Edwood vous parle de
La Provocation sur le Web
Le débat à la mode depuis au moins 550 ans est : "y-a-il encore des provocateurs ?". Maintenant que l'humour et la liberté d'expression s'exportent en masse sur internet, on pourrait élargir le débat et se demander s'il reste des provocateurs virtuels, des provocateurs qui osent, des provocateurs drôles, des provocateurs intelligents. Après deux ans et demi de mon existence largement passées (gâchées ? perdues ?) sur le web, je serai tenté de répondre par un franc et direct :
NON !
Mais cela ne serait pas tout à fait vrai. Il y a de vrais provocateurs sur le web. Moi, par exemple, mais tout le monde s'en fout. Je vous assure que je provoque à mort avec mon Lourdland. Il paraît, entre autre et d'après des avis divers et variés, que je provoque : l'ennui, la consternation, la pitié, la compassion (l'horreur, quoi), l'hilarité générale (vous ne me croyez pas ? vous avez bien raison), etc... Preuve que l'on peut encore faire des choses intéressantes avec un site perso sur internet.
La vraie provoc sur internet ? Hum... c'est le fait d'aller contre la norme, hein ? c'est bien ça ? oui... Donc par exemple les hackers sont les symboles parfaits de la norme, de la pensée unique et du conformisme (on en voit partout) et un site d'utilité publique tel que le tRoU dU cULz hiDEoUt serait le parfait exemple de la provocation sur le web. Malheureusement, il a fait des émules (bien moins talentueux pour la plupart), et d'un coup l'acte extraordinaire devient banal.
De la provoc sur le web ? Où ça ? La pornographie est la norme (les plus nombreux sont toujours la norme), les pages perso vides de sens sont légions. En fait c'est plutôt un site tel que celui-là : http://www.geocities.com/Hollywood/Studio/2194/creatures.html qui est provocant. Contenu, visuel, intelligence et bon goût. C'est provocant parce que intéressant, passionnant. D'un coup, au détour d'un coin consternant du web, on retrouve le but premier d'internet : un média révolutionnaire pour tout ce qui est culturel, utile et qui était pour l'instant réservé à une élite fortuné. Avec internet on est censé pouvoir accéder à une source de connaissances infinie, palpitante, parfois délicieusement subjective et aux prétentions artistiques légitimes. Un beau site bien foutu, quand la forme sert le fond, quand le terme de "référence" n'est plus galvaudé, quand le contenu permet de rester scotcher des heures devant son écran, quand le réflexe de l'imprimante n'attend pas une seule seconde. Oui, voilà, ce qu'est internet et ce qui est la véritable provocation sur le web.
Car il faut bien l'avouer que, si la provocation est au départ une manière d'aller contre la norme, un site web intéressant est une provocation. Mais j'avoue que je m'égare un peu. Recentrons le débat (comme qui dirait) sur... hum... "peut-on choquer sur le web ?" Là je vais répondre : peut-être. Non pas que le film avec Belmondo soit particulièrement choquant, mais ce n'est pas vraiment le problème.
Sur le web, je suis parfois choqué, je l'avoue. Quand je tombe sur "la page de Jean-Jean Thierry qui habite Margoulette-Les-Ostensoirs dans la Creuse, qui a 25 ans et est en terminale techno, qui aime le foot, la dreamcast, Pamela Anderson et les 306 customisées, et qui veut être mon ami." Bon, là, OK, je suis choqué. Choqué que l'on puisse ainsi encore faire de l'humour sur des sujets aussi galvaudés. Franchement le coup de rigoler sur le plouc un peu limité qui aime les blondes à fortes poitrines, je ne sais pas si ça a été marrant un jour, mais là, quand même, faut pas abuser. On me souffle que la page de Jean-Jean Thierry n'est pas un gag. Je n'en crois pas un mot.
Peut-on choquer sur le web ? Bien sûr ! Quand je tombe sur une page de fan de Bulle Caisson ou de Bouffy Contre les Vamps Pires, je suis choqué. Mais cela n'engage que moi. Et revenons à nos moutons. Quand je parle de choquer, je parle de choquer intelligemment. Si c'est pour faire un site avec des photos de maladies vénériennes, de mutilations et autres joyeusetés sans trucage, ce n'est ni de la provocation, ni même quelque chose de définissable : c'est profondément et irrécupérablement débile. Et ceux qui visitent le sont encore plus (débiles pas choquants, quoique...). Pareil avec les sites pédophiles, nazis et tout le reste. Soit c'est fait pour la pognon (oh ! délireu !), soit c'est de la provoc adolescente préformatée (qu'y a-t-il de plus formaté qu'un skinhead ? deux skinheads ? ah oui... c'est vrai...).
Non, moi je vais vous dire ce qui est vraiment provoquant aujourd'hui. Ce n'est pas de chier sur Microsoft (ça c'est aussi atterrant qu'un gag de Lagaf et aussi original qu'une blague de Jean Roucas (et encore...) ou de se foutre de la gueule d'un provider duquel on s'est fait virer. Non, la vraie provoc ce serait de vomir sur les moteurs de recherche, nos petits dictateurs à nous que les 3/4 des webmasters flattent avec un entrain qui n'est pas sans rappeler celui de Stéphane Bern envers les fins de race de notre planète. Là, tiens, je commence à balancer des vannes débiles mais bien vexantes sur Yahoo ou sur Altavista. Vous allez vous dire : "lui, soit il est vraiment con, soit il est carrément trisomique". Et oui, car que serions-nous, nous autres braves webmasters amateurs, sans les gentils surfeurs de chez Yahoo qui nous sélectionnent avec une lucidité qui n'a d'égale que leur grandeur d'âme et leur beauté physique (frott-frott-frott) ? Hein ? Je vous le demande.
Ce qui nous amène à poser les limites de la provocation sur le web. On peut parler de sodomie de Britney Spears, on peut dire du bien d'Hitler (ce grand Homme oublié de l'Histoire, ce mal-aimé flamboyant qui a sorti son pays de la crise et qui aurait redonné au monde une unité digne de l'Eden originel, si ces enculés d'américains ne s'en étaient pas mêlés... vous y avez cru, hein ?). Donc on peut raconter n'importe quoi, mais on n'a pas le droit de dire du mal de ces grabataires de MSN et de ces pingos de Lycos (et pourtant, c'est tellement vrai... quoi ? qu'est-ce que j'ai dit ?)
Alors, bon, on va pas tarder à apercevoir une conclusion dans tout cela, non ? Non...
Mais, c'est un peu court jeune homme ! On aurait pu dire, oh fichtregris, bien des choses en somme (je cite de mémoire...). On aurait eu matière à disserter longuement sur l'humour virtuel (mais cela n'aurait pas été très drôle). On aurait pu disserter intelligemment sur ces sites vachement conceptuels qui shockwavent dans ta face et qui te niquent la barre de tâche pour que tu ne puisses plus sortir de leur bordel animé aussi passionnant qu'un discours de Charles Pasqua (et encore...). On aurait pu se demander où tout cela allait nous mener. On aurait pu se dire que nuker le monde était une bonne idée, au fond, à droite, il n'y a plus de papier mais c'est pas grave. On aurait pu échanger des idées palpitantes entre moi et moi-même sur ce qui faisait la norme profonde de la vie virtuelle, cette norme qu'il fallait donc bouleverser pour créer cette étincelle de provocation qui allait mettre le feu aux poudres de la routine TCP/IP port com 2 attention aux barrettes en emboîtant la prise. On serait sans doute arrivé à la conclusion suivante : internet se veut un univers libre, sans loi, bourré jusqu'à la gueule de liberté d'expression, et comme, bien évidemment, la liberté ne se construit qu'en comparaison à une loi, l'absence de normes provoque logiquement l'absence de provocation.
CQFD