Fight Club

de David Fincher

       Dès que l'on saisit le coffret cartonné on a compris. Fincher et sa bande ont poussé le concept du film jusque dans le DVD. Alors voilà, on se retrouve avec un pur produit pour nerds à qui "on ne la fait pas". Le spectateur est un consommateur mais un consommateur "conscient", saisissez bien la nuance ! On sait qu'on achète Ikea, quoi, on n'est pas dupe, quoi ! L'édition collector de Fight Club est donc belle comme un meuble Ikea. Ca se déplie, y a un livret où que même dedans on peut lire des critiques négatives qui taxent le film de fasciste (la meilleure étant celle qui compare le film avec le minabillissime Romance de Catherine Breillat). Y a deux DVD, même que ! Un avec le film et un génial commentaire audio sous-titré (Norton et Fincher y sont hilarants du début à la fin, non, vraiment, Norton fait un numéro sublime dans ce commentaire). Et un deuxième disque avec des bonus excellents. Notamment le matériel publicitaire et tout un petit bazar concernant la pré-post-production. Du très très beau travail, pour les nerds comme vous et moi.

        Le film ? Une perle. Du début, avec le thème monstrueux des Dust Brothers qui fait trembler les murs, jusqu'à la fin, avec le Where Is My Mind du plus grand groupe de rock de tous les temps qui fait tomber les civilisations, Fight Club est sublime. C'est drôle, intelligent, impressionnant, jamais chiant ni prétentieux, c'est vraiment original, ça se revoit sans fin, plusieurs fois par mois si nécessaire. Tout le monde aime Fight Club, c'est un peu gênant, mais finalement on s'en fout. Tout le monde aime 2001 et Akira, non ? Et on s'en fout, non ? Bah alors on se fout que les djeunz aiment Fight Club, que ma concierge aime Fight Club, que les entreprenautes aiment Fight Club, que les cinéphiles aiment Fight Club... On s'en tamponne sévèrement l'édition collector de tout cela. Ce qui importe c'est ce film qui se moque brillamment de tout ce qui est politiquement correct (le misérabilisme, le féminisme, la rébellion...) et qui se paye le luxe de se moquer aussi de ce qui est politiquement incorrect (les sociétés secrètes, les groupuscules para-militaires, le désordre mental et sentimental, la rébellion...). Tout le monde est renvoyé dos à dos, pour le meilleur et pour le pire (et pour le rire, bien sûr).


La Momie

de Stephen Sommers

        Jouissance O Jouissance ! Voilà en fait comment pourrait se résumer mon avis sur la série B bombesque de Sommers (jeu de mots de circonstances, Sommers/Summer, le monsieur étant désormais spécialiste du blockbuster estival fun). Bon, le DVD, dans son édition collector simple disque, est une merveille. L'image est superbe, le son arrache, comme on dit, et les bonus sont légions même si très à la gloire d'ILM, surtout avec l'instructif docu Making A Better Mummy. Bon, c'est vrai, on ne voit presque que ILM dans la Momie, mais quand même.

        Le film ? Dans sa catégorie, c'est un sommet (un Sommers, pardon...). En fait, c'est Indiana Jones tel qu'il devrait être en l'an 2000. On pourra reprocher le second degré omniprésent qui supprime tous les enjeux dramatiques. On a jamais peur, on est jamais ému, on se fout un peu de l'histoire et des personnages, mais alors qu'est-ce qu'on prend son pied ! Sur un rythme qui ne faiblit presque jamais, La Momie enchaîne les scènes formidables. Le premier quart d'heure, entre le flash back égyptien somptueux et la bataille dans le désert, est incroyable d'efficacité. On tient là le film de divertissement idéal. Et on a à peine le temps de souffler avec quelques scènes d'exposition souvent très drôles, que revoilà l'action, les poursuites, les effets spéciaux, les cascades, les gags de partout. Pas la peine de chercher à réfléchir, il suffit de se laisser porter. Et ça fonctionne du feu de Dieu ! Jusqu'au final, avec tempête clouante, zombies crétins, combats superbement chorégraphiés, rythme infernal, etc... etc... La surenchère ! La surenchère ! Certes on est encore loin de la perfection du Fantômes Contre Fantômes de Peter Jackson qui demeure l'étalon du genre, mais on tient déjà là un fantastique film pour tout oublier pendant un peu moins de deux heures. On ne voit pas le temps passer. Et le couple Fraser/Weisz est tout à fait charmant. Sans parler de l'excellent Arnold Vosloo, superbe en méchant de serials comme on les aime.

    En résumé : un DVD impeccable pour un film de divertissement franchement réussi, et voilà une phrase totalement clichée, tiens donc. Enfin bon bref, j'ai vu La Momie deux fois dans la même après-midi au moment de l'acquisition et croyez-moi, c'est un fait rare. Halte aux préjugés et à l'aigreur, la Momie c'est du bon ! Jouissance O Jouissance !


L'Exorciste

de William Friedkin

        L'édition 25e anniversaire, bien sûr, pas la misérable "édition spéciale que vous n'avez jamais vu et vous préféreriez n'avoir jamais croisé gna gna gna". Non, je vous parle du vrai Exorciste, celui de 1973, tel que le voulait Friedkin (avant d'être remplacé par un clone réac et gâteux). Ce DVD est splendide. L'image est parfaite, le son (oscarisé en son temps) est toujours aussi monstrueux. Et il y a les bonus, avant tout l'excellent documentaire The Fear Of God, qui à lui seul justifie l'investissement. Pour plonger comme jamais (à part deux ou trois très bons ouvrages) dans les coulisses de l'un des plus grands films fantastiques du 20e siècle. Cette édition n'est disponible qu'en Zone 1. L'édition Zone 2 étant ridicule (c'est du Warner Europe, quoi), le film et puis c'est tout. Un nouveau Zone 2 est prévu, mais ce sera celui de la nouvelle version, et là on dit : halte ! Surtout depuis que Friedkin et ce rigolo de William Peter Blatty nous ont affirmé que cette version massacrée allait définitivement remplacer l'ancien film. Est-ce que c'est Dieu qui leur a dit de le faire ? (en hommage au chef-d'œuvre de Larry Cohen, Meurtres Sous Contrôle). Donc vous n'avez pas le choix, il n'y a qu'un seul DVD de l'Exorciste qui soit digne du film, c'est celui-là.

        Le film ? Un immense thriller métaphysique scindé en deux actes bien distincts (avec un long prologue et un épilogue). Cela commence dans une ambiance de mystère menaçant, dans des ruines irakiennes. Max Von Sydow (aussi génial que chez Bergman) semble porter tous les malheurs de l'univers sur ses épaules. On est déjà conquis par le montage agressif, la bande son parfaitement géniale et les images ciselées. On assiste ensuite dans la première partie du métrage, à la lente désagrégation de la famille. De la famille de Regan (la traumatisée Linda Blair), bien sûr, mais aussi de celle du père Karas (l'hallucinant Jason Miller). Et c'est cet aspect bouleversant du scénario qui est en fait le cœur du film. La seconde partie, spectaculaire, est presque une œuvre indépendante. On passe du drame psychologique dérangeant, au pur film d'épouvante démonstratif. D'ailleurs les scènes grandiloquentes d'exorcisme ne seraient que ridicules sans les études de personnages qui les précédent. L'Exorciste est aussi effrayant qu'intelligent, ce qui veut tout dire. Par contre, à tous ceux qui le considèrent comme le summum de l'épouvante sur grand écran, on conseillera de voir ou revoir les Innocents de Jack Clayton (auquel l'Exorciste doit quand même énormément, n'oubliez pas les scènes d'hystérie de la petite fille, hors-champ, où elle insulte tout le monde).

        En résumé : Non, l'Exorciste n'est pas le plus grand film fantastique de l'histoire du cinéma, loin de là. Mais il reste l'une de ses plus grandes réussites. Car il a su allier terreur du non-dit, horreur de l'explicite, et une vraie émotion qui prend le spectateur aux tripes. Avoir modifié le final pour la nouvelle version est une hérésie sans nom. Le Démon ne meurt jamais, et à tout instant les vies les plus ordinaires, les plus heureuses, les plus routinières peuvent sombrer dans la tragédie. Finalement l'Exorciste ne nous parle que de l'horreur au quotidien et nous met en face de nos plus grandes peurs, non pas celles des monstres et des fantômes, mais bien celle de la mort, de la maladie, de la perte des êtres chers, de la folie et du doute.


Le Fantôme de l'Opéra

de Dario Argento

        J'aime, j'adore, je suis fan absolu de Dario Argento. Avez-vous visité ma page Suspiria ? Vous avez compris, donc, combien j'admire ses chefs-d'œuvre. Je reste bouche bée devant Ténèbres, je vibre face à Inferno et même Phenomena me passionne. Et pour bien enfoncer le clou, je confirme, Suspiria est l'un des plus grands films fantastiques de tous les temps. Tout cela pour en venir à une simple constatation : le Fantôme de l'Opéra est nul. Ce "film" est incroyablement raté, il faut d'ailleurs le voir pour le croire. Pourtant tout était réuni pour que la réussite soit historique. Dario Argento derrière la caméra. Le sublime roman de Gaston Leroux comme base. La toute belle, fragile et inquiétante, Asia "fifille junkie à son pôpa" Argento. Le sous-employé, mais souvent magnétique, Julian Sands en fantôme. Ennio Morricone pour la musique. Et un budget conséquent. Le résultat : pathétique, consternant, désolant. Esthétiquement, on est dans le domaine du télévisuel. Scénaristiquement, on touche le fond du fond, le fantôme en homme-rat voilà un concept d'une bêtise sans nom. A ne pas manquer (enfin... façon de parler...), le début du film tout simplement plagié sur celui de Batman Returns, où comment le plus grand film du cinéma occidental inspire l'un des plus grands nanars de ces dernières années. Difficile de tenir la durée du métrage. Asia est transparente (un comble), Julian Sands cabotine sans réelle conviction, Morricone patauge dans le lyrique décalé. On pourra toujours s'appesantir sur les obsessions "hénaurmes" de monsieur Dario (l'inceste, l'inceste, partout l'inceste). Mais bon, le cœur n'y est plus.

        Le DVD est à l'image du film. Il ne propose que la ridicule VF, une image bien crado et une absence de suppléments qui ne troublera personne. Il existe bien un Zone All de meilleure tenue, mais partir à sa recherche tient du masochisme. Comme il est déjà masochiste de dépenser 10 balles sur cdiscount pour faire l'acquisition de ce qui est peut-être le plus mauvais film de la carrière d'Argento (père et fille). Argento qui traîne pourtant déjà quelques nanars gratinés, en attendant son nouveau bidule, dont le titre m'échappe, et qui, parait-il, repousserait encore les limites du portnawak désespérant. Ce serait quelqu'un d'autre qu'Argento, on se poilerait de bon cœur. Mais corneguidouille de fichtregris ! On parle là du type qui a fait Suspiria et Profondo Rosso ! Et qui fait tourner sa propre fille, la nouvelle icône trash décadente d'un cinéma d'auteur nanaresque. Il y avait matière à baver. Et bien non.

        En résumé : Une catastrophe qu'il ne faut point nommer, plaquée tant bien que mal sur un DVD à 10 balles (dans tous les sens de l'expression). Si vous aimez la famille Argento, revoyez le bon petit Syndrome de Stendhal. Et si vous aimez vraiment papa Dario, retournez dans les bras de Jessica (Harper), Daria (Nicolodi) ou Jennifer ("rhaaa lovely" Connely).

PS : Je n'ai pas jugé bon d'écrire les mots "Phantom" et "Paradise", car on ne va pas enfoncer plus profondément le poignard dans le cadavre de ce fantôme que l'on préférerait déjà avoir oublié. Ah bah zut, je l'ai quand même fait, juste pour être sûr qu'il ne sortira jamais de sa tombe...


La Ligne Rouge

de Terrence Malick

        Le pari semblait impossible à tenir. Réussir à rendre justice à la splendeur esthétique du chef-d'œuvre de Terrence Malick était un défi perdu d'avance. Et bien on se trompait. Voilà un DVD digne du film, et tout est dit. L'image est d'une beauté à pleurer et le son, mon Dieu, le son... Le moindre détail trouve sa juste place, de l'ambiance de la forêt au bruit des vagues, du vent dans les herbes hautes au sifflement des balles dans la brume, tout est parfait. Et bien sûr la musique de Hans Zimmer (l'une des plus belles partitions de l'histoire du cinéma américain, je le rappelle à tout hasard) retrouve toute la grâce expérimentée en salles (enfin... presque... bien sûr). Le seul reproche que l'on puisse faire à cette édition, c'est son absence de bonus. A part quelques extraits de chants mélanésiens et la formidable bande annonce, il n'y a rien. Et finalement, en y réfléchissant, cela semble logique. La Ligne Rouge se passe littéralement de commentaires, et en ce qui concerne sa genèse, la légende a déjà fait place à la réalité des faits (et quelle légende !!).

        Le film ? Les habitués de The Web's Worst Page connaissent déjà mon enthousiasme par cœur. Mais je le répète : The Thin Red Line est le meilleur film occidental de l'année 1999, il est l'un des meilleurs films de guerre qui soient, et plus simplement l'une des plus belles expériences cinématographiques que l'on puisse vivre. Un peu plus bas sur cette page je qualifie Tarkovski de cinéaste spinoziste, c'est tout aussi vrai pour Malick, en particulier avec ce film (son 3e en 30 ans...). On y a vu un panthéisme, sans forcément bien réaliser à quel point La Ligne Rouge est englobée par une "présence supérieure". Un Esprit universel ? Une âme universelle (thèse énoncée directement dans les derniers mots (sublimes à chialer) du film) ? Un Dieu ? Ou la Nature ? La présence omniprésente d'un metteur en scène perfectionniste ? La présence d'un spectateur qui communie avec l'œuvre ? Les 2h50 de La Ligne Rouge offrent mille et une perspectives pour réfléchir et pour ressentir. Bien loin des clichés (à part un minimum inévitable... et encore !), Malick a fait un film de guerre qui explose le genre dans lequel on voudrait facilement l'enfermer. Comme Voyage Au Bout de l'Enfer, la guerre n'est que le moyen de décrire l'humanité dans son intimité, dans son "hardcore". C'est dans l'instant où pulsions de vie et pulsions de mort fusionnent que l'Homme se met le plus à nu (voir pour cela aussi bien Excalibur que Les Sentiers de la Gloire). Et Malick nous "montre" tout cela comme bien peu de cinéastes avant lui. Tous ceux qui trouveront La Ligne Rouge prétentieux, naïf, limité, pas crédible, surfait, ridicule ou je ne sais quoi encore, et bien tous ces gens là, je les plains. Mais je suis en train de faire ce qu'il ne faut pas faire, je commente La Ligne Rouge à votre place. Voilà, et oui, je le disais, un vrai film "intime", qui grandit en nous, années après années. Immense.

    En résumé : A part faire preuve d'un cynisme ou d'une bêtise à toute épreuve, difficile de ne pas tomber en béatitude devant La Ligne Rouge. Il fait partie, sans l'ombre d'un doute, de la dizaine de DVD qu'il faut impérativement ranger dans sa collection. Venir régulièrement se ressourcer auprès de ce manuel de philosophie ouvert à tous et à toutes est très fortement recommandé. "All things shining..."

 

 
 
 
 
 
 
 
 
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