Selina Kyle / Catwoman
Catwoman et Michelle Pfeiffer
"Pour moi, Catwoman détruit tous les stéréotypes concernant la condition féminine. Elle était une héroïne primordiale de mon enfance."
C'est ainsi que Michelle Pfeiffer présente le personnage de Catwoman et son attachement pour cette icône démesurée de la femme libérée. On sait que le premier choix de Burton pour le rôle fut Annette Benning, qui quitta le plateau du film en larmes, à cause de sa grossesse (tout était donc la faute de Warren Beatty). On sait aussi que Catwoman fut le rôle le plus convoitée par les actrices hollywoodiennes en 1991. L'anecdote d'une Sean Young se présentant aux studios Warner dans un costume de femme-chat, est restée célèbre. Finalement Michelle Pfeiffer l'emporta et il est évident aujourd'hui qu'elle était la seule à pouvoir incarner Catwoman sur grand écran et on plaint sa (possible) succession.
"J'avais l'habitude de regarder la série TV et d'attendre qu'elle apparaisse à l'écran, et elle n'était jamais à l'antenne suffisamment longtemps à mon humble avis."
Michelle Pfeiffer fait ici référence à la série TV des années 60, très kitsch et totalement parodique, dont le générique, les inserts durant les combats et les guest stars sont légendaires. Catwoman fut interprétée par trois actrices différentes. Commençons par la fin avec l'adaptation cinématographique de la série et l'unique apparition de Lee Meriwether dans le rôle. Eartha Kitt, fut une Catwoman éphémère (trois épisodes) et assez fade, il faut bien l'avouer, car elle assurait la succession de ni plus ni moins que Julie Newmar. Julie Newmar, à laquelle il faudrait sans doute dédier un site entier, qui fut durant 12 épisodes l'incarnation parfaite de Catwoman (la noirceur en moins et l'humour burlesque en plus). Divinement belle, athlétique et sexy, composant avec un ludisme non dénué d'audace (pour l'époque), Julie Newmar a traumatisé au moins trois générations de spectateurs. C'est pourquoi elle s'impose aux yeux de Pfeiffer, comme LA référence absolue.
"Quand le tournage du premier Batman commença, j'ai pris contact avec des personnes travaillant sur le film et je leur ai demandé de dire à Tim Burton que je voulais jouer Catwoman. J'ai supplié : par pitié, je le ferais gratuitement ! Une seule scène, une apparition... n'importe quoi !"
Un exemple de plus pour démontrer la fascination exercée par ce personnage brisant tous les interdits avec une malice inimitable. Michelle Pfeiffer était prête à tout, et elle le démontra avec brio en prenant des cours d'arts martiaux et de maniements du fouet. Évidemment, dans certaines scènes du film, elle est doublée (aucune importance de toute façon), mais elle a accompli un travail louable pour se fondre à la fois psychologiquement et physiquement dans le personnage. D'ailleurs j'en profite pour sortir cette remarque, limite culte, du "professeur de fouet", Anthony De Longis.
"Michelle se sert d'un fouet exactement comme le ferait Catwoman. C'est sensuel, fascinant, sexuel et dangereux. Michelle et le fouet sont vraiment complémentaire. Ses mouvements sont uniques, elle accomplit des choses qu'Indiana Jones n'a jamais imaginé."
En voilà un qui a bien saisi tout l'intérêt du personnage... Dans le même style langue de bois (pardon, je blasphème mais le marketing hollywoodien n'est jamais synonyme de finesse), voici les propos de Kathy Long qui a entraîné Michelle pour les arts martiaux.
"Michelle est une grande perfectionniste. Si elle ne réussit pas la première fois, elle va recommencer autant de fois qu'il le faudra. C'est une femme dotée d'une incroyable détermination."
Oui, là, ça touche au comique, parce que Michelle Pfeiffer, toute actrice géniale qu'elle est, n'a rien d'une star du cinéma d'action et ne tiendrait pas trois rounds face à Maggie Cheung ou Michelle Yeoh (par exemple). Pour continuer dans l'humour, je pourrais vous traduire mot à mot ce que raconte le livre du film, mais là ça deviendrait assez gênant. En gros c'est : "Michelle Pfeiffer, actrice sublime, talent sans limite, hyper populaire, arrive à faire du kickboxing dans un costume sexy, etc...". Ouais, bon, je comprends pourquoi il y a eu quelques problèmes de marketing au moment de la sortie du film.
Autre anecdote amusante, outre le fait qu'il y avait une bonne dizaine de costumes de tailles différentes (plus serrées pour les gros plans, plus amples pour les scènes d'action), c'est celle du petit oiseau du Pingouin. Michelle a parait-il improvisé cette scène, moui... Une telle blague vulgaire provient sans doute de ce dingo de Daniel Waters, ou alors Michelle était vraiment parfaitement dans l'esprit de son rôle.
Je vais quand même en profiter, comme Michael Singer, pour placer quelques mots sur la filmographique de Michelle, très inégale, il faut bien le reconnaître. Son premier film notable est l'inénarrable Grease 2 (1982), suite du non moins inénarrable Grease (the word is). Puis elle enchaîne avec une véritable uvre culte, le remake de Scarface (1983) par Brian De Palma. Bon film qui a pourtant pris un terrible coup de vieux, superbe performance de Michelle, écrasée par la présence de Pacino, il faut l'avouer. Ensuite, on peut noter l'excellent Ladyhawke (1985), film fantastique médiéval, très beau, intelligent, palpitant et tout et tout. De plus Michelle en apparition nocturne est magnifique. Puis ce sont les hilarantes Sorcières d'Eastwick du grand Georges Miller avec le non moins grand Jack Nicholson. C'est une comédie fantastique potache, diaboliquement ludique, qui est un bonheur à revoir de temps en temps.
Michelle enchaîne encore quelques films inutiles, dont le soporifique Tequila Sunrise (1988), avant de trouver la gloire avec Les Liaisons Dangereuses (1988) de Stephen Frears. Son interprétation sublime de Madame de Tourvel lui vaut une nomination aux Oscars. Après cette indéniable réussite, elle enchaîne avec un premier rôle fascinant dans Susie et les Baker Boys (1989), pour lequel elle chante aussi admirablement bien. Les quelques uvres suivantes ne sont pas très brillantes, La Maison Russie, Love Field, Frankie et Jonny (film raté mais belle performance, il faut le dire). Enfin arrive Batman Returns et l'incarnation absolue de Catwoman. Mais aussi le splendide Le Temps de l'Innocence de Martin Scorsese (avec Winona Ryder !), démontrant définitivement que Michelle porte le costume d'époque comme personne. (Kate Winslet le porte bien aussi, c'est vrai). Puis c'est le déclin, doucement mais sûrement. Un Wolf (1993) à moitié réussi, un Esprits Rebelles (1994) parodique, des mélodrames et des comédies romantiques à la pelle (le syndrome Meg Ryan-Julia Roberts-Sandra Bullock, au secours !). Tout n'est pas nul, loin de là, comme par exemple le très réussi Un Beau Jour, et Michelle reste une grande actrice phénoménalement belle, mais bon... On attend mieux, logiquement.
Encore une citation Pfeifferienne pour bien démontrer que l'ampleur de Batman Returns n'échappait pas seulement à Burton mais aussi aux acteurs :
"Le personnage de Catwoman/Selina Kyle incarne la dualité, et je pense que la plupart des gens - en particulier les femmes - ont des difficultés à accepter leur face obscure. Catwoman est un personnage incroyablement puissant, émouvant, amusant et très touchant. J'ai adoré l'interpréter."
Oui, c'est un peu cours, mais finalement c'est exactement cela. Je ne suis pas sûr que Michelle ait disséqué Catwoman autant que je l'ai fait (arrêtez de rire au fond !), mais j'aime beaucoup son résumé. Et le film montre bien que Michelle s'est beaucoup amusée dans ce rôle. Et bien je l'affirme ici, nous aussi Michelle on a adoré te voir interpréter Catwoman.
Autour, sur et dans Catwoman (oui, c'est vulgaire, mais c'est dans l'esprit)
Bien, il reste sans doute des choses à ajouter sur le sujet. Mais j'ai déjà beaucoup discouru de ce personnage si riche, sur ma page de commentaires. Retournez-y si vous avez l'impression d'avoir raté quelque chose. Tiens, ça me fait penser que je n'ai pas vraiment insisté sur l'aspect le plus populaire de Catwoman, son incarnation de la Femme Libérée. Aspect tout à fait présent, mais qui ne me semble pas être le plus primordial (même s'il est souvent présent dans l'univers burtonien). De plus, pour ce qui est des femmes libres, le définitif Faster Pussycat Kill Kill ! de Russ Meyer avec son trio de déesses monstrueuses et castagneuses, dépasse la finalement bien gentillette Selina. Non, Catwoman n'est pas un symbole du mouvement de libération de la femme, c'est bel et bien un dérivé des maîtresses SM qui peuplent les fantasmes masculins et féminins (si ! si ! féminins aussi). On sait que Burton aime les femmes fortes et tourmentées (aussi bien psychologiquement que physiquement), mais qu'il avait avant tout en tête l'image du monstre de Frankenstein. Catwoman c'est la "mort qui marche" et pour Burton, ce personnage ne peut exister que dans le cadre d'un corps blessé et recousu. En cela le personnage est parfait, Burton pouvant justifier ce statut de mort-vivant par l'intervention du mythe des neuf vies du chat. Utilisées de manière bouleversantes dans le film, les neuf vies permettent de "crédibiliser" ce qui serait autrement de pures ficelles de scénario, voire de pures invraisemblances. On sait que la plupart des scénaristes hollywoodiens ne s'embarrasseraient pas de ce genre de détails pour justifier des scènes d'action surréalistes et surtout ils n'iraient pas chercher un "prétexte" aussi poétique.
La richesse de Selina Kyle est sans limite, chacun de ses actes ouvrant les portes de désirs inconscients ou de mythes primordiaux (pléonasme). L'imagerie des super-héros forme la base des légendes modernes (des légendes urbaines, comme disent les universitaires) et Catwoman est une clef de voûte de cette imagerie. Car elle est le personnage féminin le plus complexe de cet univers essentiellement masculin. C'est une femme forte et révoltée dans le monde machiste des Superman et autre Captain America (on y revient, donc). Mais je fais du révisionnisme, là. La Catwoman créée par Bob Kane n'est pas du tout ainsi. La Catwoman interprétée par Julie Newmar, non plus. C'est une voleuse de charme, certes, mais sans grande envergure. Elle essaie de séduire Batman mais le côté SM et cruel n'est explicité que bien plus tard. Comme pour le premier film, l'influence de l'oeuvre de Frank Miller est évidente. Si Catwoman est quasi absente du Dark Knight (elle est présentée comme vieille, solitaire et avec un sérieux problème de poids, la plus terrible relecture d'un personnage de Batman, d'ailleurs), c'est le même état d'esprit qui domine Batman Returns. Moins que dans Batman, mais toujours en filigrane. Catwoman et Batman ne sont voués qu'à la solitude et le final de Batman Returns pourrait presque ouvrir directement sur une adaptation de Dark Knight (certes, il manque Robin, mais franchement, on s'en fout de Robin et de son imagerie homosexuelle kitsch). Bon, certes, comme tout le monde, Batman a des tendances gay, mais ce n'est pas la peine d'en rajouter, on l'a déjà bien compris dans ses relations avec la gente féminine. C'était un message personnel à l'intention de M. Joel Schumacher.
Où en étais-je ? Sans doute une nouvelle fois perdu dans des extrapolations débordant sur des parallèle entre Catwoman et les déesses gréco-romaines (Catwoman est toutes les déesses en une, Aphrodite, Athéna, Artémis, Héra et même Perséphone (descendu aux Enfers sans être morte). Mais bon, là j'avoue que ça tournerait un peu au vice et que je finirais sur les bancs d'un amphi quelconque en train de faire un cours sur "La Femme Libre et la Mort, une approche comparative du mythe de Catwoman." En fait c'est une bonne idée, il faudra que j'en reparle.
Je n'ai pas mentionné la Catwoman originelle, ni sa postérité dans le monde des Comics (la principale caractéristique de cette Catwoman de papier c'est que son tour de poitrine augmente au fil des ans jusqu'à atteindre des proportions hallucinantes, tiens, on revient à Russ Meyer, je vous jure, on voit que ce ne sont pas des femmes qui dessinent ces Comics). Un comble quand on pense à Michelle Pfeiffer. Je peux aussi toucher un mot sur la Catwoman de la très réussie série animée des années 90. Fortement influencée par celle de Burton, elle perd quand même quasiment toute sa dualité et tous ses tourments. Bien belle, mais bien fade aussi.
Et avant d'en finir, j'aimerais quand même glisser un mot sur le film Cat People (La Féline) du génial Jack Tourneur et qui semble être plus qu'une inspiration pour toutes les femmes-chats depuis 1942. Le Fantastique y est traité avec une intelligence, à la fois de mise en scène et scénaristique, phénoménale. Le film fait peur, très peur, le film émerveille, le film émeut, le film hante. La trilogie Cat People, Vaudou et Rendez-Vous Avec la Peur (peut-être le film le plus terrifiant de l'histoire du cinéma), tous trois de Tourneur, a posé les limites de l'indicible et de l'effroi sur grand écran. Et le personnage principal possède des peurs et des tourments qui ne sont pas si éloignés que cela de notre Catwoman.
Et on peut aussi rêver sur le fameux Catwoman entièrement dirigé par Burton mais qui semble plus un fantasme de fans qu'une réalité probable. Personne à Hollywood n'aurait le courage de mettre en chantier une telle uvre. De plus, Michelle Pfeiffer est définitivement trop... euh... ancienne pour reprendre le rôle. Et à l'heure actuelle, on voit mal qui pourrait être une Catwoman aussi grandiose (Mindy Clarke ? Ah oui... Mindy Clarke, je suis d'accord, mais je dois bien être l'un des seuls...)
Au final, et après avoir longtemps été le projet chouchou d'Ashley Judd, c'est Halle Berry qui sera la nouvelle Catwoman. Un choix judicieux.
En conclusion (provisoire, forcément provisoire) que l'on soit homme, femme ou entre les deux (le plus probable), Selina Kyle possède un incroyable pouvoir de fascination, conscient et surtout inconscient. Elle possède la force des personnages mythiques qui incarnent avec brio un grand nombre de thèmes, de fantasmes, de peurs, de rêves... C'est donc un pur personnage burtonien, l'un des plus riches, l'un des plus bouleversants, l'un des plus sublimes.
Ma page de photos de Michelle Pfeiffer dans Batman Returns
Le script du Catwoman qu'aurait pu tourner Tim Burton
La page de référence sur toutes les incarnations de Catwoman :
Le script de Catwoman, le film, par Daniel Waters peut être lu ici :
Une page de référence sur Michelle Pfeiffer :