SORTIES RECENTES
Kill Bill Volume 1 | ||
Les Deux Tours (Howard Shore) | Avalon (Kenji Kawaï) | Mulholland Drive (Angelo Badalamenti) |
Le Seigneur des Anneaux - La Communauté de l'Anneau (Howard Shore) | Final Fantasy : Les Créatures de l'Esprit (Elliot Goldenthal) | Princesse Mononoke ( Joe Hisaishi) |
The Straight Story (Angelo Badalamenti) | L'Eté de Kikujiro (Joe Hisaishi) | Eyes Wide Shut |
The Thin Red Line (Hans Zimmer) | Sombre (Alan Vega) | The Truman Show (Dallwitz, Glass, Kilar) |
Kill Bill Volume 1
S'il y a bien un niveau où les films de Quentin Tarantino sont inattaquables c'est sur celui de la musique. Depuis Reservoir Dogs en passant par la si mythique BO de Pulp Fiction, il n'y a jamais eu la moindre faute de goût chez monsieur Q. Qu'on se souvienne des Bobby Womack et Johnny Cash de Jackie Brown pour s'incliner sans regret ni remord. Mais pour la première moitié de Kill Bill, Tarantino allait-il pouvoir renouveler la magie de ses précédents efforts ? Dès l'ouverture sur le déchirant Bang, Bang de Nancy Sinatra, on croit à nouveau au miracle. Et Dieu que l'on n'est pas déçu ! Essentiellement lorsque le metteur en scène pioche dans les partitions les plus émouvantes de la série B comme sur le lyrique The Grand Duel, le tétanisant Twisted Nerve de monsieur Bernard Herrmann, le classieux Flower of Carnage ou le sublime et bouleversant The Lonely Shepherd. Mais il n'en oublie pas l'efficacité cool qui a fait la réputation de son cinéma, avec la puissance affolante de Battle Without Honor or Humanity (qui semble avoir été conçues pour soutenir un ralenti anthologique). Et l'on s'amuse aussi beaucoup sur la BO de Kill Bill, avec le thème du Frelon Vert, ou ce Whoo Hoo qui sautille, sans parler d'extraits poilants du Super 16 de Neu! (cf la discothèque idéale) et du Ironside de Quincy Jones. La présence de RZA passe un peu inaperçu et malgré l'admiration que je voue au bonhomme je ne m'en plaindrais pas. Et finalement ce qui marque le plus dans cette première moitié de BO, c'est l'émotion qui se dégage que bon nombre de morceaux. Une émotion qui transparaît finalement dans le film en lui-même, avec pour preuve la plus flagrante ce final absolument génial sur The Lonely Shepherd qui parviendrait à lui seul à transformer le film et la BO en chefs-d'œuvre.
- Les Deux Tours de Howard Shore
Comme Les Deux Tours, le film, est supérieur à la Communauté de l'Anneau, la musique ne cesse aussi de s'améliorer. De nombreux thèmes déjà connus sont amplifiés, plus maîtrisés. Et même si le thème principal "épique" qui accompagne souvent les moments de bravoure d'Aragorn est particulièrement lourd à la longue, les thèmes de Gollum, Sam et surtout celui de l'Anneau, ne cesse de gagner de la profondeur et toucher notre affection. On retiendra ainsi en particulier l'ouverture du film avec Gandalf et le Balrog (Foundations Of Stone), The Passage of the Marshes, Evenstar, The Leave Taking (avec une belle apparition du fameux thème de l'Anneau (le plus réussi de la série, sans doute)), la marche toute Danny Elfmanienne des Elms de Isengard Unleashed et le Samwise The Brave. Enfin, ce qui fait flirter cette BO avec le chef-d'oeuvre c'est la sublime chanson de générique de fin qui fait totalement oublier la Enya de la Communauté de l'Anneau. En effet, Emiliana Torrini (la fausse Bjork la plus connue du monde), sert à merveilles le sublime Gollum's Song. Les premières secondes du morceau, avec ses cordes menaçantes et ses choeurs lointains sont d'une beauté à couper le souffle (et parviennent d'ailleurs à transcender la fin du film). La tristesse du personnage Gollum est ici idéalement retranscrite et l'ensemble de la chanson tient du coup de génie. Il sera bien difficile de faire mieux pour le Retour du Roi, croyez-moi ! Disque à acquérir donc, essentiellement mais certainement pour ce Gollum's Song. Enfin, si vous devez choisir votre pochette, prenez la Gollum/Legolas, c'est quand même la plus classe.
Avalon de Kenji Kawaï
Pour illustrer l'errance métaphysique d'Oshii, il fallait bien son compositeur fétiche, le génial Kenji Kawaï. Celui-ci nous offre une partition nettement plus "européenne" que ses uvres pour les Patlabor et son chef-d'uvre pour Ghost In The Shell. Néanmoins la patte inimitable de Kawaï et son goût pour le minimalisme angoissant et/ou rêveur se retrouve sur des pièces aussi délicates que Murphy's Ghost, The Ghost Hunting ou Ruins D99 (qui serait le morceau le plus proche de Ghost In The Shell et de son mythique Floating Museum). Et il y a le thème de Ash, incroyablement émouvant, entendu dans une scène belle comme du Tarkovski (décidément, on n'en sort pas). Mais ce n'est pas le Kawaï habituel qui marque le plus dans la BO de Avalon. Non, pas du tout. Ce qui impressionne dès la piste deux, c'est le Kawaï ambitieux, baroque, grandiose, parfois grandiloquent, qui s'ouvre aux churs d'opéras européens et à la musique lyrique. Le thème principal (Log Off, puis repris dans le fabuleux Log In) en est le plus bel exemple. Une rythmique prenante offre un crescendo parfait à un superbe entrelacement de churs et d'orchestre symphonique. Plus loin ce sera l'hallucinant Nine Sisters, inconcevable montée de suspens musical, qui crée un effroi étrange dans une scène a priori assez peu tendue : une recherche d'informations sur le web. En cela cette scène et sa musique sont historiques, inventant pour la première fois le véritable thriller en rapport avec le net. Mais ce n'est qu'une révolution (mineure de surcroît) parmi l'infinité que contient Avalon. Et bien sûr il y a Voyage to AVALON, d'abord en version courte, puis dans sa version intégrale de 10 minutes. C'est un petit opéra en condensé, avec ses instants d'élégie vibrante, ses emportements wagnériens, la voix d'Elzbieta Towarnicka ; tout cela n'est pas qu'une folle démonstration de force de la part de Kawaï, cette fresque musicale est indissociable de la scène finale du film, de ses messages, de ses questions, de sa tension, de sa poésie. Alors ? Alors la musique d'Avalon est à la hauteur du film. Ce qui veut simplement dire qu'elle est l'une des meilleures, des plus originales et des plus touchantes BO jamais produites. A n'importe quelle époque de l'histoire du cinéma. Dois-je ajouter quelque chose ?? Ah si ! Le film est un Chef-d'Oeuvre. Mais je radote.
Mulholland Drive de Angelo Badalamenti
Fort de toutes ses expériences auprès de son alter ego David Lynch, Angelo Badalamenti a conçu la BO de Mulholland Drive à l'image du film : un grand best of. Un grand best of de tout ce qui fait de l'association Lynch/Badalamenti l'une des plus novatrices, émouvantes et fascinantes de l'histoire du cinéma. On retrouvera donc dans le désordre, des morceaux 50's/Jazz décalés (Jitterbug, le délicieux I've Told Every Little Star), d'interminables rouleaux compresseurs composés par Lynch lui-même (Go Get Some, Moutains Falling, malheureusement pas à la hauteur de ses contributions pour Fire Walk With Me), des thèmes de films d'épouvante fleurs bleues (Mulholland Drive, Love Theme, Diane and Camilla)... Ce sont d'ailleurs ces thèmes principaux, croisements idéaux entre le final de Fire Walk With Me (The Voice of Love) et l'émotion omniprésente d'Une Histoire Vraie, qui marquent le plus aux premières écoutes. Aux suivantes, aussi, d'ailleurs. Même si, comme le film, tout cela n'est que variations sur un thème bien connu, on est loin du quasi fiasco de Lost Highway. Si le film était tout à fait correct, la bande originale était un fourre-tout douteux (Marilyn Manson, Rammstein, Lou Reed, les Smashing Pumpkins, Trent Reznor, Barry Adamson, Badalamenti, Bowie, euh... et un raton-laveur ?), qui de surcroît a très mal vieilli (un peu comme le film, qui se plantait là où Mulholland Drive réussit). Certes, on commence à croire que Fire Walk With Me (le film comme la BO) demeureront indépassables. Mais en même temps, on est parfois pas bien loin de la grâce du calvaire de Laura Palmer. Notamment sur le thème principal, hallucinant de beauté et d'émotion, que je me suis passé en boucles de longues heures. Ainsi que sur Betty's Theme, The Beast, Silencio, Llorando ou le Love Theme. On ne peut que rester admiratif sur la capacité d'Angelo Badalamenti à nous surprendre avec des choses que l'on connaît par cur depuis Blue Velvet et Twin Peaks. La même capacité que Lynch, finalement. Achat obligatoire, vital, inévitable, nécessaire.
Le Seigneur des Anneaux - La Communauté de l'Anneau de Howard Shore
De Howard Shore on connaissait avant tout la collaboration mythique et fructueuse avec David Cronenberg, ses expérimentations pour Crash ou Existenz, ses élans classiques émouvants pour Faux-Semblants ou pour M. Butterfly. On connaissait aussi son talent minimaliste pour le suspens étouffant, que le thriller soit classique et de très haute tenue (Le Silence des Agneaux et Seven) ou qu'il soit purement psychologique (la très belle BO d'Esther Khan). A part pour une similitude triviale de noms en français (Silence des Agneaux / Seigneur des Anneaux), on voit mal ce qui de prime abord a séduit Peter Jackson pour placer Shore aux commandes d'un film épique, lyrique et radicalement emphatique. En fait, on comprend rapidement que c'est "l'erreur de casting" qui a motivé Jackson. Shore arrive sur The Lord Of The Rings avec une certaine innocence du genre et une approche naïve, tout en étant ce grand expérimentateur fou et pro de la musique terrifiante. Le résultat à la fois extrêmement classique et parfois très décalé, ne lasse pas de fasciner. Et c'est dans l'ouverture, absolument sublime soit dit en passant, du film que Shore convainc instantanément. Le thème de l'anneau est une réussite qui s'inscrit immédiatement dans la mythologie des musiques de films, et il fallait bien cela. Il offre tout ce que l'on pouvait demander : du mystère, une lointaine menace, une magie noire enveloppante, une puissance évocatrice sans esbroufe, et il faut chercher ses origines quelque part entre le thème inégalable de Basic Instinct par Jerry Goldsmith et les moments les plus flippants de la Malédiction du même Goldsmith. Par contre, et c'est là que le bas blesse un peu, pour l'instant, ce thème est totalement absent de l'édition CD de la BO. Et oui. Aberrant. En même temps on se doute que l'on va se rattraper sur les prochains films, et ce disque serait en ce sens à l'image de la Communauté de l'Anneau : frustrant mais gorgé de promesses. Car le thème apparaît bien, en toute fin de The Great River, quelques secondes, juste quelques secondes, mais qui justifient à elles seules de passer en boucles cette piste. Très fort. Le reste de la BO navigue entre le symphonique brutal et grandiloquent, collant en ce sens parfaitement au film "too much" de Jackson et des excursions élégiaques en territoire elfique à l'occasion de superbes contributions par Liz Fraser (des Cocteau Twins) et par Enya. Enya, qui nous offre en final le très joli May It Be, qui d'ailleurs, au fil des écoutes, ce révèle bien plus que très joli et approche par instant du sublime. Pour une fois que la chanson "tube" en final de Blockbuster, tient bien la route et ne trahit pas trop le film, cela fait plaisir, on n'avait pas vu cela depuis Batman Returns (Siouxsie and the Banshees) et Fight Club (les Pixies). Par moments on ressent le danger des ténèbres, à d'autres on se retrouve dans le confort de la Comté et de l'amitié (avec là des échos de... hum... James Horner), et pour les batailles ça défouraille des churs et des violons au milieu de percussions dantesques. On imagine fort bien que Shore n'était pas dans son élément naturel, mais malgré le manque de surprises, il s'en sort bien le bougre ! Un beau recueil, en attendant les suites, forcément supérieures.
Final Fantasy : Les Créatures de l'Esprit de Elliot Goldenthal
Ce n'est pas une mince tâche que d'arriver à succéder à Nobuo Uematsu. Le très talentueux Elliot Goldenthal à qui l'on doit entre autres le superbe thème de Simetierre et l'élégie finale de Alien 3, n'y parvient quasiment jamais. Uematsu, le fait est reconnu, est celui qui a donné toute sa noblesse à la composition pour les jeux vidéos. Et ce n'est pas un sacrilège que de vous conseiller l'achat des BO de Final Fantasy. En particulier le 7 pour le thème principal, la terreur lointaine puis grandiose qu'inspire Sephiroth et la si triste mélodie d'Aerith, ainsi que le 8 pour les effrayantes apparitions d'Ultimecia et surtout pour le sublime Eyes On Me. Mais nous ne parlons pas de cela. Nous évoquons la musique du film Final Fantasy qui rend bien compte du problème essentiel de l'oeuvre : ce n'est pas un Final Fantasy. Ou presque. Car Goldenthal n'essaie jamais de faire une musique "à la" Uematsu. Il fait son truc à lui, qui navigue entre le symphonique de film d'action bourrin (Toccata and Dreamscapes) et pauses intimistes fort belles (The Kiss, A Child Recalled). Le disque vaut l'investissement pour au moins une piste, le superbe Adagio and Transfiguration qui accompagne le final tétanisant des Créatures de l'Esprit. On a droit au thème principal qui explose les enceintes puis aux murmures délicats des esprits enfin libres. Vraiment magique. Même la chanson de Lara Fabian s'avère tout à fait écoutable. Si, si, je vous assure. Pas de hurlements intempestifs, une jolie montée émotionnelle. Bien. Très bien.
PRINCESSE MONONOKE de Joe Hisaishi
Le dernier Miyazaki est une (relative) déception, mais pas la musique d'Hisaishi. Certes il y a de l'emphase plombée et de la redite (comme dans le film en lui-même), mais il y a aussi beaucoup de sublime. Sublime, oui, écoutez donc The World Of The Dead (piste 28), écoutez moi ces churs désincarnés et cette montée orchestrale tétanisante, fichtre, on dirait du Elfman au meilleur de sa forme (mais c'est trop court !). Le plus étonnant c'est que la musique impressionne nettement plus une fois séparée des images. Les deux thèmes principaux sont magiques. L'ouverture fastueuse de The Legend Of Ashitaka, les 50 secondes de The Encounter... Et surtout The Young Man From The East, qui arrive juste au plus beau moment du film, là, oui, on retrouve le bonheur de Totoro et de Porco Rosso (et comme d'habitude, c'est trop court...). Un peu plus loin c'est le Princess Mononoke Theme Song, d'abord en instrumental, oh diantre, il risque d'entrer dans la légende celui-là. Etrange, quand même, en écoutant la musique, comme ça, en dehors du film, j'ai envie de le revoir le plus vite possible et de le réévaluer encore plus vite (ça ne fera jamais que la 3e fois, quand je vous disais qu'on ne peut pas juger un film sans l'avoir vu au moins 5 fois...). Alors, bon, est-ce que le film n'est pas à la hauteur de sa musique ? C'est bien possible... Car, si quand on voit Mononoke Hime on a l'impression que le film manque de faste et de grandeur épique, quand on écoute The Demon God III ou Ashitaka and San on se demande comment on a pu être aussi peu touché dans la salle. Non, franchement, cette peut-être cette BO qui va tout sauver, dans un mois je me débrouille pour trouver une copie VO de Mononoke pas loin de chez moi et je fais un mea culpa total. Il est impossible qu'une uvre ayant pour générique de fin le Princess Mononoke Theme Song et The Legend Of Ashitaka Theme ne soit pas un chef-d'oeuvre. En tout cas cette BO, que vous aimiez le film un peu, beaucoup, à la folie ou même pas du tout (et toc !), est rigoureusement indispensable pour ne pas dire vitale.
THE STRAIGHT STORY d'Angelo Badalamenti
La dernière merveille de David Lynch respire le calme, la paix, la contemplation et toutes ces sortes de choses. La musique de Badalamenti est à l'image du film. C'est l'une des principales qualités de ce génial compositeur d'entrer magiquement en symbiose avec l'univers des films qu'il met en musique. Outre ces partitions pour Lynch, on pourra aussi se référer à l'incroyable monde mélodique, triste et angoissant, qu'il avait créé pour La Cité des Enfants Perdus de Caro et Jeunet (musique indissociable de ce chef-d'oeuvre). Pour The Straight Story, Badalamenti capte à la perfection l'ambiance campagnarde ainsi que la nostalgie palpable de l'histoire. Ce qui donne le thème délicieusement cliché et tendre d'Alvin ainsi que tous les Country Theme et autre Farmland Tour. Et pour ce qui est de l'émotion, elle est omniprésente dans Laurens,Iowa et surtout Rose's Theme. Badalamenti retrouve les accents du thème de Laura Palmer et autres The Voice Of Love, c'est tout simplement sublime (même si ne débordant pas d'originalité, mais The Straight Story est une uvre originale par son académisme même). Donc voici une BO aussi belle que le film, aussi triste, aussi gaie, aussi émouvante. Seul reproche (peut-être de taille), on peut avoir du mal à tout écouter d'une traite, d'une part parce que l'on tourne souvent autour des trois mêmes thèmes (magnifiques, mais quand même) et d'autre part parce que cette musique risque de vous flanquer le cafard (c'est triste et sublime du début à la fin, je vous aurais prévenu).
L'ETE DE KIKUJIRO de Joe Hisaishi
Joe Hisaishi est ce que l'on peut appeler un Dieu de la musique de films. On lui doit entre autres merveilles les partitions hallucinantes des chefs-d'oeuvre de Miyazaki (Nausicaa, Totoro, Porco Rosso, Mononoke Hime...). Sa collaboration avec Kitano n'a pourtant pas toujours été extrêmement fructueuse. Le décalage entre la violence tragique des premières uvres de Kitano et la musique souvent très légère d'Hisaishi, n'était pas toujours agréable. C'est particulièrement frappant dans le cas de Hana-Bi où l'impact du film est souvent amoindri par la partition d'Hisaishi. Dommage. Très dommage. Mais comme pour faire oublier en une seule fois toutes les réserves précédentes, voici l'Eté de Kikujiro. Le film en lui-même est tout simplement magnifique et magique, la plus abordable et la plus délicate des uvres de Kitano. Et pour soutenir un film entre magnificence visuelle et humour nostalgique, Hisaishi a délivré l'une de ses plus belles partitions (pas la plus belle, non, non, ce n'est pas Totoro). Sublime, purement sublime, le thème principal qui ne cesse de revenir tout au long du film (et on en redemande !), est une féerique mélodie au piano soutenue par des cordes d'une rare finesse. C'est à la fois aérien et joliment triste, à l'image du film. L'autre thème principal, toujours au piano, est une sautillante mélodie de pur bonheur. Les douze morceaux qui composent le disque sont tous du même niveau, c'est à dire très très haut par-delà l'arc-en-ciel. Pour preuve, outre les thèmes principaux extrêmement développés au fil de l'album, les variations bouleversantes qui peuplent The Rain ou Mother (où une contrebasse inhumaine fait exploser les curs en quelques notes). Fichtre ! Danny Elfman devra faire très très fort avec Sleepy Hollow pour battre cette bande originale au titre de la plus indispensable de l'année (je vois d'ici le tiercé gagnant 99, Hisaishi/Elfman/Zimmer...). Enfin, tout cela pour dire que si vous n'avez qu'un disque à acheter au mois d'octobre, c'est celui-là, sans la moindre hésitation possible, vous ne pourrez JAMAIS le regretter !
Étant donné que je n'ai pas encore vu le film (grâce au merveilleux décalage entre nos contrées et les USA), je vais pour l'instant avoir bien du mal à parler de cette bande originale. Comme pour tous les Kubrick, les images doivent être énormément influencées par la musique et inversement. Si l'on prend cette BO à part du film, et bien ce n'est pas très brillant. Une ouverture avec du Ligeti, qui est une vieille connaissance depuis 2001. C'est très "rigide et cérémonial", pour sûr, mais c'est surtout très laborieux et la désagréable impression d'entendre un élève en train de faire ses gammes ne cesse de planer. Ensuite, aie aie aie, ce n'est pas de la faute de Kubrick en plus. C'est la plus qu'éculée Waltz 2 de Shostakovich qui a fait un "carton" dans nos contrées à cause d'une fameuse pub pour assurances. Ouille. Puis c'est le tube de Chris Isaak, plutôt pas mal, c'est clair. Une valse jazzy effroyable enchaîne alors par surprise, on se croirait dans un de ces affreux restaurants pseudo chicos (c'est très évocateur en tout cas comme musique, sans doute faut-il le prendre au second degré). Le morceau suivant, I Got It Bad est bien plus agréable, mais bon... Puis ce sont les quatre morceaux spécialement composés par la violoniste Jocelyn Pook pour le film. C'est très réussi, il faut l'avouer, on jurerait une musique de film d'épouvante. Oui, tiens, sur Naval Officer c'est la musique de Horner pour AlienS. Sur The Dream c'est un peu-beaucoup la même chose. Mais heureusement sur Masked Ball on touche à ce que l'on attendait, une effroyable bande originale de série B gothique. Bon sang, mais c'est bien sûr, c'est La Chambre des Tortures ! Non, non, en fait c'est presque une musique lynchienne, ça. Migrations est superbe, mais il va falloir de sacrées images pour supporter une telle musique. Et puis c'est la rechute avec un terrible morceau jazz de 7 minutes garantie valium. On continue dans l'horreur totale avec la version symphonique top kitsch de Strangers In The Night, mais ne serait-ce pas déjà la BO de la parodie ZAZ de Eyes Wide Shut ? Blame It On My Mouth... non rien... Et puis un petit coup de Liszt période "je pète les plombs", c'est peut-être génial mais qu'est-ce que c'est ennuyeux. Et on termine avec la reprise du finalement assez drôle morceau de Ligeti. Au final on dirait la musique d'un drame bourgeois hyper caricatural, chiant et maniéré. Je pense que seul un réalisateur comme Stanley Kubrick pouvait sortir un grand film avec une bande originale aussi inégale et parfois indigeste. Le suspens durera jusqu'en septembre. Je suis confiant. Je n'écouterais peut-être pas souvent la BO, mais j'adorerais le film.
Nouvel avis après avoir vu une fois le film : Eyes Wide Shut est une merveille promise à l'éternité. La BO passe bien mieux dans le film, en particulier la Waltz 2 (génériques de fin et d'ouverture), le Ligeti (même si parfois un peu redondant avec les images) et surtout la musique originale de Jocelyn Pook. Avant même de voir le film je disais que Masked Ball sonnait comme une musique de série B gothique et bien c'est exactement cela ! Ce morceau effrayant transporte l'ouverture de la scène d'orgie vers les sommets du cinéma gothique (la meilleure séquence du film d'ailleurs, au moins celle qui a le plus d'impact visuel sur l'instant). En clair, juste pour la musique de Pook, il faut posséder cette BO.
THE THIN RED LINE de Hans Zimmer :
A l'image du film magnifique de Malick, la BO de Zimmer est un pur Chef-d'Oeuvre. On savait depuis fort longtemps que Zimmer était l'un des 4 ou 5 plus grands compositeurs actuels pour le grand écran. Après des merveilles du niveau de Toys ou de The Lion King, Zimmer a joué la carte d'une musique plus classique mais largement aussi impressionnante pour ce film de guerre unique. Ce qui donne de grandes pièces célestes et/ou angoissantes, de amples montées orchestrales d'une puissance incroyable, de fausses accalmies cristallines d'une tristesse infinie, des percussions lointaines, des cordes évocatrices et des mélodies décalées. Une bande originale qui touche à la perfection. Il faut avoir entendu un morceau comme Journey To The Line pour comprendre que l'impact et la beauté du film ne seraient pas aussi grands sans la musique de Zimmer. Et quand résonnent la montée traumatisante de The Village ou les churs bouleversants de God U Tekem Laef Blong Mi, on est submergé par l'émotion de la meilleure BO (et de loin) de ce début d'année.
SOMBRE de Alan Vega :
Alan Vega est avant tout la moitié de l'un des groupes les plus fondamentaux du siècle : Suicide. Le premier album de la formation reste un Chef-d'Oeuvre Absolu, monstrueux, effrayant, révolutionnaire et donc indémodable. Logique, donc, de retrouver le nom de Vega au générique du film monstrueux, effrayant et finalement assez révolutionnaire de Philippe Grandrieux. Et la BO est à l'image de Sombre : étouffante, conceptuelle, parfois terrifiante, abstraite et géniale. Les morceaux et chansons de Vega sont entrecoupés d'extraits du film (hurlements en tout genre, effroyable), et l'ambiance est franchement pesante. Dans l'ensemble c'est magnifique. Le thème principal est phénoménal. Les chansons comme Crucifix Star ou Fat City sont des réussites indéniables. Les deux coups de génie en fin de disque sont la version live de Bela Lugosi's Dead de Bauhaus qui s'avère toujours aussi impeccable pour rendre les ténèbres palpables et la reprise des Amours Perdues de Gainsbourg par Elysian Fields, monument de décalage triste dans cet océan de musiques glacées. Une Bande Originale austère, tranchante mais magique, superbe.
THE TRUMAN SHOW de Burkhard Dallwitz, Philip Glass et Wojciech Kilar.
Superbe affiche de compositeurs bien connus pour leur originalité. The Truman Show est un excellent film, très efficace, intelligent et touchant. La BO est à l'image du film. Déjà il faut noter qu'il y a peu de morceaux originaux, bon nombre d'entre eux provenant des uvres "classiques" de Philip Glass. Enfin dans le détail et en particulier cela donne : It's A Life, magnifique générique d'ouverture par Dallwitz, une sorte de courte pièce pour synthétiseur digne des meilleurs Vangelis. Dreaming Of Fiji, où l'on retrouve l'incroyable sens mélodique pour clavier de Philip Glass, c'est cristallin et cela respire l'ouverture rêvée vers le monde. Anthem - Part 2, superbe travail rythmique qui fonctionne du tonnerre dans le film, extrait de Powaqqatsi de Philip Glass. Un long extrait de Chopin. Truman Sleeps, le plus beau moment du film et de la BO, c'est encore Philip Glass et c'est tout simplement magique (instant divin quand Ed Harris caresse l'image de Truman). Toujours les claviers de Glass sur Raising the Sail et Opening, superbes instants de fusion entre les images et la musique. Le Father Kolbe's Preaching de Wojciech Kilar est tout aussi efficace. A noter ce A New Life, non présent dans le film, qui prouve que le film possédait au départ un épilogue hors du vase-clos. Et en final l'irrésistible Twentieth Century Boy de T-Rex, à reprendre en chur. Impeccable.