La deuxième collaboration pour le grand écran entre Burton et Elfman est un nouvel exemple de symbiose parfaite. Il est frappant de constater combien Elfman "comprend" les films de Burton et sait capturer et magnifier leur atmosphère en quelques mesures. C'est flagrant avec la bande originale de Beetlejuice. A chaque écoute, comme à chaque vision du film, on ne peut être qu'impressionné par l'adéquation miraculeuse entre les images et la musique. Je vais développer tout cela en détails et nous allons découvrir comment Elfman contribue immensément à la réussite de ce huis-clos comique et terrifiant. Seul problème de ce disque, il est beaucoup trop court.
Main Titles : là il faut prendre notre temps. Avec un héritage typiquement boingesque, Elfman amène très doucement le générique sur des nappes de notes résonnant dans le lointain avec un mystère palpable. Puis il vampirise Harry Belafonte pour le transformer en spectre sonore. Après quelques coups de semonce, toujours très boingesques, l'effet d'aspiration, si constant dans la musique de Elfman fait ici merveille. Le thème, très martial, mais moins plombé que celui de Mars Attacks, glisse avec une ritournelle qui avait tout pour devenir mythique (ce qu'elle devint en effet). Les sonorités sont les parfaits clichés de la maison hanté. Il y a le piano traité en clavecin, les cuivres ténébreux, et les chœurs qui font peurs (mais le côté primesautier de l'ensemble porte déjà la touche comique). Touche comique clairement mise en évidence avec la seconde moitié du thème qui mélange musique de cirque et de fantômes. Brillant.
Travel Music : ce passage insouciant et sautillant, d'un humour noir sans faille, présente les violons grinçants qui symbolisent à merveille l'aspect fantastique à l'ancienne du film. S'il faut chercher une autre BO dans ce style c'est bien sûr l'anthologique composition de John Williams pour les Sorcières d'Eastwick qui vient à l'esprit. Composée juste un an avant, cette BO entretient de nombreux rapports avec celle de Elfman, mais il n'y que dans Beetlejuice que résonnent les échos du cirque et de Day-O.
The Book / Obituaries : Ici, ce sont les chœurs qui font des merveilles. Écoutez, nous voilà en plein film de la Hammer. Le huis-clos peut commencer car la musique se fait plus étouffante (cela ne tient pas à grand chose, mais c'est très notable). Le thème de Beetlejuice fait son apparition, c'est une glissée de violons sur un rythme de tango où l'on fait plus qu'entre-apercevoir la musique du premier Batman.
Enter... "The Family" / Sand Worm Planet : Nous sommes toujours entre la marche funèbre et le cartoon. The Nightmare Before Christmas n'est pas loin. La richesse de l'orchestration est admirable et chaque personnage est présenté avec un instrument différent. Le morceau est très narratif et l'on comprend sur le final pourquoi le ver de sable réussit à ce point à nous impressionner (et bon sang mais c'est bien sûr, c'est le Circus Fight de Batman Returns !)
The Fly : en quelques instants Elfman et Burton font des merveilles au-dessus d'une maquette. Cela part dans tous les sens et déborde d'une imagination sans faille.
Lydia Discovers ? : toujours une musique de maison hantée. Le thème de Lydia est d'une beauté incroyable, tout en échos et en piano triste. Sublime.
In The Model : nous y voilà donc dans cette fameuse maquette. La présence de Betelgeuse plane. Le basson nous avertit. Les violons virevoltent, un orgue passe, un piano s'affole, mais c'est la maison hantée de Disneyland ?
Juno's Theme : attention c'est très court, il faut suivre, en plus c'est très narratif donc c'est bien difficile d'ajouter quoi que ce soit.
Beetle-Snake : bon là, c'est censé faire peur. Au début c'est toujours très dessin-animé et autre cirques du même genre. Mais dès le milieu du morceau, le cirque devient infernal à grands coups de dissonances. Terriblement efficace.
"Sold" : 33 secondes, mais 33 secondes de toute beauté, bon, juste le temps d'entendre passer un piano magique et une harpe et on change de piste.
The Flier / Lydia's Pep Talk : le thème de Beetlejuice (toujours assez menaçant en définitive) et des échos du futur Nightmare Before Christmas, troublant d'ailleurs à quel point on se croirait à Halloween Town dans cette maquette.
Day-O (Harry Belafonte) : bon, celui-là tout le monde le connaît, il a même refait un tube au moment de la sortie du film (excellent clip avec Harry dans une ruelle et des extraits du film). La production a clairement été remaniée, elle est assez impressionnante (en particulier au tout début et à la fin de la chanson). Bon, ensuite, qu'ajouter de plus ? C'est le It's Not Unusual de Beetlejuice (comme quoi Mars Attacks ! ne marche définitivement que par procédés...). C'est du calypso et ça se danse très bien entre convives de bon goût.
The Incantation : On replonge brutalement au cœur de l'action, entre tension et mystère. Peut-être le morceau le plus "sérieux" du disque. Il y a un vrai faste gothique pour cette scène de résurrection très impressionnante en images aussi, il est vrai. Deux accords au piano ou à l'orgue, une bonne vieille explosion orchestrale batmanienne et Beetlejuice qui attend son heure pas très loin.
Lydia Strikes A Bargain... : Betelgeuse justement, le voilà, lui et son tango.
Showtime ! : Du cirque ! Du cirque ! Elfman n'a quasiment jamais employé le thème principal du film durant le métrage, c'est le moment d'en profiter. Et encore ! Il est bien torturé ce thème... La fête foraine domine (c'est quand même la marque de fabrique du Elfman première époque, ça ne lui ferait pas de mal d'y revenir d'ailleurs, enfin, ce que j'en dis...)
"Laughs" : nous sommes toujours en pleine narration et toujours entre numéro de clowns et film d'épouvante. Un piano cartoonesque passe, un orgue infernal trépasse, de toute façon à cet instant du film on ne se pose plus trop de question sur la musique. Écoutez donc comme la situation est tendue et cartoonesque, au sein même de la musique.
The Wedding : Betelgeuse, encore et toujours, en plein numéro. Fichtre, mais quels sont les instruments qui passent ? On se croirait dans The Forbidden Zone. Et voilà le thème principal, taillé en pièces, on voit les images en musique (et inversement). Jusqu'au final (Poor Betelgeuse) et les inévitables sonorités d'église chère à Elfman.
The Aftermath : retour au tout début. La musique sautillante façon Eastwick célèbre un retour à la "normal" qui vaut son pesant d'humour noir. Toujours aussi brillant.
End Credits : bon, on y est, c'est le générique de fin, c'est du chef-d'œuvre à chaque note, forcément. Le thème principal, toujours aussi efficace (trop efficace ? non, quand même !). Le thème de Lydia aussitôt enchaîné, très très beau, (bizarre, il me rappelle la musique de Poledouris pour le premier Robocop...), très gothique. Et le thème de Betelgeuse en final avec ses violons et ses flûtes sur un petit air de tango, le tout repris par l'orchestre avec un panache indéniable.
Jump In Line (Shake, Shake Señora) (Harry Belafonte) : allez les enfants, on est arrivé au bout de ce très court disque et on pousse les meubles. C'est l'heure de la danse. Pas grand chose à dire de bien neuf. C'est aussi réjouissant que du Tom Jones (et c'est plus long. Terriblement efficace, diantre, les pieds partent tout seul, les doigts s'envolent sur le clavier et se mettent à taper n'importe quoi, ça y est je suis possédé...
musique composée par Danny Elfman
produit par Danny Elfman et Steve Bartek
orchestration de Steve Bartek
Danny Elfman remercie surtout et avant tout Tim Burton pour sa folle imagination
Disponible chez Geffen / Warner Records