Depuis la sortie de Exile in Guyville en 1993, on ne compte plus les pages noircies à son sujet et surtout sur Liz Phair. Tout a été dit. Et son contraire. Un album en réponse point par point au Exile on Main St. des Rolling Stones ? Oui ? Non ? Peut-être ? Le manifeste rock féministe pour la postérité ? Oui ? Non ? Bien sûr ? Comment une jeune femme de 25 ans a-t-elle pu repousser les limites du girl power au point d’exploser en vol ? Après Exile, Liz Phair n’a plus su quoi faire et surtout comment le faire. Virer vers le succès ? Pondre des chansons pour les ados ? Passer à la radio ? Devenir respectable ? Sombrer dans la folie ? Comment continuer après une œuvre aussi définitive ? Question essentielle, certainement, mais il faudrait d’abord se demander d’où a bien pu surgir Exile in Guyville au départ.

De l’inconscient d’une femme libre ? Ou de la rage d’une gueuse voulant donner une bonne leçon à tous les mecs ? Des deux à la fois, certainement. Derrière la virulence mémorable des textes se dévoile sans détour un portrait cru de l’artiste. Les histoires d’amour se font explicites ("Everything you ever thought of is everything I'll do to you. I'll fuck you till your dick is blue"). Le journal intime reprend tout son sens (“And I can feel it in my bones I'm gonna spend my whole life alone It's fuck and run, fuck and run, Even when I was seventeen”). Jusqu'à la chanson ultime sur le divorce (“And the license said you had to stick around until I was dead But if you're tired of looking at my face, I guess I already am”). Un peu partout des refrains revanchards et des cris de désarrois. Rares sont les œuvres qui peuvent survivre au terme de « coup de poing », Exile in Guyville en fait partie.

La verve de Liz Phair se traduit par une musique exceptionnelle, qui picore aussi bien dans le rock le plus classique que dans les arrangements les plus inattendus, comme sur les spectraux Canary et Flower. La vraie star, évidemment, est la voix de Liz Phair, passant du broyeur à la douceur d’une phrase à l’autre. Exemple sur le blues de Mesmerizing, où elle virevolte du rauque à la séduction. Exile in Guyville ne cesse, écoute après écoute, de révéler des nuances insoupçonnées. La beauté absolue qui s’en dégage, entre vulgarité et poésie, sincérité totale et posture bravache, lui octroie une aura unique. Personne n’a pu s’en approcher depuis, pas même Liz. Tant mieux, après tout, ce genre de miracles ne se reproduit pas en laboratoire. Il n’y a qu’un Exile in Guyville et c’est déjà beaucoup.

 
 
 
 
 
 
 
 
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