Edwood Vous Parle du

 

 

Conflit armé vaguement révoltant

 

 

 

C'est la guerre.

Et c'est trop bien.

Trop bien !

Trooooop bien !!!

 

Ca nous fait des sujets de discussions pas chers. On ne s'ennuie plus dans les conversations. Ca fait parler. On peut manifester. S'amuser. Sortir. Draguer. Faire plein de choses passionnantes. Vous voyez. La guerre c'est génial. Ca donne l'impression qu'il se passe quelque chose.

La vache.

C'est trop bien.

 

On se sent engagé. Dégagé. On se sent préoccupé. Vaguement. C'est palpitant. On se tient au courant. On regarde les infos. On lit les journaux. On se prend pour Kant en allongeant sa promenade quotidienne. C'est bouleversant.

La guerre, ça met de l'animation.

 

On voudrait bien se forcer à être très triste. Là, on aimerait pouvoir verser une larme à la télévision. Mais bon. On aimerait aussi être très larmoyant, profondément humain et plein de verve pour vous dire que la guerre c'est pas bien. On se demande pourquoi ça existe la guerre.

La guerre, c'est triste.

 

Mais on sait parfaitement que plus on fait les idiots dans notre coin, plus le monde change. Et qu'il s'en fout de nous.

La guerre est égoïste.

 

Alors on essaie de se l'approprier. Profiter un peu de la publicité monstrueuse qu'elle génère. On voudrait profiter de ses bienfaits collatéraux. La guerre, elle pourrait quand même jouer moins perso. Quoi.

La guerre, c'est révoltant.

 

Alors on se révolte. On serre très fort ses petits poings. Ouhlala. Bien fort. On est révolté. Il y a des gens qui meurent au moment où j'écris ses lignes. Ahlalalalala. Imaginez comme c'est embarrassant pour quelqu'un qui pourrait prétendre au titre vaguement universitaire de philosophe (de mes couilles, dirait Desproges). Ah oui, je suis embarrassé.

La guerre, c'est embarrassant.

 

Pendant qu'on se révolte en serrant bien fort nos petits poings, le monde tourne. Et on imagine que s'il pouvait rigoler. Et bien il rigolerait. Parce qu'il a tellement de raisons de pleurer, que, comme les gens qui ont un peu de sagesse, il préfère rire. C'est plus poli. C'est moins lourd. C'est sympathique.

Le monde est sympa.

Mais la guerre, c'est nul. Hein. Nul.

 

Je me sens vaguement préoccupé aujourd'hui. Pour de nombreuses raisons.

A vrai dire. Cela ne va pas fort.

Et en même temps j'ai envie de rire.

 

La guerre, donc, je disais, c'est absurde. On est tous le bourreau d'un autre et la victime de ce même autre. Vous voyez comme c'est bête, hein.

Je me sens vaguement révolté.

Mais alors très vaguement.

 

Le monde a changé pendant la nuit.

 

Et le matin venu, bah... euh... rien...

Car le monde continue de tourner.

Et il rit.

Le monde.

Pas le journal.

Non.

La Terre.

Vous voyez.

Tout est bien.

 

 

Edward D. Wood Jr.

Mourir pour des idées, l'idée est excellente . Moi j'ai failli mourir de ne l'avoir pas eu . car tous ceux qui l'avaient, multitude accablante, En hurlant à la mort me sont tombés dessus . Ils ont su me convaincre et ma muse insolente, Abjurant ses erreurs, se rallie à leur foi Avec un soupçon de réserve toutefois : Mourrons pour des idées d'accord, mais de mort lente, D'accord, mais de mort lente . Jugeant qu'il n'y a pas péril en la demeure, Allons vers l'autre monde en flânant en chemin Car, à forcer l'allure, il arrive qu'on meure Pour des idées n'ayant plus cours le lendemain . Or, s'il est une chose amère, désolante, En rendant l'âme à Dieu c'est bien de constater Qu'on a fait fausse rout', qu'on s'est trompé d'idée, Mourrons pour des idé's d'accord, mais de mort lente, D'accord, mais de mort lente . Les saint jean bouche d'or qui prêchent le martyre, Le plus souvent, d'ailleurs, s'attardent ici-bas . Mourir pour des idées, c'est le cas de le dire, C'est leur raison de vivre, ils ne s'en privent pas . Dans presque tous les camps on en voit qui supplantent Bientôt Mathusalem dans la longévité . J'en conclus qu'ils doivent se dire, en aparté : "Mourrons pour des idé's d'accord, mais de mort lente, D'accord, mais de mort lente ." Des idé's réclamant le fameux sacrifice, Les sectes de tout poil en offrent des séquelles, Et la question se pose aux victimes novices : Mourir pour des idé's, c'est bien beau mais lesquelles ? Et comme toutes sont entre elles ressemblantes, Quand il les voit venir, avec leur gros drapeau, Le sage, en hésitant, tourne autour du tombeau . Mourrons pour des idé's d'accord, mais de mort lente, D'accord, mais de mort lente . Encor s'il suffisait de quelques hécatombes Pour qu'enfin tout changeât, qu'enfin tout s'arrangeât ! Depuis tant de "grands soirs" que tant de têtes tombent, Au paradis sur terre on y serait déjà . Mais l'âge d'or sans cesse est remis aux calendes, Les dieux ont toujours soif, n'en ont jamais assez, Et c'est la mort, la mort toujours recommencé' ... Mourrons pour des idé's d'accord, mais de mort lente, D'accord, mais de mort lente . O vous, les boutefeux, ô vous les bons apôtres, Mourez donc les premiers, nous vous cédons le pas . Mais de grâce, morbleu ! laissez vivre les autres ! La vie est à peu près leur seul luxe ici bas ; Car, enfin, la Camarde est assez vigilante, Elle n'a pas besoin qu'on lui tienne la faux . Plus de danse macabre autour des échafeauds ! Mourrons pour des idé's d'accord, mais de mort lente, D'accord, mais de mort lente . (Georges Brassens)