Edwood vous parle

 

Les Vuvuzelas

 

C’est un son enveloppant. Comme la plongée au cœur d’une ruche. Mais avec les nuances des vagues. Un va et vient flottant. Grâce au vuvuzelas, le football est mis en scène par David Lynch. Le néant se fait hypnotique, tel un long plan séquence de Werner Herzog sur lequel se coucheraient les plus étrange nappes synthétiques de Popol Vuh. Une vibration de milliers d’insectes, une nuée, une légion. Le sport préféré menacé par les hordes des bourdons, par les sauterelles de l’Apocalypse. Une beauté de fin des temps.


L’inutilité du spectacle se transforme en rêve opiacé, il n’existe plus rien d’autre que le rugissement continu, apogée des petites perceptions, où chaque note entre en symbiose avec sa voisine. Le rien se fait abstrait, des milliers, des millions de spectateurs, anéantis, dans le grand bouillon. Qui joue ? Où ? Pourquoi ? On ne l’a jamais su, on ne l’a jamais regardé, qui s’en soucie ? Quelques fourmis reproduisent les mouvements réflexes d’une vie de petits soldats. Autour d’elle, la nuée guette, se repaît, fantasme le festin promis. Fragiles créatures, proies faciles au milieu de l’étendue verte, elles poussent et repoussent leur graine-ballon, d’un nid à l’autre. Peu importe le danger, concentrés dans l’instinct, les joueurs oublient le chaos de la nature. Torrents de prédateurs, épée de Damoclès, les vuvuzelas respirent, vibrent, existent. Au-delà, le vide du ciel sommeille, en apesanteur.


Que devient l’autre moi-même, errant dans l’espace ? Il se pose dans l’urgence, il se précipite dans l’attente. Trop à faire pour la petite entité. Trop de temps pour ne pas réfléchir, pas le moment de se poser de questions. Tout va trop vite avec lenteur. L’aperçoit-il son idéal de l’imagination ? Toujours trop tard, sans doute.


Grand plaisir : passer des semaines sans voir de film, passer des mois sans aller au cinéma. Respirer l’air des cimes. Réapprendre à apprécier. C’est aussi bon que ça en a l’air. Faire autre chose. Se nourrir ailleurs, s’abreuver au renouveau. D’autres désirs, d’autres épreuves. Des occupations inédites, des préoccupations différentes. Grande transfusion.


Les vuvuzelas pourraient conquérir le monde. En faisant trembler les peuples, les nations, les continents. Trompettes de Jéricho, trompettes de la renommée. Les puissants s’inclineront. Et tous ne seront que des fourmis apeurées. Bousculons l’ordre, faisons sonner les tympans de la routine. Le vieux monde s’écroule au chant des insectes vengeurs. Ce pays n’est pas celui du miel. En ces stades résonnent les fantômes des abeilles. Ectoplasmes observateurs, annonciateurs des débandades à venir. Bientôt il n’y aura plus rien.


Ce n’est qu’un rayon de soleil, qu’un effleurement. L’importance de détail qui donne le bonheur. Le souffle. Un bruissement d’ailes. Dans l’entre-deux, entre le grondement et le néant. Le domaine des choses discrètes, sensibles, douces. Le bref instant, qui n’est jamais que souvenir. Nous n’y sommes qu’en transit, simples voyageurs. Fuis ce qui fût, serre ce qui sera. L’espoir est la musique d’une ruche.

 

 

 

Edward D. Wood Jr. (“Driving home I see those flooded fields”)