Monty Python : Sacré Graal

de Terry Gilliam et Terry Jones

        La plus belle édition collector de tous les temps pour le film le plus drôle de tous les temps. Enfin presque, dans les deux cas. Presque, oui, car l'édition DVD de Sacré Graal est à tomber par terre. Et le film est un chef-d'œuvre ultime, intelligent, drôle, fin, original, provocant, philosophique, crétin, beau, inépuisable, malin, touchant, incroyable. Comme tout ce qu'ont pu faire les Pythons, les plus grands comiques du 20e siècle (car Groucho Marx était seul, malgré les apparences et Martin Heidegger n'était pas un comique officiel, malgré les apparences aussi).

        Que dire sur le film en lui-même ? Et bien ce sont quelques hauts faits des légendes arthuriennes revus à la sauce des Monty Python. Et donc c'est un bonheur pour l'esprit et pour le cœur.  Six personnalités différentes, complémentaires, chacune ayant autant d'importance que les autres, chacune ayant son propre génie. En effet entre le talent d'acteur comique de Eric Idle et le monde visuel génial de Gilliam, entre la puissance philosophique d'un John Cleese et l'humanité immense d'un Graham Chapman, entre la délicatesse narquoise d'un Michael Palin et le savoir faire hors pair d'un Terry Jones, jamais autant de qualités ne se sont retrouvées concentrées au même endroit, au même instant. Le résultat est une œuvre immense (série TV, films, livres, spectacles, chansons...) ainsi que des ouvrages plus ou moins solitaires qui vont du terriblement amusant (la moindre bêtise avec Cleese) au monument du 7e art (Brazil de Gilliam, vous connaissez, non ?). Ces six types ont carrément changé la face du monde, mais personne ne semble vraiment s'en rendre compte. Mais ma foi, lorsqu'il faudra vraiment tirer le bilan du 20e siècle, omettre les Pythons sera un crime contre l'humanité.

        L'édition DVD de Sacré Graal est monstrueuse. Un double DVD plus un livre excellent. Déjà, ça calme. Mais dans le DVD, c'est l'orgie. Le film en 5.1 et avec l'image bien chouette, OK, c'est le minimum. Le director's cut avec 24 secondes de plus (dans le donjon des vierges, l'avez-vous remarqué au moins ??), c'est énorme. Le commentaire audio des cinq Pythons survivants, c'est monstrueux !! Le lapin qui tue, ça tue ! Les sous-titres version Shakespeare, j'expire ! Et sur le disque 2, un docu de la BBC bien marrant, c'est clouant ! Des karaokés crétins, y en a plein !! La version de la chanson de Camelot en Lego, c'est trop beau ! Le film institutionnel sur les noix de coco, c'est encore plus rococo !! Les dessins de Gilliam, c'est trop bien !! (mais ça rime pas...). Et puis plein de trucs fous (comme les idées qui auraient pu servir et les lieux où le film n'a pas été tourné). Ainsi qu'une scène en version japonaise. Bref c'est n'importe quoi, mais en très très grande quantité.

En résumé : l'une des plus grandes comédies de tous les temps par les plus grands comiques de tous les temps (Castor et Pollux mis à part) dans la plus belle édition DVD collector de tous les temps. Rien à ajouter. Achetez-là ! ACHETEZ-LA ! Sinon prenez garde au monstre du Aaaaaaaaaaarrrrrgggghhhh !!


Mad Max 2

de George Miller

        Ah, le glorieux temps des premiers DVD édités par Warner. Un grand foutage de gueule qui aurait pu couler le support comme un rien. Copie pourrie, bonus zéro, design moche. Des sorties massacrées de chefs-d'œuvre absolus, traités comme de la merde (cf les éditions des Batman de Burton). Depuis l'éditeur s'est bien rattrapé aux branches (voir ci-dessous Tigre et Dragon ou mieux encore La Mort Aux Trousses). Mais il faudrait qu'il pense à redonner vie aux victimes des premières salves. Le Mad Max 2 de George Miller, merveille absolue du film d'action, fut l'un des plus malheureux dommages collatéraux de la Warner. Si des éditions collectors se profilent à l'horizon, pour le moment et pour une vingtaine d'euros, vous ne pouvez toujours acquérir que ce DVD minable en zone 2.

        Le film est toujours un chef-d'œuvre de violence dingue et de spectacle extrême. On reste cloué à son siège comme au premier jour et l'on persiste à penser que l'on ne peut pas dépasser Mad Max 2. Mel Gibson y est méconnaissable (pour ceux qui connaissent surtout sa carrière hollywoodienne) et l'esthétique du film, d'une force incroyable, n'a pas vieillit et reste encore aujourd'hui l'une des plus influentes. Que vous aimiez ou non les films d'action qui décoiffent, vous devez posséder Mad Max 2 chez vous, c'est une pierre angulaire du cinoche que l'on aime.

        Le DVD, donc, est une infamie. Pourquoi ? Tout d'abord et principalement parce que c'est une version censurée ! Là, voilà, le terme est lancé. Censure ! Censurée ! Pan ! Boum ! Paf ! Hi-han ! On a coupé les doigts coupés. On a sucré des plans du boomerang dans la tête du mignon du gros keupon iroquois. Bref, pour un film aussi brutalement jouissif que Mad Max 2, la censure est la négation même du concept. Et pourquoi ne pas évincer entièrement Humungus, tant qu'ils y sont ? Non, parce que l'incroyable chef des méchants possède un tel charisme bestial et primitif qu'il est sans doute franchement trop choquant pour les mortels élevés à Dr. Patch et à Matrix. Bref, c'est n'importe quoi et même si les coupes sont infimes, le procédé est intolérable. Surtout qu'ils ont gardé l'avertissement aux personnes sensibles au dos de la jaquette. N'importe quoi, je vous le dis !

        La copie du film est digne d'une VHS, une VHS de bonne qualité, certes, mais bon, ce n'est pas Armageddon quand même. Sinon, y a rien. Rien. Des menus tout cons. A peine un chapitrage. Même pas de notes de production. Rien. Que dalle. Zéro. Comme j'ai l'habitude de dire, quand le film est un pur chef-d'œuvre, il se suffit à lui-même (cf le DVD de Phantom Of The Paradise). Mais encore faut-il que le chef-d'œuvre soit respecté !

En résumé : Mad Max 2 est un film vital. Par contre le DVD zone 2 actuel édité par Warner est un affront à éviter à tout prix. Sauf si comme moi vous ne pouvez pas vous passer du film chez vous...


Tigre et Dragon

de Ang Lee

        Aller, on repart pour un tour de polémiques. Non, ce film n'est pas du tout représentatif du cinéma HK. En fait il est beaucoup plus proche du cinéma japonais d'un Kurosawa que des chefs-d'œuvre de Tsui Hark. Lent, vraiment lent à tous les niveaux (montage, combats, rythme de l'histoire), Tigre et Dragon est déjà loin de Hong Kong. De même, le scénario semble être construit comme un petit "best of" à l'usage des débutants. Si vous ne connaissez rien du cinéma HK vous allez être bluffés, mais si vous avez déjà l'habitude vous allez trouver tout cela assez fade. Et puis il y a des détails qui gênent, ne serait-ce que la perfection des SPFX ; le côté bricolé (même dans un Legend Of Zu) a disparu au profit du lissage digital. L'excès est aussi très souvent absent. Le film n'a pas le côté grandiose, grotesque et n'importe quoi des grands films HK. A la place on a droit à une belle histoire de quête de soi-même pour les héros du film.

        Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Tigre et Dragon est un film d'une très grande beauté visuelle. Certaines scènes sont magiques. Le couple Michelle Yeoh et Chow Yun Fat est très émouvant et existe avec une vraie force. Par contre le personnage de la toute belle Zhang Ziyi a bien du mal à gagner notre affection, elle la remporte à la toute fin du film. La musique est puissante mais flirte parfois avec Hans Zimmer. Les combats sont assez bien menés mais manque cruellement de la folie HK. Ils sont trop sages, trop prévisibles, ils ont encore des allures de "best of" pour tous. Si vous voulez vraiment entrer dans le génie du cinéma de HK du dernier âge d'or, je ne pourrais jamais assez vous conseiller The Lovers, Il Etait Une Fois En Chine, The Blade ou bien encore le récent et sublime Legend Of Zu. Tous ces films étant signés Tsui Hark.

        Le DVD est superbe. Image et son rendent grâce à un film où la forme est essentielle. La lumière, les couleurs, les mouvements sont tous d'une rare perfection. On a aussi droit à un bref Making Of et à une interview de Michelle Yeoh (ici bien plus à l'aise et admirable que dans James Bond). Le commentaire audio de Ang Lee (futur metteur en scène de Hulk !!) est intéressant et l'on peut aussi écouter deux extraits de la BO. Si vous ajoutez quelques photos et des bandes annonces, vous serez d'accord avec moi pour trouver cette édition DVD franchement indispensable.

En résumé : Tigre et Dragon est un beau film, un très bon film. Mais il n'est pas le chef-d'œuvre que l'on a annoncé un peu partout. Il est simplement plus "abordable" pour nous autres occidentaux. Mais bon, depuis quand un best of suffit-il à cerner une œuvre ? Le DVD (bien peu cher) demeure cependant nécessaire à toute bonne collection !


Ghosts Of Mars

de John Carpenter

        Alors quel est le problème avec ce film ? Entre ceux qui crient au chef-d'œuvre (Mad Movies, au hasard) et ceux qui crient au nanar (presque tous les autres), il n'y a pas beaucoup de demie-mesure. Personnellement, la première vision m'avait un peu calmé. Au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, je suis un fan de Carpenter. Pour moi la moitié de sa filmographie flirte avec les étoiles. Ce type est un metteur en scène incroyable et un type fantastique, on lui doit quelques uns des films les plus terrifiants du cinéma, mais aussi quelques uns des plus jouissifs. Et du grandiose Assaut à son chef-d'œuvre l'Antre de la Folie, il n'y a pas beaucoup de fautes dans le parcours du Big John. Mais ce Ghosts Of Mars ne tient pas du tout ses promesses.

        En effet, le scénario est incroyablement prometteur. Des fantômes invisibles (Carpenter sait mieux que quiconque filmer ce que l'oeil occulte), un méchant très typé, un groupe d'anti-héros bourrins, l'apocalypse en marche, de la baston et des rebondissements. Tout pour obtenir le panard intégral, la fusion entre The Thing et Invasion L.A. Mais oui, mais non. Les fantômes sont très visibles et ont des looks de figurants fans de Marilyn Manson. Le méchant, Big Daddy Mars, est presque absent du métrage. Pire ! La confrontation tant attendue est totalement expédiée. Big Daddy Mars ne fait que pousser quelques borborygmes avant d'exploser quasiment hors-champ. Les anti-héros sont assez fades dans leur ensemble et se font dégommer dans l'indifférence totale. Certes, Carpenter veut éviter le mielleux, mais putain, John ! Dans un western quand un second rôle se fait descendre, ça fait mal, non ? Et puis on n'est pas obligé de massacrer TOUS les seconds rôles, non ? Tu te souviens de Rio Bravo ou pas ?? Par exemple, l'impact de la décapitation de la mystérieuse Clea Duvall joue sur la surprise et la brutalité, mais ce que l'on ressent surtout c'est de la frustration pure et simple. Ice Cube est parfait, mais on ne lui demande rien, il est en roue libre, en pleine impro. Quant à Natasha Henstridge, elle se contente d'être jolie et de prendre la pause. Ce n'est pas une femme forte au sens Cameron / Bigelow du terme. Et le duo qu'elle forme avec Ice Cube est à peine ébauché à la toute fin du film.

        L'apocalypse n'a pas lieu, le film s'arrête là où elle commence, comme dans The Thing ou dans Prince des Ténèbres mais on est bien loin de tous ces chefs-d'œuvre. Et ne parlons même pas de l'Antre de la Folie. Et dire que Ghosts Of Mars a coûté plus cher que les deux derniers films cités. Et bah ça ne se voit pas à l'écran ! Rappelons qu'une bonne partie du budget s'est évanouie dans la peinture du canyon. Ouhlala... La baston, y en a. Un peu. Mais là encore essentiellement hors champ. A part deux gros gun-fights super jouissifs (un en extérieur et un dans un couloir), on reste sur sa fin encore une fois. Les rebondissements ne vont pas bien loin. On sait tout de suite que Ice Cube est sympa et on ne croit pas une seconde à la possession de Natasha Henstridge (sauvée par la drogue, ah ah, sacré John !). La construction du film est plutôt efficace avec ses flash-backs emboîtés. Le casting, comme je le disais plus haut est très bien vu dans l'ensemble. Ce sont les personnages qui sont sacrifiés. La musique est efficace mais tire trop sur le métal idiot par moment (on se croirait plus dans Blade que dans un Carpenter). Le film ne fait pas très peur, il fait même moins peur que Vampires. On a du mal à croire, au final que ce pourrait être le testament de Carpenter.

        Le DVD est impeccable. L'image se maintient fort bien avec tous les rouges et les noirs bien profonds. Le son pète comme il le faut, c'est clair, ça décoiffe parfois. Le commentaire audio de Carpenter et Henstridge est très drôle. Ils sont tous les deux aux fraises et Carpenter passe son temps à draguer son actrice qui, elle, ne comprend pas grand chose à ce qui se passe. Un grand moment de 36e degré. Des petits documentaires nous font passer derrière la caméra, mais sans plus. Mais dans l'ensemble, l'édition est tout à fait estimable.

En résumé : même si le film est décevant, il demeure un grand moment de série B, on rêve juste de ce que Carpenter aurait pu nous offrir s'il avait vraiment été en forme. Il avait totalement réussi son coup avec Vampires, alors pourquoi Ghosts Of Mars semble-t-il aussi bâclé ? Les nombreux problèmes de production semblent être une des clefs du mystère. En l'état, le film reste extrêmement sympathique et tous les fans du grand John se doivent de l'acquérir. Les autres apprécieront l'excellent DVD. Tout le monde est content au final, non ?


La Mort Aux Trousses

de Alfred Hitchcock

        On cite vraiment et vainement Hitchcock partout. Tenez, rien qu'en ce mois d'octobre 2002, les deux grosses sorties hollywoodiennes n'ont cessé d'être qualifiées d'hitchcockiennes. Entre la fuite métaphysique de Tom Cruise dans Minority Report et le suspens éprouvant de Signes, on a vu du Hitchcock partout. Même dans Goldmember (enfin... presque...). Il faut arrêter les fixettes un peu abusives. Signes n'a pas grand chose d'Hitchcock, à part une poignée de plans et un vrai suspens à l'ancienne. Quant au Spielberg, certes, c'est du Hitchcock pur jus, mais avec trop souvent une telle lourdeur qu'on évitera les comparaisons. Revenons plutôt à la source.

        La Mort Aux Trousses est l'archétype du grand divertissement hollywoodien. Pas de thématique un peu trop "bizarre" façon Vertigo et pas trop de modernité qui fait mal façon Psychose. Non, juste du grand spectacle, un scénario en béton, des rebondissements à toutes les scènes, un peu de provocation, des acteurs impeccables, de l'humour classieux, une mise en scène divine, des morceaux de bravoure en pagaille... Tout est là, et il est vrai que l'on a rarement fait aussi bien depuis. En 40 ans (quarante ans !), le film n'a presque pas pris une seule ride, notamment dans ses sous-entendus sexuels particulièrement crus. On cherche encore à comprendre comment Hitchcock parvient à nous coller à notre fauteuil pendant plus de deux heures sans avoir recourt à tous les effets bourrins que l'on nous assènent aujourd'hui. Pas de caméra qui tremble, pas de mouvements d'appareil qui tanguent (Minority Report ? Où ça Minority Report ?), pas de montage au hachoir, pas de musique qui martèle, pas d'épilepsie de l'histoire, pas d'hystérie collective. On comprend tout ce qui se passe, tout ce qui nous arrive et quand nous sommes manipulés c'est par la grâce du scénario et pas parce que l'on nous fait sauter la moitié des scènes pour aller plus vite-plus vite-plus vite !

        La Mort Aux Trousses est un film qui a la classe. Cary Grant a la classe. La musique incroyable de Herrmann a la classe. Le scénario de Lehman a la classe. Hitchcock a la classe. Et le DVD a une classe pas possible. En effet, c'est du Warner, mais vous n'allez pas en croire vos yeux. Sous un boîtier banal et un prix minimum, il y a une montagne de bonus. Quelque chose de presque aussi fabuleux que l'édition du Magicien d'Oz. Un commentaire audio par Ernest Lehman. Un énorme Making Of. Des photos, des bandes annonces, la musique isolée (!) et une restauration à tomber par terre. On n'a jamais vu North By Northwest avoir aussi belle mine. Comme pour la mythique restauration de Vertigo, le travail fournis est hallucinant. Les couleurs sont à mourir, le son est puissant sans abus, bref, dans des conditions normales de vision (enfin, dans des conditions sans Home Cinema), c'est parfait.

En résumé : Une édition DVD totalement sublime pour l'un des meilleurs divertissements de l'histoire du cinéma. Hitchcock atteint avec ce film la perfection de son style, La Mort Aux Trousses ne cesse d'être imité depuis sa sortie et bien peu de films en sont dignes. Ne snobez surtout pas ce classique, ce serait un crime pur et simple. 40 ans plus tard, votre dentier va encore tomber par terre. Qui a encore besoin de Minority Report ?


Scarface

de Brian De Palma

        Il faut bien l'avouer, Brian De Palma fait n'importe quoi. Et le culte qui l'entoure depuis quelques années se nourrit essentiellement de sa gloire passée... de l'époque où il n'en avait pas, justement, de gloire... Ses derniers films vont du consternants (L'Esprit de Caïn, Le Bûcher des Vanités, Mission To Mars, Femme Fatale), à la bonne série B un peu bêbête mais bien filmée (Snake Eyes, Les Incorruptibles, L'Impasse, Outrages, Mission Impossible...). De surcroît, quitte à choquer bon nombre d'entre vous, la filmographie de De Palma n'est pas des plus reluisantes. On l'admire pour avoir mis en scène l'un des meilleurs films du monde, Phantom Of The Paradise, certes, de très loin sa plus grande réussite. Et on l'admire aussi pour avoir apporté une bonne louche de série Z et de mauvais goût dans l'héritage d'Hitchcock (ses innombrables et hilarants thrillers). Donc, de De Palma, on connaît surtout la carrière Z, qui va du grandiose "Hollywood Night" baroque (Pulsions, Carrie, Blow Out) au carrément n'importe quoi sévère et gaillardement grotesque (Body Double). Son remake de Scarface entre dans cette seconde catégorie.

        Monument de mauvais goût et d'idées stupides, le Scarface de De Palma est un Nanar avec un grand N. Sur une musique discoïde rigolote de l'inévitable (en ce temps là) Giorgio Moroder, Al Pacino perd la sobriété des deux premiers Parrains pour acquérir les tics qui feront bientôt de lui l'un des acteurs les plus cabotins d'Hollywood. Esthétique fin 70's à l'appui, De Palma pense retrouver la force mythologique du Scarface original d'Howard Hawks en filmant tout au premier degré. Le résultat laisse rêveur. Si le film de Hawks demeure, il faut bien le reconnaître, l'un des plus beaux et intenses du 7e art, la relecture De Palmaesque (secondé fort bien en cela par l'éternel comique lourd Oliver Stone) est un objet kitsch inénarrable. Scarface 1983 est plus un documentaire sur une époque qui ne savait plus ce que le mot "Glamour" pouvait bien signifier. Une époque, certes excessive, mais dont les valeurs et l'aspect prêtent aujourd'hui à la consternation.

        Le film est moche, la mise en scène de De Palma est d'une virtuosité en total décalage avec les situations (des plans séquences en discothèque sur du Moroder, un mouvement d'appareil super sophistiqué pour faire durer un suspens à base de massacre à la tronçonneuse, etc...), le scénario (copie conforme mais incroyablement affadie et délayée du film de Hawks) ne fait que surligner avec un gros marqueur qui bave ce qui était judicieusement effleuré dans le film original. Et, avec tout le respect que je lui dois, Al Pacino n'est pas Paul Muni. Et, avec toute l'affection que je lui porte, Michelle Pfeiffer donne encore l'impression de jouer dans une pub pour savon. Le film est long, lourd, laid, pas très drôle (à part pour la très culte VF qui donne à l'ensemble la "nanar's touch" ultime) et assez embarrassant. On peut à peu près affirmer que Scarface est le début de la (longue) fin de De Palma et que depuis, il coule doucement en refaisant parfois surface, le temps souvent d'une seule séquence. A voir, ou à revoir, pour constater les ravages que le temps peut faire subir aux films dans lesquels Oliver Stone se trouve impliqué d'une manière ou d'une autre.

        Le DVD est formidable. Un excellent Making Of nous montre que c'est difficile de rater son film. Un bêtisier nous rappelle que nous regardons bien une comédie. Et l'excellente tenue de l'image et du son (préférez donc la VF, ultra poilante) redonnent au film toutes ses couleurs beurks d'origine. C'est en voyant des machins comme ça, qu'on se dit que les nostalgiques des années 80 ont quand même un sérieux problème.

En résumé : très belle édition DVD, si vous ne la trouvez pas cher, ça peut vous botter, car le remake de Scarface est à la fois un fabuleux documentaire sur l'extrême mauvais goût d'une période et un fameux navet à savourer entre amis. Pour ceux qui pensent que ce De Palma est un bon film, voire un grand film, on leur conseillera instamment de revoir l'original d'Howard Hawks, mais ça risque d'être trop fort pour eux...


Strange Days

de Kathryn Bigelow

        Kathryn Bigelow est sans doute la cinéaste hollywoodienne dont le travail est le plus mésestimé. Oui, mésestimé et non sous-estimé, car en général, les gens qui s'attardent sur son parcourt s'accorde sur sa qualité. Malheureusement, en règle général, tout le monde se fout de la belle Kathryn. On l'a vaguement classé dans la catégorie des sous James Cameron, sous prétexte qu'il fut brièvement son mari et qu'il produisit un certain nombre de ses films. On doit aussi reconnaître que les cinémas de Cameron et de Bigelow sont proches, aussi bien thématiquement que visuellement. En clair chez les deux il y a des femmes fortes et des flingues en contre-jour. Mais ce serait nier la personnalité incroyable de Kathryn Bigelow, qui est finalement un merveilleux artisan de la série B au sens le plus noble du terme. Il suffit de se pencher sur sa filmographie, qui débute avec ni plus ni moins qu'un pur chef-d'œuvre, Near Dark, que l'on finira bien par redécouvrir un jour. Et qui se poursuit avec des œuvres efficaces, comme le brutal Blue Steel ou plus récemment le très intéressant K-19, qui malheureusement n'atteignent jamais la qualité de sa première œuvre. En effet, Kathryn Bigelow possède un défaut majeur, qu'elle partage d'ailleurs avec Steven Spielberg, elle ne sait jamais quand finir ses films au bon moment. Et c'est bien dommage. Car la dernière impression, surtout dans une série B, est souvent celle qui va le plus influencer notre jugement. Si la chute n'est pas à la hauteur de ce qui précède, c'est la catastrophe.

        Strange Days synthétise parfaitement les qualités et les défauts du cinéma selon Bigelow. Un début incroyable et une fin à la limite de la débâcle. Des personnages merveilleux (ici celui de Angela Bassett, franchement génial) côtoient des seconds couteaux risibles (la perruque inénarrable de Tom Sizemore suffit presque à elle seule à ruiner le film). Et le scénario navigue entre violence hallucinante (le film est d'une brutalité parfois insoutenable et incroyable pour un film hollywoodien) et niaiserie d'une naïveté confondante (c'est simple, parfois Strange Days est une pub Credit Agricole-demain un monde meilleur). Le sublime flirte avec le mauvais goût, et le brio de la mise en scène (toute la première séquence en vue subjective défie l'imagination) verse parfois dans le n'importe quoi (les incessants effets de montage qui donnent la nausée). Et comme toujours, Bigelow surcharge son script avec mille et un détails, les plus intéressants étant souvent ceux qui sont le plus laissés de côté. Elle met en avant l'aspect thriller, dont on se fout un peu, et place au second plan les relations entre les personnages. On ne dira jamais à quel point tout cela est un gâchis.

        Alors ? Alors Strange Days mérite une seconde chance. Parce que c'est un film d'une rare intensité qui se permet des écarts de conduite qui vont vous faire sauter sur votre fauteuil. Par moment, on y croit dur comme fer et on se laisse prendre au piège. Et l'instant d'après, une maladresse surprenante nous fait sortir du film. Il n'empêche que Kathryn Bigelow demeure l'un des meilleurs metteurs en scène en activité à Hollywood, aux côtés de John McTiernan ou de... James Cameron. Que Strange Days est une putain de série B qui sort de l'ordinaire et comme on dit : on aimerait bien en voir plus souvent des comme ça ! Par contre, il va falloir reparler de l'édition spéciale de Near Dark qui débarque très prochainement.

        Le DVD se présente dans un fourreau collector top classe. Comme le film. Mais qui, dès qu'on le retourne, se vautre dans la faute de goût. Comme le film. Entre la sobriété de l'affiche et la noirceur de l'ensemble, on nous colle des citations qui refroidissent. Je ne vais pas vous les imposer ici, mais il est bien connu qu'il ne faut JAMAIS lire le dos des jaquettes. Sinon, on zappe tout. On n'est pas prêt d'oublier le "une merveilleuse balade. Tele Poche" au dos du DVD d'Une Histoire Vraie... Le DVD n'est pas du tout collector mais se révèle d'une vraie beauté chic, comme le film, tiens donc. Image superbe, bande son qui charcle et le tout en THX msieurs dames. Ca sent l'achat indispensable pour les Home Cinema, non ? Oui, déjà, c'est sûr, miam miam plein la tête. Ensuite ? Quelques scènes coupées pas mal du tout (enfin, une d'entre elles est vraiment bien, sinon...), un commentaire audio bizarre (l'enregistrement d'une conférence de fac de Bigelow qui ne parle que de la première séquence et qui court pourtant tout au long du métrage) et le matériel promo super efficace (décidément). Rien de très collector, donc. Mais une très belle édition pour un film méconnu et mésestimé (non ce n'est pas une "série Z") qui vous fera passer un chouette moment à l'occasion.

En résumé : Strange Days est le parfait exemple de ce qu'est le cinéma de Kathryn Bigelow : un monstre d'efficacité et de violence qui tour à tour flirte avec le ridicule ou le malaise. Définitivement moins génial que Near Dark, mais largement au-dessus des blockbusters habituels. Le DVD est splendide, il ne coûte presque plus rien et c'est bien dommage de ne pas l'avoir.


SOS Fantômes

de Ivan Reitman

        Ce DVD n'est pas de toute première jeunesse, mais il demeure essentiel à l'histoire du format ainsi qu'à toute bonne DVDthèque. En effet ce fut le premier DVD collector, vraiment digne de ce nom, à affoler le marché pour un film "ancien" et au même prix qu'un DVD tout vide et terne. D'autres perles des années 80 se sont d'ailleurs ensuite engouffrées dans son sillage, en particulier le chef-d'œuvre absolu Dark Crystal. Pour ce qui est de SOS Fantômes, c'est de l'impeccable et le DVD parvient à être aussi jouissif que le film, ce qui n'est pas rien, puisque l'on parle de l'un des films les plus divertissants des années 80. Bon sang de grande année 1984, qui nous avait offert des choses telles que Gremlins, Indiana Jones et le Temple Maudit et ce SOS Fantômes. Que de souvenirs et d'émois. Alors ? Le temps a-t-il épargné les joies du passé ?

        Oui, cent fois oui ! SOS Fantômes, après près de 20 ans et au moins 20 visions, est toujours aussi drôle, effrayant, malin, efficace, culte. On connaît tous les répliques par cœur ("on est venu, on a vu, il l'a eu dans le cul", "c'est lui le bâtard qui m'a tout englué", "tu lui as parlé du ptit cake ?", "es-tu le maître des clefs ?", "Je suis Gozer le destructeur !", etc... etc...). Le degré comique n'a pas baissé, je dirais même qu'il a augmenté avec le temps. L'aspect un peu bidouillé du film, bourré de scènes "documentaires" et le charme désormais désuet des SPFX, ne font que nous enchanter. C'est finement écrit et sublimement interprété par quelques uns des plus grands talents comiques américains d'hier et encore d'aujourd'hui. Si on ne dira jamais assez de bien du génial Bill Murray, il ne faut pas remiser au placard les bons vieux Dan Aycroyd et Rick Moranis (inimitable Rick Moranis !). Quant à Harold Ramis, non seulement c'est un monstre de l'interprétation faussement pince sans rire, mais il est depuis devenu l'un des meilleurs metteurs en scène de comédies philosophiques de la planète (Un Jour Sans Fin, ça vous dit obligatoirement quelque chose, non, l'un des chefs-d'œuvre des années 90, quand même !). Et c'est là qu'il faut évoquer le DVD.

        Outre des tonnes de scènes coupées parfois très drôles, on a droit à un Making Of, à un Making Of des SPFX, à des story boards et tout un petit bordel de photos et de bandes annonces. Déjà, là, on en a pour son argent. Mais LE truc qui fait de ce DVD l'un des plus indispensables à toute collection, c'est son commentaire audio. Le producteur Bernie Brillstein, le metteur en scène Ivan Reitman et notre Harold Ramis, se passent le film entre vieux potes. Et ça fuse non stop pendant 1h40. On voudrait qu'ils n'arrêtent pas ! Anecdote sur anecdote, vieux souvenirs et esprit critique délirant, gags et autres délires, font que l'on ne s'ennuie pas une seule seconde et que l'on redécouvre un nouveau film, tout aussi hilarant que la version normale. C'est génial et je ne suis pas le seul à le dire, ce commentaire audio étant réputé comme étant l'un des plus poilants qui soient.

En résumé : deux raisons font de ce DVD un pur et simple achat vital. Tout d'abord, bien sûr, le film, chef-d'œuvre de la comédie fantastique des années 80. En attendant une édition aussi collector de Gremlins... Ensuite, le commentaire audio magistral (mais très peu technique, juste délicieusement sympathique, simple, drôle et adorable) que nous offrent les principaux créateurs du film. On apprend des choses et on s'amuse devant Ghostbusters comme au premier jour. Alors qui c'est-y qu'on appelle ???

 


 

La Fille de Ryan

de David Lean

 

Lorsque La Fille de Ryan arrive sur les écrans en 1970, la carrière de David Lean est encore à son sommet, et pourtant il s'agit ici de son avant-dernier film pour le cinéma (le dernier étant le très méconnu la Route des Indes). Le metteur en scène britannique vient en effet d'enchaîner, en un peu plus d'une décennie, trois chefs-d'œoeuvre fondateurs et inégalés (le Pont de la rivière Kwaï, Lawrence d'Arabie et le Docteur Jivago), qui l'ont institué comme le Cecil B. DeMille de son temps. Dans l'esprit du public et de la critique, le nom de David Lean est définitivement associé au grand spectacle, aux drames historiques les plus épiques et aux personnages les plus grandioses. Les cinq années de production de La Fille de Ryan, le budget pharaonique pour l'époque et les rumeurs les plus folles auront ainsi provoqué l'attente d'un « Docteur Jivago 2 », occultant d'autant plus le souvenir des œoeuvres plus intimistes (et tout aussi réussies) du réalisateur, telles que Vacances à Venise ou Brève rencontre. Car c'est en gardant à l'esprit les différentes facettes de Lean que l'on comprend mieux en quoi La Fille de Ryan est à la fois une somme, un testament et la plus discrète des tragédies héroïques.

L'Irlande en 1916 se trouve à la croisée de multiples conflits : occupée par l'Angleterre, elle-même engagée sur le continent dans la Guerre mondiale, le pays est balayé par les remous de l'histoire tout autant que par les vagues lancinantes de l'Atlantique. Mais si la grande Histoire est bien présente, le cœur du film se situe auprès de la fille de l'aubergiste Ryan, Rosy (Sarah Miles, épidermique), dont les élans et les errances rythment chaque événement jusqu'à peut-être provoquer le déchaînement des éléments. Rosy est une femme-enfant gâtée et capricieuse, pas très éloignée au début du métrage de la Scarlett O'Hara de Autant en emporte le vent. C'est tout autant par désir physique que par innocence adolescente qu'elle épouse l'instituteur Charles Shaughnessy (Robert Mitchum, d'une surprenante fragilité), veuf bien plus âgé qu'elle, et ce, malgré les avertissements du pasteur Collins (Trevor Howard, juste fabuleux dans le rôle difficile du sermonneur libre d'esprit). Déçue par la gentillesse excessive, la discrétion, voire la passivité de son mari, Rosy succombe immédiatement au charme monolithique du major Doryan (Christopher Jones, certainement le seul bémol du casting) soldat traumatisé par son passage sur le front et envoyé en Irlande pour se reposer.

Mais si l'ennui domine les rues du village et les esprits échaudés des habitants de la petite communauté, il n'y a pas de repos possible dès que les hommes s'approchent de la Nature, immense, omniprésente, filmée comme rarement au cinéma par un David Lean transcendé par ses paysages. Si l'on ne peut évidemment pas contourner les plages et les falaises dévorées par le vent et les vagues, il ne faut pas oublier une scène d'adultère forestier d'une sensualité frappante, où l'on devine par avance des accents panthéistes que l'on ne retrouvera que dans le cinéma de Terrence Malick. David Lean transforme ce passage obligé en une communion physique avec la forêt, dont on peut presque deviner la moiteur et les parfums. C'est par son cadre que la Fille de Ryan s'affirme comme extrêmement spectaculaire, la longue et très célèbre scène de tempête en bord d'océan en étant le symbole le plus évident. Réalisée avec un minimum de trucages, la tempête, et ses vagues de plusieurs mètres qui viennent se briser de manière apocalyptique sur le rivage, reste le clou visuel du film. Avec un travail de mise en scène et de prise de son formidables, cette séquence est toujours unique, aucun effet numérique ne pouvant remplacer son réalisme écrasant.

Mais pour parler de La Fille de Ryan, il est à présent temps d'oublier cette séquence que beaucoup de critiques de l'époque auront retenue au détriment de tout le reste du métrage. Certes, l'aspect historique de l'œuvre peut paraître un peu « dérisoire » par rapport aux précédents films de Lean, mais c'est en refusant de prendre véritablement parti pour l'un ou l'autre camp (irlandais ou anglais) que la vision du réalisateur surprend le plus. D'un instant à l'autre du film, on se sent prêt à prendre fait et cause pour Tim O'Leary et ses rebelles ou à conspuer ces mêmes irlandais lâches et grossiers. Mais au final, ce n'est pas politiquement que David Lean va juger ses protagonistes, mais bien humainement. La dernière demi-heure du métrage est déchirante et la conclusion n'épargne personne, même si la morale est loin d'être aussi évidente que l'on pourrait le croire. Le jugement reste en suspens, la fin de l'histoire est ouverte et le prêtre vient offrir le doute par le biais d'une réplique qui à elle seule représente les nuances innombrables de La Fille de Ryan, qui n'a d'Hollywoodien que quelques apparences, et qui se rapproche beaucoup plus de la sensibilité la plus européenne, en particulier dans ses instants d'austérité.

Car l'œoeuvre est souvent âpre, par exemple lors de la séquence du mariage et de la nuit de noces, qui ne cesse de s'étirer au-delà du malaise, ou lorsque le major revit ses traumatismes de guerre, où, sans jamais montrer une seule bataille (à part une poignée de plans quasi subliminaux), David Lean rend le conflit omniprésent avec quelques effets sonores. C'est dans cette intensité, cette crudité et cette cruauté que le film se révèle d'une rare modernité. Seule la partition (heureusement peu présente) de Maurice Jarre renvoie un tantinet le film vers une époque plus désuète. Le réalisateur préfère les silences, le souffle du vent, l'éclat des vagues, des lignes de dialogue virtuoses et surtout l'expressivité bouleversante de Michael, « l'idiot du village » le plus touchant du 7ème Art.  

Sur un canevas des plus classiques, David Lean brode sa partition la plus raffinée, la plus sophistiquée, la plus en demi-teinte, en n'hésitant pas à prendre de court les attentes du public et à préférer les murmures humains noyés dans la Nature plutôt que l'artifice du spectacle. La Fille de Ryan, loin d'être figée dans un classicisme poussiéreux ou le carton-pâte d'Hollywood, est ainsi la plus sensuelle des fresques sur pellicule, l'une des plus belles retranscriptions visuelles de descriptions littéraires, et un chef-d'oeœuvre que les cinéphiles, tout autant que le grand public, se doivent de réhabiliter et d'admirer.

 
 
 
 
 
 
 
 
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