Il paraîtrait très bête de vous dire que c'est le plus beau disque du monde (hors musique classique, bien sûr). Oui, cela semblerait bien bête. Pourtant c'est ce que je crois. Depuis la toute première écoute, Five Leaves Left est l'album qui m'a le plus touché dès le début, dès les premières minutes. Tout chez Nick Drake fait frissonner le coeur et l'âme. Sa voix, grave et douce en même temps, toujours un peu triste. Ses paroles, mélancoliques, poétiques au sens le plus noble du terme, errantes, émouvantes. Sa musique, d'une maturité folle, d'une grâce déchirante que pas même un Jeff Buckley n'a pu approcher. Et il y a la tragédie qui couve sous la surface faussement calme de ses perles mélodiques. La mort précoce, cruelle, injuste, après un dernier Pink Moon sublime. Mais ce Five Leaves Left demeure très certainement le plus abouti, le plus bouleversant des premiers albums. On ne cesse de se questionner. Quel magicien, quel être fantastique avait pu donner à cet homme l'inspiration nécessaire pour écrire une chanson comme Day Is Done ?
La mélancolie est-elle le sentiment le plus propice à la création artistique ? A l'écoute de Five Leaves Left, le plus émouvant des premiers albums et peut-être le plus beau disque de l'histoire de la pop, on serait tenté de répondre par l'affirmative. La voix profonde et douce de Nick Drake est un délice aussi rassurant que tétanisant de tristesse. Sur des arrangements discrets qui transcendent des chefs-d'oeuvre tels que River Man ou Fruit Tree, Nick Drake pose ses inimitables arpèges de guitare, comme autant de caresses, comme autant de rêveries solitaires. Et, délicatement dissimulée au sein de l'album, on effleure la plus céleste des chansons, le cristallin Day Is Done, bande son douce-amer des instants nostalgiques, pour pleurer avec un léger sourire sur les lèvres...