Le Jour où la Terre
s'arrêta
de Robert Wise
"Klaatu barada
nikto !"
La tâche de la créature ne lui était pas agréable. Même si elle
venait en paix, elle savait fort bien que l'incompréhension
l'accompagnerait. Face à l'inconnu, elle avait appris à l'aborder avec
bienveillance. L'agression était bannie, obsolète, susceptible de
déclencher des foudres impossibles à stopper. La créature qui venait en
paix, qui avait libéré son esprit de la violence, apprenait peu à peu
la peur, la crainte de cette folie qui allait faire vaciller ses plus
intimes croyances, la peur de voir sa mission s'achever de la manière la
plus tragique.
La tragédie est omniprésente au fil de l'un des plus beaux films
de Science-Fiction que nous ait offert le cinéma. Nous compatissons au
calvaire christique de Klaatu, tout en réalisant combien les réactions
de peur et d'hostilité des humains sont tout à fait crédibles. Dans son
invraisemblance inhérente, The Day The Earth Stood Still est pourtant
d'un réalisme saisissant. D'autant plus effrayant. Et prenant à
contre-pied tous les clichés concernant l'arrivée des extra-terrestres
sur notre planète (ce dont Spielberg se souviendra fort bien pour ses Rencontres du 3e Type et autres E.T.).
La sagesse, la bonté, la droiture, le charisme superbe de Klaatu ne
peuvent que le mener à sa perte. Et l'extra-terrestre si exemplaire n'est
pas pour autant amateur de guimauve dégoulinante, et ainsi de répondre
à la violence mesquine des humains par la menace d'une annihilation
totale de leur monde primitif et incohérent. Le sauveur n'est plus ici
pour prêcher le pardon, pour tendre l'autre joue. Ce nouveau Messie aura
tiré l'enseignement du passage du précédent. Et avant de s'élever à
nouveau vers le ciel, il nous laisse le choix, il nous laisse faire face
à notre prétention et à notre médiocrité. Il nous laisse la
possibilité de nous racheter. Avant qu'il ne soit trop tard.
Sublime conclusion d'une œuvre d'une grande intelligence, d'une grande
justesse, d'une grande dignité, portée par l'interprétation magistrale
d'un Michael Rennie transcendé par son personnage.
Faster Pussycat Kill ! Kill !
de Russ Meyer
Bigger is not enough,
nous dirait ce grand malade génial de Russ Meyer.
On a souvent tendance à réduire l’œuvre de Meyer à une flopée de
nanars d'où ne surgissent que des poitrines surdimensionnées (et le
mot est faible). Certes, l'aspect mammaire est essentiel, il crève les
yeux, il occulte facilement l'esprit critique. Néanmoins, il n'est que
la partie émergée de l'iceberg que sont les films de Russ Meyer. Car
les décolletés plongeants qui font passer le Grand Canyon pour une
piscine privée, sont emballés dans de francs délires de mise en
scène qui allient humour, cynisme, provocation, hymnes libertaires,
violence, cartoons et surréalisme bon enfant. Vastes dessins animés
(oui, il y a un jeu de mots), les oeuvres de Russ Meyer n'existent que
pour le plaisir et rien que pour le plaisir. On s'y amuse et on s'y
réjouit.
Avant la grande série des Vixens (dont je conseille avant tout et
surtout le superlativement grandiose MegaVixens), Faster Pussycat Kill !
Kill ! s'impose comme le sommet de la carrière du réalisateur. Trois
femmes sauvages qui ne vivent que pour tout détruire, piller, violer
sur leur passage, essaient de rouler dans la farine une famille de
dégénérés que n'aurait pas renié Tobe Hooper. La morale sera sauve,
malheureusement, tant on s'attache à ces trois déesses adorables et
terrifiantes, qui incarnent mieux que n'importe quel slogan tout le
féminisme, des années 70 jusqu'à nos jours. Ces femmes se battent,
s'aiment, se déchirent, se haïssent, vivent libres. Elles sont bigger
than life, à tous les niveaux, et c'est ainsi quelles deviennent des
icônes.
La
chevauchée fantastique s'achève dans le sang, comme si Russ Meyer
n'avait finalement pas pu aller jusqu'au bout de ses désirs d'anarchie
in the USA. Mais pour le spectateur, le message est clair, les seules et
uniques héroïnes de l'histoire, ce sont les trois tigresses, qui n'ont
jamais cessé de hanter les fantasmes des cinéphiles depuis lors.
Unique en son genre, Faster Pussycat Kill ! Kill ! fait toujours figure
de bombe(s) atomique(s) sur pellicule.
Center Stage
de Stanley
Kwan
Bien avant In The Mood For Love,
Maggie Cheung avait démontré ses immenses talents au sein de ce biopic
dédié à l'actrice Ruan Ling-yu, star du cinéma chinois muet, qui a
aussi plus ou moins inspiré la Millennium Actress de Satoshi Kon.
Vampirisant totalement la personnalité de Ling-yu, Maggie Cheung
devient la classe incarnée. Ce que l'on avait admiré fort rarement
depuis la fin de l'âge d'or d'Hollywood. Telle une Marlene Dietrich,
une Gene Tierney ou une Audrey Hepburn, Maggie Cheung a la Grâce. Il
lui suffit d'être à l'écran, sans rien faire, sans rien dire, et
l'univers entier gravite autour de sa personne, de son visage, de ses
soupirs. Sa mélancolie, retenue jusqu'à la folie, imprègne chaque
minute de Center Stage, et l'on ne sait plus faire la différence entre
l'actrice magnifique qui incarne l'actrice tragique ou l'actrice
magnifique qui s'incarne dans l'actrice tragique.
Récompensée à Berlin en 1992 pour cette interprétation hors normes,
Maggie Cheung n'a cessé de briller depuis. Mais finalement, aussi
incroyables que soient ses performances chez Wong Kar Waï ou chez Olivier
Assayas, tout est déjà là, dans le film bouleversant de Stanley Kwan.
Maggie in the sky with diamonds...
Le Masque du Démon
de Mario Bava
Dans un
noir et blanc d'une beauté qui touche à l'extraordinaire, Barbara
Steele s'avance. Cette actrice était née pour incarner une égérie de
film Fantastique. Son visage félin, qui met en valeur son regard
menaçant, ne peut être que le miroir d'un démon ancien, le reflet
d'une sorcière ressuscitée, la malveillance et la traîtrise qui
attendent leur heure pour nous sauter à la gorge. Barbara Steel est un
piège, une femme vraiment fatale et nous sommes sa proie. Et nous
savons dès les premiers instants du Masque du Démon qu'il ne faut pas
nous fier à elle, que nous devons la haïr comme tout le peuple la
hait, qu'elle mérite sans doute cette torture horrible qu'est la pose
du masque.
Et
pourtant nous sommes amoureux, car Barbara Steele, comme un Christopher
Lee ou un Vincent Price, personnifie, comme nulle autre, le pouvoir de
séduction du Mal. Magnifiée par la mise en scène sublime de Mario
Bava, elle transcende chaque image où elle se glisse, fragile et
terrifiante, même lorsqu'elle est censée être l'innocence retrouvée.
La malédiction est sur elle et on sait qu'elle l'aime. La malédiction
est sur nous et nous l'aimons.
Les 12 Travaux
d'Astérix
de Goscinny et Uderzo
"Excusez mon indiscrétion,
mais la bête... elle était comment ?" "Oh elle était bonne
! Garçon, un digestif !"
"La nuit ça doit être
pratique pour lire au lit."
"Ils ont tué le cirque ! Ils
ont tué le cirque !"
"Que désires-tu, beau guerrier
?" "Manger !" "Manger ???"
"Et si vous voulez revenir,
r'venez d'main !"
"Celle-ci ! Elle est plus
douce, plus souple..."
"Il est midi douze."
"Yves ?" "Non !
Quatre !"
Si
toutes ces répliques, choisies parmi une bonne centaine d'autres, ne
vous disent rien, ne vous font pas rire bêtement devant votre écran,
c'est que vous devez vous précipiter sur le DVD des 12 Travaux
d'Astérix. Qui est, bien sûr, évidemment, comment le nier ?, l'une
des plus grandes comédies de l'histoire du cinéma. Car, oui, il y a
The Party, oui il y a Mon Oncle, oui il y a La Vie de Brian, oui il y a
La Grande Vadrouille, oui il y a This Is Spinal Tap, mais il y a aussi
Les 12 Travaux d'Astérix, qui triomphe là où tant d'autres
adaptations du Gaulois ont échoué.
Le
scénario a directement été conçu pour le cinéma, toute la clef de
la réussite du film est sans doute là. Directement conçu pour le
visuel, pour le mouvement, pour le rythme du 7e art, le film atteint un
degré comique au moins égal aux meilleur albums de la bande dessinée.
Goscinny est au sommet de son art et tout cela n'a pas vieilli
d'un pouce en plus de 25 ans de bons et loyaux services dédiés à la
cause de l'humour vraiment drôle. S'il fallait le comparer, on ne
pourrait citer que les Marx Brothers ou les Monty Python. Oui, c'est à
ce point là. On ne peut pas ne pas aimer Les 12 Travaux d'Astérix. Car
"ces types là ils sont pas humains, non, ils sont pas
humains..."
Lamu - Beautiful
Dreamer
de Mamoru Oshii
Premier
long-métrage mis en scène en 1984 par Oshii, Beautiful Dreamer semblait un projet piège. Adaptation de la franchise Lamu pour le grand
écran, franchise déjà bien connue par le biais d'une série de mangas
et d'animes, hésitants entre érotisme poli, humour potache,
fantastique débridé et niaiserie de sitcom. Mais c'était sans compter
avec le génie d'un Oshii débutant, qui transcende totalement le
matériau d'origine pour imposer dès les premières minutes son
rythme, ses références, ses thèmes déjà très clairement présents
et qui se retrouveront jusqu'à Ghost
In The Shell - Innocence.
On reste
alors bouche-bée en découvrant des plans, voire des séquences, qui
seront repris bien plus tard dans les Patlabor, dans GITS et dans
Avalon. Tout, ou presque, était déjà dans le premier long-métrage
d'Oshii. Et ses obsessions métaphysiques, ses questionnements sur le
réel, annoncent et enfoncent déjà les Matrix, mais aussi Dark City ou
bien encore Un Jour Sans Fin (tous mis en scène au moins dix ans plus
tard). Et en bonus, l'humour lourdingue hilarant de la série est encore
très présent. Ce qui fait de Lamu le film d'Oshii le plus abordable,
même lorsque l'on est réfractaire au style du réalisateur. Et aussi
son oeuvre la plus directement touchante et plaisante. Son premier
chef-d’œuvre que l'on aurait grand tort à considérer comme moins
indispensable que ses œuvres plus récentes, connues et reconnues.
La Planète des
Vampires
de Mario Bava
Deux
missions spatiales se détournent de leur route pour répondre à un
appel de détresse issue d'une planète inconnue. Mais dès leur
arrivée sur ce lieu étrange, recouvert de brume et de vestiges
volcaniques, les événements horribles s'enchaînent. L'équipage
s'entre-tue, les morts reviennent à la vie, des hallucinations
visuelles et auditives se succèdent. Il faut se rendre à l'évidence,
une ancienne race d'extra-terrestres tente de préserver son existence
en investissant le corps des astronautes. Comme le prouve les traces
d'une telle tentative, qui avait autrefois échouée, sur la personne
d'autres extra-terrestres à la technologie mystérieuse dont les
squelettes géants se fossilisent lentement. Alors que la tension
devient insoutenable au fil d'une intrigue extrêmement angoissante,
rythmée par une musique concrète et des bruitages directement issus de
Forbidden Planet, les survivants se font de plus en plus rare, jusqu'à
un final d'un pessimisme troublant.
Ce
résumé vous rappelle un autre film (tourné 15 ans plus tard) ? Ce
n'est pas étonnant. Tout Alien, ou presque, est déjà présent dans La
Planète des Vampires. Encore un chef-d’œuvre esthétique et
thématique de Mario Bava, alors au sommet de son art. Même les aspects
les plus kitsch de l’œuvre ont un charme étonnant. Les éclairages
60's lui offrent une patine surréaliste. La technologie datée renforce
l'onirisme de l'ambiance. Le jeu figé des acteurs (mais finalement
moins guindé que dans Forbidden Planet) semble accentuer le malaise
omniprésent. Les costumes, majoritairement des combinaisons en
latex/cuir pour messieurs et pour dames, sont très appréciables. Et
bien sûr, au-delà de ce qui pourrait nous déplaire à la lumière de
nos années 2000, il y a la mise en scène de Bava, d'une classe et
d'une efficacité incroyables.
La
Planète des Vampires est une œuvre très novatrice, toujours
surprenante, un grand film de terreur, n'hésitant pas à verser dans la
cruauté et le gore. Un petit classique de la SF à fort
caractère Fantastique, et une référence méconnue qu'il est
essentiel de redécouvrir.
Rude Boy
de Jack
Hazan et David Mingay
"I fought the law and the law
won !"
La
reprise mythique par The Clash de cette chanson non moins mythique, est
sans doute le meilleur résumé de l'errance du "rude boy" du
film. Pendant un peu plus de deux heures, entre documentaire et fiction,
un roadie paumé du groupe de Joe Strummer et Mick Jones tente vaguement
de s'en sortir dans l'Angleterre à la veille de l'arrivée de Margaret
Thatcher au pouvoir. De manière saisissante, la conclusion du film, sur
les images de la future Dame de Fer prenant possession du 10 Downing
Street, sonne comme l'une des fins les plus désespérées de l'histoire
du cinéma. Comme si tout ce qui avait été le moteur du métrage,
cette vaine révolte, ce fol espoir, cette rage de la musique du Clash,
n'avait vraiment servi à rien.
L'important c'est sans doute de continuer la lutte, mais Rude Boy devient ainsi l'une des œuvres les plus électriques, énergiques et
positives du 7e art, mais aussi l'une des plus désabusées,
mélancoliques, cruelles... Le rude boy est un loser, du début à la
fin, rien ne pourra changer son destin. La tragédie est en place, elle
se joue du plus petit (quelques jeunes paumés), au plus grand (la
société anglaise dans son ensemble et surtout le sens que l'on peut
donner à son existence en général).
La
lueur d'espoir vient sans doute du charisme, de l'intelligence, de
l'émotion épidermique d'un Joe Strummer, déjà d'une sagesse immense
à même pas 30 ans. En plein enregistrement de leur second album, The
Clash prouve que l'on pouvait être punk, savoir s'amuser comme personne
et avoir en même temps une vraie conscience, une vraie vision du monde.
Mais le désir utopique ne suffit pas. On combat la Loi, et la Loi
gagne...
"Stay free..."
Toys
de Barry
Levinson
"Let joy and innocence prevail
!"
La
morale de cet OVNI du 7e art est un hymne à ce qu'il y a de plus tendre
et de plus pur en nous. Et sauf si l'on est un monstre cynique ou
vraiment très allergique au kitsch et/ou à Robin Williams, difficile
de rester de marbre devant le chef-d’œuvre de Barry Levinson. Un
vaste délire surréaliste, visuellement clouant, qui sert de terrain de
jeu à des acteurs en improvisation quasi permanente. Le film ne
ressemble à rien de connu dans notre univers. Levinson joue la carte de
la sincérité totale, de l'amusement à tous les étages, en déployant
une folie visuelle, musicale et scénaristique qui semble n'avoir aucune
limite. La première vision laisse étourdi par tant d'audaces, par
tant de générosité, par tant de plaisir. Attendrissant dès les
premières images, Toys est un crescendo émotionnel qui parvient à
nous faire pleurer devant des scènes qui, racontées hors contexte,
sembleraient d'un mauvais goût gaillard ou d'une bêtise embarrassante.
Toys ne s'explique pas. On adore au-delà des mots ou l'on clame son
incompréhension (qui entraîne souvent un rejet radical de l’œuvre).
Robin
Williams, dans ce qui est sans doute son meilleur rôle comique,
enchaîne les blagues débiles, les imitations lourdingues, les grimaces
grotesques. Et on l'adore, on l'aime, on le trouve d'une justesse
idéale au sein de l'univers de Toys. Autour de lui gravitent une
multitude de personnages secondaires tous plus adorables les uns que les
autres. En particulier Joan Cusack, géniale en Anastacia qui vole la
vedette à tout le monde. Chaque scène pourrait être citée en exemple
de la réussite miraculeuse de Toys. Du jamais-vu ailleurs, nulle part.
Impossible. Inconcevable. Ce film existe bel et bien et semble être le
privilège d'une poignée de fans qui hésitent beaucoup à en parler
autour d'eux, de peur d'être la risée de tous et de toutes.
C'est un
tort ! Il est temps de sortir de l'ombre et d'entamer la redécouverte
de Toys, 12 ans après sa sortie (et même 22 ans après, au moment où j'actualise cette critique). Ce film est culte, ce film ne vieillit
pas, ce film ne change pas. Revoir Toys c'est comme retrouver ses
souvenirs d'enfance, une ambiance, des émotions qui n'appartiennent
qu'à la part la plus joyeuse et la plus innocente de notre être.
L'ultime "feel good" movie, qui fait rire et pleurer tout à
la fois, tout en même temps. Comme The Princess Bride, comme Mon Voisin
Totoro, Toys est un film qui dépasse son statut d’œuvre pour
atteindre celui d'ami intime. L’œuvre devient une émotion qui nous
est indissociable, qui nous est indispensable, comme un secret que l'on
hésite à partager, mais qui brille en permanence dans notre cœur.
The Wicker Man
de Robin
Hardy
"Come. It is time to keep your
appointment with the wicker man..."
Peut-on aimer un
film plus que tout, rien que pour sa musique ? Sans doute. Certainement
même. Je pourrais hurler au chef-d’œuvre face à The Wicker Man juste sur la base de sa bande originale, l'une des plus belles, si ce
n'est la plus belle, de l'histoire du cinéma. Paul Giovanni, le génie
qui se cache derrière les multiples visages de cette musique sublime,
délivre des sonorités et des textes qui ne ressemblent à rien de ce
que l'on a pu écouter ailleurs, que ce soit au sein d'un film ou non.
Il suffit d'écouter Willow's Song, peut-être la plus belle chanson
jamais écrite pour le 7e art avec le Old Souls de Phantom of the
Paradise, pour comprendre que l'on est dans un univers différent, où
nos repères habituels sont bouleversés.
Bouleversé
comme l'est le prude policier venu enquêter sur les mystères de Summer
Island. Une île où un culte païen règle encore la vie d'une
communauté qui ne connaît aucun des repères judéo-chrétiens qui
dominent toujours nos systèmes de pensée occidentaux. Le
bouleversement des valeurs s'effectue petit à petit. On se moque de la
vertu caricaturale du policier et on se dit qu'à sa place on ne
résisterait pas 5 secondes aux appels de Britt Ekland effectuant la
plus incroyable et érotique danse de séduction qui puisse se
concevoir, en chantant, donc, Willow's Song. On s'amuse des croyances et
des rites de ces joyeux originaux, menés par un impérial Christopher
Lee (qui considère, à juste titre, que The Wicker Man est le meilleur
film auquel il ait participé au fil de son immense carrière). Mais peu
à peu, le suspens se fait plus étouffant.
L'onirisme de la
mise en scène, l'ambiance d'inquiétante étrangeté ne suffisent plus
à masquer le malaise. L'humour désamorce encore l'enquête, mais la
menace du Dieu d'Osier se fait plus évidente. Et si ces braves gens
n'étaient pas si innocents ? Et si leur innocence ne suffisait plus à
justifier l'ultime sacrifice ? Le final, entre cérémonial grotesque et
horreur pure, laisse le spectateur traumatisé, bouleversé au plus
profond de son être, imprégné d'une violence, d'une tristesse, d'un
malaise insondables.
Film inclassable,
qui soulève mille et une questions sans jamais offrir de réponses, The
Wicker Man est une véritable expérience, au sens le plus noble et le
plus juste du terme. Expérience des sens, expérience de l'esprit,
expérience du cœur, qui vous séduit, vous envoûte, vous fascine,
pour, au final, mieux vous terrifier et ne plus jamais s'effacer de
votre mémoire. |