faire rimer quéquette et craquette. Donc, oui, la neige, ça rend votre homme lyrique. Et que ça y est je suis parti à voir des tapis blancs se dérouler sous les pieds des jeunes filles et d'étranges chapeaux immaculés fleurir sur la bonne vieille tête des poubelles en bas de la rue. Mais bon, tout ça c'est de la gangrène de castor, si vous voulez mon avis. Pourquoi essayer de faire de la poésie quand, comme moi, on est essentiellement doué pour rien de particulier. Les belles paroles, bah, c'est bien connu, c'est juste pour séduire les filles.
La vague de froid, dans le dos me fait froid. Voilà qui est déjà plus poétique. Même si au vu de la liste interminable des personnes ayant succombées à l'hiver trop rigoureux, on serait déjà moins prompt à s'extasier devant le givre qui grignote le bord des fenêtres. Mais qu'importe le flocon, pourvu qu'on ait l'ivresse ! Alors tant pis s'il fait froid dehors pour ceux qui s'y trouvent, à l'intérieur il fait chaud et je peux raconter toutes les conneries que je veux, personne ne viendra me disputer. De toute façon, si on me dispute, je boude. Un vent glacial complaisant file le long de la rue. Comment voulez-vous devenir poète devant cela ? Hein ? Une bise mortelle hivernale fait des ravages dans nos bourgades et vous, là, vous n'y voyez que princesse en robe rose en train de tournoyer au milieu des flocons et des sacs en plastique. Certes, l'image en elle-même est troublante, surtout qu'elle doit se les geler sévère, la princesse en robe rose, mais bon, plutôt que de faire de la poésie à deux francs (oui, je parle encore en francs, moi, monsieur), pourquoi ne pas aller s'engager à l'Armée du Salut. Car sans Armée du Salut, pas de Noël réussi.
L'hiver et tout ce qui va avec, ne me rend plus poétique depuis que la puberté m'a éloigné du monde merveilleux de l'enfance insouciante qui s'ébat joyeusement dans la poudreuse douce et tourmentée. Maintenant je me sens bien plus poétique en regardant un film avec Azumi Kawashima ou en écoutant Inside Susan de Pulp. Là, ah, tenez, voilà où mon âme de poète m'entraîne. Vers les soldes. Hum, les soldes... Ah, les soldes... Oh, les soldes...
Certainement il se passe des choses formidables. Voilà une affirmation aussi gratuite que d'aller conclure son film tape-à-l'il par un proverbe du style "Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras", ou bien encore "Les chiens aboient, la caravane passe" et même "Le temps détruit tout". Ce genre de choses interchangeables qui veulent tout dire et qui ne veulent surtout rien dire. Mais ça sonne bien, ça claque, ça donne une caution philosophique. Bref, on s'y croirait. Ca c'est du cinéma expérimental, coco. Ca c'est du cinéma qui n'est pas que de l'apparence, mais qui fait passer un vrai message. Bah voyons, bien sûr, évidemment. Le message, on le voit d'ici : quand le temps fait la manche dans la rue, ne lui donnez rien ! De toute façon, c'est qu'un casseur ! Vilain temps, pourri, dégueu ! Aller, on va le laisser dans son coin, tout seul, juste pour qu'il réfléchisse un peu à tout le mal qu'il nous fait. Na ! Ca lui apprendra ! Bon, on rigole, on rigole. Mais "le temps détruit tout", si c'est pas un merveilleux cri fataliste réactionnaire, je ne sais pas ce que c'est. Que de bonheur, que de progrès, on se croirait dans Matrix avec les prophètes, les messies, les exaltés terroristes et le fascisme de la bonne âme qui a vu la vérité et qui va vous la faire partager à coups de pétoires dans la gueule. Merde alors, Neo, George Bush Jr. et Ben Laden même combat ? Tout à fait. Donc, bon, finalement, il vaut mieux que le temps détruise tout.
Mais je m'égare et cela n'a que peu de rapport avec la vague de froid. Quoique si, en fait, le mauvais temps détruit tout. Alors, oui, mais non. Y a du mauvais, c'est sûr, parce que les plaques de verglas, là, c'est dangereux, vous pouvez pas savoir. Et y a du bon, parce que ça gèle sévère et cela va tuer dans l'uf toutes les affreuses tégénaires qui s'apprêtent à envahir nos demeures dès que le printemps va pointer le bout de son nez. Alors, oui, rien que pour cela, je le crie bien fort : vive le vent d'hiver !
Je m'emporte, je m'emporte, mais ce n'est pas cela qui va me faire arriver en bas de la page. Surtout que, drame de la technologie, il n'y a jamais de bas de page sur un document en HTML. Non ? Si ! Pas possible ? Je vous assure ! La page sans fin, un truc incroyable, quoi. Si je voulais je pourrais vous recopier Finnegans Wake sur une seule page web. Et je le prouve :
"erre-revie, pass'Evant notre Adame, d'erre rive en rêvière, nous recourante via Vico par chaise percée en recirculation vers Howth Castle et Environs. Sire Tristram, violeur d'amoeurs, manchissant la courte oisie, n'avait pâque buissé sa derrive d'Armorique du Nord sur ce flanc de notre isthme décharné d'Europe Mineure pour y resoutenir le combat d'un presqu'Yseul penny : ni près du fleuve Oconee les roches premières ne s'étaient exaltruées en splendide Georgi Dublin de Laurens Comptez en doublant ses membres tout le temps ! nulle voix humaine n'avait dessouflé son micmac pour bêtpiser Patrick : pas encore, mais nous y venaisons bientôt, n'avait un jeune blanc-bec flibutté le blanc bouc d'Isaac : pas encore, bien que tout soit affoire en Vanité, les doubles soeurs ne s'étaient colère avec Joe Nathan. Onc mais n'avaient Jhem ni Shem brassé de becquée le malte paternel sous l'arcastre solaire et l'on voyait la queue rugissante d'un arc-en-cil encerrner le quai de Ringsend."
Oui, bon, euh... Désolé d'interrompre un chef-d'uvre, mais même s'il ne me faudra pas 17 ans pour le recopier, tout cela tient de la performance Andy Kaufmanienne. Et je ne me sens pas d'attaque aujourd'hui. Peut-être demain. Mais allez savoir si demain je serais là, hein, hein, le temps détruit tout, n'est-ce pas ? Hein ? Faut pas croire ! On est bien peut de choses ma bonne dame ! Faut pas l'oublier ! Poussières tu étais, poussières tu redeviendras. Tout ça, tout ça. Voilà, voilà...
Edward D. Wood Jr. ("Sometimes I have to wonder About the dog in me")