Si je devais désigner un film
responsable de mon état mental actuel (dingue malade de cinéma) ce serait sans problème
celui-là. Batman Le Défi reste encore aujourd'hui (avec Heavenly Creatures) mon plus
grand choc sur grand écran. Un traumatisme total qui m'a fait découvrir des sommets
émotionnels dont je n'imaginais pas l'existence. Et si Edward reste la plus émouvante,
dans un sens féerique, des uvres de Tim Burton, Batman Returns est son
chef-d'oeuvre, que ce soit au niveau de la richesse, de la force et de la noirceur. Un
film quasi unique dans l'histoire du cinéma hollywoodien, le triomphe d'un auteur au
cur de mille et une contraintes, la perfection du 7e art. Cette suite s'avère très
très supérieure à l'original, tellement plus dingue, plus bouleversante, plus violente,
plus excessive, plus riche, plus belle, plus intelligente, plus burtonienne. Batman
Returns est l'apothéose du cinéma de Tim Burton, une uvre qui se prête à un
nombre quasi infini d'interprétations, une merveille dont on ne peut jamais se lasser
même si on la passe en boucle pendant des jours, l'alchimie parfaite entre un pur film
d'entertainment et l'univers très personnel d'un auteur. Burton n'a jamais autant
vampirisé un film, il a annexé ses producteurs, son histoire, ses personnages, ses
acteurs... Tout va dans le sens de sa vision. Et même si aujourd'hui il affirme garder un
mauvais souvenir du tournage de Batman Returns (ce qui est compréhensible au vu de toutes
les pressions auxquelles il a du résister), ce film demeure sa plus grande réussite en
tant qu'auteur.
On peut discourir pendant des heures
sur Batman Returns sans jamais épuiser ses incroyables ressources thématiques. Ce qu'il
faut tout d'abord remarquer c'est que la genèse du film annonce déjà le résultat
final. Déçu par l'expérience du premier Batman, Tim Burton accepte néanmoins de se
réinvestir à fond dans le tournage de l'inévitable séquelle. En 1991 au moment où Batman Returns est mis en chantier, Burton est véritablement au sommet de sa gloire,
toutes ses uvres ont été des succès et Edward Scissorhands vient juste de
révéler l'existence de Burton aux yeux des critiques. Il peut donc tout se permettre, ou
presque. Il s'entoure de la meilleure équipe qui soit. Danny Elfman à la musique
(évidemment), Stefan Czapsky à la photographie (évidemment, bis), le génial Bo Welch
aux décors et surtout Daniel Waters à l'écriture d'un scénario monstrueux. Avec moins
de pressions que pour le premier opus, Burton reprend l'histoire de Bruce Wayne là où il
l'avait laissé en 1989. En ce sens, Batman Returns ne serait pas aussi bon si le
précédent film ne lui avait pas taillé la route. En fait le premier Batman semble
exister juste comme une introduction, un court prologue à Batman 2. Comme si l'histoire
de Batman, après une brève présentation d'usage, ne commençait (et s'achevait)
véritablement qu'avec cette suite. Batman Returns est LE film définitif sur le Batman
pré-Frank Miller. Burton a enfin réussi à donner vie à SA vision du mythe. D'où
l'aspect nocturne, étouffant, expressionniste, souvent grotesque, toujours émouvant de
ce film qui ne ressemble à aucun autre.
Première constatation, Batman Returns n'est pas ce qu'il semble être. On annonce un film d'action, Burton se contre-fout des
scènes d'action et expédie quelques très courts instants de violence et de destruction
totalement délirants. On annonce un film fantastique, Burton pond une uvre
inclassable, impossible à dater dans le temps ou à situer dans l'espace. On annonce un
film de super-héros et Burton fait un film de monstres. On annonce un film familial et
Burton n'est jamais allé aussi loin dans la violence, l'érotisme, l'ambiguïté, la
cruauté, la complexité. On annonce un film de stars et Burton nous montre un Keaton transparent, une Pfeiffer morte-vivante en
décomposition, un De Vito en clodo craspec et pathétique, un Walken en incarnation de
toutes les tares de l'Amérike triomphante et tout un univers en déliquescence totalement
désespéré. On annonce un blockbuster de plus et on se retrouve avec un film malade,
pessimiste et dérangeant. Il fallait oser, Burton l'a fait, et il a réussi au delà de
toutes les espérances.
L'esthétique générale
du film n'a plus grand chose à voir avec celle du premier opus. Gotham City a perdu son
aspect de grande métropole glauque américaine pour revêtir celle d'une étrange ville
"en studio", Gotham City n'est plus qu'un décor de cinéma, Gotham City semble
directement sorti d'un film de Murnau. Les ruelles, les statues, les façades sortent du
Cabinet du Dr Caligari. Et si Batman se déroulait pendant l'automne quand la grisaille
commence à tomber sur la ville, Batman Returns se déroule à la veille de Noël, dans le
froid et la neige de décembre. De plus Batman Returns est un film presque entièrement
nocturne. Alors que Batman se permettait un grand nombre de scènes à la lumière du
jour, Batman Returns n'en possède qu'une minuscule poignée et le plus troublant c'est
que ces scènes étant tournées en studio ce n'est même pas une lumière naturelle qui
les touche. D'où une impression unique, comme par exemple dans la fabuleuse scène du
cimetière, la lumière elle-même n'est plus qu'un fantôme. Batman Returns étant
d'après les propres termes de Czapski, "un film en noir et bleu". Un noir et un
bleu qui tranche avec les froides lumières artificielles qui illustrent la norme (les
bureaux, la fête de Shreck), alors que les ténèbres sont le domaine de la marginalité,
de la folie, de la liberté (de l'antre du Pingouin au salon de Bruce Wayne). Plus les
ténèbres sont opaques plus la liberté est grande, c'est au cur de la pénombre
que s'abolit la frontière entre le Bien et le Mal. Batman Returns est l'un des films les
plus sombres de l'histoire du cinéma, dans tous les sens du terme. Mais cela ne se
traduit pas uniquement au niveau du visuel. Il faudrait d'ailleurs insister sur la beauté
des décors, encore plus magnifiques que ceux du premier film et surtout beaucoup mieux
mis en valeur par la caméra virtuose de Burton (en particulier lors de la tétanisante
scène d'ouverture ou dans la première vision du zoo abandonné).
La noirceur transparaît aussi dans la
musique. Plus de Prince sautillant, plus de valse décalée. Musicalement Batman Returns est bien plus qu'hallucinant. Une seule chanson, et ce n'est pas une concession
commerciale. Burton faisant appel à l'un de ses groupes favoris, les géniaux Siouxsie
and the Banshees (l'un des meilleurs groupes de tous les temps, rien que ça). Survivants
du Punk, précurseurs du Gothique, ayant traversé toutes les modes avec un certain brio,
Siouxsie and the Banshees s'allient à Danny Elfman le temps d'un Face To Face sublime ;
les paroles commentent les images avec intelligence, la musique est superbe, une
réussite. La musique originale de Danny Elfman est encore plus incroyable. Le thème du
premier film est repris mais transcendé, il se fait plus sombre, plus emphatique, plus
violent, plus déstructuré, les chœurs qui avaient magnifiés Edward Scissorhands, se
font de nouveau omniprésents, le résultat est phénoménal. Et toute la BO est au même
niveau que cette correction du thème principal. Le Pingouin hérite d'une marche funèbre
clouante, Catwoman est accompagnée de bouleversants miaulements de violons dingues, les
scènes d'action sont dynamitées par une musique de cirque (comme si Nino Rota
rencontrait Terminator), le final dépasse les mots (et renforce les maux). Tout est
merveilleux et d'une puissance incroyable.
Ténèbres, toujours et encore, au
niveau de l'histoire et des personnages. Aux clichés de BD du premier Batman répondent
des protagonistes d'une complexité infinie et un scénario d'une richesse inépuisable.
Batman/Bruce Wayne est encore plus figé dans sa posture de super-héros menant une lutte
perdue d'avance contre un Mal qui ne peut que le dominer. Enfermé dans une solitude sans
fin, il fait échos au Michael Corleone du Parrain 2e Partie. Batman est en permanence
dépassé par les événements. Ne comprenant plus rien ni aux alliances entre les
"méchants", ni même aux motivations de ceux-ci. Batman est dépassé par la
complexité d'un univers ou personne n'est tout blanc ou tout noir. Le Joker était un
méchant absolu, irrécupérable, extrêmement classique. Les "méchants" de
Batman Returns sont bien loin de tout cela. Le Pingouin abandonné par ses parents ne
rêve que de reconnaissance et de normalité, manipulé et trahit il n'accomplit que la
vengeance si longtemps contenue. Selina Kyle, victime de naïveté ne cherche qu'à se
venger, par delà la mort, de son assassin (rien de pire que dans The Crow ou dans le
moindre film d'action standard). Même Max Shreck (du nom de l'acteur interprétant
Nosferatu dans la merveille de Murnau, tiens, Murnau, encore), qui est le méchant le plus
méchant du film possède une véritable part d'humanité (voir la façon dont il prend la
place de son fils face au Pingouin). Batman Returns n'a rien mais alors rien d'un film
manichéen et c'est l'une de ses plus importantes qualités.
Batman Returns est un film où
l'humanité transparaît derrière l'animalité. Peut-être une des meilleures uvres sur la
dualité. Il suffit de voir pour cela la façon dont Selina et Bruce découvre leur double
vie mutuelle ou les fameuses répliques du Pingouin à Batman ("vous êtes jaloux
parce que moi je suis un vrai monstre et que vous devez portez un masque."
"Peut-être..." ou bien le même Pingouin déclamant "je ne suis pas un
homme, je suis un animal." parodiant en cela le John Merrick d'Elephant Man).
Le Pingouin ayant goûté les "joies" de la normalité et des lois de magouilles
et d'hypocrisie des humains, préfère retourner parmi sa troupe de saltimbanques et
surtout parmi sa vraie famille, les pingouins. Sublime constat de Burton présentant des
pingouins (!!!) comme plus humains que les humains (cf la manière dont ils inhument leur
"frère" à la fin du film). Les hommes cherchent à devenir des animaux, les
animaux cherchent à devenir des hommes, et plus personne ne sait où il en est. L'exemple
le plus troublant de ce délire existentiel propre à massacrer toutes les théories
philosophiques les plus admirables, c'est bien sûr le personnage de Selina Kyle/Catwoman.
Selina Kyle est une ratée, sans
avenir, sans talent, sans charme, sans vie. Elle essaie d'exister dans son petit monde de
fillette, partagée entre ses peluches et une décoration d'intérieure sortie de Candy
Candy ("Hello There !"). Non en fait elle n'existe même pas. Elle parle dans le
vide ("quelqu'un veut du café ?"). Elle parle à personne ("Bonsoir chéri
je suis rentrée ! Ah oui j'oubliais... je ne suis pas mariée"). Elle parle à son
chat, Miss Kitty ("Quoi ? Comment peut-on être aussi paumée ?..."). Elle parle
à son répondeur ("C'est la fiesta non-stop chez Selina Kyle et son cher
répondeur"). En bref c'est l'incarnation du néant existentiel absolu. Un terrain
absolument vierge qui peut donc tout exprimer. Mais pour cela Selina Kyle doit mourir. Et
revivre. Ce qui est l'occasion d'une des meilleures séquences tournées par Burton (et
sans doute l'une des meilleures séquences de l'histoire du cinéma). Jetée du 40e étage
et quelques, par Max Shreck, Selina Kyle trouve une mort violente et instantanée après
une chute particulièrement impressionnante. Mais un chat a neuf vies, et Selina Kyle est
presque un chat. Pour qu'elle ait droit aux 9 vies réglementaires, elle doit devenir un
chat. Et ce sont les félins (sublimement filmés, Burton aime les chats et ça se voit)
eux-mêmes qui vont lui offrir ce statut. Il la ressuscite en la vampirisant
littéralement. Selina Kyle va alors devenir une morte-vivante unique dans les annales du
cinéma. Dotée de neuf vies, d'une seconde peau féline qui tend à se décomposer au fur
et à mesure que les vies défilent, elle devient la plus parfaite incarnation de la Femme
burtonienne. Rayures, coutures, blessures, physiquement Catwoman est déjà un idéal
burtonien. Comme plus tard la Sally du Nightmare Before Christmas, Selina Kyle se recoud
elle-même. Comme Edward, elle détruit sa normalité dans une débauche de violence. Le
côté obscur prend le dessus (et il y aura nécessairement conflit entre Catwoman et
Selina Kyle, entre la Mort et le Vivant, entre le Chat et l'Humain, entre l'instinct et
les sentiments, entre le Bien et le Mal, entre les souvenirs de l'ancienne vie et le
désir de sang.
Une fois la nouvelle peau (la nouvelle
chair ?) constituée, Selina Kyle existe enfin ("Hell Here"). Toute de noir
vêtue, elle est habitée par les ténèbres, elle a atteint la liberté totale. La Femme
Libérée dans tous les sens du terme. On a surtout vu dans Catwoman un superbe fantasme
SM, ce qui est vrai, et qui est assumé de manière géniale par Burton. Selina Kyle,
c'est une sexualité débridée et agressive merveilleusement servie par le scénario
scabreux de Daniel Waters, celui-ci caviardant chaque scène, chaque réplique de
sous-entendus des plus crus. Et pas seulement dans les séquences les plus évidentes (le
brin de toilette de Catwoman, les répliques du style "j'ai du rentrer chez moi pour
nourrir ma chatte") mais aussi dans des gags visuels incroyables, dont le plus fameux
demeure le 69 impensable entre Catwoman et Le Pingouin (le petit oiseau du Pingouin et la
chatte de Catwoman, un délire). Catwoman est donc magnifiquement secondée dans son
expression d'un érotisme décalé et enchanteur. C'est le craquement du skaï brillant,
c'est le coup de fouet qui prive les mecs de leur symbole phallique, c'est le
sado-masochisme explicite entre Batman et Catwoman (le coup de griffe récurent).
Sado-masochisme qui se retrouve même entre Selina Kyle et Bruce Wayne, quand chacun
révèle les blessures psychiques et aussi physiques de l'autre (on a rarement vu une
étreinte obligée aussi peu sensuelle, cf la brûlure sur le bras de Selina). Selina Kyle
dont les tourments semblent ne jamais pouvoir s'arrêter. Elle est trompée et assassinée
par tous les personnages masculins qu'elle croise. Mais c'est aussi une femme fatale
incroyable (un exemple décalé mais lourd de sens lorsqu'elle parle du garçon qui avait
remarqué qu'elle ne portait pas de culotte, "il est mort aujourd'hui", relation
de cause à effet ?). Selina Kyle que Burton nous présente comme éternellement vierge,
incapable d'avoir une relation de plus de 10 minutes avec une personne de sexe masculin,
tellement submergée de sentiments que paradoxalement elle ne peut en accomplir aucun. Un
personnage d'une telle complexité que sa fin si tétanisante semble pourtant fort
logique. Burton s'en donne d'ailleurs à cur joie dans un final impensable pour un
film "grand public".
Pas de happy end, et même pire que
cela. Auto-justice, suicide, morts extrêmement violentes et graphiques, solitudes,
rarement film aura réservé une conclusion aussi pessimiste. Une folie totale. Je me
souviendrais sans doute toute ma vie de ma première vision de Batman Returns, c'est sans
doute la seule fois où j'ai vraiment été à deux doigts de m'évanouir dans une salle
de cinéma. Incroyable. Je n'avais jamais vu cela et je ne l'ai jamais revu. Comment dans
un film aussi imposant, avec un si gros budget, comment dans une uvre à but de
divertissement, comment a-t-on pu laisser passer l'une des séquences les plus violentes
de l'histoire du cinéma ? Et l'une des codas les plus dépressives qu'il soit donné de
voir. Seven à coté c'est du Disney (enfin quand même pas, mais ce n'est pas pire, loin
de là). Et si la première fois que j'ai vu le film j'y ai laissé une bonne part de ma
santé mentale, aujourd'hui encore (après un nombre incalculable de visions) la fin de
Batman Returns me coupe toujours littéralement le souffle (suivant ma disposition je
frôlerais de nouveau la crise cardiaque ou la crise de larmes). Un tel impact est bien
sûr la somme de très nombreux facteurs. La musique de Danny Elfman n'a jamais été
aussi puissante, l'ambiance du film est proche de l'apocalypse avant de sombrer au plus
profond des ténèbres et de la mélancolie, les acteurs semblent véritablement perdre
les pédales en direct (Catwoman perdant, elle, toutes ses coutures, la décomposition en
direct), la violence est incroyable (l'électrocution en gros plan, le pingouin bavant un
sang vert du plus bel effet), la tension est inhumaine (la première fois j'étais
persuadé, mais vraiment persuadé, que le Pingouin allait tuer Batman dans le dos), la
charge émotionnelle dépasse les mots ("six, seven, and little girls gone to
heaven"). Ce film est inconcevable et pourtant il existe, bel et bien, il a été
produit par Warner Bros et il a été présenté comme le grand film familial de l'été
1992. Les gens regardent-ils les films avec autant de superficialité pour avoir été à
ce point insensibles à l'impact extraordinaire de cette uvre hors normes ?
Et c'est loin d'être tout, chaque
scène de Batman Returns est chargée à ras-bord de contenu symbolique complexe. Chaque
personnage demanderait une étude complète. Chaque plan devrait être disséqué (enfin
pas trop non plus, cela doit être effectué de manière non scolaire et cela ne doit pas
tuer le plaisir du spectateur, c'est tout). Mais pour un film aussi riche que Batman
Returns, l'étude se justifie, car il semble que beaucoup de spectateurs soient passés à
côté de sens primordiaux. Certes on pourra me répliquer qu'à force de disséquer un
film on peut lui faire dire tout ce que l'on veut. Certes, certes... Mais quand on
remarque que les thèmes enfouis dans Batman Returns le sont aussi dans les autres
uvres de Burton, je dirais que cela fait beaucoup de coïncidences. Burton a
consciemment (ou inconsciemment, après tout la sublimation c'est l'Art) donné tous ces
sens à Batman Returns. Et en ce sens c'est sa plus grande victoire en tant qu'auteur à
Hollywood. Son plus gros budget ayant donné son film le plus difficile, le plus sombre,
le plus violent, le moins évident pour ceux qui ne connaissent pas l'univers de Tim
Burton. On se demandera encore longtemps par quel miracle une telle uvre a pu voir
le jour, s'accomplir d'un bout à l'autre, sans concession primordiale, trompant les
spectateurs superficiels et traumatisant les cinéphiles sensibles. Et après on ose dire
que le cinéma hollywoodien à gros budget ne délivre que des produits formatés,
prévisibles, commerciaux, plats, classiques, etc...
Revoyez Batman Returns avec un il
neuf, sans préjugé, laissez vous porter par le souffle épique de ce qui est peut-être
le film le plus impressionnant de l'histoire du cinéma. Il y a le même génie créatif
et personnel chez Tim Burton que chez David Lynch, Fritz Lang, Orson Welles ou Peter
Jackson. Mais ce qui fait la force de Burton, c'est que son uvre peut toucher
absolument tout le monde, il n'y a pas l'obscurité de Lynch, l'austérité de Kubrick ou
l'excès de Peter Jackson, il y a chez Burton des degrés de lecture magiquement
articulés. Au premier degré Beetlejuice ou Mars Attacks ! sont d'irrésistibles
comédies, les Batman sont de bons films d'action (mais pas de très bons films d'actions, Batman Returns n'œuvrant pas du tout sur le même terrain que Die Hard), Edward ou The
Nightmare sont de féerique films familiaux, etc... Et suivant les sensibilités (car
c'est ainsi que travaillent les degrés de lecture des uvres de Burton) de nouvelles
visions s'ouvrent. Il n'y a pas une seule interprétation d'un film de Tim Burton, il y en
a autant qu'il y a de spectateurs (c'est vrai pour toute uvre d'art mais c'est
tellement évident chez Burton). Et chacun sera touché ou non, suivant son expérience
personnelle, suivant son émotivité, par le contenu implicite de ses films uniques. Et
Batman Returns est aussi une superbe oeuvre sur les chats et bon, personnellement, cela ne
peut que me toucher davantage (l'être parfait c'est Catwoman...).
Batman Returns est l'apothéose de Tim Burton. Après avoir donné tout son cur dans Edward Scissorhands et avant de donner tous ses souvenirs dans Ed Wood et Mars Attacks !, il donne toutes ses forces (toutes ses tripes, oserais-je dire) dans cette déferlante de sentiments qu'est
Batman Returns. Et si Burton renie aujourd'hui en partie ce second volet (on sait combien
Burton n'aime pas être soumis à des contraintes, aussi minimes soient-elles), ce film
lui échappe de toute façon, il vit par lui-même, tel qu'il a été conçu par la somme
de talents fabuleux. Un film monstre qui parle de monstres, un film ténébreux qui parle
des ténèbres, une expérience indicible qui fait échos à d'autres réussites
équivalentes dans l'histoire du cinéma, telles la Nuit du Chasseur ou Phantom Of The
Paradise. Quand la forme trouve l'adéquation parfaite avec le fond, comme si l'on ne
pouvait pas changer l'un sans bouleverser l'autre. La perfection tout simplement.
Commentaires sur Batman
Returns
LA
MUSIQUE DE BATMAN RETURNS
Batman Returns - Warner Bros présente un film de Tim Burton. Avec Michael
Keaton, Danny De Vito, Michelle Pfeiffer, Christopher Walken, Michael Gough, Pat Hingle,
Michael Murphy... Musique de Danny Elfman. Montage de Chris Lebenzon. Décors de Bo Welch.
Photographie de Stefan Czapsky. Co-producteur : Larry Franco. Producteurs exécutifs : Jon
Peters, Peter Guber, Benjamin Melniker, Michael Uslan. Basé sur les personnages créés
par Bob Kane et publiés par DC Comics. Histoire de Daniel Waters et Sam Hamm. Scénario
de Daniel Waters. Produit par Denise Di Novi et Tim Burton. Mis en scène par Tim Burton.
129 min. 1992. |