Le Seigneur des Anneaux - Le Retour du Roi
de Peter Jackson
Les attentes face au Retour du Roi étaient légitimement gigantesques. Le film qui devait achever cette trilogie rêvée et surtout donner un sens à l'ensemble de la fresque. Le film qui devait aller plus loin, plus haut, plus fort que les deux premiers réunis. Plus de spectacle, plus de drames, plus d'émotion, plus de magie. Il fallait tout cela. Bref, il fallait du jamais vu, de l'inimaginable ou du moins une œuvre qui puisse rendre justice à nos visions, à nos espoirs.
En sortant des 3h30 du Retour du Roi, les larmes aux yeux et incapable de reprendre contact avec la réalité, on est certain d'une seule chose, Peter Jackson est allé au-delà de nos rêves. Dans sa version courte, le Retour du Roi est déjà, d'assez loin, le meilleur film de la trilogie. C'est le plus long, et pourtant c'est celui qui passe le plus vite. C'est aussi le plus beau, mélange idéal entre la féerie de la Communauté de l'Anneau et la verve épique des Deux Tours. C'est le plus spectaculaire, avec facilement plus de la moitié du métrage composée de scènes hallucinantes qui laissent parfois bouche bée. On a jamais vu ça avant. C'est certain. On le reverra sans doute souvent après, ailleurs, chez d'autres, mais voilà bien une œuvre fondatrice. Les effets spéciaux étant parfaits dans l'ensemble et touchés par instant par une véritable poésie.
Le Retour du Roi est aussi, forcément, très émouvant. Les vingt dernières minutes appellent les mouchoirs sans accorder la moindre pause. Le film respire une puissance, une force, incroyables. On se sent porté par les images, la musique, les performances d'acteurs. Et le suspens de conclusion, qui débute avec le film et qui ne s'achève qu'à une demie-heure de la véritable fin, ne se relâche jamais et atteint sur sa résolution une intensité jamais aperçue dans une œuvre "grand public". Et on finit par croire, devant de telles visions apocalyptiques, que nous sommes, nous aussi, "à la fin de toutes choses". Le Retour du Roi, et le Seigneur des Anneaux dans son ensemble, est l'oeuvre de divertissement qui fait table rase du passé, pour mieux ouvrir la voie d'un futur enthousiasmant.
Peter Jackson nous emporte donc loin de tout, de la première scène (filmée par sa compagne, Fran Walsh, à laquelle l'oeuvre de Jackson doit énormément) jusqu'à la délicate conclusion (qui fait exploser le cœur). Les séquences les plus attendues ne déçoivent pas une seule seconde. La bataille des champs de Pelennor est facilement ce que l'on a vu de plus impressionnant sur un écran de cinéma et renvoie aux oubliettes celle du Gouffre de Helm. Le siège de Minas Tirith n'est pas mal non plus dans le genre, ainsi que la vision de Minas Morgul, accompagnée par les cris assourdissants des Nazguls. Shelob est magnifique, c'est à dire parfaitement terrifiante et répugnante. Quant à la Montagne du Destin, c'est bien la plus grande scène de la trilogie.
Que dire sur les protagonistes ? Sam est toujours, et d'autant plus, le héros de l'histoire. Frodo souffre sans trêve, on finit par le ressentir. Gollum est sublime et l'on peut enfin découvrir son "interprète" Andy Serkis en chair et en os. Gandalf est très présent et follement charismatique (on a fini par s'habituer à sa tenue immaculée). Aragorn est paradoxalement en retrait, même s'il gagne en force à toute fin de l'histoire. Peter Jackson est toujours amoureux de Legolas, l'elfe persistant à faire des trucs de super-héros (essentiellement massacrer un oliphant à lui tout seul). Gimli n'est plus le bouffon de service, ce qui est très agréable. Merry et Pippin sont sans doute les personnages qui gagnent le plus de profondeur dans le Retour du Roi. Ils deviennent ainsi très touchants et volent fréquemment la vedette. Theoden est chevaleresque et superbement interprété par Bernard Hill. Eowyn est toujours aussi ravissante, voire radieuse, même si l'absence des Maisons de Guérison, dans la version courte, évince son personnage de la fin du film. Faramir parvient à exister en quelques scènes. De même que Denethor, même s'il est sans doute un peu trop caricatural. Eomer ne fait que passer. Ainsi que Galadriel, qui apparaît une nouvelle fois totalement gratuitement au milieu du métrage (gag récurrent ?). Par contre Elrond et Arwen s'offrent encore quelques plans d'une beauté irréelle. Voyons, est-ce que j'oublie quelqu'un d'important ? Sauron et son formidable "I see you !" ? Effroyable ! Le Roi des Nazguls ? Enorme ! Shelob ? Déjà évoquée, elle est géniale ! L'armée des morts ? Impeccable !
Alors, des défauts dans le Retour du Roi ? Aucun, ou si peu. Ils sont tellement noyés dans la splendeur de l'ensemble que tout semble couler de source. Et on ose à peine imaginer ce que va donner la trilogie intégrale en version longue. La musique ? Une synthèse majestueuse de tous les thèmes. La mise en scène ? Virtuose, survoltée, parfois lorgnant vers un Tim Burton, parfois vraiment novatrice. Bien sûr, je comprends tout à fait que l'on puisse rester insensible au Seigneur des Anneaux, voire complètement hermétique. C'est du cinéma passionné qui ne peut parler qu'au cœur, droit au cœur. Alors on s'extasie ou l'on s'endort, on rêve éveillé ou l'on se moque. On ne peut pas se forcer à aimer ou à détester le Retour du Roi, le film est tellement "trop" qu'il n'y a plus de place pour la demie-mesure.
Pour ma part, j'ai assisté à l'apothéose du cinéma spectaculaire tel que je le chéris. Je sais qu'un jour on fera mieux, mais j'ai eu l'impression de vivre un moment historique. Il faut être aujourd'hui, maintenant, dans les salles de cinéma pour découvrir le Retour du Roi. Par pitié n'attendez pas le DVD ou pire la diffusion TV (dans une VF ignominieuse). Remisez votre putain de cynisme au fond d'un placard. L'histoire s'achève maintenant, sur grand écran, dans l'incarnation de nos plus fabuleux rêves d'enfants. Un moment unique, qui vous accompagnera, sans doute, très longtemps. |
Zatoichi
de Takeshi Kitano
Affirmer que 2003 fut l'année Kitano tient du choquant euphémisme. Alors que Dolls ne cesse de grandir dans les cœurs, la fin de l'année nous a offert un nouvel exploit du maître japonais. On annonçait son Zatoichi comme une œuvre "légère", une détente après le sommet artistique de Dolls. Un film de genre, populaire, une variation sur les aventures du samouraï aveugle Zatoichi, héros traditionnel du cinéma japonais. Bref, ce devait être un petit ajout dans la si impressionnante filmographie de Kitano.
Le séisme est d'autant plus intense lorsque l'on découvre le résultat sur grand écran. Depuis Dolls, Kitano semble avoir atteint un tel degré de maîtrise de son art que rien ne peut l'entamer. On en vient même à oublier ses "anciens" grands classiques tels que Sonatine ou Hana-Bi. Son Zatoichi tient du chef-d'oeuvre de la première à la dernière image.
La mise en scène, où l'on pourrait aussi bien reconnaître Kurosawa que Jacques Tati, et d'une virtuosité discrète qui laisse sans voix. Mouvements de caméra tour à tour délicats ou nerveux, rythme soutenu et fluide, prises de risques... Avec pour exemple l'utilisation du sang numérique, choix artistique audacieux, qui permet de contrôler avec la plus parfaite précision le moindre détail de la chorégraphie des combats, ainsi que de ralentir les gerbes de sang au sein même d'un plan à vitesse normale. L'effet obtenu est stupéfiant, unique. De même que l'exceptionnel travail sur la bande son, œuvrant tout aussi bien pour le burlesque que pour la puissance tragique de certaines scènes. La musique originale étant par ailleurs, malgré l'utilisation intensive des synthétiseurs, la plus marquante de l'année.
Et que dire de ce qui nous est conté ? Cela pourrait sembler banal de prime abord. Un étranger arrive en ville et il rétablir la justice. Un "super-héros" invulnérable ce Zatoichi, qui ne recule devant aucun exploit surhumain lorsqu'il s'agit de manier le sabre. Un Zatoichi interprété de manière hallucinante par Kitano, parvenant à être à la fois fort et fragile, drôle et inquiétant, et surtout émouvant. A l'image de l'ensemble du film. Puissant, dans ces combats brefs, dont l'intensité ne cesse de fasciner ; avec comme sommet, le duel entre Zatoichi et le garde du corps, superbe et tragique. Fragile, comme la démarche du héros, dans ses pauses mélancoliques, dans ses plans apaisés qui font trembler le cœur. Drôle, et même parfois potache, le film l'est aussi. Les gags sont nombreux et font respirer une histoire par ailleurs très dure.
Car l'émotion est omniprésente. Que ce soit à travers le sacrifice du garde du corps, faisant le choix de la corruption et du mal pour essayer de sauver sa femme malade. Ou dans la quête de vengeance de deux personnages totalement bouleversants, qui ne peuvent que nous faire sortir nos mouchoirs. En particulier lors d'un final étonnant sur un long numéro de claquettes (!!), qui fait rire, pleurer, nous ravit et nous fait quitter la salle avec le cœur battant plus vite, le sourire aux lèvres et l'âme émerveillée. Doublé historique en 2003, pour le moins, pour Takeshi Kitano. Deux chefs-d'oeuvre, deux moments de grâce. |
Le Monde de Nemo
de Andrew Stanton
Cela fait longtemps maintenant que l'on attend le faux-pas du studio Pixar, proclamé ici et là plus grand créateur mondial de divertissements cinématographiques pour tous, enfants, adultes, animaux de compagnie, lave-vaisselles et autres portes blindées. Oui, car il est bien connu que l'on ne peut pas rester éternellement au sommet. Ce sommet artistique et commercial que Pixar a effleuré avec Toy Story et 1001 Pattes, avant de l'atteindre et de s'y installer glorieusement avec Toy Story 2 et Monstres & Cie. Ce dernier s'imposant par ailleurs comme un pur chef-d'oeuvre, à tous niveaux. Mais bon sang, ces gens pouvaient-ils encore faire mieux ? Écraser un peu plus la concurrence ? Et montrer une bonne fois pour toutes qu'ils sont les seuls à donner encore un alibi artistique aux studios Disney ? Avec Le Monde de Nemo, non seulement Pixar a de nouveau fait exploser ses propres records au box-office, mais il a conquis, comme toujours, à la fois la critique et le public. Tout en signant son meilleur film et donc un grand chef-d'oeuvre. Et rien ne semble donner l'impression d'un possible fléchissement créatif du studio.
Le Monde de Nemo, parvient ainsi à être plus drôle, plus riche, plus beau, plus rythmé, plus divertissant et aussi émouvant que Monstres & Cie. On croit rêver. D'ailleurs les 1h45 du métrage filent comme un songe, tant les gags et les rebondissements s'enchaînent sans le moindre temps mort. On est toujours surpris, hilare, fasciné, ému. Visuellement c'est sublime, bien sûr. Mais jamais Pixar ne s'est reposé sur ses performances techniques. Ce qui compte avant tout pour eux ce sont une bonne histoire, de bons gags, de bonnes répliques et de fabuleux personnages. Et au niveau des protagonistes, Finding Nemo est de très loin le plus incroyable des tours de force de chez Pixar. Des dizaines de caractères superbement écrits se succèdent à l'écran. Certes, cela va très vite, mais ils parviennent tous à exister. Et la majorité d'entre eux est inoubliable (ce qui est d'autant plus savoureux si l'on se réfère aux hilarants soucis de mémoire du plus émouvant des héros du Monde de Nemo).
Le film est bien sûr bourré de références, comme toujours, cela va des Dents de la Mer en passant par Abyss ou Psychose, et énormément aux Monty Python (Finding Nemo - Find The Fish... hum... hum...). Ah, certes, on ne peut pas trouver mieux que les Python en matière de références pour ce qui est de la comédie ambitieuse. Certains passages du Monde de Nemo semblent tout droit issus d'un épisode du Flying Circus (le "langage-baleine", par exemple). C'est vous dire si tout cela est drôle, fin, intelligent, humain et emplit de percées philosophiques délicieuses. Le prochain Pixar, The Incredibles, serait un mélange de Tex Avery, de Monty Python et de... Alan Moore.... Mon Dieu, mais ces gens vont-ils vraiment réussir à faire toujours mieux ? |
Matrix Revolutions
de Andy et Larry Wachowski
"L'objet kitsch, c'est communément toute
cette population d'objets "tocards", en stuc, en toc, d'accessoires, de
bimbeloterie folklorique (...), tout le musée de pacotille qui prolifère
partout. (...) Le kitsch, c'est l'équivalent du "cliché" dans le discours. (...)
Le kitsch peut être partout, dans le détail
d'un objet comme dans le plan d'un grand ensemble, dans la fleur artificielle
comme dans le roman-photo. Il se définira de préférence comme pseudo-objet,
c'est-à-dire comme simulation, copie, objet factice, stéréotype, comme pauvreté
de signification réelle et surabondance de signes, de références allégoriques,
de connotations disparates, comme exaltation du détail et saturation par les
détails. Il y a une relation étroite entre son organisation interne
(surabondance inarticulée de signes) et son apparition sur le marché
(prolifération d'objets disparates, amoncellement de série). (...)
A l'esthétique de la beauté et de
l'originalité, le kitsch oppose son esthétique de la simulation (...) il répète
la mode sans l'avoir vécue."
Jean Baudrillard, La Société de Consommation,
p. 165-168
La trilogie Matrix est un sommet
kitsch. |
Haute Tension
de Alexandre Aja
Que
Luc Besson soit le producteur du "survival" le plus gore, le plus glauque et le
plus méchant que le cinéma français ait engendré n'est pas le moindre des
paradoxes de Haute Tension. Surgit un peu de nulle part, ce film
brutal essaie d'inscrire nos bonnes vieilles campagnes parmi les lieux
d'épouvante sauvage chers au cinéma d'horreur. Quelque part entre Massacre
à la Tronçonneuse (auquel on pense très souvent) et Délivrance.
Les 10 premières minutes du film font douter de la réussite de l'entreprise. Jeu
approximatif des deux actrices principales, énième générique post-Seven,
séquences de présentation d'une banalité sans nom (et fortement inspirée, il me semble, par le récent Jeepers Creepers).
Ca sent le nanar. Mais au bout d'un quart d'heure, peu à peu un malaise commence
à s'installer. Quelque chose d'immonde grouille sous la pellicule. Le metteur en
scène soigne ses petits effets et transforme une scène de masturbation féminine
en un sommet de suspens. Et puis les choses se précipitent. Le tueur arrive,
brutalement, mais lent et déterminé, comme les plus beaux avatars du genre
(Jason, Michael Myers, le Maniac de William Lustig...). De très banal, le
suspens prend un essor étonnant. Fort bien secondé en cela par un sadisme
effroyable et des effets gores vraiment très gores et parfois extrêmement
douloureux. A aucun moment, jusqu'au final, la tension ne se relâchera. A en
devenir relativement éprouvante.
Haute Tension, qui
commençait à réjouir par son sérieux et son efficacité, fini par
dégoûter par sa complaisance. Lorsque surgit l'un des retournements
de situations finaux les plus gratuits et les plus incompréhensibles
que le cinéma Fantastique ait pu offrir (même chez Ed Wood on
n'aurait pas osé), on ne s'étonne qu'à peine. Et on en vient à
prendre fait et cause pour le combat des lesbiennes, tant leur image
est outragée par ce twist dont on aurait aimé pouvoir rire (il
est incohérent avec tout ce qui a été montré avant). Mais non, ce
n'est pas drôle, pas une seule seconde, car le film se plaît à
faire mal à ses protagonistes et au spectateur. Face à un tel
étalage de barbarie, on en viendrait presque à regretter le second
degré d'un Ichi The Killer. Alors, oui, le cahier des
charges est respecté, explosé même. Haute Tension fout
la trouille, dégorge de sang et de meurtres brutaux, brasse des
références sexuelles avec tout le sordide disponible, met mal à
l'aise et tout ce qui va avec. Mais on ressort de la salle avec un
vilain goût dans la bouche. On a eu droit au film français dont on
n'osait plus rêver, mais on est loin d'avoir passé un bon moment. Le
gore beurk n'est décidément pas mort... |
Frida
de Julie Taymor
La
"qualité Miramax" a encore frappé. Le studio spécialisé dans le "fast food du
film d'auteur", charriant des tonnes de produits clinquants prêts à récolter des
brouettes d'Oscars et l'admiration de quelques bourgeois bohèmes et de la mère
de famille de moins de 50 ans. Miramax, donc, en attendant "Hitler, La Passion
d'Un Siècle", nous réserve au détour de Frida d'un troublant :
"Trotsky Le Romantique", qui peut prêter soit à l'hilarité totale soit à la
consternation. Frida, le film, est avant tout le projet chéri de
Salma Hayek, qui s'est ici investie corps et âme. Sa performance, tout à fait
louable, est sans doute l'intérêt principal (voir unique), d'un énième biopic
qui dilue dans une guimauve hollywoodienne parfois abjecte, l'existence "bigger
than life" de la peintre mexicaine. Mais à aucun moment, le film parvient à nous
faire croire à ce qui est conté. Les clichés succèdent aux clichés ("la création
artistique naît dans la souffrance" est à peu près tout ce que l'on nous dira
sur l'œuvre de Frida Khalo) et les quelques "audaces" de mise en scène sombrent
souvent dans le mauvais goût déplacé (les peintures qui prennent vie, oui, je
sais, c'est aussi d'un manque d'originalité affolant). Toute cette belle
mécanique ronronne en vain et on ressort de la salle en ayant à peu près tout
oublié de cette séance vaguement scolaire, si ce n'est la beauté et la prestance
de Salma Hayek. |
Il est plus facile pour un chameau
de Valéria Bruni-Tedeschi
Dans la catégorie, très disputée, du film le plus égocentrique de l'année, les
débuts cinématographiques de Valéria Bruni-Tedeschi se posent là. Lorgnant
lourdement sur la copie d'un Desplechin, la philosophie en moins, l'ego plus
gros que le ventre en plus, Valéria Bruni-Tedeschi fait son petit film de potes
et expose complaisamment ses petits soucis ("je suis une pauvre petite fille
riche avec un complexe d'Oedipe mal résolu"). Soucis spirituels, soucis
sentimentaux, soucis familiaux (le meilleur du film), parfois à l'aide de gags
particulièrement drôles. Mais tout cela nous laisse au final de marbre, tant on
a l'impression d'avoir déjà vu cela mille fois ailleurs et tellement mieux (chez
Desplechin, chez Sautet, chez Pialat et tant d'autres...). A noter, la
performance excellente de la décidément très talentueuse Chiara Mastroianni,
avatar cinématographique de la vraie Carla Bruni (notez la guitare sur le
canapé), qui donne une image particulièrement hilarante (névrosée, pimbêche mais
étrangement fragile) de la poupée mannequin récemment reconvertie dans la
chanson qui colle aux oreilles comme un vieux chewing-gum. |
Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre
de Alain Chabat
Immense festival Canal +, dégorgeant de clins d'oeil et de pognon, cet Astérix
là parvient facilement à supplanter le premier film live, pathétiquement torché
par un Claude Zidi à côté de la plaque. Facilement oui, car là où Astérix
Contre César faisait rire une fois ("On est là pour enlever César,
abruti !" "César Abruti ? C'est le cousin de Jules César ?"), Mission
Cléopâtre fait bien rire au moins.... ohlala... trois fois. Trois fois
et demie si on est de bonne humeur. Certes, si on compare aux 12 Travaux
d'Astérix (15648 moments d'hilarité en 1h20 de métrage), on est encore
loin du compte, mais c'est un net progrès. Mais il faut pour profiter de ces
instants de poilade, supporter des numéros d'acteurs souvent exaspérants, des
gags extrêmement prévisibles voire franchement lourds et des private jokes
laborieuses. Le film en lui-même est honorable, bien mis en scène et doté d'un
visuel relativement impressionnant pour une production française (mais le budget
est aussi hors normes, il faut bien l'avouer). L'esprit de la bande dessiné est
parfois présent, ce qui est déjà ça. Mais finalement, on se rend alors compte à
quel point l'humour d'Astérix ne convient que très difficilement au cinéma. Les 12 Travaux d'Astérix, immense réussite, était un scénario
directement conçu pour le grand écran. Et dans ce Mission Cléopâtre,
ce sont les gags "made in Chabat" qui sont les plus efficaces (grandiose
Itineris). Une nouvelle preuve par l'absurde du mariage très difficile et très
délicat de la BD et du 7e Art. |
Equilibrium
de Kurt Wimmer
Vendu comme un sous-Matrix et critiqué comme un mauvais décalque
de Fahrenheit 451, Equilibrium n'avait pas grand
chose pour m'attirer. C'est donc un peu à reculons que j'ai donné une chance à
ce film qui pouvait, peut-être, procurer quelques moments amusants (ceci au vu
d'une bande annonce tellement Matrixienne que c'en était comique). La surprise
fut d'autant plus grande de me retrouver devant un excellent petit film de SF,
particulièrement intelligent, dynamique, bien fichu et excellemment interprété
par le décidément génial Christian Bale (le futur Batman !). Dans une atmosphère
tout à fait crédible, très inspirée (c'est le moins que l'on puisse dire) par 1984, Wimmer déroule un récit classique mais très efficace, qui tire sa
force de son sérieux inflexible et de quelques séquences d'action joliment
chorégraphiée. Le charisme de Bale servant à masquer les quelques dérives
hollywoodiennes de l'ensemble (notamment une fin pas très convaincante). Mais
cette société où l'émotion est hors-la-loi parvient à effrayer et quelques
scènes sont saisissantes. De plus, l'œuvre charrie une mélancolie, voire un
pessimisme de bon ton et écrase, que dis-je !, explose totalement la trilogie Matrix sur son propre terrain. Quand la copie dépasse l'original,
c'est fort rare, mais c'est impressionnant. Un film plutôt idiot mais amusant, c'est déjà ça. |
Pirates des Caraïbes, la malédiction du Black Pearl
de Gore Verbinski
Il
y a au moins une excellente raison d'apprécier Les Pirates des Caraïbes :..... sa très grande fidélité à la fantastique attraction de Disneyland. Et
oui, car il est de notoriété publique que les Pirates des Caraïbes est
l'attraction incontournable de Disneyland (au moins de celui de Paris, je ne
connais pas les autres). Oui, oui, plus encore que la Space Mountain et la
Montagne du Tonnerre (très bien aussi, soit dit en passant). Les Pirates des
Caraïbes possèdent une ambiance formidable, des animatroniques de toute
beauté, une musique géniale ("yo oh oh oh yo oh oh oh !" et ne venez pas
me parler du Small Small World d'à côté !), une succession de grands moments que
l'on a parfaitement le temps d'apprécier. Enfin, et ce n'est pas la moindre des
qualités de l'attraction, la file d'attente y est toujours fort réduite.
Malheureusement, cela risque de changer après le joli succès que vient de
rencontrer l'adaptation cinématographique de ce "clou du spectacle". C'est, par
contre, une raison de ne pas aimer Les Pirates des Caraïbes de
Gore Verbinski.
A
l'actif de la fidélité du film par rapport à l'attraction : à peu près tout. On
retrouve toutes les scènes clefs du parcours au cœur du dédale "maritime" de
Disneyland. L'attaque de la ville fortifiée, les prisonniers essayant de
soudoyer leur impassible gardien, les squelettes de pirate, le gag du vin qui
passe au travers du corps quand il est bu, la caverne au trésor exactement
reconstituée, la chanson (malheureusement pas assez présente...), les
personnalités des pirates (aussi développées que celles des animatroniques, si
ce n'est moins), etc.... Malheureusement, le film est nettement moins amusant
que l'attraction. Et oui, au moins à Disneyland, avec un peu de chance on se
retrouve devant et on se mouille un peu les pieds dans les descentes. Dans le
film de Verbinski, certes, cela dure plus longtemps (et ce n'est pas un
avantage), mais il n'y a pas de quoi bondir de son siège. Et nous en arrivons
déjà, doucement, à la seconde raison d'apprécier malgré tout le film.
Quelques scènes d'action amusantes. Si, si. Même si elles sont filmées avec les
pieds par Verbinski (qui après le très médiocre remake de Ring persiste dans le divertissement flan formaté pour le public américain), elles
demeurent assez amusantes. Mais alors qu'est-ce qu'on s'embête. Pendant les
séquences d'action, hein ! Parce que pendant le reste du film, là c'est
carrément le coma. Les scénaristes se sont visiblement pris les pieds dans le
tapis. En commettant des bourdes pas possibles. L'une des principales consistant
sans doute en l'absence totale de magie et de mystère. Les lieux sont d'une
banalité affligeante. Le "vaisseau fantôme" n'en est pas un. Les pirates maudits
sont des guignols. Les héros sont transparents (mais je vais y revenir). Tout
est prévisible, sauf une incroyable faute de goût qui consiste à amener tout le
monde pour une répétition générale du combat final du film... combat avorté et
reporté au même endroit, dans la même situation, avec les mêmes protagonistes,
mais une "bonne" heure après. Mais là, je suis de mauvaise foi. Dans l'heure qui
suit on a droit à un abordage assez bien mené. Et, enfin, à un combat final
digne de ce nom. Totalement massacré par un montage parallèle catastrophique qui
oppose une bataille entre les pirates zombies (magnifiquement conçus par ILM) et
des soldats dont on se contrefiche, et un duel entre Johnny Depp et Geoffrey
Rush particulièrement peinard mais sauvé, là encore, par d'excellents effets
spéciaux. Ah, zut, ça y est, je ne voulais pas, mais j'ai lancé "le nom". Et
d'ailleurs le voilà qui arrive :
Johnny Depp. Tout le monde vous dira que les Pirates des Caraïbes c'est génial
parce que Johnny Depp délivre une performance anthologique. Il est certain que
son Jack Sparrow, vague mélange entre Keith Richards et John Galliano, est
hilarant. Et c'est lui qui nous offre les vrais bons moments du film. Dès qu'il
bouge, dès qu'il ouvre la bouche, c'est un festival, un cabotinage maladif qui
ne peut que provoquer le rire. C'est du n'importe quoi. Du n'importe quoi,
certes, mais bien peu nuancé. Ce qui place cette fameuse performance
"anthologique" dans les rôles mineurs du monsieur. On est ici à des années
lumières de Ed Wood, de Dead Man ou de Las Vegas
Parano (d'ailleurs Jack Sparrow est nettement l'enfant illégitime de Hunter
Thompson défoncé à l'acide, à l'éther ou à n'importe quoi d'autre). Mais le
capital sympathie de Johnny Depp remporte la mise. Il s'amuse, on s'amuse. C'est
déjà pas mal. Par contre, Orlando Bloom, séparé de son amoureux transi Peter
Jackson, est totalement transparent, voire exaspérant à certains moments. Quant
à l'actrice principale, elle est une potiche dont on oublie l'existence dès que
le générique de fin résonne. Geoffrey Rush cabotine à peu près autant que Johnny
Depp. Les seconds rôles (dont le grand Jonathan Pryce) se disent qu'ils ont
aussi le droit de faire n'importe quoi et ne se privent pas. Bref, c'est le
bordel. Si on ajoute à cela une musique hideuse qui casse la tête à la moindre
scène d'action (dans le style "Hé ho ! Regardez ! Il se passe quelque chose à
l'écran !" ou "Ouais !!! C'est la grande aventure les amis!!" voire "Tatatam
tatatam !! C'est Hollywood !!"). Tout cela pour souligner un roulement des yeux
de Johnny Depp... hum... certes...
En
conclusion, Les Pirates des Caraïbes est un génial film pour
enfants. Ce sont eux qui sont clairement visés par Disney (logiquement) et on se
sent parfois un peu exclut par ce grand spectacle de marionnettes. On pensera
d'ailleurs fortement aux Goonies, sans doute à cause du galion
dans la caverne à la fin... Le film fait un peu peur, mais il y a des gags pour
que cela ne fasse pas trop peur. Le film est un peu violent, mais les gens ils
se prennent des poutres, des portes, des murs, bref, c'est drôle. Le film est un
peu osé, mais les messieurs font de grands mouvements avec leurs bras, comme à
Guignol. Bref, le film est parfait pour les moins de 12 ans. Les autres seront
souvent perplexes. Surtout que, pour une si grosse production, le film manque
incroyablement de souffle et de grandiose. La faute, je crois, à Verbinski, qui
filme tout de travers (ou presque). A part Johnny Depp, parfaitement cadré dès
qu'il commence à s'agiter et à voler la vedette à tout le reste (pirates zombies
et gros bateaux y compris). Les Pirates des Caraïbes devient alors
un Johnny Depp Show bien poilant, mais long, si long, fatigant, extrêmement
frustrant, mais finalement assez agréable. Un tout petit divertissement qui
aurait pu s'avérer brutalement indigeste, si, prenant le thème au pied de la
lettre, monsieur Johnny Depp n'avait pas littéralement piraté le film. Yo ho ho
ho ! Yo ho ho ho ! |
Willard
de Glen Morgan
Peut-on aimer un film juste pour un acteur ou une actrice ? A part faire preuve
d'une mauvaise foi qui percute le ridicule, on répondra sans hésiter : oui ! On
peut même adorer un film juste pour la prestance d'une actrice, pour la beauté
d'un acteur, pour le talent d'une actrice, pour le cabotinage d'un acteur et
réciproquement et tout à la fois. Dans le cas d'une petite série B sans
prétention comme Willard (remake d'un minuscule film fantastique
des années 70), on pourrait se contenter de la performance d'un acteur ou d'une
actrice pour passer un bon moment. Sur ce point, je vais bien sûr revenir. Mais
il faut déjà préciser que Willard ne se limite pas à son acteur
principal. La mise en scène est impeccable, évitant fréquemment les effets
faciles (mais malheureusement pas toujours, mais bon, il ne faut point trop
demander). Une mise en image classique, parfois très classe (excellent générique
de début !), qui met parfaitement en valeur un très beau décor de maison
gothique. L'histoire est assez prévisible mais réserve quelques séquences
magnifiques. Les relations entre Willard et ses deux principaux rats (le gentil
Socrates et l'alter ego du héros Ben) sont très prenantes voire touchantes. Sans
déflorer trop l'histoire, la "transmission" des traumatismes de Willard sur Ben
ne sombre jamais dans une lourdeur excessive et s'avère fort juste. La musique
vous fera inévitablement penser à du Danny Elfman, mais pas de panique, elle est
signée Shirley Walker, la seule et unique disciple "officiel" du grand Danny.
Bref, à tous les niveaux, Willard respire le travail bien fait et
l'amour du genre.
Et puis il y a Crispin Glover. Certes, il joue là dans son registre
habituel (le psychotique imprévisible, inquiétant, ténébreux et
touchant). Mais il flirte avec les étoiles. Du génie pur. Car Glover
ne se sert pas que de son inimitable regard inquiétant, il s'offre
des moments de nuances assez surprenants, passant des larmes à la
colère, de la faiblesse à la puissance, parfois au sein de la même
scène. Avec une intensité qui pourra rappeler le non moins immense
Christopher Walken. Des acteurs vraiment "fous" qui peuvent se
permettre de jouer tout et n'importe quoi, en transformant le rôle
le plus anodin en personnage inoubliable (voir pour cela le Thin Man
qu'interprète Glover dans les Charlie's Angels). Bref,
dans Willard, Crispin Glover ne fait pas que
cabotiner, il habite littéralement des scènes pleines de retenue et
parvient à rendre tout à fait crédibles ses rapports affectifs avec
les rats. Son interprétation transcende à ce point le film, que la
modeste série B prend une toute autre dimension. Et même si le
scénario faiblit sur la fin, que Lee Ermey en fait des tonnes et que
Laura Harring n'existe même pas, Willard tire son
épingle du jeu. En imposant un formidable personnage et un acteur
qui réussit à émouvoir le spectateur avec n'importe quoi. Willard est donc pour l'instant la série B Fantastique de
l'année 2003, rien que pour l'immense Crispin Glover. Aller,
maintenant il faut lui donner des rôles à sa mesure à ce monsieur. |
Hero
de Zhang Yimou
Mon Dieu, que c'est beau !
Indéniablement. C'est même "trop" beau. Zhang Yimou voulant clairement remettre
Ang Lee à sa place, Hero est donc la réponse 100% chinoise au Tigre et Dragon "occidentalisé" de Lee. Visuellement, c'est une
claque, un massacre qui ne fait pas de prisonnier. On a rarement vu aussi
maîtrisé, maniéré, épuré, sophistiqué, chorégraphié. Tout est millimétré, pas de
place à la moindre aspérité, au moindre défaut. La forme de Hero est absolument parfaite. Tout le métrage, de l'utilisation des couleurs au
moindre ralenti, a été réfléchit, peaufiné, soigné avec une attention qui ne
peut que bouleverser. Les images sublimes ne cessent de s'enchaîner jusqu'à
donner le tournis. Les séquences, d'une puissance dramatique étouffante, ne
veulent jamais avouer la moindre faiblesse. Hero ne laisse pas la
moindre place à l'humour, à la légèreté, à l'imprévu. Mais sans pour autant
prétendre à la fresque façon Kurosawa, le film étant très court (1h38), et cela
pour le mieux (on sent déjà le temps passer).
Bien sûr il y a des combats (très nombreux, souvent gratuits, mais toujours à
tomber par terre) et des acteurs à se damner (je vais y revenir). Bien sûr il y
a des centaines de figurants, des costumes magnifiques, des décors immenses, de
la poésie à chaque plan, à chaque réplique. Mais vous allez pourtant entendre
beaucoup de mal sur ce film. Car il est censé faire une certaine apologie du
régime communiste qui dirige la Chine d'une main toute dictatoriale. En effet,
le dénouement de l'histoire semble offrir toute légitimité à la "raison d'état",
face à laquelle tous les sacrifices sont nécessaires, et toutes les voix
dissonantes doivent être éliminer sans pitié. Mais d'un autre côté, le film
demeure ambigu, et plus d'une fois Zhang Yimou se montre tenté par d'autres
façons de penser. Et chacun reste libre d'apporter sa propre interprétation à
l'histoire (aux histoires, serais-je tenté de dire). Et on peut choisir en son
âme et conscience la voie (la voix) de l'un ou l'autre des "héros" du film.
Ces
héros, justement, incarnés par les plus beaux et les plus charismatiques acteurs
de notre planète. Jet Li, monolithique mais impérial, enfin revenu de son
ridicule passage aux USA. Tony Leung, totalement magnétique. Maggie Cheung,
d'une grâce inhumaine. Zhang Ziyi, d'une beauté inoubliable. Donnie Yen, dans
une apparition brève mais aussi majestueuse que sa prestation dans Time
and Tide. Ainsi que Chen Daoming, brillant, dans le rôle de l'Empereur
menacé par la conspiration de trois tueurs quasi invulnérables. Pour le plus
grand bonheur des spectateurs amoureux du cinéma asiatique, les quatre acteurs
principaux ont tous droit à un, voire plusieurs, combats les uns contre les
autres. On a ainsi droit à un combat d'une splendeur indescriptible entre Maggie
Cheung et Zhang Ziyi, ainsi qu'à une passe d'armes d'une magie incomparable
entre Tony Leung et Jet Li. Je n'en dirais pas plus pour préserver le
ravissement que procure ces scènes d'une magnificence plastique tétanisante.
Malgré tout, le film de Zhang Yimou n'est pas sans défauts. Le principal, sans
doute, c'est d'avoir privilégié la forme au dépend de l'émotion. Même si, au
final, le film parvient à toucher, son scénario, conçu autour de différentes
versions d'une même histoire, et son harmonie très maniérée, ne favorisent pas
l'implication émotionnelle du spectateur. On est plus bouleversé par la beauté
des scènes que par ce qui s'y déroule (pourtant le film ne lésine pas sur les
drames humains, amoureux et philosophiques). Mais c'est à la lumière de
multiples visions que l'on pourra au mieux apprécier la véritable dimension de Hero. On se demandera aussi pourquoi Zhang Yimou reprend presque
plan par plan certaines scènes de Tigre et Dragon. Bien sûr, Hero est une réponse à Ang Lee, mais il n'était pas forcément utile de souligner à ce
point le "message".
Au
final, Hero est pour l'instant le sommet esthétique de l'année
2003 (juste à la droite de Dolls, bien sûr, qui lui est, par
contre, un chef-d'œuvre intégral). Et même si un léger sentiment de déception
persiste à la fin du film, Hero nous abandonne avec le souvenir de
tant d'images somptueuses que l'on ne peut que s'incliner. Sublime. |
Détour Mortel
de Rob Schmidt
Annoncé comme un "survival" méchant, gore et bien flippant, Détour Mortel ne
peut que laisser brutalement sur sa faim. Car on se retrouve encore une fois
devant une variation sur les incontournables Délivrance (cité par
l'un des personnages du film !) et Massacre à la Tronçonneuse (on
n'est pas passé loin du plagiat, d'ailleurs). Si on ajoute à cela une bonne
louche de Jeepers Creepers. On tient la quasi intégralité de Wrong Turn en trois longs métrages autrement supérieurs. Le film de
Rob Schmidt ne présente plus alors que de très petits signes d'intérêt. Avant
tout et surtout une bonne scène de trouille inédite (un jeu de cache-cache dans
les arbres) et quelques moments sympathiques ça et là. Le film est par ailleurs
mis en scène efficacement avec un minimum d'effets inutiles (à part un générique
de début encore et toujours "à la Seven" qui fait un peu tâche).
Le scénario, par contre, est prévisible de la première à la dernière séquence
(post-générique) et ne réserve donc aucune véritable surprise (on sait
pertinemment qui va mourir et, pire encore, on devine sans problème à quel
moment les protagonistes vont passer de vie à trépas).
Les
méchants ont beau profiter de maquillages grandioses conçus par Stan Winston
(aussi producteur de la chose), ils manquent cruellement de charisme et ne
commencent à exister un tant soit peu qu'à un quart d'heure de la fin. Niveau
gore, c'est aussi la déception, le film va certes plus loin que les slashers
habituels, mais pas de quoi s'affoler, loin de là. On atteint à peine le niveau
du premier Vendredi 13 (d'il y a plus de 20 ans, quand même)... A
part cela, bien sûr, les actrices se balladent avec un minimum de vêtements,
mais là encore, c'est vraiment du minimum syndical, et on ne se relèvera pas la
nuit. Bref, c'est de la série B bien emballée, qui remplit gentiment son cahier
des charges, mais avec si peu d'originalité et si peu d'efficacité (la première
moitié du métrage est à s'endormir dans son siège, le plus intéressant étant les
jolies forêts que l'on nous fait visiter), que l'on peut prédire sans trop se
tromper que Détour Mortel va sombrer très promptement et justement
dans l'oubli. |
Resurrection of the Little Match Girl
de Jang Sun-Woo
Cet
impressionnant blockbuster coréen est ce que l'on peut appeler sans mentir : un
"OVNI filmique". Malheureusement, après un cuisant échec public dans son pays
d'origine, on risque d'attendre encore longtemps sa sortie en version intégrale
dans notre occident pas toujours bien réveillé. Dans les présentations du film
vous entendrez souvent des comparaisons à base de Matrix et de Avalon, ce qui est très vrai dans les deux cas. Mais l'histoire même
de cette Résurrection, certains de ses aspects visuels ainsi que
son humour omniprésent, évoqueront finalement nettement plus le eXistenZ de David Cronenberg. En effet la résurrection de la petite marchande
d'allumettes, dont il est ici question, est un jeu de rôle qui relie étroitement
virtuel et réel. Comme dans Avalon, bien sûr, mais finalement nettement plus
comme dans le Cronenberg. Mais comme dans le chef-d'œuvre d'Oshii, le scénario
reste très nébuleux, pour ne pas dire totalement abscons par moments. Inutile
donc d'entrer dans le détail de l'histoire, qui réserve quand même de belles
surprises et un final assez intense et inattendu, qui se paye le luxe de prendre
de vitesse Matrix Reloaded et Matrix Revolutions sur
leur propre terrain. D'ailleurs on pourrait aussi dire que par instants, le film
est un peu ce qu'aurait pu tourner Tsui Hark pour se venger de Matrix.
Car
c'est un joyeux bazar que ce Resurrection of the Little Match Girl.
Un joyeux bazar narratif, donc, qui zappe entre les scènes sans forcément de
liens. Un hénaurme bazar visuel, plein de filtres, d'accélérations, de ralentis,
de retouches numériques, de câbles, de cascades, d'effets spéciaux numériques,
de délires surréalistes et surtout d'empreints aux jeux vidéos. Car Jang Sun-Woo
pousse très loin le mimétisme avec les jeux vidéos, au point de présenter ses
personnages à la manière d'un jeu de combat (nom et fiche technique dans un
cadre au milieu de l'écran), leur évolution à la manière d'un RPG (points de
vie, points d'expérience, etc... dans un cadre en haut de l'écran) et les
informations permettant de faire progresser le joueur dans des boîtes dialogue à
la Final Fantasy. Bref, c'est assez surprenant au départ. Le metteur en
scène emprunte aussi aux jeux vidéos les fins multiples suivant les choix des
personnages. Amusant. Enfin, du jeux vidéos viennent aussi une galerie de
protagonistes particulièrement pittoresques (mention spéciale à Lara, la Lara
Croft lesbienne qui n'a rien à envier à Jet Li niveau prouesses physiques).
Le
film met par contre 20 minutes à commencer et pratiquement une bonne heure avant
d'investir vraiment le spectateur. La tentation d'arrêter en court de route peut
être grande (le film fait 2h10), mais ce serait une grosse erreur. En effet,
dans sa seconde moitié, Resurrection of the Little Match Girl se
lâche carrément. Gunfights, bastons à main nue (dont l'une d'entre elle fait
déjà plus qu'annoncer le final de... Matrix Revolutions...),
poursuite en voiture passée en accélérée (un grand moment de n'importe quoi),
encore des tonnes de gunfights, un bref mais inoubliable plan de poisson volant,
des tonnes d'effets spéciaux qui naviguent entre le fauché et le monumental....
Le film devient alors totalement réjouissant, même si on n'y comprend toujours
pas grand chose. Au début, le personnage de la "petit fille aux allumettes" (aux
briquets dans cette version là) est inexistant. Mais en plein milieu du métrage,
elle prend les armes pour le grand moment du film, une succession de tueries
froides sur fond d'Ave Maria, aussi prétentieuses que troublantes. Soudain, Little Match Girl prend une toute autre ampleur. Et un autre rythme,
on passe du laborieux au dessin animé. Et la fin, dans la base du System, est un
immense morceau de bravoure plein de coups de génie.
Comme je le disais plus haut, Resurrection of the Little Match Girl est souvent très drôle et très léger, malgré quelques dérives plus ou moins
émouvantes. La mise en scène part donc fréquemment en roue-libre mais parvient à
combler les attentes, au final, à l'arraché. On sort du film en ayant très envie
de le revoir, ce qui est plutôt bon signe. Bref, même si le film est
ultra-référentiel, il ne ressemble pas à grand chose de connu dans notre monde,
il offre un grand moment de spectacle fun et se permet quelques superbes images.
Je noterais aussi que, mais c'est tout à fait personnel, la Little Match Girl
est extrêmement mignonne, ce qui ne peut qu'ajouter énormément au charme du
film. Maintenant, il faut commencer à signer des pétitions pour une sortie
cinéma digne de ce nom dans nos contrées. Une énième pétition que l'on rangera à
la droite de celle concernant Legend of Zu (tout sauf le montage
américain, par pitié !!). En conclusion de la conclusion : un film chaudement
conseillé par votre serviteur. |
Ichi the Killer
de Takeshi Miike
Je
fais partie de ceux qui considèrent monsieur Miike comme un auteur de séries Z
prétentieuses, faussement provocatrices, creuses et très ennuyeuses. Dans le
genre pétard mouillé, Audition et Visitor Q se
posent là. C'est donc sans trop y croire que j'ai jeté un oeil à Ichi The
Killer (dans sa version intégrale "uncut", quand même, heureusement),
film censé repousser les limites de l'immonde à l'écran. Et, je l'avoue, j'ai
été assez surpris. Assez surpris par le fait que Miike a abandonné ses
prétentions "d'auteur" pour verser cette fois totalement dans la série Z gore
joyeuse et débile. Parodiant tous les clichés du film de "serial-killer" (les
traumatismes de l'enfance, le sado-masochisme, les hallucinations, etc...),
Miike nous sert un spectacle bordélique, plein de trouvailles visuelles
totalement gratuites mais parfaitement à leur place dans ce grand sommet de
mauvais goût gaillardement irresponsable. Niveau gore, c'est du bonheur pur.
Cela faisait longtemps que l'on avait pas assisté à des scènes aussi immondes,
outrancières et finalement amusantes. On a ainsi droit à de nombreuses séquences
de torture incroyablement gratinées (pics en métal, hameçons, rasoir, huile
bouillante, ciseaux...), à un auto-découpage de langue très éprouvant, à de
gigantesques boucheries hystériques pleines de barbaques, à plusieurs
démembrements, à des tonnes de tabassages ultra-réalistes, au découpage de haut
en bas d'un mac crétin, à plusieurs égorgements cartoonesques et très
impressionnants, etc... Avec comme gâterie finale un percement de tympans vus de
l'intérieur du conduit auditif.
Pour réussir son monument gore, Miike utilise au mieux toutes les techniques, de
l'image de synthèse au bon vieux maquillage en latex. Le résultat est un
festival sanglant vraiment extrême et parfois bien glauque (comme lorsque le
tueur Ichi se masturbe tout en découpant ses victimes ou qu'une prostituée se
fait violer après avoir été frappée jusqu'à être défigurée). Car, et oui, Miike
ne se refait pas et sombre parfois dans ses travers habituels. Il veut "choquer
le bourgeois", par une accumulation grotesque de scènes abjectes. Mais dans Ichi The Killer, contrairement à ses autres oeuvres distribuées pour
l'instant en France, cette accumulation vire au comique et jamais on ne parvient
à prendre le film au sérieux (du moins, je n'y suis pas du tout parvenu). En
effet, Miike ne cesse de bourrer son métrage de gags burlesques et d'idées
visuelles poilantes (le look du super tueur sado-maso, avec ses costumes à
paillettes et ses manteaux de couleurs vives, est à tomber par terre). Loin de
toute prétention, Miike retrouve alors la verve des meilleures comédies gores.
Par contre, le film traîne un peu en longueur (plus de 2h d'atrocités !) et
certaines tentatives pour insuffler de la réflexion au milieu de ce bordel
tombent à l'eau. Malgré tout, Miike parvient à faire exister un tant soit peu
une bonne dizaine de personnages, tous reconnaissables, tous marquants, et
délivre quelques moments grandioses d'expérimentations audacieuses et
franchement percutées de la cafetière. Un peu comme si Tsui Hark s'adonnait à
nouveau au film gore, 25 ans après son Histoire de Cannibales.
Le
meilleur, et de très loin, film de Takeshi Miike qu'il m'ait été donné de voir.
Un immonde film gore psychotique, souvent surprenant et assez amusant au
final. Par contre, dernier point, c'est du costaud, au cas où vous ne l'auriez
pas compris, de l'interdit au mineur, du très très beurk, du pervers polymorphe,
du carrément ignoble même. Je suis très laxiste avec les "avertissements au
public sensible" (car je les ai transgressés tant et plus dans ma folle
jeunesse), mais là, c'est à vos risques et périls. Ce qui fait d'ailleurs de Ichi The Killer, l'un des très rares vrais bons films gore au sein de
notre époque qui pensait avoir définitivement enterré le genre. Splash not dead
! |
Hulk
de Ang Lee
Il
est toujours passionnant de voir ce qu'un cinéaste peut offrir lorsqu'il oeuvre
dans un domaine qui n'est, a priori, pas du tout le sien. C'est donc avec
curiosité, appréhension et même enthousiasme, que l'on attendait le Hulk de Ang Lee. Après son admirable et aérien Tigre et Dragon, on se
demandait quel traitement le metteur en scène allait pouvoir donner au plus
célèbre des géants verts du monde des Comics (et non du monde du maïs...). Après
la vision du film, on se dit que Ang Lee lui-même doit encore se demander quelle
tonalité donner à son film. En effet, son Hulk est un hallucinant
fourre-tout visuel et narratif, qui part dans toutes les directions sans jamais
trouver un début d'unité. On passe ainsi du drame psychologique ampoulé au
cartoon, en percutant le cinéma HK, tout en traversant à toute vitesse le
blockbuster hollywoodien, le film d'aventure, le thriller de SF, la comédie
burlesque et le cinéma expérimental. Même si Hulk est un fort
long-métrage (près de 2h30, bien mal rythmées), tous les choix du metteur en
scène n'ont certainement pas la place de s'épanouir et de s'entendre entre eux.
Car si certains aspects du film sont enthousiasmants, d'autre ne cesse
d'attrister.
Le
plus gros défaut de Hulk est sans doute son scénario, totalement à
côté de la plaque. En voulant offrir une dimension humaine à un récit à la base
assez grotesque (un homme se transforme en monstre verdâtre géant lorsqu'il est
énervé, mais sans craquer son pantalon pour autant...), Ang Lee se perd dans
d'interminables scènes de dialogue totalement inutiles et une psychanalyse bien
embarrassante, qui tourne autour d'un conflit oedipien qui n'a rien de
métaphorique mais qui s'avère au contraire incroyablement lourd et démonstratif.
En ce sens, le combat final entre Hulk et son père a beau être aussi surréaliste
qu'impressionnant, il n'en est pas moins écrasé par sa symbolique éléphantesque.
Mais ces infatigables dialogues ne poseraient pas beaucoup de problèmes, si ce
qui s'y racontait était intéressant. Et c'est là que l'on tombe le plus de son
siège. Il ne se dit quasiment rien dans Hulk. L'histoire d'amour
est vague et à peine ébauchée (on ne saura jamais pourquoi Betty a quitté Bruce
Banner), le conflit entre le père et le fils demeure grossier, les luttes de
pouvoir au sein de l'armée sont inexistantes, les rapports entre Betty et son
père sont tout aussi caricaturaux, nébuleux et superflus... Et tout cela dans un
sérieux papal. C'est seulement lorsque le monstre s'en mêle et commence à ruer
dans les brancards que l'histoire redevient légère et enthousiasmante. Donc
pendant un peu plus d'une demie-heure en tout et pour tout...
Par
ailleurs, le film brille sur un autre point : sa forme. Pris d'un délire de mise
en scène proche de l'hystérie et que l'on n'aurait jamais soupçonné chez lui,
Ang Lee se met à faire tout et n'importe quoi. Il emboîte les plans, les
accélère, fait des cuts, des faux raccords, des champs contre champs n'importe
comment, se prend pour Tsui Hark en montant son film dans un bordel
apocalyptique souvent très surprenant. Dans une telle folie expérimentale
(n'ayons pas peur des mots), il y a des réussites et des échecs flagrants. Hulk se permet donc de passer de la poésie au ridicule au sein de la
même séquence. Dans l'ensemble, ce visuel bordélique au possible est ce qui
garde l'attention du spectateur éveillée et qui sauve le film de la débâcle. On
pourra aussi remarquer que le Hulk en image de synthèse est l'acteur le plus
crédible du film, c'est une évidence que personne ne viendra contredire, je
crois. La photographie est de toute beauté et on notera aussi un bon thème
musical par l'incontournable ami des super-héros, notre monsieur Danny Elfman à
nous. Le reste de la BO est plus anodin, malheureusement, et ne cesse de lorgner
du côté de la Planète des Singes (encore ! Et oui, après Spider-Man, encore une BO qui ressasse le Main Titles de Planet of the Apes...). Enfin, et cela a une importance non négligeable,
il y a Jennifer Connelly, transparente dans le rôle de l'indispensable
accessoire féminin, mais d'une beauté de plus en plus incroyable. Je n'oserais
pas prétendre que rien que pour elle le film est à voir, mais je le penserais
très fort quand même.
Toutes les scènes d'action sont réjouissantes, en particulier un combat débile
mais grandiose contre une bande de toutous irradiés (un grand moment de
n'importe quoi, avec un caniche géant super agressif...). Bien sûr, le climax du
film est la fuite de Hulk dans le désert, impeccablement mise en valeur par des
effets spéciaux parfaits. De même, les déplacements du monstre tout vert, par
bons immenses, ne sont pas ridicules mais rendent parfaitement justice à
l'esprit du Comics. Enfin, le combat final, avec ses faux airs d'hommage à Akira, vire à l'abstraction totale (et incompréhensible) et pourrait
nous laisser sur une bonne impression. Malheureusement, une coda entre niaiserie
et série Z nous rappelle que Ang Lee n'a vraiment pas trouvé le moyen de faire
tenir Hulk sur un grand écran.
En conclusion,
comme je le disais plus haut, le film est à voir absolument pour son visuel
hallucinant, qui navigue entre le meilleur (des split screens riches de sens) et
le pire (des effets spéciaux parfois dignes de la série TV, voir pour cela
l'exposition des personnages aux fameux rayons Gamma). Hulk n'est
pas la catastrophe, voire le nanar, que beaucoup ont cru voir, c'est une oeuvre
en perdition, un film incroyablement ambitieux mais jamais maîtrisé, qui semble
s'effondrer sur lui-même du générique de début au générique de fin. Une oeuvre
monstre, extrêmement Comics, qui au final, parvient à sauver l'honneur du Hulk
très très en colère. Malheureusement, en ces temps d'adaptations à haute dose de
Comics, le film de Ang Lee se retrouve éclipsé par des Blade 2 ou
des X-Men 2, autrement plus réussis. Malgré tout, j'en suis sûr, Hulk sera redécouvert dans quelques années, en tant que nanar, ou
en tant que film culte, je ne sais pas, mais nous ne sommes pas prêt de les
oublier : le géant vert (bien sûr) et Jennifer Connelly (évidemment). |
X² : X-Men United
de Bryan Singer
Avant de commencer, je peux vous orienter vers ma critique du premier X-Men, au moment de sa sortie. Sur ce
point, je persiste et je signe, X-Men est un
demi-ratage particulièrement décevant par rapport à ses intentions
et à ses ambitions (un film de super-héros, fidèle aux Comics, avec
du spectacle mais aussi de l'émotion et de l'intelligence). Bref, je
n'attendais pas vraiment avec impatience ce X². De
surcroît, à la lecture des premières critiques sur le film, j'ai
compris que je risquais d'être encore plus déçu qu'avec le premier
effort de Bryan Singer. C'est pourquoi j'ai enfin vu X-Men
United, avec beaucoup de retard et sans grandes convictions.
La
surprise fut d'autant plus grande. Pour tout vous avouer, je vous parle de
"grande surprise" et de "claque" à propos de Terminator 3. Mais ce
n'est rien comparé à la monumentale mandale dans la gueule que je viens de
recevoir à la vision de X-Men 2. Pour le coup, je suis vraiment,
mais alors vraiment, en désaccord avec tout ce que j'ai pu lire sur le film
avant de le voir. Comme quoi, il faut vraiment aller voir les films plutôt que
de suivre les avis des uns et des autres. Car, et je le dis d'entrée de jeu, X² est le meilleur film de super-héros que j'ai pu voir depuis Batman Returns et de surcroît c'est peut-être l'une des plus belles
retranscriptions d'une ambiance "Comics" au cinéma.
Voilà. C'est dit. Mais pourquoi tant d'enthousiasme ? Mais parce que X-Men
2 corrige presque tous les défaut du premier (et des adaptations de
Comics en général). Cette fois les personnages principaux sont encore plus
nombreux, mais ils ont tous, j'ai bien dit tous, au moins une scène
d'importance. Et la majorité d'entre eux ont droit à une scène de super-pouvoirs
et à une scène "intime" qui donne de l'épaisseur voire de l'émotion à leur
caractère. X² est un film d'une richesse incroyable, qui retrouve
ainsi parfaitement le foisonnement dingue de certains Comics. On ne cesse de
passer de l'un à l'autre et on assiste enfin, pour de vrai, en "live", à
quelques uns des délices du Comics. Des combats à grandes échelles, des
supers-pouvoirs en délire, des alliances dans tous les sens, des héros ambigus,
des méchants vraiment méchants, du sacrifice, de l'émotion, de l'humour, et
surtout une impression de spectacle "bigger than life" tout en restant
étonnamment crédible.
Les
anciens protagonistes gagnent à peu près tous en intérêt (sauf Cyclope, mais
bon, personne n'aime Cyclope de toute façon). Quant aux nouveaux, ils flirtent
avec le coup de génie (par exemple l'ambigu Pyro, la monolithique Lady
Deathstrike à laquelle Singer réserve une fin magnifique et surtout le sublime
Diablo/Nightcrawler, l'un des X-Men les plus attachants, qui réussit pleinement
son passage sur le grand écran). De l'impressionnante scène d'ouverture jusqu'à
la conclusion mélancolique du film, le film n'ennuie jamais et non seulement
tient ses promesses mais parvient même à surprendre avec des scènes pour le
moins géniales (l'évasion de Magneto, un bref mais troublant face à face entre
Mystique et Wolverine, les pouvoirs de Jason Stryker (avec une scène clairement
empruntée au Avalon d'Oshii)). Bref, si le terme "blockbuster
d'auteur" a un sens, c'est bien dans ce X-Men 2, comme dans la
plupart des Tim Burton ou des McTiernan, que l'on peut le trouver.
De
plus le film est très violent (cette fois on n'hésite jamais à tuer, charcler,
exploser, laisser aller toute sa rage), très spectaculaire (que ce soit dans une
séquence en huis-clos comme l'attaque de l'Académie X ou dans le final carrément
sublime avec la rupture du barrage), très touchant, très bien interprété (on ne
dira jamais à quel point Ian McKellen et Patrick Stewart sont de fantastiques
tragédiens pour "films de divertissement"), très prenant, bref quasiment
parfait. Des défauts, bien sûr, il y en a encore quelques uns, et je sais que
tout le monde va me dire que le combat entre Wolverine et Lady Deathstrike
aurait pu être encore plus mythique (mais en même temps j'aime tellement son
dénouement que non, franchement, je suis fan). Mais le film est tellement
"adulte" à la manière d'un Comics, avec son côté outré dans la fascination que
peuvent exercer ces êtres hors normes dotés de pouvoirs parfois franchement
ridicules. Mais justement, comme à la lecture des BD, ici on y croit sans aucune
retenue. Très bien aidé en cela par des effets spéciaux impeccables et toujours
bien venus.
En
clair, Bryan Singer n'a pas abandonné ses intentions du premier film (respecter
les Comics, respecter les fans, mais faire du vrai cinéma avant tout) et cette
fois y parvient avec un panache qui aurait du faire date. Parce que franchement,
là, je ne comprends pas. Qu'est-ce qui ne va pas avec ce film ? Comment peut-on
trouver des qualités à Matrix et ne pas tomber à genoux devant X². C'est quand même une toute autre classe ! Voilà le film de
divertissement vraiment divertissant mais aussi vraiment intelligent, sans pour
autant avoir besoin de péter plus haut que son cul. Singer n'a pas besoin de
philosophie à deux sous ou de psychanalyse basique pour nous dire des choses
justes et surtout pour nous investir pleinement dans ce qu'il raconte. Il lui
suffit de quelques plans et de quelques répliques pour rendre Nightcrawler
inoubliable, il parvient enfin à donner l'impression que Wolverine peut être
aussi cool que sanguinaire et il réussit un plan final magnifique. |
Narc
de Joe Carnahan
Immédiatement élevé au rang de nouveau prodige ultra-prometteur par des
personnes aussi estimables que William Friedkin ou aussi... euh... célèbres que
Tom Cruise (qui co-produit), Joe Carnahan mérite-il tous ses éloges ? A la
vision de Narc, son polar urbain qui dézingue, indéniablement,
oui. Carnahan mérite de nombreux éloges. Car Narc est bien le plus
digne des héritiers de ces fameux "films de flics" des années 70, dont le
fleuron demeure French Connection. Malheureusement, Carnahan ne
parvient que très brièvement à retrouver la sécheresse, la violence et
l'intensité du chef-d'œuvre de Friedkin. Car le jeune metteur en scène a trop
souvent tendance à se laisser aller à des effets de mise en scène clipesques
parfois de très mauvais goût. On se retrouve alors quelque part entre le Fincher
de Seven (passe encore) et le Aronofsky de Requiem for a
Dream (au secours !). Heureusement, la réalisation de Narc ne se limite pas à ces quelques effets faciles. Elle fait souvent preuve d'une
belle sobriété et trouve quelques idées percutantes et fort bienvenues. Bref, le
spectateur est essentiellement happé par le film.
Un
film par ailleurs extrêmement dur et sombre. Même si le dénouement n'est pas
tout à fait à la hauteur des promesses du début et que dans l'ensemble le film
ne décolle pas suffisamment, l'histoire de Narc s'attaque aux tripes dès la
première scène (effroyable) et ne les lâche pas jusqu'au générique de fin
(brutal). En fait, le scénario n'est pas si important, tant que l'ambiance est
réussie. Et à ce niveau Narc atteint parfaitement ses objectifs. Mais la grande
force du film de Joe Carnahan réside en ses deux personnages principaux. Jason
Patric est très convaincant en jeune enquêteur partagé entre son désir de
justice et l'amour qu'il voue à sa famille. Mais c'est surtout Ray Liotta qui
tétanise. Méconnaissable dans la peau d'un flic qui n'a plus rien à perdre,
Liotta n'a jamais été aussi excellent. Inquiétant, touchant, imprévisible,
brutal, son personnage n'est pas sans rappeler le Gene Hackman de French
Connection. C'est vous dire le niveau de la performance. Narc est à voir absolument, juste pour Ray Liotta, immense. De toute façon, les
amateurs de polars costauds, éprouvants, humains et virtuoses doivent se
précipiter dans la salle obscure la plus proche. |
Phone Game
de Joel Schumacher
Schumacher fait partie de la liste noire du cinéphage de bon goût. En effet,
comment prendre au sérieux le monsieur qui a pris la suite de Tim Burton aux
commandes de la série des Batman, en délivrant les incroyables
nanars que sont Batman Forever et Batman et Robin (un monument, celui-là) ? Comment donner un peu de crédit à l'immortel auteur de Personne n'est Pafaite, L'Expérience Interdite ou le Client ? Et surtout comment pardonner la morale réactionnaire,
presque fasciste, et attiré par l'auto-justice, des indigestes Chute Libre, le Droit de Tuer et 8mm ? Bref, Joel Schumacher est
en général un sujet de plaisanteries. Son nouveau long-métrage (très court,
1h17), Phone Game se positionne immédiatement comme son meilleur
film. Ce qui ne veut a priori pas dire grand chose au vu de la filmographie du
bonhomme.
Mais cette fois Schumacher est surtout bien secondé. Tout d'abord par un
scénario de Larry Cohen, auteur et réalisateur de grand talent, à qui l'on doit
entre autre un vrai chef-d'œuvre : Meurtres Sous Contrôle. Ensuite
par un casting fort classe. On y retrouve l'acteur tendance du moment, Colin
Farrell, plutôt très bon. Forrest Whitaker, plutôt excellent comme toujours.
Rhada Mitchell, géniale dans Pitch Black, très bien ici. Et
surtout Kiefer Sutherland, présent quasi uniquement par sa voix, mais qui nous
régale d'une performance magistrale. Disons que rien que pour la voix de Kiefer
Sutherland, on pourrait recommander la vision de ce film. Le suspens étant
d'autant plus tout à fait prenant.
Mais voilà, c'est Schumacher qui tient la caméra. Et il ne peut pas faire
autrement que de partir dans ses vilains travers. Si la mise en scène est
nettement plus intelligente et maîtrisée que d'habitude (que ceux qui ont
difficilement survécu à la bouillie des deux Batman du monsieur se
rassurent), elle ne cesse de pencher vers les effets les plus inutiles et les
plus ridicules. A la décharge de Schumacher, l'utilisation des split screens,
très judicieuses, est parfaitement à propos. Une très agréable surprise que ces
split screens, d'ailleurs, là, il fallait le dire.
Et
donc, qu'est-ce qui déconne le plus dans Phone Booth ? Et bien
c'est encore la morale de la chose. Sans trop révéler de l'histoire, je ne peux
me retenir de vous parler des motivations du psychopathe de service. Voyez-vous,
le type il ne supporte pas que Colin Farrell fasse un métier d'hypocrite (il est
attaché de presse ou quelque chose dans le genre). Et surtout il ne supporte pas
que notre pauvre bougre ait l'intention, enfin la tentation, de tromper sa
femme. J'ai bien dit : la tentation. Hein. Il n'a pas trompé sa femme. Loin de
là. En plus il a des scrupules. Bref, Colin Farrell va vivre un enfer, parce
qu'il pourrait, hein, peut-être, pas sûr, tromper sa femme (la jolie Rhada
Mitchell), avec une bimbo bébête, mais toute fraîche (la mignonne Kathie
Holmes). Vous voyez le genre. Pire que Photo Obsession, la morale.
Bien pire ! Et tout est à l'avenant (le seul personnage véritablement puni est
un mac). A ce niveau ce n'est plus du politiquement correct, c'est de
l'intégrisme. La vache ! Si tous les mecs qui ont envisagé un jour dans leur vie
d'être infidèle, ne serait-ce qu'une fraction de seconde, se faisait tirer
dessus, ça ferait un beau génocide, ça ! Bref, encore une fois, Joel "justicier
dans la ville" Schumacher a frappé. La nuance du propos sonne comme un discours
de George W. Bush. C'est tout dire.
Malgré tout, si on arrive à faire l'impasse sur le fond de l'histoire, le détail
de l'action est assez prenant. Et le film est vraiment très court, ce qui fait
que l'on n'a presque pas le temps de s'ennuyer. Je n'évoquerais pas non plus les
invraisemblances assez délirantes, parce que ce serait un peu trop mesquin. Non,
franchement, si vous ne savez plus quoi voir au cinéma, Phone Game,
ça peut vous plaire. Mais il y a tellement de bonnes choses à voir au cinéma,
que bon, on vous pardonnera largement de faire l'impasse. Et puis, certes, faire
des entrées pour du Schumacher, c'est un peu encourager les États-Unis
fanatiques, et c'est déjà plus problématique. Retournez plutôt voir Lost
In La Mancha, que Terry Gilliam puisse refaire des films ! |
Basic
de John McTiernan
Après l'accueil incroyablement négatif reçu par son pourtant assez intéressant remake
de Rollerball, McTiernan se refait une santé (mais en avait-il
vraiment besoin ?) avec un "petit" thriller militaire ludique et virtuose. En
attendant, on le souhaite, de retrouver des sujets ambitieux dans la veine de Predator et du 13e Guerrier (et pourquoi pas un Die Hard 4 ?). Basic est donc une enquête en "temps réel"
qui reprend le fameux effet de style de Rashomon (la même histoire
contée par plusieurs personnes). Le procédé est usé jusqu'à la corde.
Heureusement, McTiernan n'est pas le premier metteur en scène venu et il se sort
brillamment de tous les pièges. Au final, il arrive à une telle accumulation de
rebondissements, toujours parfaitement compréhensibles, que le spectateur le
plus blasé en perd son latin. Malin, Basic l'est, indéniablement.
En sachant parfaitement qu'il manipule à outrance son public, McTiernan trouve
en toute fin de métrage la solution la plus juste : transformer le film en un
vaste jeu, en un divertissement ludique. Loin de se moquer du spectateur,
McTiernan réussit là où il avait échoué avec son remake de l'Affaire
Thomas Crown et là où Fincher s'était fourvoyé avec The Game.
Quand on fait du labyrinthique, il ne faut jamais oublier d'être léger.
Pour ce faire, McT a deux atouts imparables : ses acteurs et, bien sûr, sa mise
en scène. Les acteurs sont tous très à l'aise (avec évidemment la mention
spéciale à Samuel L. Jackson) et les échanges sont vifs, intéressants, prenants.
La mise en scène est toujours aussi aérienne, maîtrisée, jamais gratuite. McT
connaît ses effets et il en use toujours à bon escient, avec parcimonie. Ainsi
on n'a jamais l'impression que le réalisateur vole la vedette à ce qu'il filme
(et croyez-moi c'est de plus en plus rare, et non je ne reparlerais pas de Noé
et d'Aronofsky). Les scènes d'interrogatoire sur la base militaire sont
dynamiques et jamais ennuyeuses. Mais c'est surtout les flash-backs de la
mission dans la jungle en pleine tempête qui laissent bouche bée. On retrouve
alors le McT que l'on aime, le putain de metteur en scène barbare qui sait,
mieux que quiconque à Hollywood, filmer la nature hostile et titanesque.
Malheureusement, les séquences en extérieur sont trop brèves et McT retranche
très rapidement son action dans une cabane en pleine jungle. Mais là encore, il
s'en sort avec un talent sans faille, tant l'espace et les interactions entre
les rangers à bout de nerfs sont idéalement gérées.
Alors, bien sûr, Basic est un film de divertissement, sans autres
prétentions que de faire passer un excellent moment au spectateur. Et donc, la
virtuosité, le sens génial du langage cinématographique, la perfection formelle
du film de McTiernan semblera à certains aussi futiles que l'histoire qui nous
ait conté. Et bien, ces gens ont tort ! Plus encore que le Fincher de Panic Room, McTiernan trouve avec Basic le terrain idéal
pour construire un thriller à l'ancienne qui a aucun moment ne paraît bâclé ou
prétentieux. Même si on est loin de la splendeur de A La Poursuite
d'Octobre Rouge (l'étalon du "thriller politico-militaire-sous-marin"), Basic est un film qui a la classe. La vraie classe. Et qui fait
sortir de la salle le sourire aux lèvres. Zut alors, qu'est-ce qu'il est fort ce
McT... |
28 Jours plus tard
de Danny Boyle
Un
metteur en scène a parfois d'excellentes idées et même d'excellentes intentions.
Les excellents idées de Danny Boyle pour 28 Days Later sont
nombreuses. Faire un film de zombies à l'ancienne avec les méthodes les plus
contemporaines, voilà le coup de génie essentiel du film. Boyle filme en DV,
brut de décoffrage, en secouant sa caméra numérique dans tous les sens à la
moindre occasion. Son film est très gore et ses zombies possèdent une hargne
inédite. Au lieu de se traîner au ralenti comme chez Romero, ils courent à toute
vitesse et s'agitent dans tous les sens grâce à des jump-cuts bourrins et des
bidouillages primitifs mais diablement efficaces. Bref, quand Boyle filme du
zombies, ça dégage, on s'accroche à son fauteuil. Malheureusement, le film n'a
beau durer qu'une heure et demie, il ne s'y passe pas grand chose. Pour tout
vous avouer, il n'y a pas une seule véritable attaque de zombies, à peine
quelques agressions si rapides qu'elles en deviennent quasi subliminales.
Alors que filme Danny Boyle dans 28 Days Later ? Et bien il filme
l'Angleterre post-apocalyptique. Et il le fait fort bien. Les quelques visions
du Londres désert sont troublantes et valent à elles seules le déplacement (on
me dira que l'on en voit la majorité dans la bande annonce, oui, certes). Mais
là encore, ce monde ravagé n'occupe qu'une infime portion du métrage. Alors, que
filme Danny Boyle, bon sang ? Et bien il refait un peu Trainspotting avec les survivants, voilà ce que fait Danny Boyle. Il choisit quelques héros et
anti-héros pittoresques et les fait échanger des bons mots et quelques tourments
existentiels assez cruels. Boyle s'attarde en particulier sur son personnage
principal, Jim, auquel il offre une ambiguïté étonnante qui culmine dans un
massacre final où le "héros" devient encore plus barbare que les monstres. Et
même si Boyle s'essaie souvent à la cruauté crade et au cynisme drôle (le virus
mortel est libéré par des écolos militants), l'histoire n'apporte rien de bien
nouveau et tout cela ne fait que reprendre la bonne vieille trilogie des
morts-vivants de Romero.
Car
c'est là que le film convainc le moins. 28 Days Later ne cesse de
faire des clins d'œil, ou plutôt de gros emprunts, à Romero. Si le "shopping" se
fait désormais au son de Grandaddy (joie, bonheur, extase), il n'en rappelle pas
moins les délires consuméristes des protagonistes de Zombie. De
même, le camp militaire rappelle en bien des points celui du Jour des
Morts-Vivants. Et on pourrait en remplir des pages. Surtout que les
quelques nouveautés qu'apportent Danny Boyle sont assez discutables (les
militaires pètent les plombs car ils veulent des femmes pour perpétuer
l'espèce... euh... oui... cela se conçoit, mais la manière dont tout cela se
déroule est des plus surréalistes). Bref, Boyle dissimule son absence de
scénario original par des effets de mise en scène. Là, encore, ce n'est guère
surprenant. Mais là où ce procédé tournait au ridicule total avec La Plage, 28 Days Later retrouve une part de la
sympathie dégagée par Trainspotting. Certaines scènes du film sont tout à fait
réussies, même si Boyle cherche encore trop à choquer "le bourgeois", qui
pourtant en a vu bien d'autres. Il va, dans la boucherie finale, jusqu'à
défoncer son héroïne adolescente au Valium, en un "gag" pour djeunz dont on
cherche encore la saveur.
Mais pour en revenir à mes présupposés, un film qui a de bonnes idées et de
bonnes intentions, se doit de tenir ses promesses. Ce qui est assez loin d'être
le cas de 28 Jours Plus Tard. Quand Romero parvenait à nous
surprendre et nous offrir l'un des plus grands films d'horreur-action avec Zombie, Danny Boyle se la coule douce, assure le minimum syndical, ne
montre quasiment jamais ses zombies. Peut-être est-ce pour éviter le ridicule,
mais son film n'est plus alors un "zombie movie ultra-agressif en DV", mais
plutôt une étude inégale de caractères en milieu apocalyptique. Malgré tout, 28 Days Later est suffisamment différent du tout venant
cinématographique pour mériter le détour et même si le film est loin d'être une
révolution, il comporte assez de bons moments pour satisfaire le spectateur
amateur de zombies. |
Terminator 3 : le soulèvement des machines
de Jonathan Mostow
Un
petit préambule s'impose. On m'accuse parfois de mauvaise foi, franchement, y a
pas de quoi. Quand j'aime je le dis, quand je n'aime pas je le dis aussi. Et en
règle générale, je suis plutôt bon public, voire même très bon public (relire
cette page en entier pour s'en rendre compte). Avant d'écrire cette humble
chronique, j'ai hésité. Je me suis demandé si je devais dire tout ce que j'avais
envie de dire ou si je devais m'autocensurer, par peur de "choquer" le lecteur,
qui pourtant en a vu d'autres. Le choix fut vite fait. Ce n'est pas aujourd'hui
que je vais commencer à me modérer. Car avec la modération, on y perdrait son
Edwood.
Quelqu'un m'a écrit qu'il était très prévisible que je préfère Terminator
3 à Matrix. Certes, peut-être et encore... Je n'ai jamais
été un grand fan de la franchise Terminator. J'apprécie les films
de Cameron, que j'ai vu l'un et l'autre un nombre fort respectable (et même
assez élevé) de fois. Je n'attendais pas du tout cette suite. Pour tout dire,
jusqu'à la diffusion de la bande annonce dans les salles obscures et la lecture
de quelques critiques positives, j'aurais très bien fait l'impasse sur la vision
de cette suite. Mais voilà, mon intérêt a été éveillé et j'ai donc bravé la
canicule, pour trouver quelques bribes de place le jour même de la sortie de la
chose. Le fait que je n'attendais qu'assez peu de Terminator 3 n'a
rendu la surprise que plus conséquente. Non seulement le film est supérieur à
tous les Matrix, mais il est aussi mieux que Minority Report et surtout il s'impose, dès la première vision, comme le meilleur de la série.
On
reprend son souffle. On ne rêve pas. Je le répète : Terminator 3 est le meilleur film de la série. Et ce n'est pas une blague. Là, quand je vous
disais que vous alliez encore croire que je fais de l'esprit de contradiction,
juste pour faire mon intéressant ! Mais non. C'est avec une immense sincérité
que je vous le dis : Jonathan Mostow a fait mieux que James Cameron. Certes, le
film est en grande partie un remake des deux précédents. Il faut quand même
rappeler que le 2 était déjà un quasi remake du premier, avec beaucoup de moyens
en plus. Donc, le 3, forcément, ressemble dans ses grandes lignes aux premiers
opus. Mais dans le détail, beaucoup de choses changent. Et c'est dans ce détail
que Mostow remporte toute mon adhésion.
Tout d'abord, le film est à la fois le plus spectaculaire et le plus fin de la
série. Il est aussi, paradoxalement, le plus drôle et le plus sombre. On se
souvient du choc de la violence du premier Terminator, avec ce
tueur immortel et implacable et la mort de Reese. Mais Mostow va plus loin. Il
ajoute surtout une grande dose d'ambiguïté, là où avant tout n'était que clarté
naïve. Même si Sarah Connor perdait un peu les pédales dans T2,
elle n'avait pas le désespoir poisseux du John Connor adulte, "sauveur de
l'humanité" bien malgré lui. De même, le Terminator de T2 était
invariablement gentil, toujours aux ordres naïfs de l'insupportable John Connor
adolescent. Dans T3, le Terminator gagne en psychologie (avec un
programme intégré, basique mais très efficace) et en zones d'ombres (impossible
de toutes les révéler sans déflorer certains rebondissements). Et même si cela
ne veut pas dire grand chose, ce Terminator là est le meilleur
rôle d'Arnold Schwarzenegger (à égalité avec Last Action Hero et Predator). La méchante du film, la Terminatrix, ressemble sans
doute beaucoup au T1000, mais elle possède suffisamment d'agressivité, de
nouveaux gadgets et de charisme (cette fois c'est une femme, voire une bimbo
pour tout vous avouer) pour imposer sa présence. Dans l'ensemble, les
personnages sont nettement plus intéressants et attachants que dans les films de
James Cameron (qui n'a jamais été un grand peintre de caractères, à part dans Abyss, son indiscutable chef-d'œuvre). Notons aussi que si le
scénario de T3 rappelle parfois ceux des Matrix, Terminator était là avant les frères Wachowski (qui ne ce sont jamais
cachés de piquer tant et plus dans la filmographie de James Cameron). Notons
aussi qu'il n'y a pas ici de "philosophie" pompeuse et maladroite, mais un vrai
bon scénar de SF qui tient ses promesses sans vouloir jeter de la poudre aux
yeux pour impressionner les gugusses qui confondent Descartes et BHL...
De
plus, comme je le disais plus haut, la noirceur de l'histoire est contrebalancée
par un humour qui pourrait être débile ou lourd, mais qui fait très souvent
mouche. T3 est un film souvent hilarant, avec par exemple le gag
récurrent des lunettes de soleil. En effet, l'humour de T3 s'adresse essentiellement à ceux qui connaissent la série. Et tout le monde
connaît Terminator, au moins l'imagerie qui l'accompagne. Et l'on sait aussi que
voir Schwarzy en icône bodybuildée des 80's est assez ridicule, surtout à notre
époque. Mostow joue parfaitement sur ce fait et transforme toutes les scènes qui
devraient être grotesques en moments purement jouissifs. Le film n'est jamais
ridicule et sait parfaitement mettre le spectateur dans sa poche.
Mais il faut bien le reconnaître, si l'on va voir un Terminator,
c'est surtout pour assister à un grand spectacle bourrin. On veut des
explosions, de grands combats, de la mitraille et des cascades en voitures. Et
croyez-moi, on en a pour son argent. Le film dure plus d'une demie-heure de
moins que T2 et pourtant on a l'impression qu'il s'y passe dix
fois plus de chose. L'occasion de pouvoir enfin dire, sans nostalgie aucune,
combien les deux premiers films sont parfois odieusement ennuyeux. Et c'est
quelqu'un qui a vu T2 au cinéma à l'époque qui vous le dit. Certes
on s'en prenait plein la tête, mais on y traversait aussi de longs tunnels de
sommeil. Pas de cela dans T3. Même s'il faut quelques minutes à
Mostow pour présenter ses personnages (on notera que la présentation sert
parfaitement le film), l'action prend très vite tous les droits. Avec comme
point culminant une hallucinante poursuite en voiture ayant pour star un camion
grue du plus bel effet. La scène est prenante, follement jouissive,
incroyablement spectaculaire, brillamment construite et moins gratuite que la
plupart des débordements explosifs habituels. A tous ces niveaux elle enfonce
littéralement la partie sur l'autoroute de Matrix Reloaded,
l'une des rares séquences à m'avoir un peu amusé et qui devient, à peine
quelques semaines après son apparition, grossièrement obsolète. Dans Matrix, la poursuite était gratuite et banale mais bruyante et
spectaculaire. Celle de T3 investit beaucoup plus le spectateur et
surtout incarne vraiment le rêve de millions de petits garçons. Qui n'a jamais
fait de super carambolages avec ses camions de pompiers Majorettes et ses
immeubles en Lego ? Et bien Mostow donne vie à ce fantasme enfantin. Oui, c'est
du spectacle primaire, du "tac-tac-poum-poum avec des tutures", mais c'est la
même chose dans Matrix ou dans Minority Report. Et bien là, T3 enfonce toute la concurrence, renvoyant à la préhistoire les
prouesses de T2.
Et Terminator 3 ne fonctionne pas autour d'une seule scène grandiose.
Il y en a une flopée d'autres du même niveau. En particulier toute la
demie-heure finale, contre-la-montre angoissant, qui ravit nos pulsions
destructrices. Quand l'affrontement entre le T100 et la Terminatrice se fait
inévitable, l'humour fait encore merveilles. Certes, ils se battent dans les
toilettes, on pourrait dire que ce n'est pas très glamour, mais c'est tellement
amusant. Le final ? Et bien, je n'en parlerais pas pour l'instant, on attendra
que tout le monde ait vu le film pour y revenir. Tout ce que je peux dire c'est
que lorsque le générique de fin surgit, avec le thème musical guerrier mythique
dans sa plus belle interprétation, on est surpris, on est enthousiasmé. Et on se
demande depuis combien de temps on n'avait pas ressenti cela. Car j'ai adoré de
nombreux films cette année, mais pas au point d'avoir immédiatement envie de
sortir de la salle... pour me précipiter à la séance suivante... Bien plus que Charlie's Angels 2 (jouissif sur l'instant, mais totalement oublié
le lendemain), Terminator 3 est LE divertissement hollywoodien du
moment. Car c'est non seulement le film le plus spectaculaire de l'année pour
l'instant (en attendant bien sûr le titanesque Retour du Roi),
mais c'est aussi une oeuvre sympathique, charismatique, intelligente, qui
respecte le spectateur (et c'est fort rare).
Et
ce n'est donc pas sous l'enthousiasme immédiat de la première vision que je vous
l'affirme. Deux jours sont passés et le film n'a pas baissé dans mon estime. Le
temps, bien sûr, transformera sans doute T3 en un souvenir
nostalgique, comme pour les deux films de James Cameron. Mais à cet instant,
vous ne pouvez pas ignorer cette brillante surprise. Bon, si vous êtes
allergique aux camions géants qui défoncent des avenues entières, si vous ne
supportez pas les cyborgs barbares, si les visions apocalyptiques vous laissent
de marbre, vous pouvez sagement retourner voir le Royaume des Chats.
Pour les autres, mazette, Terminator 3 est une petite perle.
Mise à jour 10 ans plus tard : Le meilleur de la série, vraiment ? On m'a beaucoup moqué pour avoir écrit cela à l'époque. Après avoir revu les trois films (ainsi que le moyen Terminator Renaissance), je ne suis pas loin de persister et de signer. Mais il faut avouer que Terminator 2 a encore sacrément du répondant, grâce au talent de metteur en scène de Cameron. Cependant les défauts de ce second volet sautent toujours autant aux yeux et le troisième opus, plus sec, plus sombre, moins ambitieux mais pas moins divertissant, se regarde avec un plaisir pas forcément coupable. |
Le Royaume des Chats
de Hiroyuki Morita
Bien, il est désormais inutile de le préciser, le nouveau film "de Miyazaki",
n'est pas un film de Hayao Miyazaki, mais bien une oeuvre issue de son studio de
production : Ghibli. Rien de bien gênant de prime abord, car on connaît la
qualité des films de chez Ghibli, même lorsque Miyazaki ne s'y investit pas
forcément entièrement, avec pour exemple essentiel le sublime Tombeau des
Lucioles. Mais, il faut bien reconnaître que le Royaume des Chats n'a ni l'ambition, ni la force du Tombeau des Lucioles. En effet,
le film de Morita pourrait très bien se définir comme "un Miyazaki sans
Miyazaki". Une grande partie des thèmes chers au cœur du maître, ainsi que ses
figures de style les plus connues, se retrouvent dans ce (très court)
long-métrage. On a ainsi droit au voyage initiatique dans un monde magique qui
cohabite avec le monde des humains (à peu près tous les films de Miyazaki
possèdent cette trame). Avec des personnages qui peuvent s'avérer aussi bien
rassurants que menaçants. Et au final, hum, hum, une scène aérienne, certes
pleine d'énergie, mais une scène de chute aérienne quand même...
Bien sûr, même si le film ne cesse de rappeler d'autres oeuvres, il possède
quelques instants forts réussis qui n'appartiennent qu'à lui. On notera avant
tout que, si son héroïne est plus âgée que Chihiro ou que les
petites filles de Totoro, le public visé par le Royaume des
Chats semble plus jeune. En effet, les enjeux de l'histoire sont bien
moins complexes et l'humour est bien plus burlesque et omniprésent. En ce sens le Royaume des Chats est un divertissement délicieux et parfois
hilarant. Le personnage, immense de prestance, du Baron, ainsi que ses deux
aides de camp, possèdent un charisme indéniable et mériteraient d'être plus
développés (ce qui semble être le cas dans les oeuvres qui ont inspiré et
précédé le Royaume des Chats). De plus, mais cela est fort
subjectif, comme rien n'est plus beau et intéressant qu'un chat, on ne peut que
louer la moindre oeuvre qui leur rend hommage. Et on se trouvera fort sensible
et amusé devant la légère et innocente note de zoophilie qui imprègne le film.
La
qualité Ghibli n'est pas prise en défaut pour ce qui est de l'esthétique du Royaume des Chats. Dessins et animation sont parfois de toute beauté.
Mais moins que dans une oeuvre de Miyazaki... Ah oui, on n'en sort pas. Alors il
va falloir couper les ponts. Il va falloir juger le film de Hiroyuki Morita en
arrêtant de se référer à monsieur M. En lui-même, le Royaume des Chats est sans aucun doute un bon film, et même un très bon film. Mais on ne peut être
que déçu au final. On est loin d'être aussi "transporté" que l'on aurait voulu.
Le voyage est cette fois trop court, trop prévisible, l'investissement
émotionnel reste minimal. Et si le Royaume des Chats remporte
l'adhésion c'est essentiellement grâce à son humour et à son rythme qui ne
laissent jamais le temps de s'ennuyer. On sort de la salle heureux, avec l'envie
gigantesque de revoir le Voyage de Chihiro. |
Charlie's Angels 2 : Full Throttle
de McG
On
a tous notre petite idée de ce que représente le "film d'été" ou même le "film
des vacances". Bon, si je présente les choses ainsi, certains d'entre vous vont
penser que je parle de ces petites choses que l'on filme au caméscope au bord de
la plage ou dans le jardin de mamie. Ces merveilleuses bandes vidéos qui font
les beaux jours des "Vidéo Gags" de toute la planète. Non, nous ne sommes pas
dans ce registre. Quoique... Enfin, le film d'été au cinéma c'est en général un
pur divertissement qui est là pour nous en mettre plein la vue, nous faire
sentir bien, nous détendre, bref nous faire croire que les vacances viennent de
commencer et que l'on n'est pas près d'en voir le bout. Aux États-Unis, on
appelle cela le "Blockbuster estival". En France, jusqu'à très récemment, les
Blockbusters estivaux nous parvenaient à la rentrée. Hum... Oui... Cherchez la
logique. Et l'été était plutôt réservé aux "fonds de carton", aux films très
nuls que l'on n'osait pas sortir le reste de l'année. Remarquons qu'enfin, en
l'an de grâce 2003, ces choix idiots ont tendance à faire place aux règnes des
blockbusters de saison. Certes, on a encore droit au vidage des poubelles
d'Hollywood. Mais ces résidus sont noyés par la présence de la majorité des
grands monstres de l'été cinématographique. On attend le prometteur Pirates des Caraïbes de Gore Verbinski (avec monsieur Depp) et l'encore
plus prometteur Terminator 3 (mieux que le 2 ?). Par contre, on
fera une croix sur La Ligue des Gentlemen Extraordinaires (quelle
misère), sur Bad Boys 2 (on n'en attendait rien de toute façon) ou Tomb Raider 2 (on n'imaginait même pas que le film existerait).
Un
long préambule pour introduire Charlie's Angels 2 (Full
Throttle ou Les Anges se Déchaînent, suivant que vous
soyez plutôt VO ou VF). Toute cette présentation pour pouvoir affirmer d'entrée
de jeu que le film de McG incarne l'idéal du film pour les vacances. Une oeuvre
sans aucun autre but que de divertir. Sans la moindre once de réflexions, sans
la moindre prise de risques, sans complexes, sans limites. Un film
définitivement et entièrement, de la première à la dernière image, érigé à la
gloire du "fun". Et dire que Charlie's Angels 2 est une oeuvre
"fun" tient de l'euphémisme. Tout est conçu pour que le spectacle soit le plus
primitif et le plus direct possible. Efficacité maximum avec les règles les plus
élémentaires du divertissement.
Les
gags sont simplissimes (chutes, vulgarités détournées, quiproquos, pipi-caca,
apparitions inattendues, cameos, tartes à la crème...) et dans leur grande
majorité parfaitement hilarants. Le scénario est tellement tarabiscoté pour ne
mener à rien qu'il en devient totalement inexistant (en gros il y a les bons et
les méchants et poum-poum !). Le visuel est outrancier jusqu'au fou-rire (le
pré-générique et le générique de début sont immenses à ce titre). Le son est
poussé à fond (que ce soit pour la musique ou pour les bruitages surréalistes).
Les effets spéciaux interviennent pour n'importe quelle raison, et sont un
élément comique majeur (un peu comme dans Matrix, normal, ce sont
les mêmes). Les séquences s'enchaînent sans autre logique que celle de
l'efficacité (pourquoi du surf ? pourquoi du trial ? pourquoi la mafia
irlandaise ???). Les acteurs surjouent avec bonheur. Bref, tout, tout, tout, est
pensé dans le sens du plaisir immédiat des sens (on s'éclate souvent devant le
film comme devant un feu d'artifice) et en particulier du sens de l'humour.
Le principal grief que l'on
émettra face au film est d'être l'exact copie du premier de la série. Ce n'est
pas rien. Mais en même temps on s'en fout. Les autres remarques négatives ne
sont que des babioles face au plaisir que l'on prend. Certes, on oublie le film
au fur et à mesure de son déroulement. Une scène chassant l'autre, sans que cela
nous pose le moindre problème. Même les points qui sont insupportables dans les
odieusement prétentieux Matrix sont ici sources de plaisir. En
particulier une bande son définitivement ringarde (les singles des Prodigy de
1997, ceux des Chemical Brothers, des tonnes de vieux standards rigolos,
etc...).
Enfin, outre sa forme qui le fait ressembler à une gigantesque sucette bariolée,
le film est un festival d'acteurs en roue libre. Les trois anges sont tout à
fait appréciables et ne sont pas là que pour leur physique, même si à la base on
va surtout voir le film pour ça. Cameron Diaz, actrice que je ne porte vraiment
pas dans mon cœur par ailleurs, est ici excellente dans le rôle de la débile
nunuche et maladroite. C'est un plaisir de la voir se ridiculiser de toutes les
manières possibles. Lucy Liu est à l'aise dans le rôle de l'ange intellectuel
qui te bastonne la gueule avec charme. Drew Barrymore (qui produit) essaie
d'insuffler un peu d'épaisseur, voire d'émotion, à son ange fan de heavy métal.
Cela ne fonctionne pas, mais on s'amuse beaucoup avec elle quand même. Les
seconds rôles sont légions et on ne peut pas prétendre les répertorier avec
exhaustivité. Demie Moore est surprenante de crédibilité dans le rôle de la
méchante sexuellement agressive et rancunière. Bernie Mac parvient à remplacer
Bill Murray (ce qui n'est pas une mince affaire) et à peu près toutes ses
apparitions sont au minimum drôles (ce qui n'est pas rien non plus). Robert
Patrick passe (dans le rôle d'un méchant, forcément). Matt Le Blanc est à l'aise
dans le rôle du Joey de Friends (avec du succès dans son job
d'acteur, sinon c'est le même personnage au geste près). Dieu... pardon... John
Cleese (qui est présent dans un blockbuster sur deux en ce moment) s'offre un
gag récurrent tordant dans le rôle du père sévère de Lucy Liu (qui fait
admirablement bien le furet, par ailleurs). Justin Theroux, méconnaissable par
rapport à Mulholland Drive, compose un méchant vraiment très
méchant et assez charismatique. Le génial Crispin Glover ne fait que passer,
mais marque à nouveau les esprits avec son étonnant Sac d'Os. Mais ce n'est pas
fini. On croise aussi Robert Forster en chef du FBI, Carrie Fisher en mère
supérieure (le clin d'oeil aux Blues Brothers ne s'arrête pas là,
vu que McG reprend tel quel le gag des bureaux que l'on avance en sautillant).
Bruce Willis passe mais mal maquillé (par contre il semble qu'il se fasse
descendre par Demie Moore, ce qui est particulièrement savoureux). On trouve
même l'espace de quelques images les jumelles Olsen et l'hideuse Pink. Ouf,
quelle auberge espagnole !
Pour résumé : c'est le
bonheur pendant moins de deux heures (le film n'est pas très long de surcroît,
ce qui est particulièrement appréciable). Et on en a tellement pour son argent
que l'on ne peut ressortir que le sourire aux lèvres. Comme je l'ai déjà dit,
tout cela ne vole pas bien haut mais s'avère incroyablement jouissif. Un peu
comme un Dumb and Dumber au féminin qui aurait copulé sévèrement
avec Matrix. Le résultat n'a rien, mais alors rien d'un grand
film, mais comble presque toutes les attentes. Aussitôt vu, aussitôt oublié.
C'est drôle, voire hilarant. C'est spectaculaire, voire étonnant. C'est fun,
voire jouissif. C'est sexy, voire bandant. C'est divertissant au possible, voire
parfait pour l'été. Et c'est tout juste la conclusion que je cherchais à
atteindre pour retomber sur mes pieds. Et hop ! |
Lost in la Mancha
de Keith Fulton et Louis Pepe
L'histoire est désormais connue de tous. Ce "non making-of" conte la tragique
histoire du Man Who Killed Don Quixote de Terry Gilliam. Comme
Orson Welles avant lui, Gilliam s'est heurté à la "malédiction"
cinématographique du chef-d'oeuvre de Cervantès. La réussite exemplaire de ce
documentaire est de fonctionner comme un terrible suspens qui culmine sur le
final insoutenable de l'annulation du tournage. Comme pour illustrer le final de Brazil : la réalité a sa revanche. Et si le rêveur est toujours
libre de rire des coups du sort, c'est ce même sort qui a le dernier mot. Lost In La Mancha devient ainsi, par-delà la drôlerie absurde de
certaines de ses séquences, une oeuvre extrêmement sombre et déprimante. Car,
putain, merde, c'est moi qui vous le dit, c'est difficile de faire un film. Et
un type comme Gilliam qui n'a que des merveilles à son actif, un gars qui a fait Brazil et Fisher King, un mec qui a fait partie des
Monty Python, bref, un génie. Et bien ce génie a tous les ennuis du monde pour
monter son film, un projet qu'il porte depuis au moins une décennie, une oeuvre
visionnaire dont les quelques images qui nous en sont parvenues s'avèrent
sublimes. Et si en plus, non, je vous le dis, la malchance s'en mêle, c'est
effectivement à se tirer une balle.
Il
faut donc avoir le moral au beau fixe avant de se risquer à une projection de Lost In La Mancha. Le ton du film est léger et Gilliam est une
personne à ce point sympathique qu'avec lui même les tragédies sont des
plaisirs. Mais ce qui se déroule est une superbe claque dans la jolie petite
gueule de la "Magie du Cinéma" (avec des majuscules partout). Le cinéma ce n'est
pas "magique", c'est un sale métier de bourrins, un truc de financiers
psychopathes, un boulot crevant. Le cinéma c'est une machine énorme qui dépasse
tout le monde. Le Don Quichotte de Gilliam, qu'il a pourtant
imaginé dans ses moindres détails, qu'il a storyboardé, qu'il a vu et revu dans
son esprit pendant des années, et bien ce Don Quichotte finit par
le dévorer. L'histoire de Cervantès vient se greffer sur l'histoire du film et
la réalité finit par avoir raison du vieil homme. Jean Rochefort, merveilleux
dans le rôle, a d'ailleurs sombré dans une vraie dépression à la suite de sa
blessure et de l'abandon du film. Mais Gilliam persiste, Gilliam veut faire Don Quichotte et briser la malédiction. Il essaie de racheter son
script (retenu par la compagnie d'assurance !), il essaie de retrouver des
fonds. Va-t-il poursuivre les moulins à vent pendant 20 ans comme Welles ? Pour
sûr, on ne le souhaite pas.
Quoi qu'il en soit, ce témoignage est inestimable. D'une part pour ce qu'il
laisse apercevoir du film, d'autre part pour ce qu'il nous montre de Terry
Gilliam. Ensuite et surtout pour ce qu'il nous montre de l'envers du décor. Nous
avons l'habitude de voir des films, mais peu d'entre nous ont l'habitude d'en
faire. Lost In La Mancha devient ainsi une référence
incontournable sur l'Enfer du Cinéma. Derrière les paillettes et Carte Noir, un
Café Nommé Désir, il y a le temps qui passe, la boue, la souffrance, l'argent,
la déprime et la réalité qui se marrent en coulisses. Décidément, l'année 2003
est placée sous le signe de l'anti-manichéisme, de l'ambiguïté, du cinéma qui
veut regarder en face les nuances et la complexité du monde. Après Dark
Water, Dolls et Dogville, voici une autre
oeuvre clef. |
Les Triplettes de Belleville
de Sylvain Chomet
Quand un film est annoncé avec tant de faste critique, tant de promesses
ambitieuses, on aimerait pouvoir échapper à l'attente, légitiment immense, qui
nous assaille au moment où la lumière s'éteint et où l'histoire commence. Pris
avec distance et bienveillance, il est indéniable que les Triplettes de
Belleville est un joli film avec de beaux instants. En particulier la
première demie-heure, pleines de promesses, qui culmine avec une hilarante
séquence de tour de France qui est finalement le "climax" du métrage.
Malheureusement, les promesses ne sont que très partiellement tenues, et la fin
du film, terriblement frustrante, laisse un goût de déception légère. Car, oui,
on a passé un bon moment, on n'a pas vu le temps filer, mais, oui, on est très
surpris de voir ainsi se terminer le film au moment où l'on demandait bien
davantage.
Les
intentions de Chomet sont louables, et il ne cesse citer jusqu'à plus soif
Jacques Tati. Bien, très bien. Les Triplettes de Belleville se
veulent un hommage animé à l'univers de Tati. En résulte l'absence de dialogue
et la présence de bouts de conversations éparpillés et à effet comique, comme un
bruitage. En résulte aussi cet univers à base de passé idéalisé et de conflit
avec un monde moderne exacerbé jusqu'à l'étrange (machines pour le moins
bizarres, objets du quotidien détournés de leur usage, glissement imperceptible
du réel vers un monde "autre"). Certes Chomet s'affranchit souvent de Tati en
osant un humour plus cruel, plus cru, moins délicat. De tout cela surgissent
parfois de superbes scènes surprenantes et franchement drôles. Mais le sentiment
de frustration ne cesse de resurgir. On s'extasie sur l'instant, puis
l'enthousiasme retombe trop vite. Au final, c'est bien sûr le plaisir qui
domine. Et on ne peut qu'encourager une telle démarche (on remarquera à quel
point il fut difficile de monter ce film). A voir, clairement, à voir. |
Interstella 5555
de Leiji Matsumoto et Daft Punk
Ohla ! J'en vois déjà qui s'affolent ! Oui, vous avez bien saisit le concept. Interstella 5555 c'est l'album de Daft Punk, Disco-very, mis
en image par le papa d'Albator. Et réciproquement, c'est un film de Leiji
Matsumoto mis en musique par le duo français. Avouons-le, la musique
pré-existait aux images. Et souvent, au fil de l'œuvre, on voit que l'une et les
autres ne sont pas en symbiose. Mais qu'importe, le concept est enthousiasmant
et nous n'allons pas reculer aux portes de la salle sous prétexte que l'on est
moyennement réceptif à l'orientation electro-neo-disco-80's du dernier album des
deux compères. Pourtant, cela commence mal. Après un efficace générique
d'ouverture, dans lequel Matsumoto avoue avoir mis tout son cœur dans le projet,
c'est le "tube" horripilant One More Time qui ouvre les hostilités. Bon,
tout le monde l'a vu, je crois, inutile de vous rappeler qu'il introduisait bel
et bien une histoire qui réclamait une suite.
Et
bien la suite la voici. Durant les 77 minutes du film (et donc de l'album), nous
allons découvrir en son entier cette fameuse aventure réservée à notre groupe
d'extra-terrestres sournoisement enlevés par un terrible méchant. Je précise
aussi, car je ne l'ai pas fait, qu'il n'y aura absolument aucune parole pendant
le film et que les bruitages interviennent une fois tous les quarts d'heure. Il
n'y a que la musique de Daft Punk et les images de Matsumoto. Et loin d'être une
succession de clips, Interstella 5555 tient très rapidement
debout. Si la qualité des morceaux est très inégale, voguant du très bon au très
kitsch en passant par le très lourd, on se laisse prendre au jeu. Du moins, on
se laisse conquérir par ce qui nous est conté.
Interstella 5555 ne cache pas un budget relativement élevé qui permet
à Matsumoto de peaufiner quelques superbes images. De surcroît, l'histoire, de
prime abord assez classique, révèle par moments de belles surprises, de
sympathiques morceaux de bravoures et une poignée d'instants gracieux en diable.
Au final, loin d'être une épreuve, la vision du film laisse un très agréable
souvenir. A moins d'être absolument réfractaire à la musique de Daft Punk (ce
que je conçois fort bien) ou au style de Leiji Matsumoto (ce qui est déjà plus
étonnant), voilà une belle expérience (d'à peine une heure) qu'il serait dommage
de bouder. |
Evil Dead
de Sam Raimi
Ggggggrrrrrrrrrrrrrraaaaaaaaaaoooooooouuuuuuuhhh ! !
On s'agenouille.
On s'incline.
On bave copieusement.
Et on se démembre dans la joie et la bonne
horreur.
L'un des plus grands Évangiles du cinéma
Fantastique est revenu parmi nous.
Ressuscité.
Amen. |
Mari Iyagi
de Sung-Gang Lee
Voilà un bien beau film. Une œuvre qui nous laisse au sortir de la salle sur un
sentiment d'apaisement, de joie tranquille et de mélancolie douce. Visuellement Mari Iyagi est une splendeur et certaines scènes sont d'une rare
magie. Et finalement c'est plutôt la description du quotidien et non les scènes
"fantastiques" qui marque le plus. On retient ainsi de Mari Iyagi quelques souvenirs d'enfance, de brefs portraits de gens ordinaires, des amitiés
lointaines et un chat. Surtout un chat, là, tenez donc. Pour ce qui est des
séquences oniriques, on sera trop souvent tenté d'y voir du Miyazaki (Totoro en particulier et évidemment) voire le "vortex" de Skies of Arcadia (qui
décidément semble avoir marqué le vaste monde de l'animation). Et l'on sera
aussi déçu que Mari Iyagi demeure tout le long en retrait, trop
timide, trop discret. Le film n'ose jamais briser les liens qui le rattachent au
quotidien.
Par
moments on se dit que le scénario est avant tout un prétexte à la recherche
esthétique. Ce qui en soit n'est pas un tort. Et en ce sens Sung-Gang Lee
atteint ses objectifs. On quitte le film avec de superbes images plein les yeux.
Et l'impression d'avoir passé quelques instants loin du monde. Heureux,
simplement heureux. |
Matrix Reloaded
de Andy et Larry Wachowski
Évidemment, il serait très tentant, très facile et bien normal de dire beaucoup
de mal de Matrix Reloaded. Si on veut considérer le nouveau bébé
des frères Wachowski comme une œuvre "sérieuse", on enfilerait les griefs comme
d'autres enfilent les perles. Mais je ne vais pas envisager cette suite de Matrix d'un point de vue sérieusement sérieux. D'une part parce que
c'est impossible et d'autres part parce que ce n'est vraiment pas possible.
Mais, même si on va chez Matrix comme on va à Disneyland, je vais
quand même faire le point sur ce qui est mauvais sans appel. En gros, ce qui est
nul et pas drôle. Premier point, essentiel, le plus intensément insoutenable :
le rythme. Matrix Reloaded, c'est chiant. Oui, je sais, je suis
vulgaire, mais je ne vois pas d'autres termes. Ou plutôt si, j'en vois des
tonnes. Matrix Reloaded c'est ennuyeux, embêtant, emmerdant, long,
interminable, plombant, fatigant et j'en passe. Les premiers 3/4 d'heure sont à
la limite du coma. Cela se traîne, ça radote, ça dort. Et le plus
sérieusement du monde. Parce que attention, chez les élus, on ne plaisante pas
des masses. On fait dans le christique, dans le cul-bénit, dans le fanatisme
élégiaque, dans la foi empesée. Bref, même si on sait que Keanu Reeves est
incapable de sourire (expression faciale trop complexe, émotion trop pointue),
il n'essaie pas un seul instant. Bref, tout ce petit monde a un bâton dans le
derrière. Ce qui permet effectivement de ne pas trop remarquer la différence
entre les acteurs "réels" et les acteurs "virtuels".
On
notera au passage que outre un Keanu égal à lui-même (c'est à dire à une poignée
de froncements de sourcils très affectés), nous croiserons une Carrie-Anne Moss
pas gâtée par ses metteurs en scène, un Laurence
Fishburne aussi vivant que le Terminator après crémation, un Hugo Weaving
rigolard, un Lambert Wilson en roue-libre et une Monica Bellucci qui repousse
très loin les limites de la nullité. Tout ce petit monde erre donc au fil d'un scénario débile mais
profondément Comics (mais pas du Alan Moore, mes enfants). On erre. On doute.
Vous voyez, c'est mé-ta-phy-si-que ! On se questionne sur le choix ("si j'ai
déjà choist avant de faire, comment je peux choisir, alors que j'ai choisi
dans le futur, que l'on peut prévoir, en sachant ainsi ce que je dois choisir"),
sur l'existence ("mais si rien n'est vrai tout est possible alors rien n'est
possible vu que rien est vrai et que tout est rien"), sur le rôle à jouer ("nous
avons tous un but à accomplir, nous ne sommes pas là par hasard, à quelle heure
est le dernier métro ?"), sur le sens de la vie ("je rêve d'un monde
libre où tous les hommes et les femmes seraient frères et sœurs et porteraient
des tenues grotesques en vinyle cheap"). Et pour bien nous faire comprendre
tout cela on va vous le répéter souvent. Tout le temps, dès que possible. En
gros entre chaque scène d'action. Et même parfois pendant. Au final, à force de
vouloir bien nous le faire comprendre, on n'y comprend plus grand chose. A part
que les Wachowski ont bien vu Lain, mais qu'ils n'ont pas tout
maîtrisé.
Donc Neo erre. Il se questionne ("mais dans quel état j'erre ?"). Après
avoir fait une étape pique-nique dans un village de troglodytes primitifs qui
pensent que la liberté est un mélange entre une pub pour gel douche et un
concert de Moby, il part avec son air très concerné sur les traces du Maître des
Clefs. Bien sûr on se dit que Trinity est le Cerbère de la Porte, mais on a
tort. Et ce n'est pas ce bon vieux Rick Moranis qui surgira au final. Déception.
Entre temps, et après des heures affolantes de blah-blah mé-ta-phy-si-que
(surtout ta-phy-si en fait, non, non, cherchez pas, y a rien à comprendre). Donc
après avoir longuement erré, il rencontre l'Agent Smith, le personnage le plus
drôle depuis Peter Sellers dans The Party. Et là, soudain,
miracle, Neo voit double, triple, et même plus. De partout des Hugo Weaving(s)
surgissent. C'est l'affolement, la déferlante, le tsunami, la fête de la bière !
Et Matrix devient soudain un combat égaré de Super Smash Bros Melee. Dans un
incessant ballet (brosse) de ralentis absolument gratuits (avec même une
ristourne), Neo tape du Smith. Et ça valse, et ça saute, et ça enchaîne les
coups spéciaux les plus débiles. Le rire surgit alors. Enfin. Matrix redevient amusant. Et là, pour sûr, on s'amuse. C'est le (petit) grand 8, disons
que c'est le grand 4. Mais c'est drôle, voire même carrément poilant car exécuté
(le mot est juste) avec le plus grand sérieux. Du décalage né le grain de folie
qui manquait au film. Et je ne vous parle même pas de la musique, d'un mauvais
goût qui touche au grand art, tant elle ne semble pas du tout être conçue pour
servir les images.
Malheureusement, cela ne dure qu'un instant et déjà le blah-blah
ésotérico-mystico-youplaboum revient. On se rendort. Puis on va chez nos amis
français. Et l'on sait bien que nos amis français sont marrants. Un peu cons, un
peu énervants, un peu pédants, mais marrants, voyez-vous. Il s'en suit des
séquences surréalistes d'une bêtise réjouissante. Lambert Wilson enfile les
vulgarités et les aphorismes de cours de récrée. Quant à Monica Bellucci, en
incarnation parfaite de la bonne dame latine nymphomane, elle manque de violer
Keanu dans les toilettes. Bien sûr, il faut le voir pour le croire (sinon on ne
me croira jamais). Après, c'est l'escalade. C'est parti pour une demie-heure de
n'importe quoi bourrin. C'est amusant parfois, c'est assommant souvent. Neo tape
deux-trois glandus avec des armes médiévales (on baille). Trinity et Morpheus
(justement) se font poursuivre par la paire de jumeaux la plus kitchissime
depuis Schwarzy et De Vito (on roupille). Ils déboulent alors sur une autoroute
(on ouvre une paupière parce que ça fait vraiment beaucoup de bruit).
Avouons-le, le tac-tac poum-poum crash-crash avec des tutures, c'est toujours
marrant. Mais ça ne vaut pas les Blues Brothers et encore moins le
début de Destination Finale 2. Bref, ça tac-tac poum-poum entre
les voitures. Et éventuellement, ça fait big-badaboum au moment où Neo arrive en
faisant Superman (mais on pensera finalement plus à Legend Of Zu,
qui n'est pas tombé sous l'œil de deux aveugles). Ouf.
On
se dit que c'est fini. Et que le fameux "suspens insoutenable" qui doit conclure
le film est proche. Que nenni, braves gens ! Et c'est reparti pour un tour de
blah-blah existentiel et technologique (de mes couilles pourrais-je ajouter mais
ce serait vraiment trop mesquin). Alors on rebastonne un tout petit peu (une
poignée d'Agents Smith pendant 36 secondes et demie). On assure un semblant de
tension dramatique (Trinity va mourir, tout ça). Et on débouche sur un summum de
n'importe quoi quand Neo rencontre le Créateur (pas aussi marrant que le Dieu de Time Bandits de monsieur Terry Gilliam, mais presque). Là, ça
tient du génie de scénariste manchot. Voyez-vous, la Matrice, c'est de l'Eternel
Retour en branches de mimosa. Non ? Si ! Quelle surprise ! La révélation
provoque un choc. Même que Neo doit faire un choix cornélien (faire mourir tout
le monde ou bien faire mourir tout le monde). Il choisit de faire mourir tout le
monde en sauvant Trinity (hormones masculines obligent). Intervient alors une
scène à la limite du plagiat du final (à l'époque renversant) du premier Superman. Non, malgré les apparences, Neo ne fera pas tourner la Terre à
l'envers pour remonter le temps. Mais presque. On le frôle. Et cela n'aurait
certainement pas été plus ridicule que cette résurrection aussi niaise que celle
du premier (et ne me dites pas que je vois du christique partout). C'est fini.
Et
bah non ! Ce n'est pas fini. L'overdose est proche mais vous allez bien en
reprendre pour 10 minutes. D'un coup Neo se découvre des supers pouvoirs dans le
monde réel. Renversant. Mais il tombe dans les pommes. Le pauvre. Et là, c'est
la fin. Tétanisant. Au moins. Parce que l'Agent Smith s'est aussi incarné dans
le monde réel. Troublant. Et après l'interminable et insoutenable générique de
fin (les pires chansons de néo-métal depuis l'invention du rock pour
boutonneux), la bande-annonce de Matrix Revolutions révèle la clef
de l'histoire. Le super méchant c'est l'Agent Smith (que de surprises !) et ça
va bastonner méchamment sa race.
Au
final, mine de rien, les frères Wachowski sont en train de s'offrir une
grandiose saga de nanars. Un monument du cinéma nul. Un sommet du flan sur
pellicules. Parce que, malheureusement, il n'y avait jamais eu de suite à Flash Gordon. Et là, des suites, y en a plein. Supérieures à l'original
de surcroît. On reste rêveur. On n'osait pas y croire. Mais c'est bien vrai. Matrix Reloaded est encore plus mauvais, kitsch et drôle que le
premier. Une perle, un jalon pour amateur de cinéma ridicule. Pas tout à fait du
niveau d'un Zardoz (intouchable dans le genre SF
philosophico-trisomique), mais déjà immense. Mais bien sûr, cela ne tient qu'à
vous de choisir la bonne porte, même si en fait vous avez déjà fait votre choix,
car votre rôle est de choisir la porte que vous avez déjà choisie au moment où
l'on a décidé de faire un upgrade à la Matrice. Ren-ver-sant. Et comme disent
certains pour se rassurer : "vous allez voir, quand on aura les trois chapitres
sous les yeux, ce sera énorme !". Mais voyons ! C'est déjà énorme ! |
Dogville
de Lars Von Trier
Je
ne l'ai jamais caché, je n'aime pas, mais alors pas du tout, la récente
orientation de l'œuvre de Von Trier, le Danois manipulateur de foules. Sa
désormais fameuse "trilogie du Cœur d'Or" (Breaking The Waves, Les Idiots et Dancer In The Dark) ne m'a pas seulement
laissé perplexe, elle m'a carrément consterné. Si je trouvais encore des excuses
aux deux premiers films du cycle, Dancer In The Dark touchait le
fond du blockbuster lacrymal pour lecteurs des Inrocks. Bref, j'en avais marre
que Von Trier se foute de ma gueule. Et pourtant, à l'époque, je n'avais jamais
caché que j'appréciais beaucoup ses premiers films et même jusqu'à l'excellent The Kingdom. Mais l'aspect gluant, cynique et niais de ses
dernières œuvres me déprimait. Le miracle est d'autant plus magnifique. Car Dogville, contre toutes mes attentes, est un chef-d'œuvre. Une œuvre
humaine, forcément sombre, novatrice, personnelle, d'une intelligence et d'une
nuance rares. On pensera parfois à Kubrick, on oubliera souvent toutes nos
références, mais on ne sentira pas passer les trois heures d'un film qu'il faut
voir absolument et sans la moindre hésitation.
Le
choix de mise en scène est désormais connu de tous. A mi-chemin entre le
dispositif théâtral et le cinéma, il est unique, étonnant, immédiatement
enthousiasmant. Au début on s'amuse de ces décors à moitié construit, de ces
dessins sur le sol, de ce petit bout de scène qui représente une minuscule ville
des USA des années 30. On s'en amuse et rapidement, on s'y habitue, on s'y
émerveille. Car le travail sur la mise en scène, à tous les niveaux, est
hallucinant. Cela n'a plus rien à voir avec l'improvisation du Dogme. Tout est
précis, soigneusement pensé, parfaitement agencé, sans jamais être étouffant.
L'utilisation du son et de la lumière laisse pantois. On touche au sublime à de
nombreux moments. On a, pour une fois, vraiment jamais vu cela ailleurs. Sur sa
forme, Dogville ne souffre aucun reproche, même s'il faut toujours
un temps pour s'habituer à la caméra "ivre" de Von Trier. Je noterais au passage
que l'intervention d'éléments naturels extérieurs tels que les fleurs de
pommiers ou la neige tient de la poésie cinématographique. La musique colle
parfaitement aux images, à la fois menaçante et légère. Quant aux bruitages, on
s'étonne à chaque instant de la justesse de leur emploi. Le son de la foreuse en
"bas de la vallée" est un élément dramatique affolant.
Et
le fond alors ? Car c'était bien ici que les derniers films de Von Trier
faiblissaient sans cesse. Et bien cette fois, ce que raconte le cinéaste est
renversant d'intelligence, de sincérité et de justesse. Après sa grande période
"catholique", Von Trier semble remettre en question, en direct, sa foi. Le final
du film est en ce sens l'un des plus forts qu'il m'ait été donné de voir. On
assiste à une réflexion qui fait côtoyer raison et sentiments, sans exclure à
aucun moment le spectateur. Au contraire, le film laissant en suspend toute
résolution morale, n'offrant pas véritablement de réponses aux questions qu'il
pose, c'est au spectateur de faire son choix. On imagine alors Von Trier en
voisin d'un Verhoeven de Starship Troopers. Si le spectateur veut
la vengeance, il est aussi mauvais que les héros du film. Une troublante mise en
abîme se produit alors. En offrant au spectateur ce qu'il désire à toute force,
Von Trier transforme son film en miroir. En miroir de l'humanité et pas
seulement des États-Unis, comme pourront peut-être le penser certains. En ce
sens Dogville poursuit enfin la réflexion qui s'achevait de
manière si frustrante dans les précédentes œuvres du Danois. On parlera aussi de
cruauté, voire de sadisme, pour évoquer l'histoire du film. Cela est sans doute
juste, mais très réducteur.
Ce
qui séduit aussi dans Dogville, c'est que l'on sent à chaque
instant que c'est un film de Lars Von Trier, une œuvre intime. Grâce à la forme,
bien sûr, mais aussi par ce qui s'y raconte. Une nouvelle fois, l'héroïne va
subir un chemin de croix éprouvant, contrainte de supporter toute la lâcheté, la
faiblesse et la méchanceté des humains. On s'attend alors à un énième mélodrame
larmoyant, mais il n'en est rien. Von Trier affronte pour une fois son sujet
jusqu'au bout et ne détourne pas les yeux au moment de conclure. Comme à la fin
de Full Metal Jacket ou du Parrain 2e Partie, le
spectateur reste sous le choc, un peu perdu, à la fois heureux et dégoûté du
dénouement. Immense sensation que l'on n'éprouve que très rarement devant un
film. L'impression d'avoir vécu quelque chose qui nous percute à l'intérieur,
qui nous met à nu.
Nicole Kidman est enfin totalement géniale. Sans doute bien mieux dirigée que
chez Kubrick, elle est méconnaissable. Après sa superbe prestation dans The Hours, elle trouve dans Dogville un rôle aussi
difficile que troublant. Le reste du casting est du même niveau et les
performances d'acteurs, bien qu'omniprésentes, se font oublier au profit des
personnages. Car, voilà, dans Dogville, on ne voit pas Nicole
Kidman interpréter Grace, on ne voit que Grace. Mais je me rends bien compte que
je suis encore en train de m'étendre en louanges et en superlatifs et que cela
ne sert pas à grand chose. Tout ce que je peux dire en fait c'est : allez voir
ce film. Il ne ressemble à aucun autre. Et il risque de vous marquer pour
longtemps. Peut-être en reparlerons-nous plus tard, sans doute même. Palme d'Or
en vue ? Monsieur Von Trier, pour une fois, enfin, je suis de tout cœur avec
vous. |
Dolls
de Takeshi Kitano
Incroyable.
Incroyable.
Certes la filmographie de M. Takeshi Kitano pouvait laisser présager d'immenses
choses, notamment grâce au plus beau des hommages à Jacques Tati qu'était l'Été de Kikujiro. Mais jamais je n'aurais espéré Dolls.
Les
plus grands films sur l'amour ont souvent été ceux qui savent se taire. Que l'on
pense à l'Aurore de Murnau, que l'on pense au Solaris de Tarkovski, que l'on pense à The Lovers de Tsui Hark. L'image,
accompagnée d'un peu de musique, est souvent seule capable de rendre l'indicible
du sentiment amoureux, l'indicible de ce qui peut unir deux êtres au-delà des
autres êtres. En cela Dolls n'est pas seulement ce que l'on a
tendance à appeler un film "miracle", c'est bien plus qu'un film. Car rarement
on aura vu un cinéaste briser avec autant de facilité et de sincérité les
barrières du langage filmique. Dolls s'apparente tout autant à une
exposition de peintures, un ouvrage photographique, un recueil de poèmes et bien
sûr à un spectacle de marionnettes dont le visage, pourtant figé, laisse vivre
toutes les expressions.
Ce film est incroyable.
C'est l'œuvre d'un artiste, et pour une fois on peut employer ce terme sans
rire, qui a découvert, consciemment ou non, la justesse absolue de son
expression. Il faut voir, et il faut vivre, tous les instants d'un film où
chaque plan, chaque scène, chaque instant déborde de sens, de légèreté,
d'émotion, de vérité. Avait-on déjà vu un film aussi universel et humain sur le
couple ? J'en viens à me le demander et ne croyez pas, loin de là, que cela est
du à mon manque de culture cinématographique. Mais comme je le disais plus haut,
Kitano transcende les cadres finalement bien étroits du cinéma. De la première à
la dernière image de Dolls un frisson nous parcourt, depuis quand
n'avait-on pas ressenti cela devant un film ? Au fil de minutes, on pleure
beaucoup, on reste bouche bée devant la beauté de plans qui coupent
véritablement le souffle, on se sent minuscule face à tant de justesse, le film
ne cesse de nous appeler, de nous parler, de nous dire en un murmure ce que l'on
osait à peine penser.
Car
voilà, la vision de l'amour chez Kitano n'est jamais niaise, jamais clichée.
Chez Kitano, l'amour est ambigu, il fait vivre et mourir, il fait souffrir, il
apaise, il enchaîne et il sauve. L'amour est sacrifice, jalousie, folie,
dévouement, oubli, immortel. L'amour est fait de quotidien et d'erreurs. De
choix que l'on regrette ou non, de décisions irréfléchies ou qui se construisent
lentement au fil du temps. L'amour peut être l'élan passionné qui mène au
suicide ou à la scarification, mais il est aussi le long cheminement des amants.
L'amour brise en une seconde et construit en une vie. Et peut-être jamais au
cinéma l'on avait dessiné un portrait aussi juste du sentiment amoureux,
englobant aussi bien sa dimension passionnelle que sa complexité dans la durée.
L'errance des amants enchaînés, l'excellent Hidetoshi Nishijima et la
sublime Miho Kanno (l'une des plus belles femmes du monde, dois-je le rappeler
?), est ainsi, tous les arts confondus, l'une des plus intenses évocations de la
relation amoureuse qu'il m'ait été donnée d'expérimenter. En une immense
métaphore d'une perfection absolue (aucun plan n'est gratuit, chaque minute est
essentielle), Kitano fait battre le cœur du spectateur comme jamais il n'a battu
auparavant. Et le final, au-delà du bouleversant, quasi insoutenable d'émotion,
nous révèle l'essence de l'amour. Cette errance sans but, inutile, au travers de
lieux toujours différents, au fil des saisons, menait toute entière à l'une des
plus belles conclusions de l'histoire du cinéma. Cet enchaînement étouffant, ce
sacrifice ridicule, cette métaphore outrée du couple, c'est ce lien qui sauve
les amants. Suspendus au-dessus du vide, deux poupées, deux êtres humains,
emprisonnés et sauvés par l'amour.
Dolls se situe donc au-delà de tout ce que je pourrais en dire. Pour tout vous
avouer ce n'est pas seulement le plus grand film que j'ai vu ces dernières
années, c'est aussi pour moi l'un des plus beaux films du monde. Et bien plus
encore. Car son effet qui, plusieurs jours après, ne cesse de me hanter, est
finalement parvenu à redonner vie à des projets que j'avais trop longtemps
laissé à l'abandon. Ainsi, de la manière la plus concrète qui soit, je peux vous
l'affirmer, Dolls de Takeshi Kitano est une œuvre qui a changé ma
vie.
Aux côtés de The Lovers, j'ai
enfin trouvé l'autre moitié du trésor. Et sur ces paroles, je m'éclipse vers
d'autres aventures. |
Darkness Falls
de Jonathan Liebesman
L'année 2002 avait donné naissance à deux perles de cinéma fantastique "à
l'ancienne". D'un côté le très jouissif Blade 2, hommage réussi
aux chefs-d'œuvre de l'horreur-action (AlienS, Predator, Near Dark...), et de l'autre le très glauque Jeepers
Creepers, qui révisait gaillardement la copie des classiques des
Croque-mitaines lourdement portés vers notre inconscient cradingue (Freddy &
co). Bonne nouvelle, l'année 2003 apporte un nouveau lot de bien bonnes choses
pour nostalgiques des films du samedi soir des glorieuses 80's. Un revival qui
culminera jusqu'à nouvel ordre avec la ressortie fastueuse de l'un des étalons
du genre, le mythique Evil Dead de Sam Raimi (du
temps où il ne faisait pas n'importe quoi avec des SPFX à plusieurs millions de
dollars la minute).
Tout d'abord, ah, le moins bon en premier, Darkness Falls.
J'évoquais il y a quelques mois les frustrations issues de la première vision de Jeepers Creepers. Des prémisses alléchantes pour un résultat pas
du tout à la hauteur. Et bien, à la vue de ce Darkness Falls, Jeepers Creepers fait figure de banquet royal. En effet, Darkness Falls est encore plus enivrant a priori que le film de Victor
Salva. On nous y conte l'histoire de la "Fée des Dents" (The Tooth Fairy,
inconnue dans nos contrées, parce que chez nous, c'est la petite souris qui s'y
colle). Cette Fée est un peu spéciale, avouons-le. C'est une bonne dame des
années 1900, qui avait pour habitude d'échanger la dernière dent de lait des
enfants contre une pièce. Rien de bien mystérieux, ni rien de bien méchant. Sauf
que la maison de la bonne dame a brûlé et que cette chère Mathilda est devenue
le sosie de Freddy Kruger. Mais elle n'était pas morte, cette force de la nature
! Ouhla, non, pas encore. Mais elle ne pouvait plus sortir en plein jour (la
peau amochée, tout ça) et elle devait porter un masque (Halloween,
tout ça). Peu après, à la suite d'une méprise, les braves gens l'ont pendu.
Évidemment, elle a maudit tout ce petit monde avant de passer l'arme à gauche.
Et depuis, dans la sympathique bourgade de Darkness Falls, elle
vient recueillir les dernières dents des petits enfants. Et si par malheur vous
lui jetez un coup d'œil quand elle vient. Et que vous restez dans les ténèbres.
Et bien elle vous massacre. Hop. Comme ça. Pour le fun.
Rien de très original, vu d'ici. Cela ressemble même à un plagiat à peine
déguisé des Griffes de la Nuit (coups de griffes à l'appui !).
Mais voilà, la première scène du film est tellement terrifiante que l'on en
vient à croire au miracle. Et cette séquence est un petit miracle en elle-même.
Parvenant sans mal à recréer les pires terreurs nocturnes de l'enfance. Pendant
un bon quart d'heure, Darkness Falls fait plus qu'illusion, il
ravit. La scène s'achève d'ailleurs sur un plan de toute beauté, digne de tous
les éloges. Et après le film tombe en panne. En panne quasi sèche. Malgré la
bonne prestation des acteurs ; dont une actrice de Buffy (le démon
vengeur, là, la blonde un peu idiote), comme quoi, tout arrive. Le metteur en
scène fait le minimum. Et le scénariste n'en fout pas une. Pour preuve la prise
d'assaut du commissariat par la Tooth Fairy, totalement pompé sur Jeepers
Creepers. Ou le final dans le phare, lieu commun à bailler d'ennui. De
surcroît, cette Fée si prometteuse, est encore plus gâchée que le Creeper. On ne
la voit jamais, à part dans un final expéditif et frustrant et nous n'aurons
l'occasion que de nous réjouir de ses hurlements effectivement horribles. Mais
tout cela, nous l'avions déjà dans la scène d'ouverture. Bref, Darkness
Falls possède quelques bons moments, mais jamais de véritables idées. Un
excellent court-métrage, mais un film médiocre. |
Destination Finale 2
de David Richard Ellis
La divine surprise de ce début
d'année, c'est Destination Finale 2, œuvre aussi drôle
que Darkness Falls est sérieux. Le premier Destination Finale relevait un tout petit peu le niveau des
slashers nouvelle génération (vu le niveau, c'était pas bien dur),
mais c'était encore loin d'être ça. La suite, incroyablement
supérieure à l'original, est carrément un chef-d'œuvre du genre. On
y retrouve tout ce qui faisait le charme des films gores idiots de
notre adolescence. Les morts sont stupides, complexes, cruelles,
vraiment débiles et surtout très saignantes. On ne s'ennuie pas une
seule seconde et c'est un bonheur de voir la quasi intégralité du
casting se faire trépaner lors de séquences toujours surprenantes et
follement drôles. Sur ce film a soufflé le vent protecteur des
grandes heures des Sam Raimi et autres Peter Jackson. Un peu comme
si Vendredi 13 avait été repris en main par Terry
Gilliam. On est en fait totalement dans le domaine du cartoon live,
du Tex Avery sans complexes. Et même si le film est entièrement
comique (ou presque), il y a un véritable suspens, tant les mises à
mort sont sophistiquées (et stupides, mais je l'ai déjà dit).
De
surcroît, et vous avez déjà du le lire ici ou là, la première séquence du film
est un formidable accident de la route, d'un réalisme effroyable, qui est sans
doute la seule séquence du film qui ne prête pas du tout à rire, bien au
contraire. Sans faire de mauvais jeu de mot, pour le coup, on en prend vraiment
plein la tête. Difficile d'enchaîner après cette petite perle de mise en scène
et d'effets spéciaux, mais le film tient bon la barre, avec une tonne d'humour
et des personnages assez éloignés des ados habituels. Les baisses de régime sont
rares et l'on s'amuse tout le temps. Bien sûr, si vous n'aimez pas rire avec la
mort et toutes ces histoires de signes et de destin bien écrit à l'avance, vous
feriez mieux de passer votre chemin, ça risque de vous mettre un peu mal à
l'aise (voire beaucoup). Par contre, l'esprit très dessin animé bête et méchant,
voire parfois Monty Pythonesque de Destination Finale 2, risque
d'en ravir plus d'un. Mais si ça se trouve, vous l'avez raté en salles, et oui,
car vous aviez plein d'a priori négatifs. Grosse erreur ! Nous tenions pourtant
là, et oui, ce qui restera peut-être la comédie de l'année et sans doute la
meilleure comédie gore depuis, foulala, des années et des années. La Mort a
définitivement le sens de l'humour, et bon sang, ça fait du bien de rire avec
elle de temps en temps. |
The Hours
de Stephen Daldry
Le
projet semblait plombé par avance, un simple véhicule pour des actrices en mal
d'Oscars, une lourde démonstration de cinéma qui veut faire de la littérature.
Au final, la surprise n'est pas loin d'être divine. Certes, la mise en scène de
Daldry est didactique, étouffante, elle démontre plus qu'elle ne montre. Certes
le film est parfois larmoyant au-delà du raisonnable. Certes Meryl Streep fait
du Meryl Streep et c'est la partie contemporaine du métrage qui est la plus
faible. Mais voilà, The Hours est efficace. The Hours est délicat. The Hours titille la corde sensible avec
suffisamment d'ambiguïté et d'humanité pour nous faire rapidement adhérer à son
mélodrame distingué.
Nicole Kidman trouve ici son meilleur rôle en Virginia Woolf maniaco-dépressive.
Grâce à l'ajout d'un faux nez invisible, elle acquiert une beauté charmante qui
lui donne une force inhabituelle. Quant à la très retenue Julianne Moore elle
est émouvante d'un bout à l'autre du métrage. Dans la partie "années 50",
justement, on croisera aussi avec un plaisir immense, la géniale Toni Collette,
notre Muriel à nous, toujours l'une des meilleures actrices
actuelles. Il est vrai que parfois Kidman et surtout Meryl Streep donnent
l'impression de faire des "performances", le rythme du film ne leur laisse pas
le temps de briser l'atmosphère.
La musique de Philip Glass ressemble tellement à du Philip Glass que
l'on sait immédiatement que c'est du Philip Glass (piano et violons
en chute libre). La mise en scène de Daldry est carrée, clinquante,
parfois trop clinquante, mais on signe. Pourquoi ? Parce que les
thèmes abordés évoquent immédiatement et avec une vraie intensité
des situations, des tourments, des personnes que l'on connaît si
bien. Le film nous parle directement et avec nettement plus de
finesse et de complexité que la majorité des mélodrames
hollywoodiens produits à la chaîne. The Hours est
(logiquement) plus littéraire, plus accomplis, mieux interprété,
plus raffiné. On peut entrer dans le film ou rester sur la pas de la
porte, bien sûr. Mais si on se laisse toucher par la sensibilité de
ce qui se cache derrière la classe hautaine de l'ensemble, on sera
pris au piège dans un déluge de larmes et de belles pensées. |
Dark Water
de Hideo Nakata
Comment retranscrire le sentiment d'abandon ? De la disparition éternelle d'un
être cher au simple retard de quelques minutes, de l'angoisse d'une absence
injustifiée à la peur d'être abandonné, comment parvenir à rendre compte de ces
émotions ? A la sortie de l'école un enfant attend sa mère, elle n'arrive pas,
il voit tous ses camarades rentrer un par un chez eux, accompagnés par leurs
parents. Certains discutent un peu devant l'entrée de l'école, le temps semble
s'allonger à l'infini, chaque minute est multipliée par mille. Cette terreur
enfantine, essentielle, vécue d'une manière ou d'une autre par presque chacun
d'entre nous, fait l'ouverture et le refrain de Dark Water.
L'attente, l'absence, la perte, la disparition et surtout l'abandon. Absence de
l'enfant disparue qui ne rentrera jamais à la maison. Absence de la mère
retardée, enfuie, décédée. La soudaine disparition du quotidien rassurant, le
bouleversement des habitudes, le surgissement du fantastique, de l'horreur, de
l'inexplicable, de la folie dans le monde le plus banal et le plus régulé. Comme
bien peu de films fantastiques avant lui, Dark Water nous donne à
vivre le basculement de la réalité, l'apparition du petit détail qui mène au
cataclysme, "l'inquiétante étrangeté" franchissant ses limites rationnelles.
Mais là où Ring n'était "qu'un" film d'épouvante, d'une efficacité
affolante, enveloppé dans un réalisme lancinant, Dark Water est un
drame psychologique réaliste, d'une efficacité affolante, enveloppé dans un film
d'épouvante. La terreur, pourtant très présente dans Dark Water,
passe au second plan, devient l'instrument de l'émotion du film. Ainsi la
dernière demie-heure nous amène vers des espaces rarement fréquentés par les
films fantastiques. Les espaces de l'émotion pure, mystérieuse, essentielle,
bouleversante. Chaque image trouve la force des plus grands drames "classiques"
et l'histoire de fantômes retrouve ses racines. En ce sens Hideo Nakata triomphe
là où Kubrick avait échoué avec Shining. Faire un film de fantômes
qui n'est pas seulement un film de fantômes, mais qui évoque avant tout la
psychologie de ses protagonistes, la désagrégation d'un couple, d'une famille,
du quotidien. Sans pour autant perdre de vue l'émotion.
Dark Water parvient ainsi à être surprenant, effrayant et apte à nous
faire sortir les mouchoirs au final. Ceux qui viennent y chercher un nouveau Ring seront sans doute perdus, voire déçus. Car si certains thèmes et
si certaines images renvoient directement aux scènes clefs du premier Ring, Dark Water n'entretient qu'une très faible relation avec le conte
de la cassette vidéo maudite. Certes il y a matière à se faire très très peur
devant le dernier Nakata. L'angoisse est parfois éprouvante et certains
retournements de situations vont vous mettre à l'épreuve. Mais comme le prouve
la fin du film, l'essentiel est ailleurs. Dark Water parvient à
nous faire ressentir la peur de l'abandon, l'angoisse de la disparition.
Différemment, réellement, effroyablement, terriblement. Chef-d'œuvre. |
Arrête-moi si tu peux
de Steven Spielberg
Après la relative déception de Minority Report, on ne s'attendait
pas à ce que Spielberg (re)trouve le secret de la classe cinématographique et
nous livre par la même occasion l'un de ses meilleurs films. Reprenant les
percées visuelles de Minority Report et du sous-estimé A.I.,
Spielberg les intègre enfin à une œuvre qui est moins une "vitrine" qu'un vrai
film. Un vrai film avec une belle histoire, de bons acteurs, de l'humour, des
scènes qui touchent, de bonnes idées et encore de bonnes idées. Le "meilleur
film" de Spielberg, c'est plus du côté de Arrête-Moi Si Tu Peux qu'il faut le chercher. S'ouvrant sur un sublime générique en hommage aux 50's
et aux 60's (mais avec les moyens d'aujourd'hui) et porté par une fantastique
partition d'un John Williams qu'on a souvent connu bien plus dégoulinant, Catch Me If You Can ne faiblit pas sur toute sa durée. Deux heures et
demie parfaitement remplie, où la légèreté est toujours de mise, même dans les
rares séquences vraiment mélodramatiques.
On
pensera à des dizaines de références, on y verra du Capra, du Blake Edwards, du
Hitchcock, du Billy Wilder, des tonnes de noms vont surgir dans tous les sens.
Mais l'immense réussite du film, c'est de parvenir à garder en permanence la
"touche" Spielberg. D'un bout à l'autre, Catch If You Can est un
film de Steven Spielberg, sans doute l'une de ses œuvres les plus personnelles,
ce qui renvoie d'autant plus le très surestimé Minority Report au
rang des films mineurs du réalisateur. Sous des dehors de comédie insouciante et
de drames discrets, Catch If You Can fait rire, émeut, mais
surtout émerveille. Avec simplicité, sans nous écraser avec de gros sabots. Bon
sang, zut, alors, pas possible, Spielberg peut être un cinéaste raffiné,
élégant, nuancé. On a souvent tendance à l'oublier, tant parfois sa filmographie
sombre dans les travers de la guimauve, de l'américanisme qui colle et de la
famille qui étouffe. Catch Me If You Can est une bouffée d'air
frais et un film finalement bien plus subversif et étonnant que Minority
Report (décidément), et pas seulement pour l'image assez négative qu'il
donne de la France (hum... hum...)
Comme je l'ai dit plus haut, visuellement c'est l'extase. Le travail sur la
lumière, entamé avec les deux précédents films, atteint ici son juste
aboutissement (le quotidien au plus près du quotidien). Tandis que la mise en
scène en elle-même laisse pantois (mais comment fait-il tout cela ??). Le rythme
du film tient les promesses du titre (insaisissable, virevoltant, rarement
ennuyeux). Les acteurs vont de l'impeccable (Di Caprio, à l'aise), du grandiose
(Tom Hanks parfait, Nathalie Baye surprenante) au génie pur (Christopher Walken
qui arrive à voler tout le film, tout en le rendant bouleversant, en à peine
quelques scènes). L'aspect 60's est crédible à tout instant et l'on se sent bien
devant ce film. Catch Me If You Can rend heureux, donne le
sourire, sans arrière pensées. On aurait pu craindre un flan hollywoodien de
plus (tout le laissait présager), on assiste à un petit miracle, comme justement
Hollywood sait les offrir de temps à autres. Certes, tout n'est pas parfait,
parfois c'est un peu lourd, un peu long, un peu naïf, mais c'est presque
imperceptible.
Quant à l'histoire (plus ou moins véridique), elle impressionne et elle amuse en
même temps. Frank Abagnale est un super-héros du quotidien, qui renvoie le Saint
et le Caméléon chez leurs mères. Et son histoire offre juste ce qu'il faut de
situations incroyables, de suspens joyeux et d'humanité. Il n'y a pas de vie
humaine en jeu, il n'y a pas de violence, certes il y a beaucoup de détresse, de
solitude, de déceptions, de destins brisés dans ce film, mais ce film possède la
petite étincelle qui fait les œuvres amies. Catch Me If You Can est sans doute l'une des tentatives actuelles pour retrouver "'l'innocence"
cinématographique les plus réussies. Juste au moment où le monde s'effondre une
nouvelle fois, le paradoxe est de taille. Pendant que dehors c'est la guerre,
dans la salle c'est la grâce des 60's et le plaisir du cœur. Et soudain on se
souvient, le cinéma, oui, c'est aussi fait pour cela. Pendant 2h30 on aura
oublié et on remerciera Spielberg. On le remerciera, oui, car avant Catch
Me If You Can, ce type nous avait donné La Couleur Pourpre, Empire du Soleil, La Liste de Schindler, Amistad, Le Soldat Ryan, autant de films, plus ou moins
réussis, pour ne pas oublier. Aujourd'hui, ma foi, lui et nous avons droit à un
brin de lumière. Beau film. Grand film. |
The Ring - Le Cercle
de Gore Verbinski
En attendant le remake de Citizen Kane par Michael Bay
et celui du Mépris par Pitoff (qui sait ?), nous avons
déjà eu droit à celui de Solaris (!!!??) par
Soderbergh et James Cameron (jamais à court d'une bonne blague) et
celui de Ring par Gore Verbinski (en attendant
patiemment ses Pirates des Caraïbes de chez
Mickeyland). Le Solaris, je l'ai pas vu, je le
boycotte, faut pas déconner non plus, enfin, quand même, merde alors
et pourquoi pas 2001 par Luc Besson ?? Le Ring,
je l'ai vu, parce que j'en ai lu plus ou moins du bien ici ou là. Et
avouons-le c'est un film honorable. Du moins, qui se laisse regarder
sans trop déclencher l'énervement naturel propre aux remakes qui
dénaturent les œuvres originales. The Ring (donc,
mettons le "the" devant, bientôt on aura droit à "the" Dark
Water, non, on ne rigole pas), The Ring donc,
est une photocopie à la sauce hollywoodienne de l'excellent film de
Hideo Nakata. On remplace donc la ravissante Nanako Matsushima par
Naomi Watts et on perd au change, je ne vous dis que cela. Certes,
Naomi Watts a du talent, on le sait depuis Mulholland Drive.
Mais ici elle est loin d'être à son aise, se contentant d'avoir
l'air très préoccupée, très apeurée et parfois très mouillée, parce
que c'est pas le tout d'avoir un t-shirt, faut le rentabiliser. Mais
Naomi Watts est bien l'un des moindres défauts de The Ring,
si ce n'est le moindre. Tout le reste ne va pas bien fort et ce qui
va le doit intégralement (à une ou deux exceptions près) à Ring. Les seuls bons ajouts (ou du moins dignes d'intérêt)
du remake sont une sous-intrigue à base de photographies pour le
moins flippantes et quelques beaux plans qui ne sont pas directement
"empruntés" au film de Nakata. Et un cheval. Mais pas de
raton-laveur.
Le
reste, c'est la cata. En essayant de se démarquer de Ring,
Verbinski dénature, sans le faire exprès, la magie noire du film. Sadako (ici
nommée Samara) n'est plus cet être terrifiant, inhumain, insaisissable, muette,
invisible jusqu'à l'insoutenable révélation finale. Ah oui, au fait, dans ce
chapitre, va y avoir des "spoilers", comme ça vous êtes prévenus. Si vous ne
savez pas ce qu'est un "spoiler", c'est une révélation d'un élément important
d'un film. Voilà, voilà. Bien, donc, dans Ring, la clef de
l'histoire, bien plus que le puit, réside dans le regard "inversé" de Sadako,
ici totalement absent. Scandale ! En effet, Samara est une petite fille bien
mignonne, qui papote sans arrêt et qui ne ferait pas peur à une mouche et encore
moins à la Linda Blair de l'Exorciste. On me dira que c'est pour
"humaniser" la menace, la rendre plus émouvante, il faut bien constater que le
résultat laisse très perplexe (on avait aussi essayé d'humaniser les aliens dans Alien 4, on en rit encore).
Ensuite, la fin du film n'insiste pas du tout sur la "transmission" de la
malédiction, offrant un final nettement plus heureux et apaisé que celui de Ring. De plus, la vidéo maudite en elle-même, perd énormément de son
efficacité par l'ajout d'effets très discutables. Des effets, justement, qui ne
cessent de plomber le film. Des effets "bouh fais moi peur !" par camions
entiers. Et voilà que je t'en rajoute dans les visions d'horreur, les
hallucinations, les mille-pattes surgissant entre deux feuilles de papier,
etc... etc... Indéniablement, c'est efficace, on sursaute. Mais c'est le degré
zéro du suspens cinématographique, c'est à peine digne d'un Vendredi 13 chapitre
1313. On perd l'atmosphère froide, oppressante, lancinante, presque clinique de
Ring, au profit d'un suspens bon enfant, plein d'éclairs, de flashes et de
séquences chocs très discutables (dont un suicide grotesque dans une baignoire).
Parfois, comme je le disais au début, au détour d'un plan, Verbinski parvient à
créer un peu de cinéma, c'est déjà beaucoup. Mais c'est bien peu. The Ring serait une œuvre originale, on pourrait l'apprécier pour son horreur
sophistiquée, troublante et ses surprises surprenantes. En tant que remake,
c'est la consternation qui domine. Les écarts par rapport à Ring sont tous regrettables et le reste n'est que du copier/coller. Intérêt de la
chose ? Rapporter un peu d'argent en profitant d'un public qui ne sait même pas
que Ring existe ou alors qui a un problème avec le cinéma
asiatique. Un public douteux pour un film douteux, quoi. Et si vous n'avez pas
accroché à Ring, vous n'accrocherez certainement pas à The
Ring. Cela règle la question. The Ring est une œuvre qui
ne s'adresse à personne. |
Laputa - Le Château dans le ciel
de Hayao Miyazaki
Comment retrouver ses premières émotions cinématographiques ? Vous savez, quand
vous étiez petits, les premières fois où l'on vous a emmené au cinéma, avec vos
parents, avec l'école, avec des amis. Et même les premières fois où devant la
télévision vous avez été happés par un film, un Hitchcock, un Spielberg, un John
Ford, un David Lean, un Disney. Comment retrouver cet émerveillement une fois
les années passées ? Quand vous avez vu plein de films et que la chair est
triste, hélas ! Et bien il suffit d'aller voir un Miyazaki en salles. Même un
"vieux" Miyazaki, datant de 1986 (mais il est quasiment impossible de s'en
rendre compte, tant il semble avoir été mis en images la semaine dernière), un
film que l'on nous a caché tout ce temps, en nous le faisant miroiter mais sans
jamais nous le proposer dans les meilleures conditions. Aujourd'hui, des siècles
plus tard, Le Château dans le Ciel (Laputa) est enfin
accessible à tous.
Evoquer le film ? C'est très difficile. Disons que comme tous les Miyazaki, il
s'adresse avec la même force aussi bien aux enfants qu'aux adultes. Quel que
soit notre âge, nous sommes directement touchés par ce que nous voyons, par ce
que nous comprenons. Le Château dans le Ciel est un spectacle
total, qui offre une succession sans failles de séquences d'humour, d'action, de
poésie, de suspens et d'émotions. Disons-le clairement, c'est le film de
divertissement idéal, parfait, intouchable. Tout ce qui nous ravit dans le
cinéma d'aventure est présent à l'écran. Miyazaki parvient à trouver une force
toute littéraire qui transcende l'art cinématographique. On pense à Jules Verne,
bien sûr, à Stevenson, évidemment, mais aussi à tous les récits de voyages, de
quêtes, d'apprentissages, que l'on a pu lire ou que l'on a pu nous lire. Le Chateau dans le Ciel, au même titre que Totoro ou que Chihiro, est une œuvre somme, aussi indispensable que Blanche-Neige ou que La Petite Marchande d'Allumettes.
On
se dit que Miyazaki ne peut plus nous surprendre, tant on a déjà été émerveillé
au-delà des mots par ses films les plus récents, et bien on a tort, car Laputa nous donne à voir des instants inédits. Les thèmes sont les mêmes
: le vol, le vent, les nuages, le ciel, le rapport entre monde de l'enfance et
monde des adultes, l'apprentissage, l'écologie (avec un bouleversant
robot-jardinier), mais le traitement diffère chaque fois suffisamment pour que
l'on ait l'impression de découvrir un film neuf, surprenant, enthousiasmant. La
cohérence magique de l'œuvre de Miyazaki ne l'empêche jamais de créer,
d'expérimenter, d'aller plus loin. Il suffit pour cela de voir l'aboutissement
(provisoire, on le souhaite) qu'est le Voyage de Chihiro.
Le Chateau dans le Ciel s'adresse donc à tous les publics sans jamais
en mépriser aucun. Il réserve suffisamment de mystères, de délicatesse, de
merveilleux et de spectaculaire pour flatter notre âme d'enfant (petit ou
grand). Que dire de plus ? Le film n'a pas vieillit, bien au contraire, il reste
un modèle pour les metteurs en scène d'aujourd'hui. Où retrouve-t-on cette
fraîcheur, pourtant non dénuée de sérieux et de gravité ? Nulle part ou presque.
Parfois chez Pixar, mais sinon... Enfin, je vous l'aurais dit clairement, à
l'heure actuelle, vous ne pouvez pas voir mieux au cinéma. Grâce à Miyazaki, on
retrouve ces moments, parfois si lointains, où l'aventure apparaissait à chaque
coin de notre chambre, de notre jardin, de notre rue.
Le Chateau dans le Ciel est le
plus beau film sortit en salles depuis le Voyage de Chihiro. Tout est dit. |
Gangs of New York
de Martin Scorsese
Peut-on ou non se permettre de parler de déception face au nouveau film
"monstre" de Scorsese ? Gangs Of New York est ambitieux, dans sa
forme et dans ce qu'il souhaite nous raconter. Si le slogan nous dit que
"l'Amérique est née dans la rue", le propos de l'œuvre serait plutôt "l'Amérique
est née dans le sang" et même plus généralement : "l'humanité existe par le sang
qu'elle verse". Cette histoire, Scorsese la conte dans presque tous ses films,
mais cette fois c'est au travers d'une gigantesque reconstitution historique
qu'il souhaite faire passer son message.
Et
c'est peut-être le premier problème de Gangs of New York : être
écrasé par son décorum. Mais aussi par un scénario "grand public" qui n'est
qu'un alibi. La vengeance, la Rédemption, la trahison, etc... Depuis Mean
Streets, Scorsese ne raconte que cela. Gangs of New York est plutôt une régression à ce niveau. L'histoire de vengeance n'est pas très
touchante, ni très bien menée, visiblement le metteur en scène s'est rendu
compte qu'il était en train de faire à nouveau le même film et à préférer
concentrer son imagination pour les histoires secondaires. Tant mieux, car c'est
bien ce qui entoure la trame de base du film qui est le plus intéressant. Mais,
dommage, cette trame de base ne cesse de tirer le film vers le bas. Sans parler
de concessions qui sonnent faux. Le film a été raccourci, l'histoire d'amour est
indigente, certains effets sont énervants et U2 à plein volume c'est pas la
joie. Autre problème essentiel, le casting. Casting schizophrène qui navigue
entre le parfait (Daniel Day Lewis, oscarisable encore une fois) et le
catastrophique (Cameron Diaz dans le rôle de Cameron Diaz). Entre les deux,
Leonardo Di Caprio s'en sort parfois très bien et d'autres fois bien plus mal.
Quant aux seconds rôles, dans l'ensemble ils sont impeccables.
La
première séquence du film tient du chef-d'œuvre, là, il faut bien l'avouer. Vu
au travers des yeux d'un enfant, elle baigne dans une atmosphère qui passe du
rêve au cauchemar tout en flirtant avec le Mad Max surréaliste.
Intense, brutale, filmée avec un panache tout scorsesien, cette scène est tout
simplement la meilleure du film, ce qui ne fait qu'accentuer la frustration qui
nous submerge à la fin du métrage. Car rien n'est du niveau du face à face entre
Daniel Day Lewis et Liam Neeson. Des instants où le spectaculaire rencontre le
mystique sans fausse note, sans que rien ne vienne faire pencher trop lourdement
la balance vers l'un ou l'autre des aspects du film. Sans le moindre doute,
cette ouverture restera parmi les plus grands moments de l'œuvre de Scorsese.
Après, le film n'évite aucun des travers de la reconstitution historique. Le
metteur en scène devient complaisant avec ses décors, ses costumes, ses détails
presque sortis d'un livre d'école. Si dans le Temps de l'Innocence l'obsession du détails et de l'apparence était le centre du propos, ici il est
parfois embarrassant.
Mais à d'autres moments, Scorsese s'évade de son scénario mièvre et de ses
décors hollywoodiens pour plonger au cœur de ce "sang" qui a construit
l'Amérique. Dans ces moments, Gangs of New York flirte
sérieusement avec le chef-d'œuvre. Entre une critique sans détour des USA
actuels et des montées de violence qui clouent au siège, le film se montre sous
son meilleur jour, c'est à dire sale, méchant, satirique, d'une rare justesse.
Dans ces instants, Gangs Of New York apparaît comme la meilleure
œuvre cinématographique sur les USA post-World Trade Center. Parfois, comme lors
du plan final, le symbole est légèrement trop appuyé. Mais parfois, il tombe
merveilleusement juste, comme dans cet extraordinaire plan-séquence où l'on voit
des immigrants débarquer, être immédiatement enrôlés pour partir sur le front de
la guerre de Sécession, ré-embarquer sur un bateau d'où l'on décharge les
cercueils de ceux qui les ont précédés.
Plus tard dans le film, le "Boucher" explique sa manière d'asseoir son règne :
la peur. L'explication fait immédiatement penser aux paroles d'un George W.
Bush. Et les détails de ce genre affluent (notamment dans une scène d'élections
truquées où l'important est de "compter les votes, pas les électeurs"). Après,
il semble peu étonnant que le film ait été mal accueilli aux USA. De la part de
Scorsese, avec de tels moyens, une critique aussi (im)pertinente et
spectaculaire, c'est un seau d'eau lancée sur la bonne âme américaine qui ne
cesse de péter les câbles de la paranoïa et du bellicisme. Oui, le sang est
inévitable, le pouvoir et la vengeance font tourner le monde, mais le prix à
payer ne cesse de terrifier. Au final, personne n'a tort, personne n'a raison,
et chacun se retrouve avec sa conscience, chacun se retrouve main dans la main,
enseveli dans la même terre.
Malgré les réserves inévitables que j'ai évoquées plus haut (un scénario parfois
niais, des longueurs ou des ellipses brutales, Cameron Diaz (non, franchement,
là, non, tout mais pas Cameron Diaz), des tics de mise en scène un peu facile
(mettre le son à fond pour faire battre le cœur plus vite, oui, bon, d'accord,
c'est efficace)...), Gangs Of New York reste un film hors normes.
Mais décevant. Car l'on sait très bien que Scorsese aurait pu faire mieux. Que
l'on revoit Raging Bull, Taxi Driver ou même Les Affranchis. Il y a dans ces œuvres une humanité, une émotion
contenue, une force, supérieures à tout le faste déployé dans Gangs of New
York. Mais il faut applaudir au propos du réalisateur, à son talent, à
la performance "bigger than life" de Daniel Day Lewis et à la splendeur de
l'ensemble du film. |
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