- Past Masters Volume One
Le problème du début de carrière des Beatles (la "beatlemania" galopante), c'est qu'il est tout à fait porteur de petites merveilles pop irrésistibles disséminées sur des albums inégaux, courts, bourrés de reprises et assez similaires. Alors, bien sûr, difficile de ne pas conseiller, au moins pour leur importance historique, Please Please Me et A Hard Day's Night, mais les pressés et ceux qui n'ont pas envie de dépenser 15 euros pour des albums de 35 minutes, peuvent se rabattre sur le premier Past Masters qui, bien que très incomplet, offre une belle vision de la première période du groupe. Il y a Love Me Do, She Loves You, I Want To Hold Your Hand, Long Tall Sally, I Feel Fine... Les connaisseurs hurleront au scandale et ils auront raison, car il manque Twist And Shout, Can't Buy Me Love ou A Hard Day's Night. Bah oui... Mais si on veut tout avoir, on a qu'à tout acheter.
- Help (1965)
Cet album marque à la fois l'apogée de la première période des Beatles (au bout d'à peine trois ans !!) et le début d'une plus grande ambition musicale. Que du bon ou presque, avec en particulier la superbe chanson titre, You've Got To Hide Your Love Away, le fameux Ticket To Ride, I've Just Seen A Face et le super connu et totalement sublime Yesterday qui n'a pas besoin de mes superlatifs de toute façon (on ne va pas aller bien loin à ce rythme...)
- Rubber Soul (1965)
1965 toujours, avec le premier album de la nouvelle ère de la pop musique (ou peut-être l'acte de naissance de la pop musique telle qu'on la connaît). La pop des albums et qui se prend (enfin) pour de la musique plutôt que pour des chewing-gums que l'on jette au bout de 3 minutes 30. Rubber Soul n'est pas encore de la trempe des monuments qui vont suivre, et quelque part c'est ce qui fait son charme discret. Le grand album intimiste des Beatles, c'est celui-là. Certes il y a le mou du genou Michelle (très beau prénom, par ailleurs, enfin bon bref...), mais il y a surtout plein plein plein de trésors (peu) cachés, de Drive My Car à Girl en passant par Norwegian Wood et I'm Looking Through You. Ah bah voilà, ça y est, les Beatles sont un groupe de génie.
- Revolver (1966)
Alors celui-ci, c'est LE meilleur (après Pet Sounds et plein d'autres si vous voulez mon avis). Et bien c'est presque vrai... au niveau des Beatles, s'entend bien. Mais ça dépend des jours. Personnellement, rien ne peut détrôner le double blanc qui est THE masterpiece qui fait que l'on ne peut toujours pas remiser les 4 fantastiques aux oubliettes. Mais bon, je ne vais pas faire avec Revolver ce que certains font avec Sergent Pepper (largement du niveau de Revolver, mais j'y reviendrai) : du révisionnisme. Revolver c'est du bonheur en barres, même un peu trop de bonheur par moments, ça dégouline sévère par instant, au bord de l'horripilant (Good Day Sunshine, And Your Bird Can Sing). Oui mais les petits moins ne font pas le poids face aux (très) gros plus. Eleanor Rigby, Here There And Everywhere, Yellow Submarine, For No One, Tomorrow Never Knows... On les connaît par cœur, et pourtant on ne s'en lasse pas. Combien d'albums peuvent se vanter de posséder plus de 2 chansons qui ne nous lassent pas après 10 ans (minimum) d'écoute ? (y en a pas mal, mais bon ce n'est pas le sujet).
- Sgt Pepper's Lonely Hearts Club Band (1967)
On a lu récemment, ici ou là, des aberrations assez formidables à propos de cet album. Comme quoi il serait surestimé (certes), que les chansons ne seraient pas à la hauteur de ce qui a précédé et de ce qui a suivi, que c'est surtout un disque de producteur, qu'il est froid, trop "parfait" pour être honnête, et gna gna gni et gna gna gna. Allons, allons, c'est un non-fan qui vous parle (c'est peut-être là que réside le "truc"), les Beatles je ne les écoute pas tous les jours, ni même toutes les semaines, mais ce que j'en sais c'est que Sgt Pepper est largement aussi bon que Revolver. Même peut-être meilleur, en tout cas c'est l'album des 4 rigolos qui me botte le plus avec le temps qui passe (avec le Double Blanc, qui est encore une classe au-dessus). A part l'affreux Within You Without You d'Harrison sévèrement à côté de ses pompes (mais il se fera largement pardonner par la suite), il n'y a que du top du top. En particulier la chanson "à" Ringo (j'adore toutes les chansons chantés par Ringo, elles ont toute le petit bonus de magie qui les fait briller au milieu de toutes les autres) With A Little Help From My Friends (avant la version bab défoncée par Joe Cocker), Getting Better (très réminiscent de Revolver, certes), Fixing A Hole, She's Leaving Home (sublimissime), Being For The Benefit Of Mr. Kite (une perle juste méconnue comme il le faut), When I'm Sixty-Four, les deux versions de la chanson titre (monstrueuse, pyrotechnique, "incredible") et le final sur l'indépassable Day In The Life. Allons, allons, comment peut-on remettre en cause la supériorité de cet album dans la discographie beatlessienne (à part pour se la jouer plus snob que les snobs) ?
- Magical Mystery Tour (1967)
Ce vrai-faux album, que j'ai toujours considéré comme le disque "bonus" en complément de Sgt Pepper, ferait effectivement un très bon "double rouge-orange" avec son fameux prédécesseur. Ne vous trompez pas sur la marchandise bizarre que laisse présager la pochette de ce disque (une BO de téléfilm de malades, des singles en bonus pour boucher les trous), c'est du chef-d'œuvre, de l'indispensable. Attendez de voir un peu le générique pour comprendre : Magical Mystery Tour (bon, OK, ça ressemble beaucoup à l'ouverture de Sgt Pepper), Fool On The Hill, I Am The Walrus (avec son texte Alice VS Drugman), Strawberry Fields Forever, Penny Lane (is in my ears and in my eyes pom pom popom) ET All You Need Is Love. Bon, on connaît encore tout ça par cœur, à la limite de l'overdose, mais bon, aussi, c'est bien de les avoir à demeure et de s'y ressourcer de temps en temps (il n'est pas interdit de prendre des notes).
- The Beatles (White Album) (1968)
Impossible de faire plus "pop" que Pet Sounds, Brian Wilson pète les plombs en créant le plus grand disque du 20e siècle (Smile, inachevé mais reconstituable), les Beatles sont acculés dans les cordes. De plus ils ne peuvent plus se sentir, ils font la gueule à tour de rôle, ce qui donne de grands moments burlesques qui font le bonheur des centaines de biographes du groupe. Pour tout vous avouer, on se fout assez sévèrement du background qui donna naissance à ce double album, le chef-d'œuvre incontestable du groupe. A la limite on comprend mieux certains textes, certaines chansons (Lennon qui fait du Macca et inversement, la présence de Clapton, etc...) si on connaît un peu la petit histoire, mais franchement ce n'est pas vital. On peut très bien se repaître des délices ici présent sans la moindre arrière pensée. Ca commence avec un gros rock (Back In The USSR), ça enchaîne avec une merveille bancale comme il le faut (Dear Prudence), ça continue sur un délire (Glass Onion, un délire tubesque, il va sans dire), ça continue sur une folie de pure pop (Obladi Oblada), et après un intermède "pixisien" (Wild Honey Pie), on reprend dans la pure pop mais tellement bizarre et irrésistible tout à la fois qu'elle fait presque peur (l'immense Bungalow Bill), et on enchaîne encore plus haut encore plus fort avec l'incroyable While My Guitar Gently Weeps qui permet de pardonner à Harrison toutes les horreurs exotiques qu'il a pu commettre. On se dit qu'il est impossible d'enchaîner en faisant aussi bien, et on se trompe lourdement quand arrive l'une des plus grandes chansons de tous les temps, Happiness Is A Warm Gun (environ 25 chansons différentes en moins de 3 minutes, prenez des notes je vous dis !). Et après ça redescend un peu (quoique Martha My Dear, c'est pas de la gnognote). Le clavecin cartoonesque de Piggies passe, on fait une réjouissante pause casse-croûte avec la Ringolerie intégrale de Don't Pass Me By (un bonheur orgasmique), que déjà s'avance la fin du premier disque avec le sublimissime Julia (l'une des plus belles et des plus poignantes compositions de Lennon (si ce n'est la plus émouvante). On aurait pu s'arrêter là, mais on nous plaque le bourrin-crétin Birthday, bah on va faire avec, c'est beau comme du Abba.
Sur le second disque, ça devient encore plus "rock", les Beatles font du heavy metal. Ca commence costaud avec Yer Blues et après le lourdaud Mother's Nature Son, ça reprend sévère avec Everybody's Got Something To Hide... Il faut s'accrocher parce que débarque le revanchard (mais assez calme) Sexy Sadie, aussitôt enchaîné sur l'une des chansons les plus brutales qui soient (le très (trop ?) célèbre Helter Skelter. Helter Skelter, d'ailleurs, qui est censée être une chanson "maudite". Arf, la bonne blague ! On en redemande ! Vive le mauvais œil et les grosses guitares ! Et ce n'est pas fini, on entend à peine Long, Long, Long (très bon par ailleurs), que ce sont les saturations de Revolution 1 qui dézinguent. Ouf ! Macca nous pond une géniale ballade sautillante (Honey Pie) et Lennon énumère des noms de chocolats sur le rock mais gentil Savoy Truffle. Pas le temps de révasser sur le flan de Cry Baby Cry que voici The Thing, la chose qui fâche, le truc qui dégoûte les fans de Yesterday, j'ai nommé le délicieux Revolution 9, sucrerie pour pervers amateurs de Suicide et de Kraftwerk. Rien que pour emmerder le monde, je vais dire que je prends beaucoup de plaisir à écouter Revolution 9 en entier (que ceux qui osent sauter le "number nine" lèvent la main... ah oui.... quand même... ça fait du monde...). Enfin arrive le "morceau caché", Good Night, Ringo et Martin nous glisse une pièce montée en bonus, inutile de dire qu'elle vient parachever la perfection imparfaite de l'ensemble et donner au White Album son allure de fourre-tout absolu (sur le même disque Yer Blues, Helter Skelter, Honey Pie, Revolution 9 ET Good Night, ils ont osé, tant mieux !). Bah voilà, c'est un double album, il coûte la peau des fesses, vous n'aimez pas les Beatles, vous n'êtes pas convaincu, vous les prenez pour les rigolos qu'ils étaient souvent, vous vous tâtez, et pourtant vous n'avez pas le choix, je vous dispense des autres (quoique Revolver et Sgt Pepper, quand même !), mais celui-là, il vous le faut AB-SO-LU-MENT. Le pilier central de la discothèque idéale "fabulous".
- Abbey Road (1969)
Les Beatles n'existent (presque) plus et ceci est leur testament officiel et pleinement réfléchi. C'est encore un chef-d'œuvre, bien sûr. Disons que le vrai problème d'Abbey Road (malgré la course contre la montre des morceaux à la fin qui met toujours sur le cul), c'est que l'on connaît (déjà) tout cela par cœur. Les Beatles font du Beatles et c'est très bon, mais voilà, on commence à connaître les trucs. Mais tout cela est bien dérisoire face au plaisir que l'on prend (et qui est égal à l'amour que l'on fait, mais je m'égare) à l'écoute de cet album. Non mais c'est vrai les enfants, dans Abbey Road il y a Come Together, Something, Octopuss Garden (Ringo, toujours et encore, un délice), I Want You, Here Comes The Sun, et tout l'enchaînement final qui commence avec le sautillant Mean Mr. Mustard et qui s'achève avec les quelques secondes de Her Majesty. Avouons-le, si Abbey Road est un tel chef-d'œuvre c'est sans doute grâce à la folie qui envahie la dernière partie du disque ( pour exemple, Golden Slumbers + Carry That Weight + The End = ??!???!!!!). On aurait effectivement pu s'arrêter là, ça aurait été une mort fastueuse. Bah... Y avait encore de beaux restes comme nous allons le voir.
- Let It Be (1970)
Ah ça ! Pour laisser aller, il laisse aller cet album qui ne ressemble en rien à un album. A la production il y a le génie absolu, Phil Spector, très sobre, qui sauve les meubles (quoi qu'on en dise...). Let It Be est un peu un disque de faces B et pourtant, moi, je l'aime cet album, je l'aime même beaucoup (pas tout le temps, mais parfois...). Et pas seulement parce que dès qu'il y a le nom de Spector sur un disque je dis amen en versant des torrents de larmes (il a produit quelques gaufres le Philou, il n'est pas toujours venu, il n'a pas toujours vu et il n'a pas toujours conquis). Ne le cachons pas, Two Of Us, le merveilleux Across The Universe, le yesterdayen (et sublime) Let It Be, I've Got A Feeling, One After 909, le sous-estimé The Long And Winding Road (sous-estimé du temps où il était de bon ton de sous-estimer Spector, des temps d'obscurantisme, donc) et Get Back, font partie des plus grandes merveilles des Beatles. Let It Be c'est toujours et encore du top du top et tant mieux pour le portefeuille c'est (presque) le dernier indispensable.
- Past Masters Volume 2
Et oui, Let It Be était presque le dernier indispensable, car il reste l'ultime (dans tous les sens du terme) compilation de singles. Et ne vous y trompez pas, c'est une compilation, mais elle est rigoureusement vitale. Pourquoi ? Parce qu'il n'y a que de l'or et des diamants. Non seulement il y a les "inédits" dont les fabuleux We Can Work It Out, Lady Madonna, Hey Jude, Ballad Of John & Yoko et le final apocalyptique et parfait pour toute la discographie beatlesienne idéale qu'est You Know My Name. Mais en plus il y a des versions différentes de grands classiques et là où cela vaut son pesant de cacahouète c'est pour les chansons de Let It Be (la chanson titre, Get Back et Across The Universe) qui sont supérieures aux originales. |