Edwood le confirme, il n'y a rien de mieux que
London Calling The Clash
On ne va pas radoter l'histoire. Tout le monde connaît maintenant ce qui s'est vraiment passé lors de cette poignée d'années qui ont ébranlé la musique et le monde. 77-79, le mouvement punk secoue l'Angleterre mais surtout révolutionne la musique. Avant les Sex Pistols, il y avait eu les Stooges, les Ramones et bien d'autres. Mais les Pistols synthétisent un état d'esprit. Ils sont sales, bêtes et très méchants. Ils font du bruit et parfois même, de la très bonne musique. Ils ont l'énergie, la folie adolescente, la rage, ils sont bien entourés par monsieur McLaren, ils vont marquer l'imaginaire de plusieurs générations. Les Clash ? Et bien eux, ils ont l'énergie, la rage, la folie, mais ils ont aussi tout ce qui manque aux Pistols (et à tous les autres) : l'intelligence, le talent, le génie, l'émotion pure. Les Clash avait donc, en puissance, tout pour être l'ultime groupe de rock. Et c'est ce qu'ils furent, The Last Gang In Town. London Calling est sans nul doute leur chef-d'uvre. C'est aussi le plus grand disque de la période. Si les Clash n'ont sorti que des merveilles (à part le honteux Cut The Crap), London Calling est la synthèse, la quintessence, la croisée des chemins de tous les genres, de tout ce qui fait le rock tel qu'on l'aime. Nous avons entre les mains un double album hallucinant, car sur ces 19 chansons, il n'y en a pas une seule pour briser le charme, toutes sont des chefs-d'uvre et c'est là la véritable clef du mythe. Car un album, simple, entièrement génial, on n'en connaît pas des masses, mais un album, double, totalement sublime, et de surcroît synthèse de tous les genres, de son époque, d'une volonté de vivre et de créer. Là, ma foi, et oui, il n'y en a qu'un. C'est London Calling.
Cet album n'est pas méconnu et/ou mésestimé. Tout le monde s'accorde à lui reconnaître une place majeure dans l'histoire de la musique de la seconde moitié du siècle défunt. Mais, les années passent, et on a un peu l'impression que l'aura faiblit, que les jeunes générations ne sont pas suffisant "exposées" à cet album qui n'a pas pris la moindre ride. Bien loin le jour où l'on réussira de nouveau à marier avec autant de bonheur le rock le plus rock avec : du reggae (Revolution Rock), du funk annonciateur du rap (The Guns Of Brixton), du rockabilly (Brand New Cadillac), de la pop (Lost In The Supermarket, Lover's Rock, Train In Vain), du ska (Rudie Can't Fail), du n'importe quoi (Jimmy Jazz, Wrong 'Em Boyo)... Le tout avec des textes aussi enragés que drôles, aussi engagés que directs, aussi intelligents que malins. On n'en fait plus des comme ça. Mais vraiment. Je ne vais pas tenir un discours de "vieux con", mais, non, c'est vrai, il n'y a qu'un seul London Calling.
Comme tous les albums des Clash, London Calling s'écoute le matin, au réveil (le top pour les réveils difficiles c'est Give 'Em Enough Rope et l'ouverture sur Safe European Home). Porté par la rythmique de London Calling, le riff de Brand New Cadillac, le groove de Jimmy Jazz, le refrain de Hateful... l'auditeur se sent pousser des ailes. Prêt à affronter le monde en chantonnant (ou en hurlant, ou en sifflant...), Rudie Can't Fail et Clampdown. I'm Not Down, tout est dans le titre. Le triple album suivant, le révolutionnaire (dans tous les sens du terme) Sandinista ira encore plus loin dans les expérimentations et les coups de pied dans les étiquettes. Mais London Calling demeure le recueil parfait et abordable de toutes les ambitions des Clash. Avec cet album ils sont devenus le plus grand groupe de la planète (Clash On Broadway !!), synthétisant tout l'esprit punk et tous les espoirs du renouveau de la musique populaire. La fin est triste. Les espoirs ne deviendront jamais réalité. Les années 80 furent celles de Phil Collins et de Europe (au pire) et de Depeche Mode, de U2 et de Cure (au mieux... c'est dire...). Et jusqu'à la sortie de Surfer Rosa des Pixies, on n'a pas beaucoup vibré dans notre monde (ou alors de manière très discrète, pour ceux qui écoutaient dans leur coin Jesus & Mary Chain et les Banshees).
Les promesses de London Calling, de Fear Of Music des Talking Heads, du premier album Suicide... Toutes ces promesses allaient s'endormir pour de nombreuses années. Mais finalement ce n'était pas bien grave. Nous, on avait et on a toujours London Calling en triple exemplaire. On connaît The Right Profile et Death Or Glory par cur. On gueule Koka Kola et The Guns Of Brixton à la moindre occasion. On considère London Calling comme la plus grande chanson punk de tous les temps (c'est faux, la plus grande c'est My Way par Sid Vicious) et Lost In The Supermarket comme le plus beau morceau pop des cinq derniers siècles et des cinq prochains. On se rend compte que la situation sociale que dénonçait les Clash, qu'il rêvait de secouer avec leur musique si intense, et bien cette situation est toujours là, rien a changé, London Calling est toujours aussi universel, nécessaire, toujours autant d'actualité. "When they kick at your front door How you gonna come ? With your hands on your head Or on the trigger of your gun" Tant qu'il y aura des gens avec un cur et des tripes. Tant qu'il y aura de l'énergie pour lutter contre la réalisation du 1984 d'Orwell et du Meilleur des Mondes d'Huxley. Tant qu'on saura vibrer sur un riff de guitare et sur la rage d'une voix éraillée. Tant qu'on fracassera des basses sur scène (la plus belle pochette de l'histoire du rock ?). Tant que "anything I want he gives it to me Anything I want he gives it, but not for free It's hateful". Tant que "the silence makes me lonely". Les Clash ne mourront jamais. Clash not dead ? Evidemment.
Did you stand by me ? London Calling - 1979, Columbia Records
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