The Third Eye Foundation - You Guys Kill Me
Bristol est peut-être l'épicentre de
la déprime fin de siècle mais c'est aussi le cur du renouveau de la musique de
tristesse absolue. Après la Soul et le Hip-Hop, c'est au tour de la Drum'n'Bass de se
mettre à l'heure de la fin du monde. The Third Eye Foundation fait de la
"drum'n'bass gothique" et il le fait bien. Cet album est lumineusement
étouffant, quasi effrayant par moment (testez For All The Brothers and Sisters ou Lions
Writing The Bible dans une soirée entre amis, ça va créer un froid...). Cela commence
comme un funk qui aurait appris son Ian Curtis par cur, A Galaxy Of Scars, rien que
le titre... Et déjà l'ombre du grand Richard D. James plane sur cet album. Le Richard D.
James période Classics et Ambient, avant qu'il ne cède totalement à la facilité de la
rythmique n'importe quoi et des mélodies enfantines. For All The Brothers and Sisters c'est un étrange morceau dancefloor ponctué de sirènes angoissantes (ou bien sont-ce
des hurlements trafiqués ? des cris d'animaux exotiques ?) There's A Fight At The End Of
The Tunnel fait penser à Alec Empire quand il triture son ambient gothique à lui. An
Even Harder Shade Of Dark porte bien son nom, la drum'n'bass la moins dansante du monde,
un comble, c'est divin. Lions Writing The Bible introduit le morceau suivant avec des
sonorités qui traumatiseront les enfants en bas âge. No Dove No Covenant c'est la
continuité de ce son effrayant qui se perd dans les méandres d'une jungle au sens propre
comme au sens figuré. Une étrange jungle mi-sauvage, mi-urbaine, des échos de félins
électrocutés résonnant dans les égouts d'une métropole endormie. I'm Sick And Tired
Of Being Sick and Tired est le morceau le plus clairement Aphextwinien de l'album. Metapharstic résonne au loin, les bruissements métalliques d'une usine en délire se
glissent dans cette drum'n'bass pour Terminators. Puis c'est That Would Be Exhibiting The
Same Weak Traits, une rythmique jungle comme on les aime continuellement tirée vers les
profondeurs des ténèbres par des nappes de synthés envoûtantes et effrayantes. De la
drum'n'bass pour vampires en quelque sorte. Et l'album (relativement court) s'achève sur In Bristol With A Pistol (tout un programme), un nouveau Funk électrifié et hypnotique
qui cisaille les conduits auditifs. En clair un album franchement délicieux, intelligent,
risqué, passionnant, assimilant les genres avec brio pour donner naissance à un univers
étouffant mais palpitant. Impeccable.
Nouvel avis bien plus tard : toujours aussi impressionnant à
réécouter, You Guys Kill Me est bien un petit classique. Mais bon il ne fait pas le
poids un seul round face au premiers Aphex Twin et encore moins face à Plaid (même si ce
n'est pas tout à fait le même terrain d'attaque). |
Chef Aid - The South Park Album
South Park, c'est tout un poème. Le
nouveau truc à la mode parce qu'il a su repousser les limites du mauvais goût et de
l'outrance sur petit écran. Certes c'est nettement plus explicite, violent et laid que
les Simpsons mais c'est aussi relativement moins bien. Et cela m'étonnerait que South
Park dure aussi longtemps que la famille jaune aux yeux exorbités. Mais bon ici je n'ai
pas à parler de la série (que j'aime beaucoup par ailleurs, oui tout le monde a ses
petites faiblesses). Non nous allons parler du disque forcément top hype qui profite de
l'engouement populaire pour essayer de grappiller quelques dollars de plus sur le dos des
fans. Comme pour le Yellow Album des Simpsons, il faut avouer au final que le projet s'en
sort plutôt "bien". D'une part parce qu'Isaac Hayes (la voix en VO du Chef) est
toujours un joyeux potache prêt à faire n'importe quoi pour se faire remarquer (de toute
façon c'est lui le Duke de New-York, c'est lui le boss). Et bon on sent qu'il s'amuse
beaucoup à chanter n'importe quoi avec un 257e degré gros comme un camion. Tout le reste
de ce long pseudo tribute album est dans le même ton. C'est débile, profondément et
irrécupérablement débile, potache, vulgaire et au-delà des frontières du bon goût
mais c'est diantrement bon par moments (et chiant dans pas mal d'autres).
Voyons cela en vitesse. A sauver en
premier Nowhere To Run pour le bordel orgiaque dominé par Ol Dirty Bastard (lui dès
qu'il y a un plan cradingue il est toujours prêt) et Ozzy Osbourne (même remarque que
pour le Bastard) sur une musique bateau de Crystal Method (qui sont capables de mieux, mais
là on s'en fout). Rancid craint, mais méchamment, comme d'hab. La reprise de Come Sail
Away le big classique ringard de Styx par Cartman est LA perle absolue du disque. C'est
tout simplement atroce et totalement génial. Sûr que dans un an, on ressortira ce disque
juste pour écouter ce délire Spinal Tapien en diable. Kenny's Dead de Master P est une
variation potache sur le Freddie's Dead de Curtis Mayfield, comme l'originale est une des
meilleures chansons du monde, ça se laisse écouter. Will They Die 4 You est sans doute
ce que Puff Daddy a chanté de mieux et c'est assez réjouissant (le nouveau NIN va sonner
comme ça, je crois). Perry Farrell fait son Perry Farrell période premier Porno For
Pyros, c'est bien mais franchement ce n'est pas 100 Ways. Bubblegoose de Wyclef Jean est
merveilleux grâce au refrain entonné par les personnages principaux de la série.
Miam miam. Elton John... euh... rien... Horny, chanson insupportable au demeurant, est
transcendée par une hilarante discussion téléphonique gag, comment massacrer une
chanson foireuse avec panache. Devo, ben, Devo a vieilli. Rick James et Ike Turner ? Il
passent et on ne s'en rend même pas compte. On zappe un peu, beaucoup... Tiens ? Ween ? euh...
pas mal... Chef en duo avec Meat Loaf ? Un gag hilarant arrive au milieu, à part ça
musicalement c'est aussi nase que le reste du disque. Joe Strummer ???? LE Joe Strummer ?
L'un des trois ou quatre plus grands compositeurs 100% rock'n'roll du siècle ? Bah oui,
c'est bien lui, et c'est terrible et merveilleux à la fois, il nous fait un truc
exactement pareil que ce qu'il faisait en 79. C'est forcément divin et totalement
anachronique. On gardera le disque pour toujours juste pour lui. Primus fait du Primus,
c'est chiant à la longue, mais bon... Enfin le remix bordélique qui conclut le disque
avec les dialogues cultes de South Park parachève cette vaste farce plus ou moins drôle
qu'on classera pas trop loin du Best Of Carlos que toute personne de goût se doit de
posséder aussi. |
Un album de rap. Et oui ! Et un
sacrément bon album de rap. Le rap est un mouvement musical assez facile à cerner. Il y
a les précurseurs comme Grand Master Flash, les figures de proue comme Public Ennemy, les
adeptes de la fusion comme les Beastie Boys, les révolutionnaires comme les Nigger With
Attitude... A noter que les NWA sont les rappeurs les plus influents de ces dernières
années, car on leur doit ce fameux Gangsta Rap qui nous a donné les perles de Doctor Dre
ou d'Ice T mais aussi une foultitude de dérivés plus ou moins commerciaux et quelques
guerres bien imbéciles entre West et East Coast (1 macchabé célèbre de chaque côté).
Pour finalement s'achever sur des ruines avec un Puff Daddy plus proche de Will Smith que
d'Ice Cube. Et puis il y a le Wu Tang Clan. La dernière "Big Thing" dans le rap ces
dernières années. Deux albums gargantuesques et surtout une carrière solo pour à peu près tous les membres déjantés du
Clan. Au moment où le producteur géniallissime mais franchement tapé RZA sort une
pseudo BO assez inécoutable (en attendant un véritable premier album solo en 99), Method
Man délivre son deuxième effort (quasi) solitaire. Quasi, car on retrouve des noms pas
inconnus du tout (RZA, Raekwon, Masta Killa...). Un album concept qui nous cause de l'an
2000 et surtout de l'Apocalypse (cf l'intro hilarante du disque "Happy New Yea....
BBOOOOOOUUUUMMM !!!). Enfin le reste de T2000 est loin d'être aussi amusant. C'est du rap
agressif, parfois franchement effrayant (miam miam les hurlements sur Judgement Day, THE
tube évident). A la fois sans concession et lorgnant étrangement vers un son plus
mainstream (Break Ups 2 Make Ups avec d'Angelo !?!). Mais dans l'ensemble c'est un bon
exemple de ce que le rap ricain peut nous donner de mieux (avec tout ce que fait Busta
Rhymes, of course).
Nouvel avis bien plus tard : n'étant pas très fan de rap, j'avoue ne
pas avoir écouté très souvent Tical 2000 depuis sa sortie, surtout qu'il s'est fait
volé la vedette du genre dans ma discothèque par les derniers Foxy Brown, Busta Rhymes
et par Eminem. J'en garde un bon souvenir quand même. |
The Cardigans - Gran Turismo
La Suède, ses rênes, ses black
métaleux, sa pop.... Que de l'extrémisme... La pop suédoise n'est pas encore classée
comme arme par l'ONU, mais ça finira bien par arriver. Abba, Ace Of Base, les
Cardigans.... ça fait peur quelque part. Les Cardigans justement, insupportable
groupuscule mièvre et irritant, très fier de la voix de poupée gonflante de leur
chanteuse Nina Persson. Les Cardigans, auteurs de deux premiers albums tragiques quelque
part pas très loin d'Ace Of Base, bourrés de chansons horripilantes, elles-mêmes
accompagnées de clips d'une rare laideur. On n'attendait rien des Cardigans, à part qu'ils
nous laissent tranquilles. Et puis est arrivé My Favourite Game, incroyable single
magnifié par un superbe clip. Incroyable mais vrai. Les Cardigans, non seulement
devenaient supportables mais se payaient même le luxe de sortir une excellente chanson.
Et le pire (enfin le meilleur) c'est que l'album est presque entièrement du même niveau.
Fini le gnangnan, maintenant les Cardigans lorgnent vers le Trip-Hop ; certes ils suivent la
mode mais c'est fort réussi. Outre My Favorite Game, on peut dénicher
quelques véritables perles, tel le très beau Hanging Around. L'album s'écoute avec plaisir et
intérêt. Il y a une certaine légèreté dans la noirceur et une grâce insidieuse.
Nouvel avis bien plus tard : la grande
surprise
(encore une !) c'est que
cet album, que j'ai finalement peu écouté au moment de sa sortie, a magiquement
passé
l'épreuve du temps et il tourne bien davantage maintenant. Disons que je l'ai redécouvert sur
le tard et que je viens de me rendre compte (avec un certain effroi, je l'avoue) que
j'aime toutes les chansons du disque et qu'il y a vraiment de pures merveilles. |
Mercury Rev - Deserter's Songs
Peut-être le plus bel album sorti en
1998. Pour sûr le meilleur disque de l'année doit être This Is Hardcore de Pulp, mais
ce Deserter's Songs se situe à quelques encablures derrière. Mercury Rev abandonne le
délire sonique de ses débuts pour oeuvrer dans une pop mélodique mais toujours
génialement dingue et originale. Le résultat est bouleversant. La scie musicale de Holes, l'intro (à se damner) de Tonite It Shows, la grâce de Endlessly, le refrain de Goddess On A Hiway, la rythmique de Delta Sun Bottleneck Stomp, la voix sur tous les
morceaux, etc... Tout est proche de la perfection. Objectivement c'est bel et bien le
disque Pop/Rock le plus important de 1998. Un bijou
Nouvel avis bien plus tard : cet album revient réguliérement sur la
platine au moins 2 ou 3 fois par mois. A force de l'écouter en boucle il n'y a pas si
longtemps j'ai fini par trouver certaines chansons assez laborieuses (si si ! je vous jure
!), par contre je m'extasie de plus en plus sur Tonite It Shows, Endlessly et Opus 40. |
Portishead - Roseland NYC Live
Je pourrais discourir longuement sur le
pourquoi et le comment de mon enthousiasme indéfectible pour Portishead, le meilleur
groupe de Bristol (devant Massive Attack ! Si si !). Leurs deux albums sont de sublimes
perles, originales et complémentaires. La magie Portishead c'est une fusion délicate
entre une musique envoutante et la voix sublime de Beth Gibbons. Ce premier live possède
le même charme que ces 2 albums. Un très discret orchestre symphonique vient soutenir
des chansons déjà proches de la perfection. C'est tout simplement magnifique. Et tout
aussi indispensable que les autres disques portant la mention Portishead.
Nouvel avis bien plus tard : les deux albums tournent toujours autant,
mais il faut bien avouer que ce live ne possède pas le même pouvoir de fascination.
Disons qu'il est toujours plus tentant de passer les originaux plutôt que le live.
Dommage en fait parce qu'il est vraiment très bon (pas difficile, vu le niveau des
chansons originales). |
Jon Spencer Blues Explosion - Acme
Sans doute possible, ceci est LE disque
rock de 1998. Dès les premières notes, l'auditeur entre dans un univers sonique unique,
conçu autour de bonnes vieilles références blues et elvisiennes transcendées par une
production hallucinante. Un groove infernal et entêtant habite tous les morceaux et
l'ensemble dégage une magie digne des plus grandes productions rock du siècle. Rien à
jeter dans cette fresque à la fois monumental et délicieusement légère, finalement le
rock ce n'est "que" cela. Il suffit d'avoir entendu une seule fois la basse de Talk About The Blues, le riff de Blue Green Olga, les harmonies de Desperate, et
l'association dantesque Steve Albini/Jon Spencer/Alec Empire d'Attack pour ne plus
concevoir le rock de la même manière. Un indispensable des plus indispensables donc.
Nouvel avis bien plus tard : grand souvenir que cet album qui repasse
encore de temps en temps avec toujours le même plaisir. Peut-être pas un chef-d'oeuvre
mais un petit classique. |
R.E.M. - Up
Presque 20 ans après leur formation
les petits gars de R.E.M. n'avaient plus grand chose à prouver. Après un Murmur historique, après le succès commercial d'Out Of Time, après la perfection d'Automatic
For The People, R.E.M. semblait entrer dans une routine de folk-rock (ou l'inverse)
tiédasse, mais finalement on s'en foutait un peu. Et là ! Un pur miracle de la musique
moderne, R.E.M. vient de délivrer en 1998 ce qui est sans doute son meilleur album. Un
pur moment de grâce, émouvant, envoûtant, original, unique. Dès les premières notes
de Airportman on est déjà très loin de la vieille galaxie R.E.M., on est plus proche de
Suicide que de Happy Shiny People. Et tout l'album est ainsi. Enchaînant les perles pop
rock (Lotus, The Apologist, Daysleeper...) avec d'extraordinaires pièces correspondant à
ce fameux post-rock, post-pop très à la mode en ce moment (You're In The Air, Hope,
Diminished). Et lorsque la fin de l'album arrive, R.E.M. achève l'auditeur avec un Parakeet phénoménal et un Falls To Climb qui termine la renaissance du groupe.
Nouvel avis bien plus tard : je ne réécoute plus du tout Up. De temps
en temps je me dis que je pourrais y rejeter une oreille, mais non. J'ai rapidemment
overdosé et maintenant même s'il me laisse un formidable souvenir, je n'ai pas vraiment
envie de le repasser, comme tous les albums de R.E.M. d'ailleurs. |
Manic Street Preachers -
This is my truth tell me yours
Pas la peine d'insister sur le parcours
et l'histoire hallucinante de ce groupe unique (d'autres le font bien mieux que moi). Et
intéressons nous surtout à la musique (et aux paroles, of course). Après un Everything
Must Go définitif, les Manics se devaient d'assurer la succession de cet album
prodigieux. Et bien, le moins que l'on puisse dire c'est que ce ne fut pas facile. Un bon
tiers de This Is My Truth est purement et simplement du remplissage. Ce n'est pas que les
chansons soient mauvaises, loin de là, mais cela sent la routine, le procédé, elles
auraient faites d'excellentes face B, mais sur un album relativement long cela n'apporte
qu'un surplus. Mais il reste quand même la majorité des nouvelles chansons, qui, elles,
sont à la hauteur de ce que l'on est en droit d'attendre du groupe. Bon, soyons honnête,
rien sur This Is My Truth n'est du niveau de A Design For Life, Everything Must Go ou Enola Alone. Mais il reste de pures perles largement au-dessus de la production british
actuelle, The Everlasting commence l'album en plaçant la barre très haut (trop haut ?)
et If You Tolerate This Your Children Will Be Next enchaîne toujours au même niveau, si
toute la suite avait été du même tonneau, cet album aurait été un petit chef-d'oeuvre,
ni plus, ni moins. Mais dès You Stole The Sun From My Heart, les Manics abandonnent la
lutte, ce sera pour une autre fois. Plus loin des My Little Empire, Born A Girl, Black Dog
On My Shoulder flirtent encore avec les étoiles, mais ce ne sera pas
suffisant. Au final les Manics remportent évidemment toute la sympathie de
l'auditeur (quelle bonne idée de finir sur S.Y.M.M.), mais on attendra surtout de voir la suite des événements.
Nouvel avis bien plus tard : bon, ben c'est pas brillant, je réécoute
encore Everything Must Go, mais alors This Is My Truth... c'est pas ça. Je prends plaisir
à écouter les singles lorsque je les croise sur une radio ou une chaîne musicale
quelconque mais je reconnais clairement la faiblesse de titres comme Tsunami ou You Stole
The Sun. Pas un grand disque. |
Garbage - Version 2.0
Voilà un cas bien difficile que celui
de Garbage, groupe opportuniste géré dans l'ombre par le talentueux Butch Vig et usant
d'une vitrine de luxe en la personne de Shirley Manson. Garbage est un produit, pour sûr,
dont les sources lorgnent méchamment vers Blondie, et l'on peut avoir bien pire
référence. C'est clair, Garbage c'est Blondie, enfin... toute proportions gardées, car
c'est nettement moins bien (c'est même gigantesquement moins bien). Le premier album
éponyme, très rock FM à l'américaine, s'épuisait sur la distance en s'endormant sur
le brio de quelques bonnes chansons (en particulier l'épastrouillant Only Happy When It
Rains). Le deuxième s'en sort déjà bien mieux. Certes il y a encore des horreurs et la
production clinquante ainsi que la désagréable accumulation de gimmicks toc et mode ne
jouent pas en faveur de cette version 2.0. Mais... Mais on a appris à apprécier Shirley
Manson, qui, de toutes les bimbos traînant sur MTV, est la plus sympathique (j'allais
dire la plus rock'n'roll, mais faut pas abuser non plus...). Et le produit Garbage, pour
tout marketé qu'il est, gagne en qualité avec le temps (d'excellentes faces B sont là
pour le prouver). Une bonne moitié du disque vaut le détour. De plus il y a au moins
deux hénaurmes merveilles : I Think I'm Paranoid et You Look So Fine. La première, à
sélectionner parmi les descendants les moins indignes du Blondie de la grande époque. La
deuxième, juste pour le plaisir. Mais ce n'est pas tout. Dans la même veine Blondiesque, Temptation Waits et Special tiennent fichtrement bien la route. Le single Push It est par
contre l'exemple même du morceau bourré de tics et de contre-façons. Mais je l'avoue,
c'est assez irrésistible. En clair, la voix très bitchy de Shirley Manson alliée à des
refrains gros comme des 50 tonnes, font de ce Version 2.0 une bonne surprise de la part
d'un groupe dont on n'attendait pas grand chose. De la variété internationale, certes,
mais de la bonne variété internationale.
Nouvel avis, un an plus tard : En même temps que l'on en
vient à apprécier de plus en plus Shirley, Version 2.0 a tendance à se
bonifier avec le temps. Il devrait vieillir avec une bonne dose de nostalgie et s'inscrire
dans le coeur d'une génération comme les chansons de Blondie ou d'Eurythmics l'ont fait
pour la mienne. |
Eels - Electro-Shock Blues
Eels est un groupe bizarre. Évidemment.
Un groupe unique, donc. La sortie de leur premier album avait donné lieu à d'étranges
comportements critiques. Le disque étant déjà sacralisé, commenté et purement et
simplement divinisé, avant même sa sortie. Il faut avouer que ce Beautiful Freaks était
de très très très grande qualité. Avec quand même un défaut majeur, cette impression
de vouloir toucher à tout en partant dans tous les sens et qui au final donnait un album
original, passionnant, assez inépuisable, mais sans véritable unité et qui aboutissait
finalement à une pure démonstration de force. Néanmoins Eels méritait déjà le statut
de grand groupe. Depuis ce premier effort Eels n'est plus un trio (deux survivants au
compteur) et le groupe est vraiment devenu LA chose de E (le chanteur, compositeur,
etc...). Et celui-ci ayant perdu une grande partie de sa famille entre les deux albums,
l'ambiance change donc radicalement. Enfin non, Beautiful Freaks était déjà
relativement sombre et dérangeant, mais finalement ce n'est rien comparé à cet Electro-Schock Blues qui n'a rien à envier aux meilleurs Cure. 16 chansons, relativement
courtes, une unité musicale beaucoup plus grande, mais surtout une unité thématique qui
fait de ce disque un véritable concept-album. La mort est le sujet principal, le
cur même de l'album. La mort, le suicide, la dépression, etc... Inutile donc de
dire que ce disque est un monument de noirceur franchement fascinant. Les textes hésitent
entre tristesse absolue et humour noir (et même surréalisme), et la musique possède la
même schizophrénie entre légèreté et morbide, entre gaieté et sonorités
dérangeantes, entre étouffement et grâce. Electro-Shock Blues est un petit
chef-d'oeuvre qui risque de devenir grand avec le temps, car c'est un album difficile mais
magique (magie noire, of course). Empli de merveilles (Going To Your Funeral, Cancer For
The Cure, Dead of Winter, Climbing To The Moon, PS : You Rock My World,
Electro-Shock Blues, Last Stop This Town...), indispensable.
Nouvel avis bien plus tard : ce qui me surprend le plus, c'est le très
faible impact de cet album qui a tout pour devenir monstrueusement culte et qui s'affirme
comme l'un des rares disques vraiment bouleversants des années 90. |
Bran Van 3000 - Glee
Cet album est sorti depuis déjà
quelques temps mais il n'est jamais trop tard pour parler d'un grand disque. Car ce
premier effort du collectif canadien déjanté est une petite perle qui risque fort de
rendre son auditeur définitivement accro. Bien sûr à l'origine du succès il y a ce single
phénoménal : Drinking In L.A., une prise de tête guillerette et légère dégageant un
charme incroyable. Et finalement c'est une excellente carte de visite pour ce Glee frappadingue et inclassable. Tous les genres s'y percutent, y copulent dans la joie et
parfois même la tristesse. Pour preuve ce Rainshine où se superposent de
manière réussie, pop, reggae et rock. Un grand jeu de construction, un mécano sonore
réjouissant. Le meilleur dans cet album ? Les petites pièces dynamiques comme Problems,
Cum On Feel The Noize, Old School ou Mama Don't Smoke. Le plus laborieux restant les pures
parties hip-hop, mais on se rend très rapidement compte qu'elles sont d'une
grande qualité, notamment grâce à leur richesse sonore et à une touche
mélodique jamais démentie (Forest, Carry On, Afrodiziak) et aussi avec
l'aide d'un humour
salvateur (Couch Surfer, Supermodel). En clair, un très bon album, amusant et
surtout inépuisable grâce à son étonnante richesse.
Nouvel avis un an plus tard : pas de grand changement d'opinion à propos
de cet album, c'est une perle qui peut encore tourner 5 fois de suite en une seule
journée. |
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