Austra - Olympia
En l’espace de deux albums, Austra s’est imposé comme l’un des groupes pop majeurs de la période. Après un premier opus, Feel it Break aux accents gothiques, Olympia est plus clairement tourné vers l’électro dansante. Cette légèreté de surface n’entame en rien la profondeur émotionnelle des chansons. Car le principal atout d’Austra c’est bien sûr la personnalité de sa chanteuse et compositrice principale, Katie Stelmanis. De formation classique, elle est venue au rock sur le tard. Le mélange entre le lyrisme du chant et l’efficacité des rythmes forme le point d’entrée le plus évident vers Austra. Qu’on se souvienne du single Lose It, qui restera une des chansons les plus emblématiques des années 2010.
Si le fait de verser dans l’électro n’a rien d’original tant les héritages multiples de The Human League, Depeche Mode ou DAF ont largement été pillés, c’est bien grâce à la présence de Stelmanis et à une qualité exceptionnelle des chansons qu’Austra fait la différence. C’est flagrant avec l’introduction de l’album, What We Done, qui débute dans le quasi silence avant de progresser lentement jusqu’à l’explosion triomphale de la rythmique puis d’atteindre une sorte d’apothéose en moins de cinq minutes. Il n’en faut pas plus pour être conquis. Au fil d’Olympia, les émotions se bousculent, allant de l’introspectif à l’enthousiasme expansif. La chanteuse parvient ainsi à exprimer toute la palette, réussissant même à bouleverser avec presque rien comme le démontre Home, l’un des sommets de l’album.
Katie Stelmanis évoque toujours des thèmes très personnels mais sans jamais imposer une posture féministe militante. Même lorsqu’elle vise plus directement les comportements négatifs (I Don’t Care I’m a Man), c’est avec subtilité. L’essentiel d’Olympia repose sur des paroles épidermiques, très directes, souvent poétiques. C’est un enchaînement de cris du cœur : regrets (Forgive Me), déclarations enflammées (You Change My Life), peurs (Hurt Me Now) ou bien encore reproches (Home). Chaque morceau possède au moins une phrase inoubliable, une mélodie imparable, un arrangement inattendu.
Plus présentes aussi, les sœurs Lightman. Déjà à l’œuvre sur le premier album, les deux jumelles ont gagné en importance avec Olympia où leurs interventions s’avèrent souvent primordiales. Leurs voix, plus classiques que celle de Stelmanis, offrent un contrepoint mélodique très efficace. Les refrains deviennent souvent plus pop, comme sur celui, très Spice Girls et très plaisant, de We Become. On reste curieux d’entendre à quoi ressemble le groupe de Romy et Sari, Tasseomancy.
L’alchimie très particulière d’Austra commence à faire des envieux et des imitateurs. A commencer par les affreux de London Grammar qui semblent avoir tenté de reprendre la recette en la vidant de son âme et de son étrangeté. Nul doute que d’autres s’engouffreront dans la voie ouverte par Katie Stelmanis, le succès commercial n’étant jamais très loin. Mais c’est bien Austra qui mérite les louanges et la reconnaissance. Peu de groupes actuels parviennent à allier démarche personnelle et main tendue vers le grand public, exigence musicale et aspect populaire. Ecouter Austra c’est pouvoir à la fois danser, s’amuser, s’émouvoir, réfléchir et profiter d’une expérience artistique entière dont les différents niveaux ne cessent de se révéler au fil des écoutes.
Austra - Feel it Break
Nous vivons vraiment une époque formidable. Enfin, je dis « nous », mais cela s’adresse à ceux qui, comme moi, estiment que Siouxsie et Kate Bush sont ce qui est arrivé de mieux au début des années 1980. Et oui, car aujourd’hui, toute une génération de gamines ne jure que par les expériences inoubliables de ces deux déesses de la musique populaire. Qu’on en juge, en l’espace d’un ou deux ans, des albums aussi mémorables que ceux de Fever Ray, Joanna Newsom, Bat For Lashes, Zola Jesus, Glasser ou bien encore Austra viennent piocher de manière plus ou moins évidente dans ce grand héritage.
Austra, justement, un trio Canadien, composé de Katie Stelmanis, Maya Postepski et Damian Wolf. Encore un groupe qui veut nous faire de l’electro pop à l’ancienne, me direz-vous ? Oui, mais non. Le secret ? Katie Stelmanis, justement, la chanteuse et claviériste, venue d’une formation classique stricte et qui ne dévia de la ligne philharmonique qu’au dernier instant. Une sensibilité en parenté évidente avec Kate Bush ou avec Joanna Newsom. Mais le cœur de Katie appartient à la Sioux. Au point d’en délivrer un décalque troublant, encore plus fidèle que celui de Zola Jesus. C’est la chanson The Beat and The Pulse, dont le refrain donne son titre à l’album. La voix de Stelmanis pourra être confondue avec celle de Siouxsie, la musique est proche des Creatures période Anima Animus. Une telle application fait d’abord vibrer la fibre nostalgique, avant de dévoiler la qualité remarquable des compositions.
Le meilleur exemple étant l’époustouflant single Lose It, l’un des sérieux concurrents au titre de chanson de l’année. Ecoutez la simplicité apparente de l’entame, écoutez l’arrivée inattendue des vocalises, écoutez la douceur des variations en contre-point de la martialité du rythme, écoutez toutes les nuances qui se jouent des codes tout en bâtissant un vrai « hit », le genre de chanson si évidente qu’on a l’impression de la connaître depuis toujours.
Austra picore dans tous les genres, donne à danser, comme à écouter paisiblement. Le disque passe du cristal au charbon en un souffle, ce n’est ni gothique, ni disco, mi-punk, mi-ange. Ce n’est pas parfait, surtout durant la seconde moitié, un peu épuisée, mais c’est irrésistible, diablement attachant. Le potentiel dévoilé laisse rêveur. Vite Katie, reviens vocaliser au creux de nos tympans ! |
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