Lovely bones

de Peter Jackson

Le mélodrame Hollywoodien est un genre dominant, jamais passé de mode, multi facettes mais aisément reconnaissable. Il y faut sa dose de larmes et de rires, d’action et de sentiments et surtout une belle leçon sur la vie, l’amour et la mort. Alors d’Autant en emporte le vent à Titanic en passant par Love story ou Rain Man, la liste des succès est infinie. Avec Lovely bones, Peter Jackson apporte sa pierre à l’édifice, avec un étrange thriller guimauve prêt à désarçonner les spectateurs.

Le réalisateur du Seigneur des anneaux retrouve ici la veine de Créatures célestes, dont il est loin d’atteindre la perfection. Mais, sans mal, on retrouvera à chaque plan la patte du Néo-zélandais. La vraie star ici c’est la mise en scène, bien plus que les acteurs (sous employés pour la plupart, Rachel Weisz fait de la figuration pure et dure) et bien plus que l’histoire (prétexte à faire pleurer dans les chaumières). Certes on notera que la jeune Saoirse Ronan est excellente dans le rôle principale et que, oui, les passages à suspens valent le détour ; mais la force du film réside dans sa bizarrerie, si Jacksonienne.

Du glauque et du kitsch, de l’horreur et des nuages roses, rien de surprenant pour le réalisateur qui joue une nouvelle fois les équilibristes. Œuvre fragile, Lovely bones ne résiste pas une seule seconde au cynisme. Ce n’est pas pour rien que l’on pense plus d’une fois à The Fountain, et pas seulement pour le thème musical de Brian Eno, voisin de celui créé par Clint Mansell. Comme le film d’Aronofsky, celui de Peter Jackson peut prêter à sourire par sa naïveté et émouvoir dans le même mouvement. Par moments, le metteur en scène va trop loin, déborde dans l’esthétique publicitaire et l’angélisme. La plupart du temps, sa maîtrise surprend. Lovely bones danse au bord du gouffre sans jamais y tomber totalement, malgré une conclusion qu’on trouvera au choix exaspérante ou bouleversante.

Pourtant, le film déploie des trésors de séduction, jusqu’à demander à Michael Imperioli (le Christopher des Sopranos) de servir sa meilleure imitation d’Al Pacino dans le rôle du flic de service. Un léger goût de trop peu (dans la caractérisation des personnages) et de trop plein (le rythme y gagnerait avec un bon quart d’heure de moins) empêche de s’enthousiasmer. C’est donc une légère déception et en même temps un vrai bonheur. Mais pour ressentir cela il faudra à la fois aimer le cinéma de Peter Jackson et ne pas rechigner à verser sa petite larme devant les histoires tristes. Dans ce cas là, Lovely bones vous apparaîtra comme l’un des mélos les plus originaux et charmants de ces dernières années. Et pour qui acceptera de succomber totalement, il s'agit d'un crève-coeur inoubliable qui grandit à chaque nouvelle vision.


Jusqu'en enfer

de Sam Raimi

Rendre hommage à Rendez-vous avec la peur de Jacques Tourneur, tout en le parodiant. De n'importe qui d'autre que Sam Raimi, on prendrait cela comme une insulte, une provocation. Mais nous sommes ici bien loin des affreux remakes qui viennent salir les souvenirs (Vendredi 13, Fog, La Malédiction & co). Formidable comédie gore à l'ancienne, Jusqu'en enfer brille par son ludisme dégueu. C'est regressif au possible, un peu dans la veine de l'intouchable Evil Dead 2. Mais on adhère, on se réjouit, on s'amuse comme un gosse, ou plutôt comme un ado accro à l'horreur cynique. Alison Lohman, craquante blondinette faussement fragile, y est étincelante. Dans le rôle du Coyotte de Chuck Jones, face à un démon "bip-bip" très cruel, elle est la victime idéale. Son calvaire nous enchante.


Star Trek

de J.J. Abrams

Qu'attendre à la fois d'une franchise dont les très grandes heures semblent de plus en plus lointaines (la série Next Generation, chef-d'oeuvre absolu du petit écran) et d'un petit créateur malin qui demande encore à faire ses preuves (J.J. Abrams, pour le nommer) ? Et bien pas grand chose, ce qui rend la découverte de ce Star Trek "nouvelle nouvelle nouvelle génération" d'autant plus plaisante. C'est un gros blockbuster de SF, peaufiné avec tendresse. Abrams ne renie en rien le kitsch de cet univers si cher aux coeurs des geeks. Il en remet une couche sur les concepts spatio-temporels plus ou moins fumeux et emballe des séquences spectaculaires qui flirtent souvent avec le lyrique. S'il faut un peu de patience pour entrer dans ce monde d'initiés, nous sommes largement récompensés. Fort joliment rythmé, Star Trek garde le meilleur pour la fin, en particulier un final explosif qui mérite sa place parmi les grands moments du space opera. Vivement la suite.


District 9

de Neill Blomkamp

C’est le jour de la crevette ! C’est un peu ce que l’on pourrait s’exclamer, en parodiant Un jour sans fin, à la vision de District 9, le sympathique blockbuster fauché surgit d’Afrique du Sud. S’il y a bien une qualité à cette œuvre, inégale mais attachante, c’est la générosité. Le réalisateur Neill Blomkamp veut tout faire, condenser tous les styles et tous les thèmes de la science-fiction en moins de deux heures. Forcément, ça ne marche pas, ça ne tient qu’à peine debout. C’est déjà ça.

Les crevettes de l’espace sont les SDF de demain, les minorités du futur. La bonne idée. Et que se passerait-t-il si un humain devenait paria ? Et si on se refaisait Like a rolling stone, en images ? Avec des lasers, et des armures robotisés, ça serait cool. Même qu’on pourrait rendre lourdement hommage à La Mouche, histoire d’essayer de mettre de l’émotion dans la grosse machinerie. De bonnes intentions, y a pas à dire. A l’écran, c’est un joyeux bordel, qui manque un peu de rythme. Impossible d’être méchant avec une aussi adorable série B. Des comme ça, au cinéma, on n’en voit presque plus. Faut les encourager, faut pas les effrayer.


Inglourious Basterds

de Quentin Tarantino

Voilà un film bien embêtant. A moitié brillant, à moitié nul. Un film pour tester son moral, d’une certaine manière, pour voir si on perçoit le verre à moitié vide ou à moitié plein. On en ressort gêné. Il y a de bonnes choses, voyez-vous. La mise en scène, bien belle, les audaces de la narration, parfois plaisantes, des scènes ici et là. Comme cette séquence de suspens dans une taverne française, superbement écrite et construite. Malheureusement, le film n’existe que par bouts, sans vraiment de liant.

L’inégalité de l’interprétation (certains comédiens frôlent la nullité pure et simple) n’aide pas à s’attacher aux personnages. Pour preuve, un final complètement bancal dans une salle de cinéma, où les excellentes idées le disputent au ridicule (la mort d’une insupportable héroïne, en particulier). Et puis cette violence dont l'aspect excessif n'est pas forcément approprié dans ce cadre-ci. On en viendrait presque à prendre fait et cause pour les nazis lors de certains moments d'extrême barbarie perpétrée par les "gentils". Est-ce le but recherché ? On peut en douter. Derrière tout cela plane de surcroît l’ombre envahissante de Quentin Tarantino, de plus en plus sûr de son génie, qui se regarde (et s’écoute) filmer avec un amour onaniste souvent lassant. C’est dommage, c’est du gâchis, la grande œuvre s’est éparpillée aux quatre vents du narcissisme.


Harry Potter et le Prince de sang-mêlé

de David Yates

Quand on arrive au sixième chapitre d’une saga dont le moindre film fait 2h10, est-il encore besoin de préciser que si l’on n’aime pas Harry Potter ce n’est même pas la peine de se déplacer ? Les camps sont assemblés depuis longtemps. Ce nouveau volet, qui suit la veine identique au précédent (forcément, c’est le même réalisateur), s’avèrera tout à fait satisfaisant pour les fans et laissera les autres de marbre. Visuellement, c’est magnifique, et on peut difficilement imaginer superproduction mieux peaufinée à l’heure actuelle. C’est nickel, rien ne dépasse, pas la moindre aspérité dans la forme, et encore moins dans le fond. Harry poursuit son apprentissage vers l’âge adulte. La mort rode, le sexe tourmente, la crise s'installe... C’est bien écrit, bien interprété, toujours un peu longuet, mais cette fois on annonce le chapitre final, donc le suspens se maintient correctement. On aurait aimé plus de souffle, plus d’audace, quelque chose qui nous fasse vraiment vibrer. On se contentera du travail bien fait.


RTT

de Frédéric Berthe

Une comédie française dans laquelle Kad Merad enfourche une bicylcette et roule n’importe comment avant de finir dans tables d’un restaurant, ça vous dit quelque chose ? Oui, c’est bien de RTT dont il s’agit ! C’est même l’ouverture du film, seule scène d’action qui fasse à peu près illusion dans ce mélange improbable entre humour potache, romantisme surréaliste et thriller mou comme un flan. RTT est une ode à Kad, encore plus que Safari ou que Mes stars et moi. Dans un rôle d’une originalité folle, le comédien se fait larguer par sa compagne, tente la reconquérir, pour finalement emballer la petite voleuse tête à claques.

Kad en héros de 'buddy movie' et tombeur de ces dames, c’est aussi crédible qu’Ophélie Winter en Marie Curie. Mais comme le film pousse très loin les contre-emplois, on nous vend Manu Payet en inspecteur dur à cuir à qui on l’a fait pas et Mélanie Doutey en déesse du kung-fu. Forcément, rien ne fonctionne, jusqu’à l’absurde. Ne sachant plus quoi faire, ni à quel genre se vouer, le réalisateur verse dans les gags les plus misérables (homophobie propre, une scène de pipi consternante, des gens qui tombent et se cognent à n’en plus finir…). A côté de cela, les quelques séquences « spectaculaires » désolent au plus haut point. Il faut voir la poursuite en bateau pour bien le comprendre.

Le degré d’amateurisme est tel qu’on se retrouve devant un festival ininterrompu d’invraisemblances délirantes. Le film serait presque à conseiller aux amateurs (pervers) de ce genre de choses, tant il est un (petit) cas d’école. On croirait presque les grandes heures des pires Gendarmes de St Tropez et des plus navrants Charlots revenues. Mais il manque ici la vraie touche nanar, celle qui fait sourire à retardement, celle qui transcende la consternation pour créer l’attachement. RTT n’a rien de sympathique, à part peut-être pour les fans hardcore de Kad, et encore. Il s’agit du degré le plus faible du divertissement à la française, impossible à conseiller, même avec la plus coupable des indulgences.


Là-haut

de Pete Docter

Cela paraît désormais attendu, prévisible, presque grotesque. Le nouveau Pixar est une merveille, un bonheur, un énième chef-d’œuvre pour mille et une raisons qui le rendent unique dans le corpus, presque sans faille, du studio. Personne à l’heure actuelle n’approche cet idéal de divertissement tout public qui parvient à allier humour, émotion, intelligence, dans un cadre toujours plus brillant. Un an à peine après Wall-E, Là-haut est une nouvelle révolution, ne serait-ce que par son utilisation simple et immersive de la 3D. D’un coup le cinéma semble se dévoiler sous un jour nouveau, offrant à la mise en scène des perspectives inédites.

Mais ce n’est pas que par sa forme que Là-haut nous transcende, c’est tout simplement par ce qu’il raconte. Pour preuve un premier quart d’heure incroyable qui nous saisit à la gorge comme généralement seules les conclusions déchirantes peuvent le faire. Et ce n’est que le début ! Entre rires immenses (« I hid under your porch because I love you ») et larmes sincères (« Things I want to do »), Là-haut bouscule tout sur son passage, mais avec une grâce infinie. On a beau s’attendre à la qualité de chaque nouveau Pixar, la surprise est toujours immense. Ces gens font toujours plus fort, jamais dans le mineur, ni le routinier. Une constance dans le talent qui provoque l’incompréhension de l’esprit critique et qui commence à en énerver beaucoup, dégoûtés par tant d'art cinématographique.

Alors peu importe en fait, Là-haut dit tellement de choses sur tellement de sujets différents, avec tant de nuances et de douceur que l’on dépose les armes. On pourra nous traiter d’aveugle, on s’en moque. C’est encore une œuvre qui peut changer la vie, l’accompagner longtemps, pour toujours. Que peut-on ajouter à cela ?


The Reader

de Stephen Daldry

Oublier le manichéisme et se jouer des clichés. Une histoire d’amour fortement improbable, mais traitée sur le ton de l’ambigüité, presque malsaine, au final émouvante. C’est un conte. Horrible et délicat. Une nazie, jamais repentie, rustre et dominatrice, bombe atomique brisée, se passionne par un gamin vaguement intellectuel. Sur le papier c’est ridicule. Au cinéma, c’est magnifique. Bien sûr, il y a Kate Winslet, prodigieuse, à tomber raide, la seule à pouvoir nous faire croire à une histoire pareille. Une manière de dépoussiérer les musées, les mémoriaux, les commémorations. Avec du sexe et des bouquins bien vivants. Un film étrange, impossible à saisir, fascinant mais jamais fascisant. Tour de force.


Bronson

de Nicolas Winding Refn

Jusqu’où peut-on aller pour devenir célèbre ? C’est là finalement toute la question de Bronson, vrai-faux biopic du plus fameux prisonnier d’Angleterre. Le réalisateur Nicolas Winding Refn l’affirme : peu lui importait la destinée de Michael Peterson, alias Charlie Bronson, et surtout peu lui importait de tourner un énième huis-clos carcéral hardcore. L’essence de cette œuvre unique se retrouve dans le processus de création qui transforme un pitoyable criminel sans aucun talent en une superstar mégalomane.

Sous la forme d’un One Man Show déviant, tour à tour ténor ou clown, Charlie Bronson se raconte, mettant son existence en scène comme une série de sketches inoubliables. Grâce à l’incroyable performance de Tom Hardy (« le rôle d’une vie », comme on dit), le malfrat à l’accent anglais à couper au couteau se dessine par-delà tout jugement moral. L’une des forces du scénario est ainsi de ne jamais nous permettre de nous identifier à Bronson. Victime ou bourreau ? Pathétique ou génial ? Brute dégénérée ou artiste incompris (et incompréhensible) ? La liberté d’interprétation est sans limite.

La mise en scène de Refn, qui revendique l’influence de Kenneth Anger, souligne cet indéterminisme. Ici des plans fixes aux détails grotesques hérités du cinéma scandinave, là une dynamique du montage qui rappelle les meilleures heures de Danny Boyle, toujours un souffle d’idées étonnantes. Grâce à une bande son géniale (partagée entre pop électro et airs d’opéra), Bronson enchaîne les scènes percutantes (la fête dans l’hôpital psychiatrique, tous les combats…).

Mais l’œuvre pourrait aussi se résumer par un premier et un dernier quart d’heure sublimes. La conclusion, fantasmée, lorsque Charlie Bronson conjoint ses aspirations d’artiste raté et ses pulsions bestiales restera, sans doute, l’un des plus grands moments de cinéma de l’année 2009. Tout comme le film dans son ensemble, qui confirme le talent de Nicolas WInding Refn qui a gagné depuis Pusher une maturité renversante. Inclassable, hilarant, traumatisant, trash et beau, Bronson va vous prendre au dépourvu, bousculer toutes vos attentes, et vous enthousiasmer comme jamais.


Brüno

de Larry Charles

Voilà, Sacha Baron Cohen nous refait le coup du faux documentaire, du faux étranger naïf, du faux accent rigolo et de la vraie bêtise de ses compatriotes américains. Borat 2 ? Seulement en partie. Sans doute échaudé par les multiples procès organisés par les personnes abusées par l’acteur, Larry Charles et Cohen mettent la pédale douce sur les pièges. Même s’ils essaient encore de nous faire croire qu’ils ont trahi la confiance de plein de monde, les ficelles sont nettement plus visibles. En résulte une œuvre bancale et longuette, traversée par de formidables éclats comiques.

Plus encore que Borat, Brüno repose sur le trash, le crade, l’outrancier. Le début du film, situé en Europe et dans le milieu de la mode, s’avère hilarant. La séquence de cul entre le personnage principal et son amant pygmée est un morceau de bravoure. Un peu plus loin, l’émission de TV de Brüno ainsi qu’une fausse fellation anthologique, réjouiront tous les amateurs d’ignominie régressive. On a beau avoir de plus en plus l’habitude de la transgression dans la comédie américaine, c’est ici du jamais vu. Le film est fréquemment hardcore et d’un mauvais goût constant.

Malheureusement, passé la première partie les rires se font de plus en plus rares. Dès que le film se tourne vers davantage de « scénario » au dépend de la succession de sketches, la vacuité totale du propos, les facilités grossières, tout se retourne contre Cohen. Les séquences ne fonctionnent plus (les chasseurs, les échangistes) et l’on se demande où tout cela va nous mener. Malgré un beau final, l’ensemble se révèle bien en deçà de la petite révolution de Borat. En particulier parce que l’aspect politique et social est ici quasi inexistant ou trop évident (les rednecks sont des homophobes, quelle révélation !).

Les guest stars sont moins savoureuses (à part l’apparition éclair d’Harrison Ford) et les gags ont tendance à s’étirer bien au-delà du raisonnable. Malgré tout, l’affection que l’on peut porter à Sacha Baron Cohen, à sa folie furieuse, à son absence de limites, permet d’être indulgent. Les scènes drôles à pleurer, même si peu nombreuses, laissent un souvenir assez intense. Il faudra pourtant réserver Brüno aux fans du « pipi caca stouquette » qui y trouveront sûrement leur compte. Les autres pourront légitimement être déçus ou carrément passer leur chemin.


Whatever works

de Woody Allen

Woody Allen est revenu à New York. Sa ville, sa passion, son énergie vitale. La symbiose entre le réalisateur et Big Apple est proverbiale, évidente. Au point que l’on estimait que le monsieur avait largement fait le tour de tous les recoins et de toutes les possibilités de Manhattan et de ses habitants. Le départ pour d’autres contrées fut salvateur, mais aussi signe d’une grande période de doutes. Un coup de génie (Match point) engendra aussitôt des œuvres mineures et manquant de plus en plus d’inspiration (en particulier Scoop et Vicky Cristina Barcelona). Et surtout le gars Woody avait pris un méchant coup de vieux et semblait plonger dans une déprime durable. La solution ? Le bain de jouvence dans les rues bruyantes de sa ville.

Ce qui aurait pu être un radotage complaisant se transforme avec Whatever works en un best of réjouissant. L’essence du cinéma de Woody Allen se retrouve ici,  des monologues misanthropes à la tendresse qui pointe par éclats. En se dissimulant derrière la caméra et en demandant à Larry David (co-créateur de Seinfeld et héros de Larry et son nombril) de le remplacer, le réalisateur retrouve toute sa verve comique et sa générosité humaine.

Finalement Whatever works ne nous apprend rien de nouveau sur le cinéma et la pensée de l’auteur, mais tout y est présenté avec une bienveillance et une émotion renouvelées. Evan Rachel Wood remplace avantageusement Scarlett Johansson dans le rôle de l’ingénue et le jeu de l’amour et surtout du hasard se déploie dans toutes ses possibilités. Dans le même temps, Allen se réconcilie avec son âge, son univers et le fait que le cours des choses, totalement chaotique, n’est pas forcément une source d’angoisse. Après tout, du moment que cela nous rend heureux…

En livrant à la fois sa comédie la plus réussie depuis au moins Harry dans tous ses états et une œuvre positive, bienheureuse et au final très émouvante, Woody Allen nous apparaît ressuscité. Comme revenu d’entre les morts après Scoop, plus vivant que jamais. Whatever works c’est son La Vie est belle, son petit Frank Capra en miniature. Pour les fans comme pour les autres, difficile d’imaginer plus beau cadeau.


Public enemies

de Michael Mann

Ne réveillez pas un gangster qui dort ? C’est un peu le programme de Public enemies, le nouveau valium de Michael Mann. Moins hideux que Miami Vice, mais une nouvelle fois filmé en HD avec de gros pixels et de beaux flous (surtout la nuit), le nouvel opus du réalisateur promet énormément et ne délivre pas grand-chose. Sur un canevas ultra-classique se déroule l’existence "mouvementée" de John Dillinger (Johnny Depp qui serre les dents), braqueur star de l’Amérique des années 30. A ses trousses, un flic tenace (Christian Bale, qui serre les dents encore plus fort) ; dans son cœur, l’amour de sa vie (Marion Cotillard, qui sert à rien). Il y aurait matière à la fresque, ou alors au polar bien nerveux, voire au biopic qui passionne. Rien de tout cela, tant la construction dramatique de l’œuvre prend bien soin d’éloigner le spectateur au fil de 2h10 qui semblent interminables. Même les scènes d’action se déroulent dans l’indifférence. A part l’attaque de la cabane dans les bois, une nouvelle fusillade en forme de morceau de bravoure, dont Michael Mann nous abreuve presqu’à chaque fois.

C’est long, long, terriblement long. Et cela se voudrait ultime, le genre de film qui vous tire par la manche pendant que vous vous endormez dans votre fauteuil en vous hurlant dans les oreilles : « Tu le sens bien mon gros chef-d’œuvre !! ». Non, on ne le sent pas, comme Johnny Depp et Christian Bale, on sert bien fort les fesses et on attend que ça se termine. Mais ça n’en finit pas. Ca repart pour un quart d’heure. Une demi-heure. Trois heures. On ne sait plus. On perd la notion du temps. On éprouve. Public enemies, un bonheur pour masochistes.


Transformers 2 : la revanche

de Michael Bay

Peut-être le blockbuster le plus débile de l’histoire (malgré la forte concurrence), Transformers 2 : la revanche nous fait atteindre une étape fascinante. Plus besoin de scénario, de personnages, plus besoin de soigner un minimum la technique, le divertissement ultime se conçoit au degré zéro. A partir du moment où le concept est bon (le public adore les robots qui font boum-boum) et les effets spéciaux corrects, la victoire est sans péril.

Mis en scène par le sagouin suprême (l’inénarrable Michael Bay), Transformers 2 avance au hasard, par bouts de scène, par plans. Sans même se préoccuper de cohérence ou de bon goût, rien ne compte, si ce n’est l’efficacité de l’instant. Une fois accepté cette annihilation de toutes les valeurs cinématographiques, le film procure de grands éclats de plaisir. Par flash, rarement pendant plus d’une minute, à part le combat dans la forêt, qui se suffirait presque à lui-même.

Est-ce recommandable ? Absolument pas. C’est même tellement honteux que cela en devient assez sympathique. S’il n’y avait cette fascination maladive pour l’armée et la présence bien insupportable de Megan Fox, la nouvelle incarnation de la vulgarité. De toute façon, quoi qu’on en dise, tout le monde (ou presque) va voir ce film, déjà en passe de battre de nouveaux records du box-office. L’individu est bien peu de chose face aux jouets…


Morse : Let the right one in

de Thomas Alfredson

Froid comme la mort, chaud comme la vie, insuffler une vibrante énergie dans la léthargie scandinave, faire briller la pénombre de la nuit avec des monstres et des étoiles. C’est un film chuchoté, comme un songe, traversé de visions hideuses, comme un cauchemar. Une œuvre humble, délicate, un tout petit film qui pousse sa retenue jusqu’aux limites de la prétention, sans jamais y tomber. Avec une économie de moyens et d’effets, Let the right one in fait énormément, bâti des merveilles et bouleverse, tout doucement.

Tout ce que Twilight refusait d’assumer se retrouve ici. Dans l’acceptation de l’amour impossible, dans la sensualité qui se conçoit autre, absolument différente. Une relation tellement physique, fusionnelle, qu’elle en dépasse toute forme de sexualité. Il a 12 ans, blond comme un suédois de caricature, elle a 12 ans depuis des siècles, peut-être, ni femme, ni homme, ni adulte, ni enfant. L’idée géniale est qu’ils ne peuvent ni vivre, ni mourir, l’un sans l’autre. Chacun est la part manquante, le complément, l’extériorisation des privations. Rarement le mythe vampirique n’aura été évoqué avec une telle profondeur, une telle intelligence.

Non seulement Let the right one in est une œuvre plastiquement sublime, mais son fond n’est que trésor. Mais dans la simplicité, jamais dans la facilité. En préservant les mystères, en cultivant les non-dits, le hors-champ. C’est une histoire pour faire peur et pour faire rêver. De celle que l’on pourrait fantasmer dans un accès de misanthropie enfantine.  On viendrait s’inventer l’amie idéale, la copine parfaite, une créature d’un érotisme primitif, qui serait notre colère et notre tendresse. Let the right one in est de ces films fantastiques respectueux du genre, mais qui semblent le transcender. De ces perles qui des Innocents à L’Orphelinat en passant par Dark water, vont plus loin que les oripeaux de l’horreur. Comme des secrets enfin révélés, ces films usent du cinéma avec tout son langage, pour mieux enluminer notre part des ténèbres.


Harvey Milk

de Gus Van Sant

C’est un film sublime. Une œuvre qui vous cueille l’air de rien, mine de rien. L’évidence de la narration vient se heurter à la complexité de la mise en scène pour donner naissance à une justesse inespérée. On flirte avec le mélodrame, on voisine avec le propos édifiant, sans jamais totalement y plonger. Film franc et à la fois débordant de nuances, de non-dits et d’ellipses, Harvey Milk se présente comme l’apothéose de la carrière de Gus Van Sant. Ses thèmes fétiches et ses recherches stylistiques s’épanouissent dans une œuvre accessible mais tout sauf anodine. Le triomphe d’un auteur qui n’a jamais cessé d’explorer et de défricher, pour mieux toucher, pour mieux faire ressentir. Bien sûr, on ne peut aussi que louer les incroyables performances des acteurs, la minutie de la reconstitution, la belle partition de Danny Elfman… Mais le cœur d’Harvey Milk est ailleurs. Dans sa transcendance du genre biopic, par exemple, souvent insupportable, sauf lorsqu’il s’affranchit de toutes les règles. Mais surtout dans cette humanité, que l’on croit retrouver partout, mais qui se fait finalement si rare dans l’art. Bouleversant.


OSS 117 - Rio ne répond plus

de Michel Hazanavicius

Un pays peuplé de racistes qui s'ignorent, de misogynes souriants, d'antisémites presque honteux, où le mauvais goût, l'humour nul et la suffisance sont rois ? La France ! La France d'OSS 117 ! L'espion le plus lamentable qui soit revient au service du Premier Ministre Georges Pompidou et s'en va traquer le nazi au Brésil. Accompagné dans ses aventures par une jolie agente du Mossad, un fasciste hippie et un membre de la CIA rigolard, OSS 117 va se surpasser. Dans la bêtise.

Si l'effet de surprise n'est plus là, ce Rio ne répond plus est aussi bien plus généreux et drôle que le premier opus. Osant tout avec une méchanceté roborative, le film avance au fil d'un rythme un peu chaotique qui enchaîne les gags irrésistibles avec d'autres plus laborieux. C'est leur accumulation et notre propension à ne retenir que les meilleurs à la fin de la séance qui nous font envisager l'œuvre avec la plus grande bienveillance.

Il faut dire qu'avec l'excellente mise en image de Michel Hazanavicius et l'incroyable performance de Jean Dujardin (qui a définitivement trouvé ici le rôle de sa vie), OSS 117 Rio ne répond plus sort le grand jeu. Entre références assumées (à Hitchcock, à Spielberg...) et scènes saugrenues (le bal des nazis, le « groupe hippie », les fusillades...), le film assure le spectacle avec une certaine prestance.

Certes il faudra une nouvelle fois accepter un humour absurde et décomplexé. Ici, pas de tabou. On rit de tout et d'abord des idées reçues. Les tristes sires pourront même être choqués, mais ils ne seront même pas entendus, leurs remontrances étant couvertes par les rires francs des spectateurs conquis. Car s'il est possible de rire de tout, c'est toujours en très bonne compagnie. C'est bien en Jean Dujardin , dont on ne pourra jamais cesser de louer le talent comique, que l'on a trouvé le meilleur chantre du transgressif de notre époque. En ces temps de politiquement correct insidieux, un film français aussi libre s'avère un vrai bonheur.


Frost / Nixon

de Ron Howard

Nixon vient de démissionner, pris dans la tourmente du plus grand scandale de la politique américaine contemporaine, le Watergate. Mais il n'a pas assumé ses responsabilités et a échappé au jugement. L'ancien président rêve de revenir sur le devant de la scène, blanchi, le blason redoré. Et pour ce faire, quoi de mieux qu'une série d'interviews par le plus célèbre des présentateurs anglais de l'époque ? La manipulation semble aisée pour un vieux baroudeur comme Nixon. Mais ce David Frost est-il aussi naïf qu'il le paraît ?

Ron Howard vise la reconstitution appliquée mais rythmée, menée par le brio de l'écriture et des interprètes. En ce sens, Frost/Nixon est une réussite quasi parfaite. Flirtant avec le documentaire lorsque cela est indispensable (le final de l'interview en particulier, tétanisant) et empruntant toutes les meilleures ficelles du thriller politique pour le reste. Pour peu que l'on s'intéresse à l'Histoire des USA, le film s'avère passionnant. Anecdotes incroyables (la pingrerie de Nixon servie à toutes les sauces), petits et grands mots, rebondissements, on n'avait jamais connu Ron Howard si brillant et dynamique (on est ici à des années lumières du Da Vinci Code).

Bien sûr, la principale force de Frost/Nixon réside en ses acteurs. Frank Langella a bien mérité sa nomination à l'Oscar, tant il est un Nixon inquiétant et pathétique. Mais Michael Sheen, toutes dents dehors à la manière de son Tony Blair de The Queen, lui tient tête sans mal. Les seconds rôles, de Kevin Bacon à Sam Rockwell, sont à l'unisson.

On pourra reprocher à l'œuvre de ressembler à une belle dissertation, presque trop appliquée. Jamais vraiment ennuyeux, mais jamais génial non plus, c'est le meilleur devoir de l'élève studieux Ron Howard. De quoi passer deux heures fort plaisantes à se cultiver sans ressentir le poids de la poussière qui s'accumule.


Duplicity

de Tony Gilroy

Le film d'arnaque est généralement le lieu où les acteurs usent de leurs charmes, les metteurs en scène se la jouent cool et les scénaristes se défoulent en prenant plaisir à perdre les spectateurs. Sur le papier, Duplicity a tout pour plaire : un casting en or (Julia Roberts façon Ocean's eleven et Clive Owen version Inside man),  un réalisateur-scénariste prestigieux (Tony Gilroy, de Jason Bourne à Michael Clayton, un sans faute) et une promotion qui joue autant sur l'intelligence que sur le glamour.

Mais c'est l'impression d'assister au minimum syndical qui domine. Chacun assure un travail bien fait, mais sans surprise, ce qui est le comble dans le genre. Pire, la principale révélation (assez prévisible) intervient au bout de 20 minutes de métrage. Encore plus dommage, le twist final peut aussi être attendu dès le départ. Le film semble donc perpétuellement à bout de souffle, essayant en vain d'accrocher le spectateur à une intrigue qui manque d'enjeux et d'énergie.

Ce n'est pas véritablement la faute des acteurs, qui font ce qu'ils peuvent avec une certaine prestance. Julia Roberts, en particulier, n'a rien perdu de sa beauté et Clive Owen est toujours magnétique. Mais si cela suffira peut-être aux fans des deux icônes, les autres risquent de trouver le temps fort long. Ils hausseront les épaules devant cette gentille comédie romantique, déguisée en thriller industriel un peu trivial.

Même la grande scène de vol dans les couloirs de l'entreprise ne tient pas ses promesses. On ne tremble jamais car tout est trop gentil, trop anodin. Tout le monde y met du cœur à l'ouvrage, parfois dans un cabotinage attendu (Paul Giamatti, à la limite de refaire Shoot ‘Em Up version cosmétique plutôt que flingues). Et on regarde sa montre en attendant un énième flash-back sensé bouleverser nos certitudes. Dans son application, Gilroy lorgne sans cesse sur la copie de Steven Soderbergh, mais cette virtuosité lui est définitivement Hors d'atteinte...


Watchmen

de Zack Snyder

Pour adapter le plus grand des Comics de super-héros qui fallait-il ? Un surdoué de la mise en scène s’y est cassé les dents (Paul Greengrass). Un trublion fou y a perdu son temps (Terry Gilliam). Un ambitieux petit génie a rebroussé chemin (Darren Aronofsky). Tous, avec leurs styles différents mais très affirmés, ont été terrassés par Alan Moore. Alors qui ? Un illustrateur. Un simple illustrateur appliqué, un peu bling-bling, un peu méchant. Le Zack Snyder de L’Armée des Morts et de 300, un gentil furieux, un type outrancier qui fonce droit devant lui, tel un taureau aviné. Une victime idéale pour M. Moore.

Une fois branché sur le visuel de la bande-dessinée, Snyder s’est mis en pilotage automatique. Reprenant soigneusement toutes les scènes, toutes les répliques, tous les concepts. Il ne manque (presque) rien. Les quelques points d’adaptation ne seront décelés que par les connaisseurs les plus pointus. Le reste n’est que mise en animation de l’œuvre de Moore et Gibbons. Ni plus, ni moins. Ce qui en fait non seulement le meilleur film tiré de l’auteur de From Hell, mais aussi le meilleur film de super-héros. Pas dur. Mais joliment joué.

Car Snyder n'est pas stupide, il a bien compris que tout était là et qu’il n’y avait qu’à se pencher sur les planches de la BD pour récolter l’or et les diamants. Peu importe le reste, tout le monde est aspiré par le génie de Moore. Les acteurs ? Très biens, mais c’est normal, même la pire gueule de minet de série TV est transcendée. La musique ? L’éternelle compilation de tubes de bon goût (Dylan, Hendrix…). La mise en scène ? Gorgée de ralentis jusqu’au gag, elle finit par ressembler à des cases de BD. Figées à nouveau. Dans le mouvement. C’était la meilleure idée de 300, c’est encore plus beau dans Watchmen.

Car le film est beau, oui, à s’en décrocher la mâchoire. Et par moment on en aurait presque la larme à l’œil de voir ces images que l’on connaît par cœur se mettre à vivre, en couleurs clinquantes, en trois dimensions, en éclats baroques. Se sentant écrasé par l’œuvre, Snyder prend parfois la clef des champs, en versant dans un second degré salvateur (hilarante scène d’amour entre le Hibou et le Spectre Soyeux).

 

Watchmen, le film, déborde de la présence de personnages aussi passionnants que Rorschach, Le Comédien ou le Dr. Manhattan. Ils sont là, dans leurs ambigüités, dans toute leur monstruosité attachante. Plus grand que tout, car se situant au-delà des genres, il ne s’agit plus d’un film de super-héros, et presque pas d’un divertissement. C’est le blockbuster qui s’appuie sur tous les autres, les incluant, les parodiant, les critiquant, les dévorant. Watchmen a toujours été une œuvre de destruction massive. Son incarnation cinématographique, improbable, difforme, ricanante, sublime, remet toutes les pendules à l’heure. Celle de l’Apocalypse.


Picnic

de Adrian Sitaru

Un couple adultère va faire un pique-nique, un dimanche, au bord de l’eau. Sur la petite route de campagne roumaine, ils percutent une prostituée sortant subrepticement des bois. Tout d’abord, ils la croient morte, donc ils l’embarquent sur la banquette arrière, comme n’importe qui aurait fait, sans doute pour la manger plus tard. Mais non, elle est bien vivante. Et va passer le dimanche au bord de l’eau avec nos deux naïfs amants, chacun à leur tour soumis à la tentation de la gironde péripatéticienne à moitié nue.

Le tout est filmé en caméra subjective, passant d’un protagoniste à l’autre. Picnic justifie même toute son existence ainsi, vu que la narration est aux abonnés absents. Donc les personnages, la caméra et le spectateur regardent la route, la rivière, l’herbe, le ciel et souvent les autres acteurs. Ce qui donne lieu à de grands moments de comique involontaire, surtout que le réalisateur s’évertue à bien cadrer Flora Ioana au niveau du soutien-gorge.

On somnole donc, gentiment, entre deux sourires. Il y a une telle application dans le dispositif et une telle abnégation des comédiens à jouer comme des loutres, qu’on finit par trouver Picnic assez attendrissant. Pendant un instant on en vient à espérer que tout ce petit monde se taise et se contente de regarder le ciel, avec nous. En écoutant les grillons roumains, et leur chant mélancolique. On s’endormirait en rêvant de la campagne. Et ça serait bien.


Doute

de John Patrick Shanley

Les tourments de la Foi religieuse et les petits secrets qui se murmurent dans les cloîtres sont l'une des premières bases de la création artistique. Les œuvres en tout genre qui questionnent la croyance sont innombrables. Doute vient apporter son humble pierre à l'édifice en choisissant la voie d'une ambigüité soigneusement distillée. Le but du film étant de faire peu à peu perdre les certitudes du spectateur, sa réussite peut se juger à notre état d'esprit en sortant de la salle. Le prêtre progressiste est-il victime du fanatisme dogmatique de la vieille bigote ? Ou bien est-il un pédophile qui se dissimule derrière ses belles paroles ?

Doute peine à cacher ses origines théâtrales. Découpé en autant de scènes et d'actes, se résumant à des confrontations dans des lieux uniques, la forme du film se fonde sur de très vaines tentatives de mise en scène cinématographique. La réalisation de John Patrick Shanley est le gros point faible de l'œuvre. Le monsieur se contentant bien souvent de faire des plans de travers pour imager le désarroi et les conflits. Ce vrai-faux académisme maladroit suffirait à nous faire sortir de l'histoire.

Heureusement, Doute vaut surtout pour les performances des acteurs principaux. Toujours la plus grande comédienne de la planète, Meryl Streep offre une énième performance formidable. Philip Seymour Hoffman, Amy Adams et Viola Davis ne sont pas en reste. Grâce à leur intensité, le film atteint ses objectifs et parvient à nous faire douter, nous laissant perdu et perplexe. Et ne pas savoir à quel saint se vouer, au final, est un sentiment des plus plaisants.


Les Noces rebelles

de Sam Mendès

        L'horreur lancinante du couple, l'effroi cotonneux du quotidien, les prisons que l'on se construit tout seul, ce sont les territoires que Sam Mendes ne cesse d'arpenter depuis American beauty. L'inexorable dégoût de la routine qui mène à la rupture (amoureuse, sociale, mentale, physique) et à l'événement dramatique. Les Noces rebelles est une variation sur ce thème, mais qui confine ici à la cruauté la plus désespérée. La rencontre idyllique entre les deux amants est présentée en une scène et, avant même le générique d'ouverture, nous sommes au cœur d'une histoire déliquescente. Tout ne sera plus que tragédie et blessures.

        Frank Wheeler s'enferme dans le modèle de réussite sociale, tandis que sa femme, April, fantasme les espaces situés au-delà de la banlieue et du rêve américains. Titanic à l'envers ? C'est ce que l'on pourrait aisément conclure, tant les retrouvailles du couple mythique se présentent comme une coda cauchemardesque au film de James Cameron. Un malaise renforcé par le fait que Sam Mendes est le mari à la ville de Kate Winslet. Offrir un tel rôle à sa femme s'apparente alors à un exorcisme aussi malsain que fascinant. Transcendée par cette catharsis, l'actrice y délivre une performance épidermique dont elle a le secret (et qui devrait, enfin, lui accorder un Oscar). Face à elle, DiCaprio, étrangement massif et tourmenté, se révèle sous un nouveau jour en salaud innocent.

        Par-delà la force de son thème et de ses interprètes, le film n'évite pas certaines facilités. Mendes a toujours tendance à sursignifier par sa mise en scène, et le personnage du fou, qui est bien sûr le plus censé de tous, est un peu trop théâtral. Mais Les Noces rebelles apparaît surtout comme une œuvre déchirante, qui rappelle fortement par instants les grandes éclats d'un Maurice Pialat qui se serait expatrié à Hollywood (pas le moindre des paradoxes). Et avec beaucoup de justesse et d'ironie, le film s'achève sur un plan qui en souligne toute l'intelligence. Probablement le meilleur film de Sam Mendes, Les Noces rebelles impose sa révolution dans sa violence latente, parfois insoutenable, révélée par des images et des performances aussi sublimes que désenchantées.


Slumdog millionaire

de Danny Boyle

        Marre de Bollywood ? Allergiques aux voix perçantes et aux chorégraphies colorées, réjouissez-vous. Danny Boyle nous offre le film indien dont nous rêvions. Prenant à la fois l’essence de ce cinéma (le mélodrame très appuyé et l’amplitude de l’histoire), il la plie à son cinéma électrique et cruel. En résulte Slumdog Millionaire, boule d’énergie palpitante qui donne envie de tout, sauf d’aller passer ses vacances en Inde…

        Les bases de l’histoire sont suffisamment improbables, voire grotesques, pour intriguer. Une émission de Qui veut gagner des millions ?, durant laquelle le héros franchit toutes les étapes grâce à son parcours personnel. De flashback en flashback se dessine une grande histoire d’amour façon Bollywood mais déchirée par la réalité sordide de la société indienne actuelle. Parfois extrêmement dures, et même glauques, les pérégrinations des protagonistes ne sont soutenables que par la certitude que tout cela finira bien.

        La force de Danny Boyle c’est de nous entraîner pendant deux heures dans une aventure évidente mais qui ne nous lâche jamais. Le rythme effréné du scénario et la virulence de la mise en scène nous saisissent et nous amènent jusqu’à bon port. De quoi finir ravi de s’être fait balader par le plus classique des mélos, la plus mignonne des amourettes.

        Bien sûr, le réalisateur ne peut pas s’empêcher de tomber dans ses travers habituels. Le début de Slumdog Millionaire ressemble ainsi à un gros clip fatigant. Il faut une bonne demi-heure pour s’habituer à ces effets trop marqués et à ces multiples scènes de poursuites sur-découpées. Mais, comme souvent avec Boyle, on pardonne ce qui énerve tant chez d’autres. Il y a un tel plaisir de cinéma, une telle générosité dans les jeux formels doublée d’une passion pour raconter des histoires simples mais sincères. C’est à la fois malin et brillant, tendre et cynique. Un petit idéal de 7e art mondialisé, où le meilleur des uns et des autres engendreraient un classicisme révolutionnaire. Paradoxal et enthousiasmant.


L'Étrange histoire de Benjamin Button

de David Fincher

        Si Forrest Gump avait été réalisé par un emmerdeur, cela aurait probablement donné L’Etrange Histoire de Benjamin Button. Mis en image avec une application chirurgicale, les aventures peu palpitantes de ce bonhomme qui vieillit à l’envers, se traînent sur près de trois heures. Pourtant, on aime Fincher, surtout lorsqu’il s’épanche dans l’obsessionnel dépressif. Mais dès qu’il s’agit de mettre de l’émotion, de la fantaisie, ou tout simplement de la magie, dans son univers froid comme la mort, c’est la catastrophe. En résulte cette succession de scènes vaguement répétitives dont les enjeux sont évidents dès la première bobine. On attend donc, parfois charmé par quelques plans réussis, le plus souvent déçu par la raideur de l’histoire et de son illustration.

        Benjamin Button est un être plat, sans grande nuance, qui progresse dans sa régression avec une indifférence qui semble toucher tout le monde, Fincher et nous réunis. Pire, l’œuvre est parfois involontairement comique (la scène des premiers pas) ou complètement ratée (la description d’un accident selon les causes et les effets, passionnante comme un cours de maths). Lorsque l’auteur se dit, enfin, qu’il faudrait ajouter des larmes dans tout cela, il révèle d’autant plus sa maladresse en réclamant les mouchoirs avec une insistance qui exaspère.

        Benjamin Button est un joli livre d’enluminures, que l’on imagine très bien en train de prendre la poussière dans une bibliothèque oubliée. En souhaitant le réalisme et en tournant le dos au conte et au fantastique, Fincher se prend à son propre piège. Et nous offre ce qui risque de demeurer la plus grande déception de l’année (qui vient pourtant à peine de débuter). Aïe.


The Wrestler

de Darren Aronofsky

        Un film sur une star de catch déchue, par Darren Aronofsky, avec Mickey Rourke. On le répète depuis la présentation du film à Venise (où il a gagné le Lion d’Or), mais le concept The Wrestler a tout pour terrifier. Le résultat est une telle réussite, qui crie chef-d’œuvre à chacun de ses plans, que l’on comprend finalement que tout est normal. Beaucoup des plus grands films de l’histoire du cinéma se basent sur des idées grotesques, et qui, en les transcendant, touchent au sublime.

        Ici, Aronofsky signe à la fois le film de catch définitif (mais la concurrence était faible) et peut-être aussi le meilleur des films « de sport » (et là il y a déjà plus de monde sur le terrain). Dès les premiers instants, où la caméra suit le personnage de The Ram, filmé de dos, à la manière des Dardenne ou de Gus Van Sant, on sent que le réalisateur a trouvé sa voie et qu’il ne la lâchera plus. Pour faire un bon mot, on débute chez Rosetta Balboa. Le lyrisme peut ainsi naître en toute discrétion, avec d’autant plus de force.

        Mais la véritable clef de The Wrestler c’est bien sûr Mickey Rourke. L’acteur, mille fois sur le retour, déformé par la chirurgie esthétique, ravagé par ses échecs personnels, n’interprète pas The Ram, il EST The Ram. C’est un cliché d’affirmer cela, mais pour une fois, exceptionnellement, le cliché dit vrai. Car on a toujours l’impression que le comédien met tout son être, tout ce qu’il est, dans ce rôle : sa personnalité de vieille carne butée au grand cœur, sa vie ratée, sa solitude et surtout sa fierté de bête de scène, jusqu’au bout, jusqu’au dernier show.

        Exalté par son acteur, Aronofsky touche au cœur en permanence. Son film dégage une humanité sincère, jamais forcée, une simplicité qui bouleverse au plus profond. The Wrestler hante dès la fin de la projection, à la fois par sa dernière scène (qui transforme les spectateurs les plus blasés en midinettes plongées dans leurs kleenex) que par sa force à diffusion lente. Pendant le film on se laisse porter, on s’enthousiasme et on souffre avec son héros. Après, c’est toute l’ampleur de l’œuvre qui vient nous renverser. Un choc inoubliable.


Ponyo sur la falaise

de Hayao Miyazaki

        La Petite sirène plongée dans l'univers unique du plus grand des conteurs du cinéma d'animation, c'est ce que nous propose Ponyo, le nouveau film d'Hayao Miyazaki. Si la trame de base est familière, dès la première scène, débordante de détails et de surréalisme poétique, le réalisateur apporte sa touche inimitable. Le récit est très ramassé : dans sa durée, le nombre de ses personnages et ses enjeux. Miyazaki revient à la simplicité qui convenait si bien à Totoro et à Kiki.

        Ponyo met en scène deux héros de 5 ans d'âge, ainsi qu'une galerie de protagonistes tous adorables, même le supposé « méchant » n'est jamais très inquiétant. Comme toujours chez l'auteur, on retrouve des caractères féminins forts, en particulier Lisa, la mère hilarante du jeune Susuke. Ici, à l'inverse de Totoro c'est le père, marin, qui est absent. Mais ce manque n'apparaît jamais comme dramatique. Car cette histoire met en valeur les tendances les plus douces et rassurantes du monde de Miyazaki.

        Le trait du dessin est direct, les décors s'évadent dans les pastels, mais sans que cela nuise à l'émerveillement, bien au contraire ; en particulier grâce à un bestiaire délirant, peuplé de poissons préhistoriques ou totalement fictifs. On retiendra aussi une impressionnante scène de tempête, sans cesse contrebalancée par un humour omniprésent. Le personnage de Ponyo nous touche dans sa bienveillance de fillette, encore plus adorable que la Mei de Totoro. Apportant la magie partout où elle passe, elle incarne la plus pure vision de l'enfance jamais offerte par le maître japonais.  

        Après quelques fresques ambitieuses, plus sombres et philosophiques (Mononoké et Chihiro avant tout), Ponyo est une renaissance pour Miyazaki. Un film humble qui ravit par sa tendresse de tous les instants et même le message écologique est mis un peu de côté. Les idées surprenantes s'enchaînent sur une nouvelle partition magnifique de Joe Hisaishi, jusqu'au générique de fin à reprendre en choeur. La concurrence est sans doute de plus en plus élevée dans le domaine du dessin animé familial, mais seul Miyazaki peut aujourd'hui nous émouvoir autant en donnant l'impression d'offrir l'oeuvre la plus évidente et intemporelle qui soit.


Achille et la tortue

de Takeshi Kitano

        Avec Achille et la tortue, Takeshi Kitano achève (provisoirement) une trilogie consacrée à son rôle d'artiste. Ici il ne se met plus en scène en tant que cinéaste en pleine crise d'ego : il devient peintre, son autre passion contrariée. Il s'efface donc en partie au profit du faux biopic d'un créateur raté qui se dédie depuis l'enfance à la peinture. Insensible au monde qui l'entoure, le personnage est enfermé dans un autisme qui sied à merveille au visage impassible de Kitano. Certes, ce dernier n'apparaît qu'au bout d'une heure vingt, mais l'enfant et le jeune homme qui l'incarnent dans les deux premiers tiers sont tout aussi convaincants dans leur marginalité lunaire. 

        La réflexion sur la création se fait sur le mode tragi-comique qui servait si bien A scene at sea ou Sonatine. Mais c'est du côté de la profondeur de Dolls qu'il faudrait chercher la meilleure comparaison dans la filmographie du japonais. Là où Dolls évoquait l'amour avec mélancolie et cruauté, Achille et la tortue propose quelques unes des perspectives les plus justes sur les sacrifices propres à l'art.  

        Derrière un humour très noir, mais irrésistible, c'est toute la détresse du peintre qui s'exprime, passant son existence à se chercher en vain. Comment dépasser l'imitation (avec quelques savoureuses parodies d'auteurs célèbres) ? Comment se trouver un style sans tomber dans le grotesque (avec une ribambelle de gags fantastiques) ? Et surtout comment vivre, tout simplement, comment « être » ? Cerné par les tragédies, incapable de s'accrocher aux autres, le Kitano artiste n'est qu'un fantôme, qu'ironiquement même la mort refuse, alors qu'elle s'empare de tous ceux qui l'entourent.

        Le salut viendra peut-être de l'amour de la femme qui partage son idéal : une folie douce à deux, presque sans limite. Même si les oeuvres partent en cendres, il reste une touche d'espoir au sein de la tristesse déchirante. Achille et la tortue renvoie la recherche esthétique à sa vacuité. Constat terrible qui semble nous affirmer que l'art n'est qu'illusion et que son essence demeure inaccessible. Cependant, l'existence même d'Achille et la tortue, sa beauté déchirante, sa tendresse paradoxale, répondent à toutes les interrogations du maître japonais : l'artiste génial existe, il se nomme Kitano, et son regard sur le monde nous est toujours aussi vital.


Rachel getting married

de Jonathan Demme

        C’est une histoire toute simple, une affaire de famille, avec les squelettes dans le placard, les vieilles querelles et les non-dits qui stagnent dans les cœurs. A l’occasion du mariage de sa grande sœur, Kym (géniale Anne Hathaway) se voit accordée une permission par son hôpital psychiatrique du moment. Déjà, on sent le sujet lourd, on voit arriver le drame exemplaire. On a peur, car depuis le Silence des Agneaux, Jonathan Demme s’est peu à peu perdu pour la cause cinématographique.

        Le miracle surgit ainsi, à la dérobade, caméra à l’épaule. Il faut une grosse demi-heure pour entrer dans cet univers, pour en accepter le rythme et les caractères. Puis c’est la symbiose, l’adhésion, l’identification, le plus grand des bonheurs. Durant la deuxième heure, on pleure presque sans arrêt. Même, et surtout, lorsque la fête bat son plein à l’écran. Mélange de libération, jamais béate, et de serrements de gorge face à ce concentré de réalité qui sonne si juste et si naturel. Rien n’est plus rebattu que la chronique familiale sur le vif, on s’en bouffe des brouettes, comme récemment l’insupportable Juno. En voici la version réussie, avec pourtant, au centre, une actrice que l’on croyait exaspérante. On ressort de la salle amoureux de Anne Hathaway, ce n’est pas le moindre des tours de force de Rachel getting married. L’archétype de l’immense petit film, celui qui semble avoir été conçu pour vous chuchoter directement dans le creux de l’oreille.


The Sky crawlers

de Mamoru Oshii

        Sur le papier l'histoire de The Sky crawlers a tout pour enthousiasmer : des adolescents génétiquement conçus pour ne jamais vieillir participent à une guerre-spectacle sans fin, essentiellement constituée de combats aériens. A l'écran, Mamoru Oshii atteint ici le point limite de son style contemplatif et réflexif, qui privilégie toujours le silence à l'action. Résultat, il faut vous prévenir tout de suite, il y aura à peine 10 minutes de virevoltes dans le ciel, disséminées en fragments aussi sublimes qu'extrêmement frustrants.  

        Le reste du temps, le réalisateur s'attarde sur l'attente de ces gamins qui n'ont presque aucun souvenir, à part ceux relatifs au pilotage et à de vagues réminiscences d'une existence passée. La question que l'on se pose alors n'est pas nouvelle : un film sur l'ennui doit-il être ennuyeux ? Oshii ne trouve pas de réponse et préfère répéter ses thèmes de prédilection, ce qui est plutôt une bonne chose après l'échec de Tachiguishi retsuden (toujours inédit en France). Dans l'absolu les questions relatives à l'éternel retour et à la dépersonnalisation demeurent passionnantes, mais elles sont quasi identiques à celles déjà posées dans les Ghost in the shell et dans Avalon. De même, impossible de ne pas penser aux Patlabor et à Jin-roh (un des personnages se nomme d'ailleurs ainsi) lorsque les dialogues se penchent sur l'absurdité de la guerre.

        Mais Oshii ne parvient paradoxalement jamais à faire décoller son sujet, gâchant un potentiel énorme. Il préfère filmer son basset fétiche ou un énième protagoniste pensif avec la clope au bec. Visuellement, ce n'est pas ce que le studio I.G. a fait de plus remarquable, on est ainsi très loin d'Innocence. Seules les scènes d'aviation, photo-réalistes, s'avèrent magnifiques. On notera aussi le design sonore, fantastique, créé par Skywalker Sound, ainsi que la très belle partition de Kenji Kawaï (mais on en a l'habitude).

        On aimerait tellement être emporté et fasciné par The Sky crawlers, mais même avec toute la bienveillance qui soit, on s'ennuie et on laisse se dérouler ce récit prévisible. Les caractères sont à peine esquissés et l'émotion ne surgit jamais, surtout lors d'un final follement décevant. Ce n'est pas un crash en plein vol pour Oshii, mais c'est sans doute parce que son film n'a jamais quitté le sol.


Twilight

de Catherine Hardwicke

        La sexualité a toujours été au cœur du mythe vampirique, en particulier sous la forme de l’éveil des sens et de la frustration. C’est sur ces bases que le premier volet de la saga Twilight fonde son univers. Si l’on doit reconnaître une qualité majeure au film de Catherine Hardwicke c’est d’avoir retrouvé une partie de ce qui faisait la réussite de sa première œuvre, Thirteen. Les tourments adolescents, gentiment métaphoriques, s’expriment avec érotisme et nuances. Twilight est ainsi davantage une chronique sentimentale qu’un film de vampires.

        Ceux qui viendraient pour le frisson fantastique, voire le gore, peuvent passer largement leur chemin. Les séquences à effets spéciaux sont à peine dignes d’un téléfilm, voire souvent assez ridicules. Le méchant de l’histoire intervient dans la toute dernière partie, de manière très artificielle, et semble n’avoir qu’une utilité de béquille dramatique pour ajouter un peu d’action. Twilight pourrait se contenter largement de ses personnages et surtout de son couple principal, vraiment attachant. Dès que le film dévie un peu de Bella (incarnée par la très juste Kristen Stewart) et de sa fascination pour Edward (Robert Pattison, qui évite le ridicule d’un rôle casse-gueule), on peut légitiment trouver le temps long.

        La mise en scène de Hardwicke hésite entre une sobriété bienvenue et des effets grossiers qui prouvent qu’elle est incapable de gérer les codes d’un blockbuster. On retiendra aussi l’excellente partition de Carter Burwell (le compositeur attitré des Coen) qui compense un peu les inévitables chansons pour radios jeunes.

        Bien sûr, on n’échappe pas aux clichés et l’univers décrit demeure assez simple et naïf. Pourtant son potentiel est indéniable. Le mélange de tendresse et de menace de la relation Bella/Edward s’avère respectueux de la mythologie héritée de Dracula et certaines scènes se révèlent réussies. En tant que teen movie, Twilight fait aisément partie du haut du panier et c’est une bonne surprise. Il ne faut simplement pas oublier que l’œuvre s’adresse en priorité aux demoiselles de 17 ans. Et si le spectacle s’avère parfois frustrant, on finit par comprendre que c’est justement le thème principal du film.

 

 
 
 
 
 
 
 
 
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