Lovely bones
de Peter Jackson
Le
mélodrame Hollywoodien est un genre dominant, jamais passé de mode,
multi facettes mais aisément reconnaissable. Il y faut sa dose de
larmes et de rires, d’action et de sentiments et surtout une belle
leçon sur la vie, l’amour et la mort. Alors d’Autant en
emporte le vent à Titanic en passant par Love story ou Rain Man, la liste des succès
est infinie. Avec Lovely bones, Peter Jackson apporte
sa pierre à l’édifice, avec un étrange thriller guimauve prêt à
désarçonner les spectateurs.
Le
réalisateur du Seigneur des anneaux retrouve ici la
veine de Créatures célestes, dont il est loin
d’atteindre la perfection. Mais, sans mal, on retrouvera à chaque
plan la patte du Néo-zélandais. La vraie star ici c’est la mise en
scène, bien plus que les acteurs (sous employés pour la plupart,
Rachel Weisz fait de la figuration pure et dure) et bien plus que
l’histoire (prétexte à faire pleurer dans les chaumières). Certes on
notera que la jeune Saoirse Ronan est excellente dans le rôle
principale et que, oui, les passages à suspens valent le détour ;
mais la force du film réside dans sa bizarrerie, si Jacksonienne.
Du
glauque et du kitsch, de l’horreur et des nuages roses, rien de
surprenant pour le réalisateur qui joue une nouvelle fois les
équilibristes. Œuvre fragile, Lovely bones ne résiste
pas une seule seconde au cynisme. Ce n’est pas pour rien que l’on
pense plus d’une fois à The Fountain, et pas seulement
pour le thème musical de Brian Eno, voisin de celui créé par Clint
Mansell. Comme le film d’Aronofsky, celui de Peter Jackson peut
prêter à sourire par sa naïveté et émouvoir dans le même mouvement.
Par moments, le metteur en scène va trop loin, déborde dans
l’esthétique publicitaire et l’angélisme. La plupart du temps, sa
maîtrise surprend. Lovely bones danse au bord du
gouffre sans jamais y tomber totalement, malgré une conclusion qu’on
trouvera au choix exaspérante ou bouleversante.
Pourtant, le film déploie des trésors de séduction, jusqu’à demander
à Michael Imperioli (le Christopher des Sopranos) de
servir sa meilleure imitation d’Al Pacino dans le rôle du flic de
service. Un léger goût de trop peu (dans la caractérisation des
personnages) et de trop plein (le rythme y gagnerait avec un bon
quart d’heure de moins) empêche de s’enthousiasmer. C’est donc une
légère déception et en même temps un vrai bonheur. Mais pour
ressentir cela il faudra à la fois aimer le cinéma de Peter Jackson
et ne pas rechigner à verser sa petite larme devant les histoires
tristes. Dans ce cas là, Lovely bones vous apparaîtra
comme l’un des mélos les plus originaux et charmants de ces
dernières années. Et pour qui acceptera de succomber totalement, il s'agit d'un crève-coeur inoubliable qui grandit à chaque nouvelle vision. |
Jusqu'en enfer
de Sam Raimi
Rendre hommage à Rendez-vous avec la peur de Jacques Tourneur, tout en le parodiant. De n'importe qui d'autre que Sam Raimi, on prendrait cela comme une insulte, une provocation. Mais nous sommes ici bien loin des affreux remakes qui viennent salir les souvenirs (Vendredi 13, Fog, La Malédiction & co). Formidable comédie gore à l'ancienne, Jusqu'en enfer brille par son ludisme dégueu. C'est regressif au possible, un peu dans la veine de l'intouchable Evil Dead 2. Mais on adhère, on se réjouit, on s'amuse comme un gosse, ou plutôt comme un ado accro à l'horreur cynique. Alison Lohman, craquante blondinette faussement fragile, y est étincelante. Dans le rôle du Coyotte de Chuck Jones, face à un démon "bip-bip" très cruel, elle est la victime idéale. Son calvaire nous enchante. |
Star Trek
de J.J. Abrams
Qu'attendre à la fois d'une franchise dont les très grandes heures semblent de plus en plus lointaines (la série Next Generation, chef-d'oeuvre absolu du petit écran) et d'un petit créateur malin qui demande encore à faire ses preuves (J.J. Abrams, pour le nommer) ? Et bien pas grand chose, ce qui rend la découverte de ce Star Trek "nouvelle nouvelle nouvelle génération" d'autant plus plaisante. C'est un gros blockbuster de SF, peaufiné avec tendresse. Abrams ne renie en rien le kitsch de cet univers si cher aux coeurs des geeks. Il en remet une couche sur les concepts spatio-temporels plus ou moins fumeux et emballe des séquences spectaculaires qui flirtent souvent avec le lyrique. S'il faut un peu de patience pour entrer dans ce monde d'initiés, nous sommes largement récompensés. Fort joliment rythmé, Star Trek garde le meilleur pour la fin, en particulier un final explosif qui mérite sa place parmi les grands moments du space opera. Vivement la suite. |
District 9
de Neill Blomkamp
C’est le jour de
la crevette ! C’est un peu ce que l’on pourrait s’exclamer, en
parodiant Un jour sans fin, à la vision de District 9, le sympathique blockbuster fauché surgit
d’Afrique du Sud. S’il y a bien une qualité à cette œuvre, inégale
mais attachante, c’est la générosité. Le réalisateur Neill Blomkamp
veut tout faire, condenser tous les styles et tous les thèmes de la
science-fiction en moins de deux heures. Forcément, ça ne marche
pas, ça ne tient qu’à peine debout. C’est déjà ça.
Les crevettes de
l’espace sont les SDF de demain, les minorités du futur. La bonne
idée. Et que se passerait-t-il si un humain devenait paria ? Et si
on se refaisait Like a rolling stone, en images ? Avec des
lasers, et des armures robotisés, ça serait cool. Même qu’on
pourrait rendre lourdement hommage à La Mouche,
histoire d’essayer de mettre de l’émotion dans la grosse machinerie.
De bonnes intentions, y a pas à dire. A l’écran, c’est un joyeux
bordel, qui manque un peu de rythme. Impossible d’être méchant avec
une aussi adorable série B. Des comme ça, au cinéma, on n’en voit
presque plus. Faut les encourager, faut pas les effrayer. |
Inglourious Basterds
de Quentin Tarantino
Voilà un film
bien embêtant. A moitié brillant, à moitié nul. Un film pour tester
son moral, d’une certaine manière, pour voir si on perçoit le verre
à moitié vide ou à moitié plein. On en ressort gêné. Il y a de
bonnes choses, voyez-vous. La mise en scène, bien belle, les audaces
de la narration, parfois plaisantes, des scènes ici et là. Comme
cette séquence de suspens dans une taverne française, superbement
écrite et construite. Malheureusement, le film n’existe que par
bouts, sans vraiment de liant.
L’inégalité de
l’interprétation (certains comédiens frôlent la nullité pure et
simple) n’aide pas à s’attacher aux personnages. Pour preuve, un
final complètement bancal dans une salle de cinéma, où les
excellentes idées le disputent au ridicule (la mort d’une
insupportable héroïne, en particulier). Et puis cette violence dont l'aspect excessif n'est pas forcément approprié dans ce cadre-ci. On en viendrait presque à prendre fait et cause pour les nazis lors de certains moments d'extrême barbarie perpétrée par les "gentils". Est-ce le but recherché ? On peut en douter. Derrière tout cela plane de
surcroît l’ombre envahissante de Quentin Tarantino, de plus en plus
sûr de son génie, qui se regarde (et s’écoute) filmer avec un amour
onaniste souvent lassant. C’est dommage, c’est du gâchis, la grande
œuvre s’est éparpillée aux quatre vents du narcissisme. |
Harry Potter et le Prince de sang-mêlé
de David Yates
Quand
on arrive au sixième chapitre d’une saga dont le moindre film fait
2h10, est-il encore besoin de préciser que si l’on n’aime pas Harry Potter ce n’est même pas la peine de se déplacer ? Les
camps sont assemblés depuis longtemps. Ce nouveau volet, qui suit la
veine identique au précédent (forcément, c’est le même réalisateur),
s’avèrera tout à fait satisfaisant pour les fans et laissera les
autres de marbre. Visuellement, c’est magnifique, et on peut
difficilement imaginer superproduction mieux peaufinée à l’heure
actuelle. C’est nickel, rien ne dépasse, pas la moindre aspérité
dans la forme, et encore moins dans le fond. Harry poursuit son
apprentissage vers l’âge adulte. La mort rode, le sexe tourmente, la
crise s'installe... C’est bien écrit, bien interprété, toujours un
peu longuet, mais cette fois on annonce le chapitre final, donc le
suspens se maintient correctement. On aurait aimé plus de souffle,
plus d’audace, quelque chose qui nous fasse vraiment vibrer. On se
contentera du travail bien fait. |
RTT
de Frédéric Berthe
Une
comédie française dans laquelle Kad Merad enfourche une bicylcette
et roule n’importe comment avant de finir dans tables d’un
restaurant, ça vous dit quelque chose ? Oui, c’est bien de RTT dont il s’agit ! C’est même l’ouverture du film, seule scène
d’action qui fasse à peu près illusion dans ce mélange improbable
entre humour potache, romantisme surréaliste et thriller mou comme
un flan. RTT est une ode à Kad, encore plus que Safari ou que Mes stars et moi. Dans un rôle
d’une originalité folle, le comédien se fait larguer par sa
compagne, tente la reconquérir, pour finalement emballer la petite
voleuse tête à claques.
Kad
en héros de 'buddy movie' et tombeur de ces dames, c’est aussi
crédible qu’Ophélie Winter en Marie Curie. Mais comme le film pousse
très loin les contre-emplois, on nous vend Manu Payet en inspecteur
dur à cuir à qui on l’a fait pas et Mélanie Doutey en déesse du
kung-fu. Forcément, rien ne fonctionne, jusqu’à l’absurde. Ne
sachant plus quoi faire, ni à quel genre se vouer, le réalisateur
verse dans les gags les plus misérables (homophobie propre, une
scène de pipi consternante, des gens qui tombent et se cognent à
n’en plus finir…). A côté de cela, les quelques séquences
« spectaculaires » désolent au plus haut point. Il faut voir la
poursuite en bateau pour bien le comprendre.
Le
degré d’amateurisme est tel qu’on se retrouve devant un festival
ininterrompu d’invraisemblances délirantes. Le film serait presque à
conseiller aux amateurs (pervers) de ce genre de choses, tant il est
un (petit) cas d’école. On croirait presque les grandes heures des
pires Gendarmes de St Tropez et des plus navrants Charlots revenues. Mais il manque ici la vraie touche
nanar, celle qui fait sourire à retardement, celle qui transcende la
consternation pour créer l’attachement. RTT n’a rien
de sympathique, à part peut-être pour les fans hardcore de Kad, et
encore. Il s’agit du degré le plus faible du divertissement à la
française, impossible à conseiller, même avec la plus coupable des
indulgences. |
Là-haut
de Pete Docter
Cela paraît
désormais attendu, prévisible, presque grotesque. Le nouveau Pixar
est une merveille, un bonheur, un énième chef-d’œuvre pour mille et
une raisons qui le rendent unique dans le corpus, presque sans
faille, du studio. Personne à l’heure actuelle n’approche cet idéal
de divertissement tout public qui parvient à allier humour, émotion,
intelligence, dans un cadre toujours plus brillant. Un an à peine
après Wall-E, Là-haut est une nouvelle
révolution, ne serait-ce que par son utilisation simple et immersive
de la 3D. D’un coup le cinéma semble se dévoiler sous un jour
nouveau, offrant à la mise en scène des perspectives inédites.
Mais ce n’est
pas que par sa forme que Là-haut nous transcende,
c’est tout simplement par ce qu’il raconte. Pour preuve un premier
quart d’heure incroyable qui nous saisit à la gorge comme
généralement seules les conclusions déchirantes peuvent le faire. Et
ce n’est que le début ! Entre rires immenses (« I hid under your
porch because I love you ») et larmes sincères (« Things I
want to do »), Là-haut bouscule tout sur son
passage, mais avec une grâce infinie. On a beau s’attendre à la
qualité de chaque nouveau Pixar, la surprise est toujours immense.
Ces gens font toujours plus fort, jamais dans le mineur, ni le
routinier. Une constance dans le talent qui
provoque l’incompréhension de l’esprit critique et qui commence à en
énerver beaucoup, dégoûtés par tant d'art cinématographique.
Alors peu
importe en fait, Là-haut dit tellement de choses sur
tellement de sujets différents, avec tant de nuances et de douceur
que l’on dépose les armes. On pourra nous traiter d’aveugle, on s’en
moque. C’est encore une œuvre qui peut changer la vie, l’accompagner
longtemps, pour toujours. Que peut-on ajouter à cela ? |
The Reader
de Stephen Daldry
Oublier le
manichéisme et se jouer des clichés. Une histoire d’amour fortement
improbable, mais traitée sur le ton de l’ambigüité, presque
malsaine, au final émouvante. C’est un conte. Horrible et délicat.
Une nazie, jamais repentie, rustre et dominatrice, bombe atomique
brisée, se passionne par un gamin vaguement intellectuel. Sur le
papier c’est ridicule. Au cinéma, c’est magnifique. Bien sûr, il y a
Kate Winslet, prodigieuse, à tomber raide, la seule à pouvoir nous
faire croire à une histoire pareille. Une manière de dépoussiérer
les musées, les mémoriaux, les commémorations. Avec du sexe et des
bouquins bien vivants. Un film étrange, impossible à saisir,
fascinant mais jamais fascisant. Tour de force. |
Bronson
de Nicolas Winding Refn
Jusqu’où peut-on aller pour devenir célèbre ? C’est là finalement
toute la question de Bronson, vrai-faux biopic du plus
fameux prisonnier d’Angleterre. Le réalisateur Nicolas Winding Refn
l’affirme : peu lui importait la destinée de Michael Peterson, alias
Charlie Bronson, et surtout peu lui importait de tourner un énième
huis-clos carcéral hardcore. L’essence de cette œuvre unique se
retrouve dans le processus de création qui transforme un pitoyable
criminel sans aucun talent en une superstar mégalomane.
Sous
la forme d’un One Man Show déviant, tour à tour ténor ou clown,
Charlie Bronson se raconte, mettant son existence en scène comme une
série de sketches inoubliables. Grâce à l’incroyable performance de
Tom Hardy (« le rôle d’une vie », comme on dit), le malfrat à
l’accent anglais à couper au couteau se dessine par-delà tout
jugement moral. L’une des forces du scénario est ainsi de ne jamais
nous permettre de nous identifier à Bronson. Victime ou bourreau ?
Pathétique ou génial ? Brute dégénérée ou artiste incompris (et
incompréhensible) ? La liberté d’interprétation est sans limite.
La
mise en scène de Refn, qui revendique l’influence de Kenneth Anger,
souligne cet indéterminisme. Ici des plans fixes aux détails
grotesques hérités du cinéma scandinave, là une dynamique du montage
qui rappelle les meilleures heures de Danny Boyle, toujours un
souffle d’idées étonnantes. Grâce à une bande son géniale (partagée
entre pop électro et airs d’opéra), Bronson enchaîne
les scènes percutantes (la fête dans l’hôpital psychiatrique, tous
les combats…).
Mais
l’œuvre pourrait aussi se résumer par un premier et un dernier quart
d’heure sublimes. La conclusion, fantasmée, lorsque Charlie Bronson
conjoint ses aspirations d’artiste raté et ses pulsions bestiales
restera, sans doute, l’un des plus grands moments de cinéma de
l’année 2009. Tout comme le film dans son ensemble, qui confirme le
talent de Nicolas WInding Refn qui a gagné depuis Pusher une maturité renversante. Inclassable, hilarant, traumatisant, trash
et beau, Bronson va vous prendre au dépourvu,
bousculer toutes vos attentes, et vous enthousiasmer comme jamais. |
Brüno
de Larry Charles
Voilà, Sacha
Baron Cohen nous refait le coup du faux documentaire, du faux
étranger naïf, du faux accent rigolo et de la vraie bêtise de ses
compatriotes américains. Borat 2 ? Seulement en
partie. Sans doute échaudé par les multiples procès organisés par
les personnes abusées par l’acteur, Larry Charles et Cohen mettent
la pédale douce sur les pièges. Même s’ils essaient encore de nous
faire croire qu’ils ont trahi la confiance de plein de monde, les
ficelles sont nettement plus visibles. En résulte une œuvre bancale
et longuette, traversée par de formidables éclats comiques.
Plus encore que Borat, Brüno repose sur le trash, le
crade, l’outrancier. Le début du film, situé en Europe et dans le
milieu de la mode, s’avère hilarant. La séquence de cul entre le
personnage principal et son amant pygmée est un morceau de bravoure.
Un peu plus loin, l’émission de TV de Brüno ainsi qu’une fausse
fellation anthologique, réjouiront tous les amateurs d’ignominie
régressive. On a beau avoir de plus en plus l’habitude de la
transgression dans la comédie américaine, c’est ici du jamais vu. Le
film est fréquemment hardcore et d’un mauvais goût constant.
Malheureusement,
passé la première partie les rires se font de plus en plus rares.
Dès que le film se tourne vers davantage de « scénario » au dépend de la succession de sketches, la vacuité totale du propos, les
facilités grossières, tout se retourne contre Cohen. Les séquences
ne fonctionnent plus (les chasseurs, les échangistes) et l’on se
demande où tout cela va nous mener. Malgré un beau final, l’ensemble
se révèle bien en deçà de la petite révolution de Borat.
En particulier parce que l’aspect politique et social est ici quasi
inexistant ou trop évident (les rednecks sont des homophobes, quelle
révélation !).
Les guest stars
sont moins savoureuses (à part l’apparition éclair d’Harrison Ford)
et les gags ont tendance à s’étirer bien au-delà du raisonnable.
Malgré tout, l’affection que l’on peut porter à Sacha Baron Cohen, à
sa folie furieuse, à son absence de limites, permet d’être
indulgent. Les scènes drôles à pleurer, même si peu nombreuses,
laissent un souvenir assez intense. Il faudra pourtant réserver Brüno aux fans du « pipi caca stouquette » qui y
trouveront sûrement leur compte. Les autres pourront légitimement
être déçus ou carrément passer leur chemin. |
Whatever works
de Woody Allen
Woody Allen est
revenu à New York. Sa ville, sa passion, son énergie vitale. La
symbiose entre le réalisateur et Big Apple est proverbiale,
évidente. Au point que l’on estimait que le monsieur avait largement
fait le tour de tous les recoins et de toutes les possibilités de
Manhattan et de ses habitants. Le départ pour d’autres contrées fut
salvateur, mais aussi signe d’une grande période de doutes. Un coup
de génie (Match point) engendra aussitôt des œuvres
mineures et manquant de plus en plus d’inspiration (en particulier Scoop et Vicky Cristina Barcelona). Et
surtout le gars Woody avait pris un méchant coup de vieux et
semblait plonger dans une déprime durable. La solution ? Le bain de
jouvence dans les rues bruyantes de sa ville.
Ce qui aurait pu
être un radotage complaisant se transforme avec Whatever works en un best of réjouissant. L’essence du cinéma de Woody Allen se
retrouve ici, des monologues misanthropes à la tendresse qui pointe
par éclats. En se dissimulant derrière la caméra et en demandant à
Larry David (co-créateur de Seinfeld et héros de Larry et son nombril) de le remplacer, le réalisateur
retrouve toute sa verve comique et sa générosité humaine.
Finalement Whatever works ne nous apprend rien de nouveau sur le
cinéma et la pensée de l’auteur, mais tout y est présenté avec une
bienveillance et une émotion renouvelées. Evan Rachel Wood remplace
avantageusement Scarlett Johansson dans le rôle de l’ingénue et le
jeu de l’amour et surtout du hasard se déploie dans toutes ses
possibilités. Dans le même temps, Allen se réconcilie avec son âge,
son univers et le fait que le cours des choses, totalement
chaotique, n’est pas forcément une source d’angoisse. Après tout, du
moment que cela nous rend heureux…
En livrant à la
fois sa comédie la plus réussie depuis au moins Harry dans
tous ses états et une œuvre positive, bienheureuse et au
final très émouvante, Woody Allen nous apparaît ressuscité. Comme
revenu d’entre les morts après Scoop, plus vivant que
jamais. Whatever works c’est son La Vie est
belle, son petit Frank Capra en miniature. Pour les fans
comme pour les autres, difficile d’imaginer plus beau cadeau. |
Public enemies
de Michael Mann
Ne réveillez pas
un gangster qui dort ? C’est un peu le programme de Public
enemies, le nouveau valium de Michael Mann. Moins hideux que Miami Vice, mais une nouvelle fois filmé en HD avec de
gros pixels et de beaux flous (surtout la nuit), le nouvel opus du
réalisateur promet énormément et ne délivre pas grand-chose. Sur un
canevas ultra-classique se déroule l’existence "mouvementée" de John
Dillinger (Johnny Depp qui serre les dents), braqueur star de
l’Amérique des années 30. A ses trousses, un flic tenace (Christian
Bale, qui serre les dents encore plus fort) ; dans son cœur, l’amour
de sa vie (Marion Cotillard, qui sert à rien). Il y aurait matière à
la fresque, ou alors au polar bien nerveux, voire au biopic qui
passionne. Rien de tout cela, tant la construction dramatique de
l’œuvre prend bien soin d’éloigner le spectateur au fil de 2h10 qui
semblent interminables. Même les scènes d’action se déroulent dans
l’indifférence. A part l’attaque de la cabane dans les bois, une
nouvelle fusillade en forme de morceau de bravoure, dont Michael
Mann nous abreuve presqu’à chaque fois.
C’est long,
long, terriblement long. Et cela se voudrait ultime, le genre de
film qui vous tire par la manche pendant que vous vous endormez dans
votre fauteuil en vous hurlant dans les oreilles : « Tu le sens bien
mon gros chef-d’œuvre !! ». Non, on ne le sent pas, comme Johnny
Depp et Christian Bale, on sert bien fort les fesses et on attend
que ça se termine. Mais ça n’en finit pas. Ca repart pour un quart
d’heure. Une demi-heure. Trois heures. On ne sait plus. On perd la
notion du temps. On éprouve. Public enemies, un
bonheur pour masochistes. |
Transformers 2 : la revanche
de Michael Bay
Peut-être le
blockbuster le plus débile de l’histoire (malgré la forte
concurrence), Transformers 2 : la revanche nous fait
atteindre une étape fascinante. Plus besoin de scénario, de
personnages, plus besoin de soigner un minimum la technique, le
divertissement ultime se conçoit au degré zéro. A partir du moment
où le concept est bon (le public adore les robots qui font
boum-boum) et les effets spéciaux corrects, la victoire est sans
péril.
Mis en scène par
le sagouin suprême (l’inénarrable Michael Bay), Transformers 2 avance au hasard, par bouts de scène, par plans. Sans même se
préoccuper de cohérence ou de bon goût, rien ne compte, si ce n’est
l’efficacité de l’instant. Une fois accepté cette annihilation de
toutes les valeurs cinématographiques, le film procure de grands
éclats de plaisir. Par flash, rarement pendant plus d’une minute, à
part le combat dans la forêt, qui se suffirait presque à lui-même.
Est-ce
recommandable ? Absolument pas. C’est même tellement honteux que
cela en devient assez sympathique. S’il n’y avait cette fascination
maladive pour l’armée et la présence bien insupportable de Megan
Fox, la nouvelle incarnation de la vulgarité. De toute façon, quoi
qu’on en dise, tout le monde (ou presque) va voir ce film, déjà en
passe de battre de nouveaux records du box-office. L’individu est
bien peu de chose face aux jouets… |
Morse : Let the right one in
de Thomas Alfredson
Froid
comme la mort, chaud comme la vie, insuffler une vibrante énergie
dans la léthargie scandinave, faire briller la pénombre de la nuit
avec des monstres et des étoiles. C’est un film chuchoté, comme un
songe, traversé de visions hideuses, comme un cauchemar. Une œuvre
humble, délicate, un tout petit film qui pousse sa retenue jusqu’aux
limites de la prétention, sans jamais y tomber. Avec une économie de
moyens et d’effets, Let the right one in fait
énormément, bâti des merveilles et bouleverse, tout doucement.
Tout
ce que Twilight refusait d’assumer se retrouve ici.
Dans l’acceptation de l’amour impossible, dans la sensualité qui se
conçoit autre, absolument différente. Une relation tellement
physique, fusionnelle, qu’elle en dépasse toute forme de sexualité.
Il a 12 ans, blond comme un suédois de caricature, elle a 12 ans
depuis des siècles, peut-être, ni femme, ni homme, ni adulte, ni
enfant. L’idée géniale est qu’ils ne peuvent ni vivre, ni mourir,
l’un sans l’autre. Chacun est la part manquante, le complément,
l’extériorisation des privations. Rarement le mythe vampirique
n’aura été évoqué avec une telle profondeur, une telle intelligence.
Non
seulement Let the right one in est une œuvre
plastiquement sublime, mais son fond n’est que trésor. Mais dans la
simplicité, jamais dans la facilité. En préservant les mystères, en
cultivant les non-dits, le hors-champ. C’est une histoire pour faire
peur et pour faire rêver. De celle que l’on pourrait fantasmer dans
un accès de misanthropie enfantine. On viendrait s’inventer l’amie
idéale, la copine parfaite, une créature d’un érotisme primitif, qui
serait notre colère et notre tendresse. Let the right one in est de ces films fantastiques respectueux du genre, mais qui
semblent le transcender. De ces perles qui des Innocents à L’Orphelinat en passant par Dark water,
vont plus loin que les oripeaux de l’horreur. Comme des secrets
enfin révélés, ces films usent du cinéma avec tout son langage, pour
mieux enluminer notre part des ténèbres. |
Harvey Milk
de Gus Van Sant
C’est un film
sublime. Une œuvre qui vous cueille l’air de rien, mine de rien.
L’évidence de la narration vient se heurter à la complexité de la
mise en scène pour donner naissance à une justesse inespérée. On
flirte avec le mélodrame, on voisine avec le propos édifiant, sans
jamais totalement y plonger. Film franc et à la fois débordant de
nuances, de non-dits et d’ellipses, Harvey Milk se
présente comme l’apothéose de la carrière de Gus Van Sant. Ses
thèmes fétiches et ses recherches stylistiques s’épanouissent dans
une œuvre accessible mais tout sauf anodine. Le triomphe d’un auteur
qui n’a jamais cessé d’explorer et de défricher, pour mieux toucher,
pour mieux faire ressentir. Bien sûr, on ne peut aussi que louer les
incroyables performances des acteurs, la minutie de la
reconstitution, la belle partition de Danny Elfman… Mais le cœur d’Harvey Milk est ailleurs. Dans sa transcendance du genre
biopic, par exemple, souvent insupportable, sauf lorsqu’il
s’affranchit de toutes les règles. Mais surtout dans cette humanité,
que l’on croit retrouver partout, mais qui se fait finalement si
rare dans l’art. Bouleversant. |
OSS 117 - Rio ne répond plus
de Michel Hazanavicius
Un pays peuplé de racistes qui
s'ignorent, de misogynes souriants, d'antisémites presque honteux,
où le mauvais goût, l'humour nul et la suffisance sont rois ? La
France ! La France d'OSS 117 !
L'espion le plus lamentable qui soit revient au service du Premier
Ministre Georges Pompidou et s'en va traquer le nazi au Brésil.
Accompagné dans ses aventures par une jolie agente du Mossad, un
fasciste hippie et un membre de la CIA rigolard, OSS 117 va se
surpasser. Dans la bêtise.
Si l'effet de surprise n'est plus
là, ce Rio ne répond plus est aussi bien
plus généreux et drôle que le premier opus. Osant tout avec une
méchanceté roborative, le film avance au fil d'un rythme un peu
chaotique qui enchaîne les gags irrésistibles avec d'autres plus
laborieux. C'est leur accumulation et notre propension à ne retenir
que les meilleurs à la fin de la séance qui nous font envisager
l'œuvre avec la plus grande bienveillance.
Il faut dire qu'avec l'excellente
mise en image de Michel Hazanavicius et l'incroyable performance de
Jean Dujardin (qui a définitivement trouvé ici le rôle de sa vie), OSS 117 Rio ne répond plus sort le grand
jeu. Entre références assumées (à Hitchcock, à Spielberg...) et
scènes saugrenues (le bal des nazis, le « groupe hippie », les
fusillades...), le film assure le spectacle avec une certaine
prestance.
Certes il faudra une nouvelle fois
accepter un humour absurde et décomplexé. Ici, pas de tabou. On rit
de tout et d'abord des idées reçues. Les tristes sires pourront même
être choqués, mais ils ne seront même pas entendus, leurs
remontrances étant couvertes par les rires francs des spectateurs
conquis. Car s'il est possible de rire de tout, c'est toujours en
très bonne compagnie. C'est bien en Jean Dujardin , dont on ne
pourra jamais cesser de louer le talent comique, que l'on a trouvé
le meilleur chantre du transgressif de notre époque. En ces temps de
politiquement correct insidieux, un film français aussi libre
s'avère un vrai bonheur. |
Frost / Nixon
de Ron Howard
Nixon vient de démissionner, pris
dans la tourmente du plus grand scandale de la politique américaine
contemporaine, le Watergate. Mais il n'a pas assumé ses
responsabilités et a échappé au jugement. L'ancien président rêve de
revenir sur le devant de la scène, blanchi, le blason redoré. Et
pour ce faire, quoi de mieux qu'une série d'interviews par le plus
célèbre des présentateurs anglais de l'époque ? La manipulation
semble aisée pour un vieux baroudeur comme Nixon. Mais ce David
Frost est-il aussi naïf qu'il le paraît ?
Ron Howard vise la reconstitution
appliquée mais rythmée, menée par le brio de l'écriture et des
interprètes. En ce sens, Frost/Nixon est
une réussite quasi parfaite. Flirtant avec le documentaire lorsque
cela est indispensable (le final de l'interview en particulier,
tétanisant) et empruntant toutes les meilleures ficelles du thriller
politique pour le reste. Pour peu que l'on s'intéresse à l'Histoire
des USA, le film s'avère passionnant. Anecdotes incroyables (la
pingrerie de Nixon servie à toutes les sauces), petits et grands
mots, rebondissements, on n'avait jamais connu Ron Howard si
brillant et dynamique (on est ici à des années lumières du Da Vinci Code).
Bien sûr, la principale force de Frost/Nixon réside en ses acteurs. Frank
Langella a bien mérité sa nomination à l'Oscar, tant il est un Nixon
inquiétant et pathétique. Mais Michael Sheen, toutes dents dehors à
la manière de son Tony Blair de The Queen,
lui tient tête sans mal. Les seconds rôles, de Kevin Bacon à Sam
Rockwell, sont à l'unisson.
On pourra reprocher à l'œuvre de
ressembler à une belle dissertation, presque trop appliquée. Jamais
vraiment ennuyeux, mais jamais génial non plus, c'est le meilleur
devoir de l'élève studieux Ron Howard. De quoi passer deux heures
fort plaisantes à se cultiver sans ressentir le poids de la
poussière qui s'accumule. |
Duplicity
de Tony Gilroy
Le film d'arnaque est généralement
le lieu où les acteurs usent de leurs charmes, les metteurs en scène
se la jouent cool et les scénaristes se défoulent en prenant plaisir
à perdre les spectateurs. Sur le papier, Duplicity a tout pour plaire : un casting en or (Julia Roberts façon Ocean's eleven et Clive Owen version Inside man), un réalisateur-scénariste prestigieux
(Tony Gilroy, de Jason Bourne à Michael Clayton, un sans faute) et une promotion
qui joue autant sur l'intelligence que sur le glamour.
Mais c'est l'impression d'assister
au minimum syndical qui domine. Chacun assure un travail bien fait,
mais sans surprise, ce qui est le comble dans le genre. Pire, la
principale révélation (assez prévisible) intervient au bout de 20
minutes de métrage. Encore plus dommage, le twist final peut aussi
être attendu dès le départ. Le film semble donc perpétuellement à
bout de souffle, essayant en vain d'accrocher le spectateur à une
intrigue qui manque d'enjeux et d'énergie.
Ce n'est pas véritablement la
faute des acteurs, qui font ce qu'ils peuvent avec une certaine
prestance. Julia Roberts, en particulier, n'a rien perdu de sa
beauté et Clive Owen est toujours magnétique. Mais si cela suffira
peut-être aux fans des deux icônes, les autres risquent de trouver
le temps fort long. Ils hausseront les épaules devant cette gentille
comédie romantique, déguisée en thriller industriel un peu trivial.
Même la grande scène de vol dans
les couloirs de l'entreprise ne tient pas ses promesses. On ne
tremble jamais car tout est trop gentil, trop anodin. Tout le monde
y met du cœur à l'ouvrage, parfois dans un cabotinage attendu (Paul
Giamatti, à la limite de refaire Shoot ‘Em Up version cosmétique plutôt que flingues). Et on regarde sa montre en
attendant un énième flash-back sensé bouleverser nos certitudes.
Dans son application, Gilroy lorgne sans cesse sur la copie de
Steven Soderbergh, mais cette virtuosité lui est définitivement Hors d'atteinte... |
Watchmen
de Zack Snyder
Pour adapter le plus
grand des Comics de super-héros qui fallait-il ? Un surdoué de
la mise en scène s’y est cassé les dents (Paul Greengrass). Un
trublion fou y a perdu son temps (Terry Gilliam). Un ambitieux petit
génie a rebroussé chemin (Darren Aronofsky). Tous, avec leurs styles
différents mais très affirmés, ont été terrassés par Alan Moore.
Alors qui ? Un illustrateur. Un simple illustrateur appliqué, un peu
bling-bling, un peu méchant. Le Zack Snyder de L’Armée des
Morts et de 300,
un gentil furieux, un type outrancier qui fonce droit devant lui,
tel un taureau aviné. Une victime idéale pour M. Moore.
Une fois branché
sur le visuel de la bande-dessinée, Snyder s’est mis en pilotage
automatique. Reprenant soigneusement toutes les scènes, toutes les
répliques, tous les concepts. Il ne manque (presque) rien. Les
quelques points d’adaptation ne seront décelés que par les
connaisseurs les plus pointus. Le reste n’est que mise en animation
de l’œuvre de Moore et Gibbons. Ni plus, ni moins. Ce qui en fait
non seulement le meilleur film tiré de l’auteur de From Hell,
mais aussi le meilleur film de super-héros. Pas dur. Mais joliment
joué.
Car Snyder n'est
pas stupide, il a bien compris que tout était là et qu’il n’y avait qu’à
se pencher sur les planches de la BD pour récolter l’or et les
diamants. Peu importe le reste, tout le monde est aspiré par le
génie de Moore. Les acteurs ? Très biens, mais c’est normal, même la
pire gueule de minet de série TV est transcendée. La musique ?
L’éternelle compilation de tubes de bon goût (Dylan, Hendrix…). La
mise en scène ? Gorgée de ralentis jusqu’au gag, elle finit par
ressembler à des cases de BD. Figées à nouveau. Dans le mouvement.
C’était la meilleure idée de 300, c’est encore plus
beau dans Watchmen.
Car le film est
beau, oui, à s’en décrocher la mâchoire. Et par moment on en aurait
presque la larme à l’œil de voir ces images que l’on connaît par
cœur se mettre à vivre, en couleurs clinquantes, en trois
dimensions, en éclats baroques. Se sentant écrasé par l’œuvre,
Snyder prend parfois la clef des champs, en versant dans un second
degré salvateur (hilarante scène d’amour entre le Hibou et le
Spectre Soyeux).
Watchmen,
le film, déborde de la présence de personnages aussi passionnants
que Rorschach, Le Comédien ou le Dr. Manhattan. Ils sont là, dans
leurs ambigüités, dans toute leur monstruosité attachante.
Plus grand que tout, car se situant au-delà des genres, il
ne s’agit plus d’un film de super-héros, et presque pas d’un
divertissement. C’est le blockbuster qui s’appuie sur tous les
autres, les incluant, les parodiant, les critiquant, les dévorant. Watchmen a toujours été une œuvre de destruction
massive. Son incarnation cinématographique, improbable, difforme,
ricanante, sublime, remet toutes les pendules à l’heure. Celle de
l’Apocalypse. |
Picnic
de Adrian Sitaru
Un couple
adultère va faire un pique-nique, un dimanche, au bord de l’eau. Sur
la petite route de campagne roumaine, ils percutent une prostituée
sortant subrepticement des bois. Tout d’abord, ils la croient morte,
donc ils l’embarquent sur la banquette arrière, comme n’importe qui
aurait fait, sans doute pour la manger plus tard. Mais non, elle est
bien vivante. Et va passer le dimanche au bord de l’eau avec nos
deux naïfs amants, chacun à leur tour soumis à la tentation de la
gironde péripatéticienne à moitié nue.
Le tout est
filmé en caméra subjective, passant d’un protagoniste à l’autre. Picnic justifie même toute son existence ainsi, vu que la
narration est aux abonnés absents. Donc les personnages, la caméra
et le spectateur regardent la route, la rivière, l’herbe, le ciel et
souvent les autres acteurs. Ce qui donne lieu à de grands moments de
comique involontaire, surtout que le réalisateur s’évertue à bien
cadrer Flora Ioana au niveau du soutien-gorge.
On somnole donc,
gentiment, entre deux sourires. Il y a une telle application dans le
dispositif et une telle abnégation des comédiens à jouer comme des
loutres, qu’on finit par trouver Picnic assez
attendrissant. Pendant un instant on en vient à espérer que tout ce
petit monde se taise et se contente de regarder le ciel, avec nous.
En écoutant les grillons roumains, et leur chant mélancolique. On
s’endormirait en rêvant de la campagne. Et ça serait bien. |
Doute
de John Patrick Shanley
Les tourments de la Foi religieuse
et les petits secrets qui se murmurent dans les cloîtres sont l'une
des premières bases de la création artistique. Les œuvres en tout
genre qui questionnent la croyance sont innombrables. Doute vient apporter son humble pierre à l'édifice en
choisissant la voie d'une ambigüité soigneusement distillée. Le but
du film étant de faire peu à peu perdre les certitudes du
spectateur, sa réussite peut se juger à notre état d'esprit en
sortant de la salle. Le prêtre progressiste est-il victime du
fanatisme dogmatique de la vieille bigote ? Ou bien est-il un
pédophile qui se dissimule derrière ses belles paroles ?
Doute peine à cacher ses origines théâtrales. Découpé en autant de scènes
et d'actes, se résumant à des confrontations dans des lieux uniques,
la forme du film se fonde sur de très vaines tentatives de mise en
scène cinématographique. La réalisation de John Patrick Shanley est
le gros point faible de l'œuvre. Le monsieur se contentant bien
souvent de faire des plans de travers pour imager le désarroi et les
conflits. Ce vrai-faux académisme maladroit suffirait à nous faire
sortir de l'histoire.
Heureusement, Doute vaut surtout pour les performances des acteurs principaux. Toujours
la plus grande comédienne de la planète, Meryl Streep offre une
énième performance formidable. Philip Seymour Hoffman, Amy Adams et
Viola Davis ne sont pas en reste. Grâce à leur intensité, le film
atteint ses objectifs et parvient à nous faire douter, nous laissant
perdu et perplexe. Et ne pas savoir à quel saint se vouer, au final,
est un sentiment des plus plaisants. |
Les Noces rebelles
de Sam Mendès
L'horreur lancinante du couple, l'effroi cotonneux du quotidien, les prisons que
l'on se construit tout seul, ce sont les territoires que Sam Mendes ne cesse
d'arpenter depuis American beauty. L'inexorable dégoût
de la routine qui mène à la rupture (amoureuse, sociale, mentale, physique) et à
l'événement dramatique. Les Noces rebelles est une
variation sur ce thème, mais qui confine ici à la cruauté la plus désespérée. La
rencontre idyllique entre les deux amants est présentée en une scène et, avant
même le générique d'ouverture, nous sommes au cœur d'une histoire déliquescente.
Tout ne sera plus que tragédie et blessures.
Frank Wheeler s'enferme dans le modèle de réussite sociale, tandis que sa femme,
April, fantasme les espaces situés au-delà de la banlieue et du rêve américains. Titanic à l'envers ? C'est ce que l'on pourrait
aisément conclure, tant les retrouvailles du couple mythique se présentent comme
une coda cauchemardesque au film de James Cameron. Un malaise renforcé par le
fait que Sam Mendes est le mari à la ville de Kate Winslet. Offrir un tel rôle à
sa femme s'apparente alors à un exorcisme aussi malsain que fascinant.
Transcendée par cette catharsis, l'actrice y délivre une performance épidermique
dont elle a le secret (et qui devrait, enfin, lui accorder un Oscar). Face à
elle, DiCaprio, étrangement massif et tourmenté, se révèle sous un nouveau jour
en salaud innocent.
Par-delà la force de son thème et de ses interprètes, le film n'évite pas
certaines facilités. Mendes a toujours tendance à sursignifier par sa mise en
scène, et le personnage du fou, qui est bien sûr le plus censé de tous, est un
peu trop théâtral. Mais Les Noces rebelles apparaît
surtout comme une œuvre déchirante, qui rappelle fortement par instants les
grandes éclats d'un Maurice Pialat qui se serait expatrié à Hollywood (pas le
moindre des paradoxes). Et avec beaucoup de justesse et d'ironie, le film
s'achève sur un plan qui en souligne toute l'intelligence. Probablement le
meilleur film de Sam Mendes, Les Noces rebelles impose
sa révolution dans sa violence latente, parfois insoutenable, révélée par des
images et des performances aussi sublimes que désenchantées. |
Slumdog millionaire
de Danny Boyle
Marre de Bollywood ? Allergiques aux voix perçantes et aux chorégraphies
colorées, réjouissez-vous. Danny Boyle nous offre le film indien dont nous
rêvions. Prenant à la fois l’essence de ce cinéma (le mélodrame très appuyé et
l’amplitude de l’histoire), il la plie à son cinéma électrique et cruel. En
résulte Slumdog Millionaire, boule d’énergie palpitante qui donne
envie de tout, sauf d’aller passer ses vacances en Inde…
Les bases de l’histoire sont suffisamment improbables, voire grotesques, pour
intriguer. Une émission de Qui veut gagner des millions ?, durant
laquelle le héros franchit toutes les étapes grâce à son parcours personnel. De
flashback en flashback se dessine une grande histoire d’amour façon Bollywood
mais déchirée par la réalité sordide de la société indienne actuelle. Parfois
extrêmement dures, et même glauques, les pérégrinations des protagonistes ne
sont soutenables que par la certitude que tout cela finira bien.
La force de Danny Boyle c’est de nous entraîner pendant deux heures dans une
aventure évidente mais qui ne nous lâche jamais. Le rythme effréné du scénario
et la virulence de la mise en scène nous saisissent et nous amènent jusqu’à bon
port. De quoi finir ravi de s’être fait balader par le plus classique des mélos,
la plus mignonne des amourettes.
Bien sûr, le réalisateur ne peut pas s’empêcher de tomber dans ses travers
habituels. Le début de Slumdog Millionaire ressemble ainsi à un
gros clip fatigant. Il faut une bonne demi-heure pour s’habituer à ces effets
trop marqués et à ces multiples scènes de poursuites sur-découpées. Mais, comme
souvent avec Boyle, on pardonne ce qui énerve tant chez d’autres. Il y a un tel
plaisir de cinéma, une telle générosité dans les jeux formels doublée d’une
passion pour raconter des histoires simples mais sincères. C’est à la fois malin
et brillant, tendre et cynique. Un petit idéal de 7e art mondialisé,
où le meilleur des uns et des autres engendreraient un classicisme
révolutionnaire. Paradoxal et enthousiasmant. |
L'Étrange histoire de Benjamin Button
de David Fincher
Si Forrest Gump avait été réalisé par un emmerdeur, cela aurait
probablement donné L’Etrange Histoire de Benjamin Button. Mis en image
avec une application chirurgicale, les aventures peu palpitantes de ce bonhomme
qui vieillit à l’envers, se traînent sur près de trois heures. Pourtant, on aime
Fincher, surtout lorsqu’il s’épanche dans l’obsessionnel dépressif. Mais dès
qu’il s’agit de mettre de l’émotion, de la fantaisie, ou tout simplement de la
magie, dans son univers froid comme la mort, c’est la catastrophe. En résulte
cette succession de scènes vaguement répétitives dont les enjeux sont évidents
dès la première bobine. On attend donc, parfois charmé par quelques plans
réussis, le plus souvent déçu par la raideur de l’histoire et de son
illustration.
Benjamin Button est un être plat, sans grande nuance, qui progresse dans sa
régression avec une indifférence qui semble toucher tout le monde, Fincher et
nous réunis. Pire, l’œuvre est parfois involontairement comique (la scène des
premiers pas) ou complètement ratée (la description d’un accident selon les
causes et les effets, passionnante comme un cours de maths). Lorsque l’auteur se
dit, enfin, qu’il faudrait ajouter des larmes dans tout cela, il révèle d’autant
plus sa maladresse en réclamant les mouchoirs avec une insistance qui exaspère.
Benjamin Button est un joli livre d’enluminures, que
l’on imagine très bien en train de prendre la poussière dans une bibliothèque
oubliée. En souhaitant le réalisme et en tournant le dos au conte et au
fantastique, Fincher se prend à son propre piège. Et nous offre ce qui risque de
demeurer la plus grande déception de l’année (qui vient pourtant à peine de
débuter). Aïe. |
The Wrestler
de Darren Aronofsky
Un film sur une star de catch déchue, par Darren Aronofsky, avec Mickey Rourke.
On le répète depuis la présentation du film à Venise (où il a gagné le Lion
d’Or), mais le concept The Wrestler a tout pour terrifier. Le
résultat est une telle réussite, qui crie chef-d’œuvre à chacun de ses plans,
que l’on comprend finalement que tout est normal. Beaucoup des plus grands films
de l’histoire du cinéma se basent sur des idées grotesques, et qui, en les
transcendant, touchent au sublime.
Ici, Aronofsky signe à la fois le film de catch définitif (mais la concurrence
était faible) et peut-être aussi le meilleur des films « de sport » (et là il y
a déjà plus de monde sur le terrain). Dès les premiers instants, où la caméra
suit le personnage de The Ram, filmé de dos, à la manière des Dardenne ou de Gus
Van Sant, on sent que le réalisateur a trouvé sa voie et qu’il ne la lâchera
plus. Pour faire un bon mot, on débute chez Rosetta Balboa. Le lyrisme peut
ainsi naître en toute discrétion, avec d’autant plus de force.
Mais la véritable clef de The Wrestler c’est bien sûr Mickey
Rourke. L’acteur, mille fois sur le retour, déformé par la chirurgie esthétique,
ravagé par ses échecs personnels, n’interprète pas The Ram, il EST The Ram.
C’est un cliché d’affirmer cela, mais pour une fois, exceptionnellement, le
cliché dit vrai. Car on a toujours l’impression que le comédien met tout son être,
tout ce qu’il est, dans ce rôle : sa personnalité de vieille carne butée au
grand cœur, sa vie ratée, sa solitude et surtout sa fierté de bête de scène,
jusqu’au bout, jusqu’au dernier show.
Exalté par son acteur, Aronofsky touche au cœur en permanence. Son film dégage
une humanité sincère, jamais forcée, une simplicité qui bouleverse au plus
profond. The Wrestler hante dès la fin de la projection, à la fois
par sa dernière scène (qui transforme les spectateurs les plus blasés en
midinettes plongées dans leurs kleenex) que par sa force à diffusion lente.
Pendant le film on se laisse porter, on s’enthousiasme et on souffre avec son
héros. Après, c’est toute l’ampleur de l’œuvre qui vient nous renverser. Un choc
inoubliable. |
Ponyo sur la falaise
de Hayao Miyazaki
La Petite sirène plongée dans l'univers unique du
plus grand des conteurs du cinéma d'animation, c'est ce que nous propose Ponyo, le nouveau film d'Hayao Miyazaki. Si la trame de base
est familière, dès la première scène, débordante de détails et de surréalisme
poétique, le réalisateur apporte sa touche inimitable. Le récit est très ramassé
: dans sa durée, le nombre de ses personnages et ses enjeux. Miyazaki revient à
la simplicité qui convenait si bien à Totoro et à Kiki.
Ponyo met en scène deux héros de 5 ans d'âge, ainsi
qu'une galerie de protagonistes tous adorables, même le supposé « méchant »
n'est jamais très inquiétant. Comme toujours chez l'auteur, on retrouve des
caractères féminins forts, en particulier Lisa, la mère hilarante du jeune
Susuke. Ici, à l'inverse de Totoro c'est le père,
marin, qui est absent. Mais ce manque n'apparaît jamais comme dramatique. Car
cette histoire met en valeur les tendances les plus douces et rassurantes du
monde de Miyazaki.
Le
trait du dessin est direct, les décors s'évadent dans les pastels, mais sans que
cela nuise à l'émerveillement, bien au contraire ; en particulier grâce à un
bestiaire délirant, peuplé de poissons préhistoriques ou totalement fictifs. On
retiendra aussi une impressionnante scène de tempête, sans cesse contrebalancée
par un humour omniprésent. Le personnage de Ponyo nous touche dans sa
bienveillance de fillette, encore plus adorable que la Mei de Totoro.
Apportant la magie partout où elle passe, elle incarne la plus pure vision de
l'enfance jamais offerte par le maître japonais.
Après quelques fresques ambitieuses, plus sombres et philosophiques (Mononoké et Chihiro avant tout), Ponyo est une renaissance pour Miyazaki. Un film humble qui ravit par sa tendresse de
tous les instants et même le message écologique est mis un peu de côté. Les
idées surprenantes s'enchaînent sur une nouvelle partition magnifique de Joe
Hisaishi, jusqu'au générique de fin à reprendre en choeur. La concurrence est
sans doute de plus en plus élevée dans le domaine du dessin animé familial, mais
seul Miyazaki peut aujourd'hui nous émouvoir autant en donnant l'impression
d'offrir l'oeuvre la plus évidente et intemporelle qui soit. |
Achille et la tortue
de Takeshi Kitano
Avec Achille et la tortue,
Takeshi Kitano achève (provisoirement) une trilogie consacrée à son rôle
d'artiste. Ici il ne se met plus en scène en tant que cinéaste en pleine crise
d'ego : il devient peintre, son autre passion contrariée. Il s'efface donc en
partie au profit du faux biopic d'un créateur raté qui se dédie depuis l'enfance
à la peinture. Insensible au monde qui l'entoure, le personnage est enfermé dans
un autisme qui sied à merveille au visage impassible de Kitano. Certes, ce
dernier n'apparaît qu'au bout d'une heure vingt, mais l'enfant et le jeune homme
qui l'incarnent dans les deux premiers tiers sont tout aussi convaincants dans
leur marginalité lunaire.
La
réflexion sur la création se fait sur le mode tragi-comique qui servait si bien A scene at sea ou Sonatine. Mais c'est du côté
de la profondeur de Dolls qu'il faudrait chercher la meilleure comparaison dans la filmographie du
japonais. Là où Dolls évoquait l'amour avec mélancolie et cruauté, Achille et la tortue propose quelques unes des perspectives
les plus justes sur les sacrifices propres à l'art.
Derrière un humour très noir, mais irrésistible, c'est toute la détresse du
peintre qui s'exprime, passant son existence à se chercher en vain. Comment
dépasser l'imitation (avec quelques savoureuses parodies d'auteurs célèbres) ?
Comment se trouver un style sans tomber dans le grotesque (avec une ribambelle
de gags fantastiques) ? Et surtout comment vivre, tout simplement, comment
« être » ? Cerné par les tragédies, incapable de s'accrocher aux autres, le
Kitano artiste n'est qu'un fantôme, qu'ironiquement même la mort refuse, alors
qu'elle s'empare de tous ceux qui l'entourent.
Le
salut viendra peut-être de l'amour de la femme qui partage son idéal : une folie
douce à deux, presque sans limite. Même si les oeuvres partent en cendres, il
reste une touche d'espoir au sein de la tristesse déchirante. Achille et la tortue renvoie
la recherche esthétique à sa vacuité. Constat terrible qui semble nous affirmer
que l'art n'est qu'illusion et que son essence demeure inaccessible. Cependant,
l'existence même d'Achille et la tortue,
sa beauté déchirante, sa tendresse paradoxale, répondent à toutes les
interrogations du maître japonais : l'artiste génial existe, il se nomme Kitano,
et son regard sur le monde nous est toujours aussi vital. |
Rachel getting married
de Jonathan Demme
C’est une histoire toute simple, une affaire de famille, avec les squelettes
dans le placard, les vieilles querelles et les non-dits qui stagnent dans les
cœurs. A l’occasion du mariage de sa grande sœur, Kym (géniale Anne Hathaway) se
voit accordée une permission par son hôpital psychiatrique du moment. Déjà, on
sent le sujet lourd, on voit arriver le drame exemplaire. On a peur, car depuis le Silence des Agneaux, Jonathan Demme s’est peu à peu perdu pour la
cause cinématographique.
Le miracle surgit ainsi, à la dérobade, caméra à l’épaule. Il faut une grosse
demi-heure pour entrer dans cet univers, pour en accepter le rythme et les
caractères. Puis c’est la symbiose, l’adhésion, l’identification, le plus grand
des bonheurs. Durant la deuxième heure, on pleure presque sans arrêt. Même, et
surtout, lorsque la fête bat son plein à l’écran. Mélange de libération, jamais
béate, et de serrements de gorge face à ce concentré de réalité qui sonne si
juste et si naturel. Rien n’est plus rebattu que la chronique familiale sur le
vif, on s’en bouffe des brouettes, comme récemment l’insupportable Juno.
En voici la version réussie, avec pourtant, au centre, une actrice que l’on
croyait exaspérante. On ressort de la salle amoureux de Anne Hathaway, ce n’est
pas le moindre des tours de force de Rachel getting married. L’archétype
de l’immense petit film, celui qui semble avoir été conçu pour vous chuchoter
directement dans le creux de l’oreille. |
The Sky crawlers
de Mamoru Oshii
Sur le papier
l'histoire de The Sky crawlers a tout pour
enthousiasmer : des adolescents génétiquement conçus pour ne jamais vieillir
participent à une guerre-spectacle sans fin, essentiellement constituée de
combats aériens. A l'écran, Mamoru Oshii atteint ici le point limite de son
style contemplatif et réflexif, qui privilégie toujours le silence à l'action.
Résultat, il faut vous prévenir tout de suite, il y aura à peine 10 minutes de
virevoltes dans le ciel, disséminées en fragments aussi sublimes qu'extrêmement
frustrants.
Le reste du temps,
le réalisateur s'attarde sur l'attente de ces gamins qui n'ont presque aucun
souvenir, à part ceux relatifs au pilotage et à de vagues réminiscences d'une
existence passée. La question que l'on se pose alors n'est pas nouvelle : un
film sur l'ennui doit-il être ennuyeux ? Oshii ne trouve pas de réponse et
préfère répéter ses thèmes de prédilection, ce qui est plutôt une bonne chose
après l'échec de Tachiguishi retsuden (toujours inédit
en France). Dans l'absolu les questions relatives à l'éternel retour et à la
dépersonnalisation demeurent passionnantes, mais elles sont quasi identiques à
celles déjà posées dans les Ghost in the shell et dans Avalon. De même, impossible de ne pas penser aux Patlabor et à Jin-roh (un
des personnages se nomme d'ailleurs ainsi) lorsque les dialogues se penchent sur
l'absurdité de la guerre.
Mais Oshii ne
parvient paradoxalement jamais à faire décoller son sujet, gâchant un potentiel
énorme. Il préfère filmer son basset fétiche ou un énième protagoniste pensif
avec la clope au bec. Visuellement, ce n'est pas ce que le studio I.G. a fait de
plus remarquable, on est ainsi très loin d'Innocence.
Seules les scènes d'aviation, photo-réalistes, s'avèrent magnifiques. On notera
aussi le design sonore, fantastique, créé par Skywalker Sound, ainsi que la très
belle partition de Kenji Kawaï (mais on en a l'habitude).
On aimerait
tellement être emporté et fasciné par The Sky crawlers,
mais même avec toute la bienveillance qui soit, on s'ennuie et on laisse se
dérouler ce récit prévisible. Les caractères sont à peine esquissés et l'émotion
ne surgit jamais, surtout lors d'un final follement décevant. Ce n'est pas un
crash en plein vol pour Oshii, mais c'est sans doute parce que son film n'a
jamais quitté le sol. |
Twilight
de Catherine Hardwicke
La sexualité a toujours été au cœur du mythe vampirique, en particulier sous la
forme de l’éveil des sens et de la frustration. C’est sur ces bases que le
premier volet de la saga Twilight fonde son univers. Si l’on doit
reconnaître une qualité majeure au film de Catherine Hardwicke c’est d’avoir
retrouvé une partie de ce qui faisait la réussite de sa première œuvre, Thirteen. Les tourments adolescents, gentiment métaphoriques, s’expriment
avec érotisme et nuances. Twilight est ainsi davantage une chronique
sentimentale qu’un film de vampires.
Ceux qui viendraient pour le frisson fantastique, voire le gore, peuvent passer
largement leur chemin. Les séquences à effets spéciaux sont à peine dignes d’un
téléfilm, voire souvent assez ridicules. Le méchant de l’histoire intervient
dans la toute dernière partie, de manière très artificielle, et semble n’avoir
qu’une utilité de béquille dramatique pour ajouter un peu d’action. Twilight pourrait se contenter largement de ses personnages et surtout de son couple
principal, vraiment attachant. Dès que le film dévie un peu de Bella (incarnée
par la très juste Kristen Stewart) et de sa fascination pour Edward (Robert
Pattison, qui évite le ridicule d’un rôle casse-gueule), on peut légitiment
trouver le temps long.
La mise en scène de Hardwicke hésite entre une sobriété bienvenue et des effets
grossiers qui prouvent qu’elle est incapable de gérer les codes d’un
blockbuster. On retiendra aussi l’excellente partition de Carter Burwell (le
compositeur attitré des Coen) qui compense un peu les inévitables chansons pour
radios jeunes.
Bien sûr, on n’échappe pas aux clichés et l’univers décrit demeure assez simple
et naïf. Pourtant son potentiel est indéniable. Le mélange de tendresse et de
menace de la relation Bella/Edward s’avère respectueux de la mythologie héritée
de Dracula et certaines scènes se révèlent réussies. En tant que teen
movie, Twilight fait aisément partie du haut du panier et c’est une bonne
surprise. Il ne faut simplement pas oublier que l’œuvre s’adresse en priorité
aux demoiselles de 17 ans. Et si le spectacle s’avère parfois frustrant, on
finit par comprendre que c’est justement le thème principal du film. |
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