Edwood Vous Parle de
Le Vide
Essentiel dans la philosophie orientale ainsi que dans la conservation des petits biscuits que l'on aime s'envoyer à l'apéritif entre deux jérémiades stériles et stéréotypées sur la "société qu'elle est pourrie mon vieux, crois-moi", le vide est bel et bien primordial dans la composition admirable de l'univers. Car, comme on peut le remarquer chaque jour, le vide est partout, et pas forcément là où on l'attend le plus. Certains clichés voudraient que le vide se trouve en très grandes quantités entre les planètes du système solaire et dans la tête des étudiants en droit. C'est très réducteur quant au rôle du vide, mais c'est aussi très vrai, et certaines exceptions viennent même confirmer la règle (par exemple une météorite ou un étudiant en droit fan des Monty Python, notez qu'il est plus probable que l'Humanité soit anéantie dans les dix prochaines années par une météorite de taille dinosauresque que de trouver un étudiant en droit fan de John Cleese). Mais on va encore me taxer de mauvaise foi, ce qui est vrai, car il n'y a pas que dans le système solaire que le vide prolifère entre les astres célestes et il n'y a pas que les étudiants en droit qui soient de parfaits abrutis. Le vide est partout en fait, autour de nous, en nous, partout, tout partout. Il n'y a que du vide pour ainsi dire.
Je serais alors tenté de dériver du vide vers le rien, du rien ver le néant, et du néant ver l'infini des espaces miraculeux qui s'étendent au-delà des frontières de notre univers. Mais cela sera pour une autre fois, car finalement je voulais avant tout parler des cacahouètes sous vide, qui sont bien bonnes en général et qui sont toujours le meilleur moment des apéritifs, fêtes, vernissages, inaugurations et compagnie. Soirées mondaines ou non, où les cacahouètes sont bien souvent les seuls êtres sympathiques et non vides avec qui entretenir une conversation constructive. Même si je me suis spécialisé dans l'Art (noble, vénérable et inutile, forcément inutile) de parler dans le vide, il va sans dire qu'il m'arrive parfois d'aimer converser avec des êtres emplis de bonnes intentions, de bonhomie, de bon goût, de compréhension compréhensive, d'ouverture d'esprit (qui est, malgré son nom, le contraire du vide, quand l'esprit s'ouvre, il ne se vide pas, il se remplit, ma foi, seul l'esprit déjà ravagé se vide encore plus en s'ouvrant dans un mouvement non de réception mais d'éjaculation précoce et vulgaire de son rien essentiel). J'aime donc à parler à mes chouettes lecteurs et à mes charmantes lectrices. Pas que vous soyez dénués de vide, fort heureusement. Car le fait d'être empli à raz-bord de con-victions com-pactes revient forcément au même que d'être vide. Remarquez combien l'expression "plein de", et le terme "plein" en général confirme ce que je dis. Je plains les gens plein. Le terme plein, d'ailleurs, trouve un synonyme encore plus imagé avec "bourré". Du poivrôt à l'universitaire, du fanatique au supporter (des synonymes en veux-tu, en voilà !)... Que l'on soit plein d'alcool, de croyance, de culture, de convictions, de certitudes... Cela revient au néant de tout. Et ce néant là ne néantise pas. Il ne ronge pas son négatif en un processus positif créatif. Oh que non, msieurs dames ! Ce néant stagne dans la fange inepte de sa laideur aigrie et satisfaite. Ce néant là rie de se voir si beau dans le reflet difforme des autres néants qui résonnent à l'unisson de leur grand vide spirituel.
D'un extrême à l'autre, le vide est contagieux. Les pleins et les bourrés, emplissent les vides, et ainsi en un chorus infini, le rien s'étend par monts et par vaux, conquérant et sûr de lui. Il est déjà trop tard. They want to fill the void, dirait monsieur Elfman. Et ils le font ! Dans un paradoxe sublime, tout et rien s'amourachent, pour le dire vulgairement, le vide est comblé et ce n'est pas bien beau à voir. Car voilà, ce processus de remplissage des esprits par un trop plein de rien, oui, c'est pornographique. Et ce n'est pas interdit aux moins de 16 ans (disons même que c'est o-bli-ga-toi-re jusqu'à 16 ans, après... faut voir... mais c'est déjà trop tard...). Le rien a déjà posé sa marque dans la cire fragile de l'esprit. La raison se contemple elle-même, fière d'avoir ainsi emprunté le néant de l'autre, heureuse d'être aussi vide que toutes ses petites camarades, ne formant plus qu'une seule raison vide et satisfaite avec le reste de ses semblables, dont le néant s'étend sur le doux tapis des mêmes certitudes fausses, forcément fausses.
Et ce vide de l'esprit, est bien sûr un vide du cur. Lequel s'emplit lui aussi de lieux communs et de communes notions. Le vide créateur n'a jamais eu droit de citer, ce vide créateur intérieur qui ne demande qu'à exploser en un univers neuf et passionné, ce vide là est déjà écrasé par le néant environnant, il ne reste rien à préserver des assauts incessants des sots de passage qui marquent à jamais le fragment de vie qui nous fut accordé en un instant d'égarement de la Nature naturante. Et ma prose, d'une vacuité intolérable, ne cesse de reproduire, à grand renfort de styles volés ici ou là, la charge pathétique d'un Don Quichotte contre les moulins de son esprit, les moulins de son cur (Oscar de la meilleure chanson pour l'Affaire Thomas Crown, l'original pas le remake). J'expérimente le vide en moi et autour de moi à chaque instant. Cherchant bien en vain à rassurer ce néant essentiel qui ère apeuré à la poursuite d'illusions vitales. Effleurant pendant un instant l'espoir que quelques atomes de lumières viennent traverser les champs en friche du vide, avant de retrouver la solitude innée qui pousse chacun de nous dans les bras plus ou moins accueillants de la facilité ricanante.
Et c'est ainsi. Le vide sera toujours là, ce bon vieux vide, notre vide à nous que nous avons en nous, pas celui que l'on nous a imposé, pas celui qui se crée sous l'influence du vide satisfait des autres, pas celui qui explose de trop plein, non, le vide essentiel, génétique, mémoire universelle du néant et de l'absence. Ce vide qu'on cherchera toujours à guérir, un peu, un peu beaucoup, beaucoup un peu, partagé entre la sensation qu'il sera toujours là, compagnon d'infortune, et l'espoir que l'on pourra lui offrir quelques présences amicales, que le vide trouvera enfin un soir l'occasion de s'endormir dans les bras rassurants d'une idée, d'un rêve, d'un être, d'un murmure, et que, apaisé pour un instant ou peut-être plus, il assumera sa tâche infinie en collaboration avec un petit quelque chose de bonheur.
Edward D. Wood Jr. (qui vous laisse vous débrouiller tout seul comme des grands avec ce que vous venez de lire)