Noël. Encore. Un de plus et un de moins. Chaque année, une scansion dans le temps qui passe. La meilleure période pour prendre des nouvelles des gens qu'on connaît et surtout des gens qu'on a connu. Découvrir, avec amusement et nostalgie, que les petites copines de la cour de récréation se sont mariées. Revoir des visages plus ou moins changés par une vingtaine d'années d'excès (ou pas). Les revoir et déceler à leurs côtés de charmants bambins. Apprendre qu'un amour d'adolescence est enceinte. Ici une ex qui divorce, une autre qui se fiance, c'est l'histoire, c'est l'histoire de la viiiiie.
Dans le lot, certains et certaines sont introuvables. Ils ont disparu de la surface de la Terre. Ou, du moins, Google ne les référence pas, ce qui revient sans doute à ne pas exister de nos jours. Ils ne sont, pour le coup, que des souvenirs. Eux ne vieillissent pas. Ils échappent aux mariages, aux mômes, aux photos ridicules et aux commentaires embarrassants. Ils sont tels qu'ils étaient à 10, 15 ou 20 ans, tels qu'ils étaient quand j'étais môme. Parfois je les cherche, c'est un flash, une manière de me souvenir de leurs noms, d'essayer de me rappeler ce qu'ils étaient et que, d'une façon ou d'une autre, ils ont fait partie de moi. Les années passant, j'en oublie, je me trompe, les noms de famille m'échappent, les visages aussi. Avec un peu de chance, ils sont toujours là, sur la photo de classe du CE2. Ils ont à jamais 9 ans, avec leurs fringues des années 80 et leurs bonnes bouilles de gosses. Ici s'étend l'illusion de l'éternité. Aucun regret cependant.
Ceux qu'on retrouve donnent toujours un coup de vieux. Ou, pour ma part, plus généralement un coup de jeune. Toujours en mouvement, jamais « arrivé » nulle part, je regarde avec attendrissement ma génération qui se pose et s'installe. Beaucoup sont restés là-bas, en province, et tentent de vivre heureux en attendant la mort. Au ralenti. D'autres ont eu des ambitions, et attendent la mort, mais plus vite. J'attends la résurrection, de mon côté, renaissant sans cesse. On a qu'une vie, disent les fatalistes. Alors autant en tirer le maximum. Chaque jour apporte ses changements, qu'il soient volontaires ou non. Il y a l'immuable, il y les points d'accroche stables, gentiment rassurants. Et il y a tout ce qui bouge, qui chahute. Chaque jour une avancée, qui suppose de laisser les immobiles plus ou moins derrière. Parfois, tout va si vite, qu'on en perd en route. C'est une existence de petits et de grands sacrifices.
Pourtant, ce n'est pas une course à l'oubli, au contraire. C'est une accumulation, un trésor de connaissances, un coffre immense aux souvenirs. Tant de gens, tant de lieux, tant d'amours, tant de vies. En une. Mais je ne suis pas un aventurier, même si je suis un grand voyageur frustré. Je n'ai pas encore fait le tour du monde. J'ai toujours préservé mon petit confort. Mais rien n'est pire que la routine et les pantoufles. Un peu, un moment, un instant. Parfois. C'est aussi vital. Mais le quotidien s'équilibre avec l'imprévu. Stress and Zen. Ying et Yang. Rox et Rouky. Nico et le Velvet Underground...
Libre à vous, qui n'êtes pas si nombreux à vraiment me connaître, d'imaginer monts et merveilles. Ou alors d'hurler au mythomane. De toute façon, qui est donc celui qui vous parle ici ? Ce n'est pas celui qui existe. C'est l'autre. Une partie de l'un et la fraction du tout. C'est Noël, l'heure des contes. Ding Dong, joyeux carillon !
The Web's Worst Page va entamer sa 13e année. Sa résistance en tant que site personnel face à l'hégémonie des blogs sera toujours aussi ridicule. Avec un peu de chance, une inspiration soudaine donnera de la verve à Lourdland. Ce serait une bonne résolution. Mais sa pérennité incarnera idéalement ma fidélité en toutes choses. Edwood est toujours là, il n'oublie rien ni personne, même dans le flou du flux de l'esprit. Il a connu et il connaîtra. Il vous a connu et il vous connaîtra. Un jour prochain il vous serrera à nouveau la main pour la première fois. Un jour lointain vous serez dans ses bras pour la dernière fois. Tout sera toujours ici.
J'espère que vos cadeaux vous ont plu. Que vous en ayez reçu ou non. J'espère que vous allez bien. Après tout, pourquoi pas ? En 2011, je vous souhaite de continuer à exister, vite ou non, dans un sens ou dans l'autre, ici ou là, par-ci, par-là, cahin-caha. Just do it. Just be. Just dance. Justin Bieber (just'une 'tite bière ? Quel nom fantastique). Mariez-vous, pondez des mômes, divorcez, adoptez, trouvez du boulot, changez de voie, après tout, débrouillez-vous, ce n'est pas comme si je n'avais que cela à faire de m'occuper de vous. Vous êtes bien assez grandes et assez grands pour vous prendre en mains. C'est pas tout ça, mais j'ai un univers à conquérir, moi.
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Edwood D. Wood Jr. (« As we rode through the streets at dawn
My hand was in yours
My hand was in yours
Wretched and misty
Who knows where this leads ?
Where all of this may lead ? »)