Ultra célébré, cet album n'a pas besoin de mes louanges pour entrer de plein droit dans la discothèque idéale. Pour tout avouer, Pet Sounds est un tantinet surestimé, ou du moins il a tendance à faire oublier le reste de l'œuvre des Beach Boys, parfois largement aussi bonne, voire supérieure. Alors, il faut avoir Pet Sounds dans sa discothèque, mais cela ne doit surtout pas être votre seule acquisition Brian Wilsonesque. Pour les quelques égarés qui ne connaîtraient pas encore ce disque (classé par nombre de professionnel comme étant "le plus grand album pop-rock du 20e siècle"), et bien... hum... on peut leur dire qu'il n'y a que des bijoux mélodieux comme les petits zoizeaux du matin, mais sans tomber dans la mièvrerie glauque. Car Brian Wilson (celui qui fait tout), est un génie torturé (pléonasme), il y a toujours un petit quelque chose d'imparfait, de "fêlé" dans les trésors des Beach Boys. Bon, quoi d'autre ? Des titres ? Toutes les chansons sont mythiques. De Wouldn't It Be Nice à That's Not Me en passant par Sloop John B, I Know There's An Answer, I Just Wasn't Made For These Times ou les traumatismes de plusieurs générations que sont God Only Knows et Caroline No, tout n'est qu'or et diamants.
35 ans plus tard. 35 ans après. Le disque le plus mythique de l'histoire de la pop. Enfin achevé. On en perd les mots. On en perd ses billes. On ne sait que dire. Ce qui devait être l'ultime chef-d'oeuvre de son temps, la réponse des Beach Boys (et donc de Brian Wilson) au Revolver des Beatles, trouve enfin sa plénitude artistique. Sans les Beach Boys (définitivement mort avec la disparition de Carl Wilson), mais avec Brian Wilson (et Van Dyke Parks). Tous les vestiges de l'incommensurable Smile ont été retrouvés, complétés, réenregistrés. Même ceux que l'on connaissait déjà dans leur version single (le sublime Good Vibrations) ou dans leur version album plus tardive (dont l'encore plus sublime Surf's Up). Sur ces chansons bien connues de tous, les modifications sont souvent minimes. Le plus grand changement étant la voix de Brian Wilson, avec 35 années de plus...
Mais pour ce qui est des inédits de Smile ou des chansons les plus transfigurées, on en reste bouche bée. Do You Like Worms, renommé Roll Plymouth Rock, n'a jamais été aussi fascinant. Heroes and Villains tient enfin debout sans la moindre faiblesse. La logique de la construction de Smile est désormais évidente et le moindre interlude tombe et sonne juste. Les chefs-d'oeuvre sont tous présents. Cabin Essence, Wonderful, Child Is Father of the Man, Vega-Tables, Wind Chimes... Emballés dans des orchestrations fastueuses et une production divine.
Si Smile était sorti en cet état en 1968, nul doute qu'il aurait éclipsé le si fameux Pet Sounds au titre de plus grand album des Beach Boys. Et même au titre de meilleur disque de l'histoire de la pop. Aujourd'hui, c'est à la fois idéale (cette musique est définitivement indémodable) et trop tard. L'événement est extraordinaire, mais n'éclipsera pas le best of de Marilyn Manson ou celui de Britney Spears. Les temps ont changé, et pourtant... Pourtant...
Pourtant Surf's Up demeure la plus belle chanson du monde. Good Vibrations le single plus ambitieux de l'histoire de la pop. Mrs. O'Leary Cow fait toujours peur. Heroes and Villains donne le tournis. Et on ne peut que se laisser hanter par Roll Plymouth Rock et Child Is Father Of the Man. Avec les années, Smile pourrait devenir tout aussi vital que les chefs-d'oeuvre du passé qui ont largement eu le temps de s'inscrire dans la mémoire collective. Les trésors de ce disque méritent tout à fait le même amour que l'on peut dédier à Strawberry Fields Forever ou à Bohemian Rhapsody. Au moins... |