D'après moi le cinéaste russe incarne la quintessence du 7e art et de la dévotion quasi mystique au cinéma.
L'équivalent en tant que réalisateur d'un écrivain tel que Dostoïevski ou qu'un compositeur tel que J.S. Bach (deux références évidentes et revendiquées de l'oeuvre de Tarkovski)



L'Enfance d'Ivan - 1962

Son premier long-métrage. Renié quasi immédiatement, car le metteur en scène considère que son oeuvre est trop dénaturée par les pressions et la censure du Parti Communiste. Certes, on est loin de la liberté, du mystère, de la Foi, qui vont transcender les films suivants, mais l'Enfance d'Ivan possède déjà des fulgurances, notamment esthétiques, qui font plus qu'annoncer la filmographie du monsieur.




Andréi Roublev - 1966

Second film, premier chef-d'oeuvre absolu. Quasi unanimement considéré comme l'un des plus grands films de l'histoire du cinéma, Andréi Roublev est une oeuvre inestimable sur la création artistique, sur l'expérience religieuse, sur la croyance, le doute, l'imagination, la dignité humaine... Une merveille humaniste au sens le plus juste du terme.




Solaris - 1972

Une oeuvre de commande sur laquelle Tarkovski n'a pas pu bénéficier de toute la liberté qu'il aurait souhaité. Solaris demeure malgré tout une alternative étonnante au 2001 de Kubrick, et l'un des plus beaux films de SF de l'histoire du cinéma. Étrange, déstabilisant, pessimiste, d'une beauté froide et fissurée, le film est un dédale qui part de réflexions technologiques pour pencher vers la métaphysique avant de se répandre dans les données les plus élémentaires de la psychologie humaine. Et de revenir vers la Nature et l'Amour, vers la Mort, la Culpabilité et la Tristesse, dans un final inoubliable.
C'est aussi, avec Andréi Roublev, l'oeuvre de Tarkovski la plus abordable pour les débutants.
A noter qu'un pitoyable remake a été commis bien des années plus tard.




Le Miroir - 1974

D'après moi, son chef-d'oeuvre (avec Stalker). Peut-être son film le plus difficile d'accès, mais aussi le plus gratifiant, le plus profond, le plus riche (et paradoxalement quasiment le plus court). Une oeuvre exigeante, d'une beauté inhumaine, d'une imperfection fascinante.
J'en dis un peu plus ici :
http://www.ed-wood.net/ed.dvd9.htm#miroir




Nostalghia

A la base un projet pour la télévision russe, ce film d'expatrié en devenir, ne doit surtout pas être considéré comme une oeuvre mineure du cinéaste. Le thème du sacrifice y est peut-être traité avec encore plus de justesse que dans le film du même nom. Comme dans toutes les oeuvres de Tarkovski, le doute, la quête, ont une place centrale. Tarkovski, tout plein de principes et de croyances qu'il pouvait être, n'affirme jamais rien, ne noie jamais le spectateur dans des "vérités" abrutissantes. C'est à nous de réfléchir, c'est à nous de comprendre, de croire ou non. Le final de ce film est peut-être le plus touchant de sa filmographie.




Stalker - 1979

Un terrible chef-d'oeuvre, écrasant au possible, qui peut, heureusement, se lire et s'apprécier à de très nombreux niveaux. C'est tout d'abord un film de SF, angoissé, surréaliste, envoûtant et déroutant. Et bien sûr un recueil philosophique inépuisable, qui se ressent avant d'inviter à chercher ses sens. Raison et sentiments, Stalker incarne idéalement cela. Tant l'oeuvre est à la fois très "physique" et totalement désincarnée. La définition du sublime au cinéma.




Le Sacrifice - 1986

Un testament austère et généreux, tout en même temps. Et toujours un grand film qui doute, qui erre, qui cherche. Pour un résultat aussi douloureux que bouleversant, culminant sur une note d'espoir très fragile, et une ultime question ("Pourquoi, papa ?") qui laisse l'oeuvre de Tarkovski inachevée et prête à hanter le spectateur pour le restant de ses jours...