En 1992, Charles Thompson jette l'éponge sur son "groupe de collège". Les trois autres apprennent par la presse que les Pixies n'existent plus. Si Charles garde le contact avec son ami Joey Santiago (aujourd'hui la moitié des Martinis), la rupture avec Kim Deal est définitive. Deal cartonne avec le bon Last Splash, deuxième album de ses Breeders à elle, puis tombe peu à peu dans l'oubli après l'échec des routiniers The Amps. Black Francis devient Frank Black. Il coupe rapidement les ponts avec les Pixies mais une chose est claire : Charles Thompson en solo est pareil qu'avant, il fait exactement ce qui lui plait.

        Et c'est en grande majorité excellent. On sait que les "puristes" des Pixies, qui en réalité n'ont jamais dû comprendre quoi que ce soit au groupe, n'aime pas Frank Black, en particulier ses dernières œuvres. Cela démontre une ouverture d'esprit plus que limitée, incompatible avec des soit-disant amateurs des Pixies. Écoutez donc des morceaux comme Freedom Rock, So.Bay, Massif Centrale, I Will Run After You ou The Marsist et vous comprendrez que Charles Thompson en solo, cela vaut bien Surfer Rosa. Et je ne parle même pas des concerts épastrouillants (si, justement, j'en parle).

        Un premier album éponyme en forme de cartoon géant atterrit sur notre bonne vieille planète en 1993. Si l'humeur est à la franche déconne, il demeure des édifices formidable tels que Los Angeles et surtout Parry The Wind. Teenager Of The Year en 1994 est THE monster. Un terrible monument définitif, qui est le London Calling du pop-rock-punk des années 90 (ah non, zut, c'est Trompe Le Monde, le London Calling des années 90 ; non en fait Trompe Le Monde c'est encore mieux que cela). Toujours son meilleur album en solo. The Cult Of Ray est la véritable rupture avec les "fans" des Pixies, et c'est vrai qu'il manque Eric Drew Feldman en coulisses. C'est tout de même un bon album de rock à l'ancienne, assez inégal, mais qui triomphe sur sa courte durée, juste à la force du riff. 

Puis vient le temps des Catholics, Frank Black se sent un peu seul et se forme un back band pittoresque. Le premier album est une demi-réussite, un peu lassant à la longue mais terriblement efficace. Poursuivant sur la méthode : j'enregistre en deux jours sur un deux pistes et j'emmerde les groupes qui passent six mois en studio et qui se la pètent. Frank Black écrase tout le monde, avec l'aide primordiale de Nick Vincent, et sort le bourrin Pistolero (malgré le départ du définitivement génial Lyle Workman). Un recueil inégal de rocks purs et durs, dopé par un son énorme. Puis vint Dog In The Sand, l'apothéose de l'univers des Catholics. Production Nick Vincent, passages éclairs de Joey Santiago, et surtout grand retour magnifique de Eric Drew Feldman. Dog In The Sand est le meilleur album solo de Frank Black, à la droite de Teenager Of The Year. 

En l'an de grâce 2002, Frank Black, toujours avec ses Catholics, nous gratifia de deux albums en même temps ! Deux albums très différents mais joyeusement complémentaires. D'une part l'épique et tourmenté Black Letter Days (un monument) et d'autre part le bref et énergique Devil's Workshop (une détente mineure). L'histoire se poursuit avec le douloureux Show Me Your Tears, malheureusement un album partagé entre routine et coups de génie, mais dont la portée émotionnelle n'est jamais démentie. Puis vient la relecture des Pixies sur l'étonnant Frank Black Francis et un énième album de country rock mélancolique, sous la forme d'un Honeycomb aussi beau que vain.

La veine country de Frank Black atteint son point limite avec le double album Fast Man, Raider Man. C'est le trop plein, l'overdose. Comme pour solder les comptes vient ensuite la compilation Christmass, mélange de chutes de studio, de bouts de concerts et de nouvelles versions d'anciennes chansons.

Après un best of inattendu et la poursuite de la tournée de reformation des Pixies, Charles Thompson redevient Black Francis pour Bluefinger, un gros disque de rock bien carré et efficace. Le mini album SVN FNGRS montre un Black Francis en pleine forme et prêt à de nouvelles aventures. En 2010, Charles nous parle de sexe avec Nonstoperotik, un disque séduisant, pas tout à fait à la hauteur de ses promesses, mais très attachant.



Discographie


Frank Black LP

FRANK BLACK - lp - (1993)

        Le premier effort de Charles Thompson en solo (désormais rebaptisé Frank Black) symbolise bien la nouvelle direction de sa carrière. Encore plus de délires cartoonesques et surtout un retour progressif à un rock à l'ancienne, simple et direct. La construction du disque elle aussi reflète bien ce que va être la carrière de Frank Black. Un grand nombre de perles disséminés un peu partout (surtout en début d'album) et un assez net fléchissement vers la fin de la course. Ce qui fait que l'on aura toujours l'impression d'avoir à faire à des albums inégaux, ce qui est vrai et qui tranche immédiatement avec la perfection globale de la période Pixies. Néanmoins des chansons aussi sublimes que Los Angeles, I Heard Ramona Sing, Czar, Two Spaces et surtout Parry The Wind High,Low font véritablement partie des meilleures compositions de Frank Black. Et les petites sucreries dingos telles que la reprise pataude de Hang On To Your Ego (d'un autre dingue, Brian Wilson), Fu Man Chu (avec ces cuivres dignes du Muppets Show) ou Brackish Boy (terrible en live) placent l'album nettement au-dessus de la moyenne. Et pendant longtemps on rêvera à l'écoute de la perfection de Los Angeles, de la mélodie de Two Spaces ou de la nervosité de Parry The Wind. A noter que sur cet album Frank Black est toujours secondé par Eric Drew Feldman et qu'il a découvert le remplaçant exemplaire de Joey Santiago en la personne du génial Lyle Workman. Celui-ci s'avérant bien meilleur guitariste que Santiago mais ne possédant pas le même impact sonore.

- Los Angeles

- I Heard Ramona Sing

- Hang On To Your Ego

- Fu Man Chu

- Placed Named After Numbers

- Czar

- Old Black Dawning

- Ten Percenter

- Brackish Boy

- Two Spaces

- Tossed (instrumental version)

- Parry The Wind High, Low

- Adda Lee

- Every Time I Go Around Here

- Don't Ya Rile 'Em

 

LOS ANGELES - ep - (1993)

- Los Angeles

- Ten Percenter

 

HANG ON TO YOUR EGO - ep - (1993)

Cet incroyable maxi reste l'un des points d'orgue de la carrière solo de Charles Thompson. Non pas à cause de la reprise synthétisée et assez nulle du Hang On To Your Ego de Brian Wilson, mais principalement à cause des deux instrumentaux qui l'accompagnent. Surf Epic est un incroyable délire de plus de 10 minutes, bourrés des synthés fous d'Eric Drew Feldman et de mélodies cartoonesques uniques. Il est clair que Frank Black ne sait plus faire que deux choses : du rock à l'ancienne ou de l'expérimentation zarbi à base de machines obsolètes.

- Hang On To Your Ego

- Surf Epic

- The Ballad Of Johnny Horton

 


Teenager Of The Year

 

HEADACHE - ep - (1994)    textes

Deux versions aussi in-dis-pen-sa-bles l'une que l'autre pour THE tube de Charles Thompson en solo. Sur la version 1, rien à jeter tout est parfait. Hate Me aurait vraiment eu sa place sur l'album. This Is Where I Belong, reprise des Kinks, est réjouissant. Et Amnesia dans le plus pur style du premier effort solo de Frank Black est un morceau cartoonesque magnifique. Sur la version 2 même schéma. Men In Black fait sa première apparition et même s'il ne possède pas encore l'impact qu'il aura plus tard, on sent le tube en puissance. At The End Of The World est une pure merveille et Oddball n'est pas loin d'être aussi génial. Y a pas photo il FAUT posséder les deux versions de Headache.

version 1 :

- Headache

- Hate Me

- This Is Where I Belong

- Amnesia

version 2 :

- Headache

- Men In Black

- At The End Of The World

- Oddball

 

TEENAGER OF THE YEAR - lp - (1994)    textes

        Le chef-d'oeuvre incontestable de Frank Black est une pièce montée fabuleuse et gargantuesque. Comme sur l'album précédant, les perles sont plutôt situées en début d'album et la fin s'avère plus "classique" mais pas moins géniale. Disons que le plus simple c'est de considérer cette fresque comme un double album et de l'écouter en 2 fois (le mieux étant de couper après Fiddle Riddle et de reprendre sur les chapeaux de roues avec Olé Mulholland). Car en fait il n'y a rien à jeter sur Teenager Of The Year, les bonnes petites chansons sont vraiment agréables et les sommets sont vraiment très très hauts. D'ailleurs tout le début de l'album est au niveau chef-d'oeuvre total, aussi bon que du pur Pixies. Pong et Thalassocracy possédent une énergie inimitable, Calistan, Vanishing Spies ou Speedy Marie sont des balades déjantées de toute beauté. Headache est un tube évident. Et surtout Freedom Rock et Two Reelers sont les monuments placés côte à côte de Teenager Of The Year. Freedom Rock demeure ma chanson favorite de Charles Thompson en solo. Et Fiddle Riddle avec son tempo reggae et son piano désaccordé est une autre fantastique perle. La deuxième partie de l'album s'avère moins surprenante privilégiant les petites chansons au refrain accrocheur ou les bons vieux rocks à l'ancienne (annonçant ainsi tout ce qui suivra chez Frank Black et ses Catholics). Pour tenir l'auditeur en haleine jusqu'au bout, Charles mise sur l'énergie destructrice et défouraille tout à 200 à l'heure. Et même s'il ose plagier les Kinks sur Space Is Gonna Do Me Good (comparez avec l'original : Wicked Annabella), il est bien difficile de ne pas craquer à l'écoute du fabuleux Big Red, de l'adorable Pure Denizen of the Citizens Band, de Superabound, du monstrueux Bad Wicked World ou de l'adorable conclusion de Pie in the Sky ("That's an order !!"). Teenager Of The Year est LE classique indispensable de Frank Black. Encore et toujours, et d'assez loin, son meilleur album et, d'après moi, le seul de sa carrière solo à vraiment prétendre au niveau des oeuvres des Pixies. S'il ne devait en rester qu'un, ce serait celui-là. Chef-d'œuvre total.

- Whatever Happened To Pong ?

- Thalassocracy

- (I Want To Live On An) Abstract Plain

- Calistan

- The Vanishing Spies

- Speedy Marie

- Headache

- Sir Rockaby

- Freedom Rock

- Two Reelers

- Fiddle Riddle

- Olé Mulholland

- Fazer Eyes

- I Could Stay Here Forever

- The Hostess With The Mostest

- Superabound

- Big Red

- Space Is Gonna Do Me Good

- White Noise Maker

- Pure Denizen Of The Citizens Band

- Bad Wicked World

- Pie In The Sky

 

SPEEDY MARY - ep - (1994)

Aucune chanson inédite sur ce maxi. MAIS ! La pochette est fabuleuse, et les 3 chansons présentées sont parmi les chefs-d'oeuvre absolus de Teenager Of The Year. Alors tous les fans craqueront.

- Speedy Marie

- Freedom Rock

- Fiddle Riddle


John Peel & Black Sessions

FRANK BLACK & TEENAGE FAN CLUB : THE JOHN PEEL SESSION - ep - (1994) 

Frank Black ne peut pas supporter très longtemps d'être entouré par la même équipe musicale. Pour preuve il s'essaie à la cohabitation avec le Teenage Fan Club sur ce ep de transition. Handyman est une reprise destinée à un album hommage à Otis Blackwell, pas mal sans plus. The Man Who Was Too Loud (que l'on retrouvera bizarrement en conclusion du Frank Black and the Catholics) est aussi une chanson moyenne. Par contre The Jacques Tati est une folie totale en hommage au plus génial des réalisateurs français. La musique est hilarante mais c'est surtout le refrain à grands coups de "Jacques Tati !!!!" hurlés par une sorte de groupe de bourrins métaleux, qui place la chanson parmi les meilleures pondues par Frank Black. Enfin Sister Isabel (phénoménale en live, quand même) conclut tranquillement ce ep moyen mais indispensable à cause du Jaaaaacques Taaaatiiiiii !!!

- Handyman

- The Man Who Was Too Loud

- The Jacques Tati

- Sister Isabel

BLACK SESSION - live - (1995)

On sait que Bernard Lenoir est un grand fan de Frank Black et qu'à la moindre actualité concernant ce dernier, Lenoir s'empresse de l'inviter sur le plateau de son émission culte. Et il ne pouvait en résulter que ces Black Sessions longue durée d'une qualité sonore fort acceptable. L'ensemble n'est pas mal et les titres interprétés sont à peu près tous franchement géniaux. Rien que pour The Jacques Tati (encore !), c'est un disque que les fans doivent posséder.

- Two Spaces

- (I Want To Live On An) Abstract Plain

- Headache

- Old Black Dawning

- Superabound

- Calistan

- The Vanishing Spies

- Sir Rockaby

- Big Red

- The Jacques Tati

- Odd Ball

- Men In Black

- Czar

- Freedom Rock

- Pong

- White Noise Maker

- Los Angeles

- Handyman

BLACK SESSION THE KITCHEN TAPES

La même Black Session qu'au-dessus mais avec 3 titres bonus enregistrés dans la cuisine de Frank Black. Anecdotique mais bien marrant. Titres bonus : Modern age, Jumping Beans,  (I want to live on an) Abstract Plain (akkustic Version).


The Cult Of Ray

 

THE MARSIST - ep - (1995)

Pour annoncer la sortie de Men In Black et de The Cult Of Ray, ce 45 tours est édité à titre promotionnel et c'est une perle de collectionneurs. Deux titres seulement : le très bon The Marsist, bien sûr, et Better Things, une reprise des Kinks, qui tient admirablement bien la route. Belle pochette psychédélique, aussi.

- The Marsist

- Better Things

MEN IN BLACK - ep - (1995)

Men In Black apparaissait déjà en face B de Headache et sur les Black Session. Pour cette ressortie en tête d'affiche Frank Black a branché le morceau sur le 220V et ça décape, gros son, gros riff, gros choeurs, gros refrain, c'est de l'impeccable. Just A Little est une belle balade bien niaise comme les aime Charles, et nous aussi d'ailleurs. Re-Make/Re-Model est une reprise sans éclat particulier, mais qui deviendra 6 ans plus tard un moment grandiose des concerts des Catholics. Intérêt du single ? Il est numéroté (j'ai le 1458...)

- Men In Black

- Just A Little

- Re-Make/Re-Model

YOU AIN'T ME - ep - (1996)

You Ain't Me est une excellente chanson qui avait tout pour cartonner sur les radios campus. Ce qui fut un peu le cas (mais uniquemment en France...). Les 3 inédits qui l'accompagnent sont de grande qualité. En particulier ce formidable Pray A Little Faster (boucherie totale en live) et le génial Annoucement, facilement l'un des meilleurs morceaux du Black de la période (en face D, bah voyons...)

- You Ain't Me

- You Never Heard About Me

- Pray A Little Faster

- Annoucement

THE CULT OF RAY - lp - (1996)

        Album généralement considéré comme ce que Frank Black a produit de plus faible, la première véritable déception de la carrière de Charles Thompson. Affirmation bien radicale puisque ce disque renferme, comme d'habitude, son lot de pépites. Certes c'est toujours un peu la même chose. Pour preuve la revanche de Men In Black (avant le film du même nom, donc avant la mode) ; boostée, nettoyée, cette chanson est devenue un rock décapant qui fait du bien par où il passe (et oui !). Mais l'intro du disque est aussi phénoménale, The Marsist étant l'un des morceaux les plus originaux de la carrière solo de Black Francis. The Cult Of Ray recèle aussi une belle collection de petits morceaux rocks bien nerveux et fort redoutables à l'image de Jesus Was Right et Dance War. Et si Punk Rock City ou I Don't Want To Hurt You sont relativement ennuyeux à la longue, on ne cesse de redécouvrir l'excellent instrumental Mosh, Don't Pass The Guy ou le réjouissant The Cult Of Ray (dédié à l'écrivain de SF culte Ray Bradbury). A noter que le cd bonus contient au moins deux superbes perles : Village Of The Sun et Everybody Got The Beat (plus Clash que les Clash). La fin en demie teinte d'une période et le début d'une nouvelle ère : celle des Catholics.

- The Marsist

- Men In Black

- Punk Rock City

- You Ain't Me

- Jesus Was Right

- I Don't Want To Hurt You (Every Single Time)

- Mosh, Don't Pass The Guy

- Kicked In The Taco

- The Creature Crawling

- The Adventure and the Resolution

- Dance War

- The Cult Of Ray

- The Last Stand Of Shazeb Andleeb

cd bonus :     textes

- Village Of The Sun

- Baby, That's Art

- Everybody Got The Beat

- Can I Get A Witness

I DON'T WANT TO HURT YOU - ep - (1996)

Ce ep qui existe en trois versions différentes (une autre rouge avec une interview, une bleue avec des lives différents) est loin d'être indispensable. La chanson titre est un gag bien sympathique doté d'un clip hilarant, mais ce n'est vraiment pas ce que Frank Black a fait de mieux. Les lives sont corrects sans plus. Men In Black est nerveux comme il faut mais c'est Village Of The Sun qui lui vole sans problème la vedette. Aller, on va dire que ce single vaut la peine, juste pour ce village de toute beauté.

- I Don't Want To Hurt You (every single time)

- Men In Black (live)

- Village Of The Sun (live)

- I Don't Want To Hurt You (every single time) (live)

I DON'T WANT TO HURT YOU - The Live Ep -

- I don`t want to hurt you (live)

-  Men in Black (live)

-  Village of the Sun (live)

-  The last Stand of Shazeb Andleeb (live)

I DON'T WANT TO HURT YOU - ep -

- I don`t want to hurt you

- The Marsist

-  Better things

-  You ain`t me (live)


    Je ne sais pas où caser Man Of Steel, de loin le meilleur morceau de la compilation Songs In The Key Of X. Alors j'en glisse un mot ici. C'est l'une des meilleures chansons de Frank Black, et elle justifie à elle seule l'achat du disque (dessus y a quand même de bons trucs par Nick Cave et... Sheryl Crow). Man Of Steel, c'est luxueux comme du Bossanova et ça sonne énorme comme du Frank Black. Une certaine idée de la perfection, comme dirait l'autre.


Frank Black & The Catholics LP

ALL MY GHOSTS - ep - (1998)

All My Ghosts est un bon titre pour annoncer l'album des Catholics. Direct, électrique et mélodique. Living On Soul est un rock tout ce qu'il y a de plus classique avec un refrain à l'ancienne comme personne, sauf Charles, ose en sortir de nos jours. Ca vaut bien tous les Garbage et autres Oasis de la planète de toute façon. Humboldt County Massacre est une excellente petite pièce dynamique qui devrait beaucoup donner en concert. Que demander de plus ? Et bien une reprise de Bob Dylan en final. Une reprise intégrale de Changing Of The Guards et donc c'est long, c'est même l'une des chansons les plus longues jamais enregistrées par Frank Black (la plus longue ? Surf Epic n'étant pas une chanson mais un instrumental). Bon remake, très ludique (grâce aux choeurs), impeccable.

- All My Ghosts

- Living On Soul

- Humboldt County Masscre

- Changing Of The Guards

FRANK BLACK AND THE CATHOLICS - lp - (1998)

Enregistré en 3 jours sur un magnétophone 2 pistes, ce nouvel opus Blackien, longtemps repoussé car aucune maison de disques ne voulait sortir du Frank Black, est une réussite. Finalement Play It Again, un label belge, a eu pitié de l'ancienne légende Black Francis et a sorti ce bien bel album en France. C'est du rock, du gros, du pur, du dur, du basique, de l'impeccable. C'est relativement prévisible (un comble quand on pense aux Pixies, mais il ne faut PLUS penser aux Pixies), mais finalement il faut juger les chansons telles qu'elles sont et par rapport à la production habituelle du genre. Donc ce disque est excellent. Inégal, fléchissant sur la fin, comme d'habitude quoi, mais d'une efficacité encore plus impresionnante que The Cult Of Ray. All My Ghosts est une merveille, Back To Rome décoiffe, Do You Feel Bad About It ? est magique, Dog Gone est un tube, I Gotta Move est délicieusement obsolète, I Need Peace est le chef-d'oeuvre de l'album, King & Queen Of Siam est clouant, Six Sixty-Six est amusant et le reste lasse un peu, quoique Suffering dégage bien aux entournures aussi. Un bon petit disque passé inaperçu, éreinté par la critique, boudé par les fans des Pixies, oublié par les fans de Frank Black, à part une poignée d'entre eux, restés fidèles contre vents et marées. Prêts à découvrir le nouveau visage de Charles Thompson, réincarné en héritier de Neil Young et de Bruce Springsteen. Une nouvelle époque, de nouveaux territoires à explorer et un nouveau public à conquérir...

- All My Ghosts

- Back To Rome

- Do You Feel Bad About It ?

- Dog Gone

- I Gotta Move

- I Need Peace

- King & Queen Of Siam

- Six Sixty-Six

- Solid Gold

- Steak'n'Sabre

- Suffering

- The Man Who Was Too Loud

cd bonus : le maxi de All My Ghosts

DOG GONE - ep - (1998)

Un ep de reprises comme on aimerait en entendre plus souvent. Do Nothing est impeccable. I'm Goin' Down est superbement revisité, Springsteen serait fier de cette version (l'a-t-il entendu au moins ?). Mais le chef-d'oeuvre qui rend ce maxi indispensable c'est le remake de The Big Hurt, tout en souffle épique et en lyrisme.

- Dog Gone

- Do Nothing

- I'm Goin' Down

- The Big Hurt

I GOTTA MOVE - ep- (1998)

Pas grand chose de nouveau pour accompagner l'amusant I Gotta Move. Humboldt County Massacre avait déjà montré son efficacité sur le maxi de All My Ghosts et Do Nothing est déjà sur le maxi de Dog Gone. Seul intérêt ? Une pochette psychédélique et une piste multimédia qui permet de se rendre directement sur le site de Good Noise pour acheter les disques de Frank Black à la carte. Dispensable, donc.

- I Gotta Move

- Humboldt County Massacre

- Do Nothing


Pistolero & Oddball

PISTOLERO - lp - (1999)

Pistolero c'est un peu le concept de l'album précédent mais amélioré, boosté. Encore plus énergique et mélodique que Frank Black and the Catholics, Pistolero démontre que Frank Black est loin d'être un artiste fini. C'est une perle de pur Rock qui nous est présentée ici. L'ouverture avec Bad Harmony est délicieusement obsolète, une sorte de country-rock dynamité. I Switched You est par contre une petite merveille, c'est bien simple on dirait du Jon Spencer. Et tout le reste de l'album creuse le génie mélodique de Bad Harmony et l'énergie destructrice de I Switched You. I Love Your Brain décape comme au bon vieux temps, 85 Weeks est une ballade magique, I Want Rock & Roll est un morceau bourrin qui dévastera tout en live, So. Bay rappelle gentiment les Pixies et s'avère être le chef-d'œuvre de l'album. Rétrospectivement, Pistolero est un album très inégal et certaines chansons sont vraiment faibles (You're Such a Wire ou Skeleton Man, par exemple), malgré tout, les quelques sommets sont toujours aussi agréables à réécouter.

- Bad Harmony

- I Switched You

- Western Star

- Tiny Heart

- You're Such A Wire

- I Love Your Brain

- Smoke Up

- Billy Radcliffe

- So Hard To Make Things Out

- 85 Weeks

- I Think I'm Starting To Lose It

- I Want Rock & Roll

- Skeleton Man

- So. Bay

ODDBALLS - compilation - (2000)

        Si, comme moi, vous avez tous (mais vraiment tous) les disques sortis par Frank Black (et même un peu plus), ce disque ne vous est d'aucune utilité (à part comme collector, bien sûr). Mais comme nous sommes peu nombreux dans ce cas, Oddballs est indispensable à un très grand nombre de personnes. Car voici une merveilleuse compilation de faces B et de raretés de Charles Thompson en solo. Et il y a des tonnes de merveilles hallucinantes. Juste pour en remettre une couche, on trouve sur ce disque (entre autres) : Pray A Little Faster, le sublime Village Of The Sun, At The End Of The World, le monstrueux Announcement, le jouissif Hate Me, Everybody Got The Beat, le joli Just A Little et surtout, oui, surtout, le chef-d'oeuvre absolu Man Of Steel en final. Ce qui fait facilement de ce disque le meilleur de Frank Black depuis Teenager Of The Year. Rigoureusement vital si l'on ne possède pas déjà toutes ces merveilles.

- Pray A Little Faster

- Oddball

- Village Of The Sun

- Baby, That's Art

- At The End Of The World

- Can I Get A Witness

- Announcement

- Hate Me

- Remake/Remodel

- Everybody Got The Beat

- Jumping Beans

- Just A Little

- You Never Heard About Me

- Man Of Steel


Dog In The Sand

DOG IN THE SAND - lp - (2001)

Introduction :

        Nouvel album prévu pour le 29 janvier 2001 avec le single Robert Onion en avant-goût le 15 janvier. Enregistré live sur 2 pistes, comme les deux albums précédents mais en beaucoup plus de temps et avec un très long rodage en concert. Le groupe est le même que pour Pistolero, mais attention car en bonus c'est une véritable Dream Team qui collabore à l'œuvre. Tout d'abord le retour d'Eric Drew Feldman comme membre à part entière du groupe (rien que cela, on sait que le disque sera un chef-d'œuvre). Nick Vincent à la production, donc le 2 pistes va sonner comme du Jon Spencer. Dave Phillips et Moris Tepper comme guitaristes assistants. Et le meilleur pour les fans des Pixies, c'est bien sûr la présence, comme au bon vieux temps, de Joey Santiago sur trois chansons de l'album. J'en vois d'ici qui deviennent fous !

La chronique :

        La pochette est de couleur sable. Il y a Scott, Rich, David, Eric et Frank, les Catholics plus un. Et ce un en plus, le retour de l'enfant bénit (non ce n'est PAS Joey Santiago) est bien le miracle de cet album. Eric Drew Feldman débarque dans le monde de Pistolero et transcende tout l'album. Avouons-le, il est loin de faire tout tout seul, bien sûr. S'il n'y avait pas comme base quelques unes des plus belles compositions de Frank Black en solo, il n'irait pas bien loin le Eric. S'il n'y avait pas la production affolante de Nick Vincent, les discussions entre piano, guitare et voix ne seraient pas aussi splendides. Si Rich Gilbert n'avait pas progressé, ça partirait vite fait dans le fossé. Et même, là, tenez, l'autre fils prodigue, Joey, il est là aussi, sur trois morceaux, mais il faudra y revenir. L'album fait 47 minutes, ni trop court, ni trop long, la durée parfaite, comme au temps des Pixies. 12 morceaux, et on tremble en découvrant la durée du premier, Blast Off, 7 minutes 15. Ce qui en fait la plus longue chanson de la carrière de Frank Black (exception faite de Surf Epic, donc nous allons reparler aussi (décidément)). On s'inquiète, comment va-t-il faire pour tenir la longueur, comme ça, en ouverture d'album de surcroît ? Et bien mes enfants, il la tient la longueur, il l'écrase la longueur, il ne lui laisse aucune chance. A la force du riff, de guitare (Joey Santiago ? Joey Santiago !!!), de piano, de basse, Frank Black assomme, Frank Black fait dans la démonstration de force, Frank Black nous en met plein la figure. Il nous dit : "l'essence du rock, c'est moi qui l'ai, sous clef, je ne la ressors qu'une fois tous les ans et encore." Et dès le deuxième morceau, on comprend. Après avoir dépouillé sa musique jusqu'à la moelle sur les deux premiers Catholics (il suffit de réécouter I Need Peace ou Bad Harmony pour s'en rendre compte), Frank Black reconstruit, peu à peu. Et Dog In The Sand est l'histoire passionnante, ni plus ni moins, que de la résurrection du rock, à l'ancienne, mais dans sa quintessence même. On parle là du Charles Thompson qui avait tué cette musique, toute cette musique qu'il aime, avec ses Pixies. Plaçant une pierre tombale digne de la pyramide de Kheops (Trompe Le Monde) sur le cadavre d'un genre tellement amoché, que cette dernière étincelle de vie n'avait que précipité sa tombée en poussières. Après les autres pouvaient toujours jouer à la nuit des morts-vivants, il ne restait que... du sable... Et c'est avec les cendres du rock que les Catholics font des châteaux aujourd'hui.

        Avec Blast Off et I've Seen Your Picture on est en territoire connu. Frank Black nous assomme et en même temps nous rassure. Pour mieux nous trucider avec St Francis Dam Disaster... Attaque acoustique, voix belle à pleurer (le monsieur a pris des cours de chant !! Affolant... Le meilleur chanteur du monde a pris des cours de chant, et ça s'entend !), banjo déjanté et magnifique, et puis l'Idée, la Notion d'Efficacité, là, juste dans vos conduits auditifs, prenez des notes, et passez des dizaines d'écoutes en boucles avant de comprendre pourquoi nous tenons là l'une des plus parfaites chansons qui soient. Pourquoi tout s'agence de façon miraculeuse, les paroles (merveilleuses, la rupture d'un barrage, mais racontée selon le point de vue de l'eau filant vers la mer et la liberté), tous les instruments, la structure très narrative du morceau. Tout se complète. Et on est pris au piège, on se retrouve ému sans bien comprendre pourquoi, comme quand Black Francis nous racontait des histoires grotesques de E.T.s sur Bossanova. Dans son classicisme bouleversant, St Francis Dam Disaster possède déjà tout pour marquer l'an 2001. Robert Onion, le single qui signe le "grand retour" de Joey Santiago, souffre un peu de l'enchaînement. Très carré, très efficace, mais moins touchant, Robert Onion contribue à cette reconstruction du rock qu'est Dog In The Sand. Mais on s'attendait à être plus impressionné, même si, bien entendu, l'énergie réjouissante du bidule nous transporte juste comme il le faut. Mais déjà, tout est oublié avec l'arrivée de Stupid Me, une ballade piano-voix (avec un écho de guitare surf), qui n'est pas une reprise des Platters. On pense au remake frissonnant de Duke Of Earl, mais on n'a encore rien entendu (faisons durer le suspens et admirons déjà la perfection obsolète de ce si joli Stupid Me).

        Et préparons-nous pour un enchaînement de baffes monumentales. Sur Bullet, cette fois on s'incline, on tombe au sol, en larmes, achevé, détruit, obligé de se rendre à l'évidence. Frank Black est Dieu, la Nature, le Grand Tout. On se fera toujours avoir comme des gosses par ses chansons. On pourra être blasés, vieux, cyniques et fatigués. Quand on tombera devant un morceau comme Bullet, on ne pourra jamais résister. Tout est là (et même un peu plus, forcément, on ne demandait pas à Eric Drew Feldman de sauver l'univers à ce point). Que se passe-t-il ? Où allons-nous ? Dans quel état j'erre ? Revolution Comes ? Nous sommes là, assis sur le sol en ciment, un peu perdu, un peu plus fou, terriblement heureux, et il nous colle son The Swimmer sans nous laisser une seule chance de reprendre notre souffle. Et pendant que se déroule une folie qui renvoie Where Is My Mind au rayon des antiquités, on se dit, soulagé, qu'il ne pourra pas aller plus loin, la seconde moitié de l'album ne pourra pas relever le gant, impossible. Mais impossible n'est pas Frank Black ! Mes enfants je vous préviens, il va aller plus loin que The Swimmer, mais peut-être n'en reviendrons-nous pas. Pause gros rock rustique avec le dantesque Hermaphroditos, qui nous offre, débordant de générosité, le temps d'essuyer les larmes de tristesse et de béatitude qui roulent sur notre visage. Et I'll Be Blue nous ouvre les portes du 7e ciel, l'extase mystique en direct, là, maintenant, surgissant de manière déchirante, prévisible et imprévisible, Frank Black l'a fait. C'est sublime, trop grand, trop fort, trop simple et en même temps, des milliers d'apprentis artistes et de stars encensées n'approcheront jamais la perfection de ces 3 minutes là. Ce I'll Be Blue est là comme une confirmation, il nous confirme qu'au lieu de s'endormir sur ses lauriers, que contrairement à ce qu'une poignée d'abrutis racontent, Frank Black va toujours plus loin, effleurant l'essentiel de ce bon vieux rock, touchant à tout, bâtissant des forteresses électriques avec du sable, et laissant s'envoler doucement ce même sable dans le soleil couchant pour délivrer des ballades en cristal. Il peut tout se permettre, il se permet tout.

        Comme par exemple le rigolo Llano Del Rio, en enchaînement du sommet émotionnel de l'album. Il balance cette folie de country de la 4e dimension, bourrée de références de SF. Avant de poursuivre avec le plus grand morceau de rock'n'roll de tous les temps (euh... d'accord ça se discute, mais pour être dans l'esprit du disque il ne faut pas hésiter à dire haut et fort ce genre de choses), If It Takes All Night. Un truc que personne n'aurait osé depuis la mort de Little Richard et de Chuck Berry (quoi ils sont pas morts ? Enfin, si, théoriquement, ils sont morts). La quintessence de la chanson d'auto-radio pour aller tracer dans les rues le samedi soir. La nique au Springsteen de la grande époque. Frank Black est en train de clouer 2001 avant même que l'année n'ait eu le temps de débuter. Qui osera aller aussi loin, qui pourra aller aussi loin, dans l'efficacité, le plaisir, le classicisme ? Car, ma foi, c'est bien beau d'essayer d'innover en faisant n'importe quoi et en emmerdant son monde. Là, Frank Black se confronte avec les centaines et les centaines de rockers purs et durs qui sont passés avant lui et signe un chef-d'œuvre. Performance folle, incroyable, hors du temps, obsolète et à jamais moderne, forcément, tout Frank Black est là. Et la conclusion belle à chialer qu'est la chanson Dog In The Sand ne laisse plus aucune place à toute vaine tentative d'objectivité. La mélodie de Surf Epic murmure dans ce morceau issu des chutes de Doolittle (!!). Joey Santiago donne de l'infini à son jeu de guitare. Enregistrée à 4h du matin après une nuit complète de prises, ce Dog In The Sand rêveur, gracieux, soupiré par un Frank Black qui signe là son plus bel album de performances vocales, ce Dog In The Sand achève avec panache le disque que l'on rêvait d'écouter, l'antithèse de la déception.

        Il s'en vendra 15 exemplaires (je vais déjà en acheter 10, vous vous débrouillez pour le reste). Et les critiques vont encore trouver des arguments crétins pour taxer Frank Black d'affreux rétrograde et que "les Pixies c'étaient plus original, imprévisible, plus efficace et gna gna gna bavouille bavouille bavouille, on est des vieux nases, blah blah blah". Alors qu'il suffit d'écouter ce disque, pour découvrir le plus beau recueil de chansons rock depuis... foulala... depuis très longtemps croyez-moi. La conclusion ? Ecoutez cet album. Achetez cet album. Gardez précieusement cet album. Dans un an, dans dix ans, il sera toujours là, sans une ride. Dog In The Sand, ah bah ce disque il nous offre l'éternité, personnellement j'ai signé tout de suite...

- Blast Off

- I've Seen Your Picture

- St Francis Dam Disaster

- Robert Onion

- Stupid Me

- Bullet

- The Swimmer

- Hermaphroditos

- I'll Be Blue

- Llano Del Rio

- If It Takes All Night

- Dog In The Sand

Frank Black at What Are Records?

ROBERT ONION - ep - (2001)

Le single du grand pardon. Monstre d'efficacité, Robert Onion est accompagné de deux excellentes faces B. Le Dylanien Pan American Highway, tout à fait dans la veine du merveilleux St Francis Dam Disaster et le punk-rockabilly Angst.

- Robert Onion

- Pan American Highway

- Angst

ST FRANCIS DAM DISASTER - ep - (2001)

St Francis Dam Disaster, peut-être le plus beau single de la carrière de Frank Black. Au moins du niveau de Los Angeles et parfait pour incarner, en complément de Robert Onion, le Charles Thompson du nouveau millénaire. Rien à ajouter sur la chanson titre, belle à crever sur place. Constant Sorrow Man se fait discret à la suite. Et la reprise de Sleep, totalement décalée, rappelle les grandes heures des premiers singles de Frank Black en solo (Amnesia, Surf Epic, Re-Make/Re-Model...)

- St Francis Dam Disaster

- Constant Sorrow Man

- Sleep


Black Letter Days

BLACK LETTER DAYS - lp - (2002)

Comme Tom Waits, dont il reprend The Black Rider en ouverture et en clôture de Black Letter Days, Frank Black sort deux albums en même temps. Le premier, dans l'ordre d'enregistrement, c'est ce Black Letter Days, ambitieux, grandiose, monumental, son "La Conquête de l'Ouest" à lui, son "Il Etait Une Fois dans l'Ouest", son Teenager of the Year période Pistolero et Dog In The Sand. Pour la première fois, Frank Black sort un album résolument triste, sombre, dépressif, traversé de très rares éclats d'espoir. Un disque difficile, pas franchement sympathique, un disque de vieux à la manière de Neil Young et de Springsteen (auxquels on pourra très facilement le comparer). Dans sa première partie, Black Letter Days ne raconte que des histoires tristes et des constats moroses. Les morceaux sont très classiques, voire même purement auto-plagiaires (le riff de Black Letter Days est le même que celui de Robert Onion). Et comme ce sera le cas dans l'autre album, il y a beaucoup de recyclages et de fonds de tiroirs. Mais comment ne pas pardonner cela, quand on comprend que ce sont ces morceaux recyclés qui sont les plus réussis. Pour exemple le sublime I Will Run After You, peut-être la plus belle chanson de l'album et chute fameuse de Dog In The Sand. De même l'épique 21 Reasons, bien plus que rodé sur scène lors de la dernière tournée (mais quand même supérieur dans sa version live). Quant à la double reprise de The Black Rider, elle est très différente de la version brutale jouée sur scène. On peut préférer l'une ou l'autre, disons que sur album, la reprise finale est sans doute ce qui rappellera le plus les deux premiers albums solo de Frank Black. Comme quoi... Notons aussi que dans aucun des deux albums n'apparaît la photo du groupe ou même de Charles Thompson.

        Pour le reste Black Letter Days est un "epic", un "epic" particulièrement sombre et tortueux. Les refrains sont toujours des hurlements de douleurs (Cold Heart Of Stone, Black Letter Day, How You Went So Far, Jane The Queen Of Love...) et il y a bien peu de moments apaisés dans cette œuvre au noir. Le morceau le plus calme est sans doute le très joli True Blue (rien à voir avec la chanson de Madonna), un peu moins de deux minutes de délicatesse façon Speedy Marie. Le reste oscille entre la country déjantée habituelle et le rock épique plein de riffs de guitares bien grandioses (Frank Black avait inventé avec Joey Santiago un "son" pour les Pixies, il a maintenant inventé un nouveau "son" pour sa carrière solo, ces morceaux étant tous identifiables en 10 secondes). Parfois on sent le "Black Rider" tenté par des voies de traverses, comme sur la superbe intro au piano (repompée d'une musique de film dont j'oublie le nom) de Chip Away Boy qui dérive soudainement dans un morceau de facture extrêmement classique tout juste échappé de Dog In The Sand. Mais, pour peut-être l'une des premières fois, il faudra s'attarder sur ce que raconte Charles Thompson. Des histoires d'amour tragiques parfois franchement pathétiques (Cold Heart Of Stone, Valentine and Garuda, How You Went So Far (déchirant et doté d'une rime impensable entre "bazaar" et "so far")...) et des errances douloureuses qui font souvent vraiment mal (End Of Miles, 1826, The Farewell Bend, Southbound Bevy...).

        L'épicentre de l'album est le terrible 1826, un riff tueur (le même que celui de Somewhat Damaged, ouverture fameuse de The Fragile de Nine Inch Nails) qui joue au rouleau compresseur terrifiant. Dommage qu'au bout de 4 minutes pile poil, le morceau s'évade vers le riff de guitariste en roue libre. 1826 demeure le morceau le plus immédiatement clouant de l'album. Dans le genre grandiose il y a aussi Jane The Queen Of Love, mais en moins raffiné. Quant à 21 Reasons, non, décidément, la version live était supérieure. Alors ? Alors mon cœur balance vers les petites chansons qui en disent long, les morceaux discrets qui touchent en plein cœur. Je reste attaché à Valentine and Garuda, le superbe End Of Miles, le génial I Will Run After You, Jet Black River et la quasi conclusion du magnifique Whispering Weeds.

        Black Letter Days est un album glouton, comme l'était Teenager Of The Year en son temps. C'est en quelque sortes la grande pièce-montée de la deuxième moitié de la carrière solo de Frank Black. Difficile d'y accéder, c'est seulement après une dizaine d'écoutes que l'on commence à adorer cet album. Frank Black vient sans doute de signer son disque le moins abordable et il me semble aussi moins réussi que Dog In The Sand. De surcroît, l'aspect tristounet, voire carrément pas sympathique du tout, de l'ensemble n'aide pas à entrer dans cet univers assez étouffant. Nous y reviendrons sans doute dans quelques temps.

Quelques temps après

C'est peut-être l'une de mes plus grosses erreurs de jugement depuis bien longtemps. J'ai fini par adorer les nouveaux albums de Frank Black. Musicalement c'est toujours plus ou moins la même chose, mais il y a sur presque tous les morceaux une belle mélodie et une vraie personnalité. Mais surtout ce sont deux albums tristes. En particulier Black Letter Days, qui est carrément déchirant par moments. C'est la première fois que Frank Black vire à ce point dans le pathétique. Depuis qu'il a formé les Catholics, il y a avait toujours un ou deux morceaux tristes ou déprimés par album (Dog Gone, I Need Peace, So Hard To Make Things Out, So. Bay, I'll Be Blue...), mais là c'est quasiment un disque entier. Et un très long disque de surcroît ! On dirait un disque de vieux désenchanté (comme Renaud !), ou alors un vrai disque de déprime un peu brute et un peu romantique tout à la fois. Il y a quelque chose des grands albums de rock américain tristes, comme les On The Beach et Tonight's The Night de Neil Young et le Nebraska de Springsteen (rien que ça !). On retrouve la même mélancolie, la même solitude. Mais chez Frank Black, il y a, comme chez Springsteen, beaucoup de chansons "errantes". Soit il cherche, soit il renonce à chercher, mais il y a cette quête incessante, ce mouvement qui culmine avec des chansons comme How You Went So Far, End Of Mile, 1826 ou I Will Run After You. Sans même parler du terrible Southbound Bevy. Le disque est toujours entre la quête et la lassitude. C'est très beau et très triste tout en même temps. Frank Black ne parle que d'amours perdus, déçus, enfuis ou de renoncements quotidiens. J'ai eu du mal à entrer dans l'album parce que je ne m'attendais pas du tout à cela de sa part.

        Et certaines répliques sont sublimes et terribles en même temps : "If ever you need, don't call" (sur le douloureux Cold Heart Of Stone), "I used to have some fun, me and everyone" (sur le délicat Chip Away Boy), "Every day I work, every day's the same", "every day I curse the one who left me here alone, every night I take something for my sleep" ( sur le quasi Reznorien Black Letter Day), "A little peace at last, yes, I thought that I would stay just for a while" (sur le définitivement sublime End Of Miles), "Will I ever stop my running ? I don't know..." (sur le brutal et angoissant 1826), "I used to think about the world, like so many people do... but as days of life unfurled, well, there was nothing I could do" (sur le trop déprimant Southbound Bevy), "if you leave, tell you what I do, if you leave, I will run after you" (sur le divin I Will Run After You), "I hear the phone line and I hope that isn't you" (sur le hurlement primal de Jane The Queen Of Love", "From the time you are born there are certain bells you must obey, best you plan for the resurrection best you lower your head and pray" (sur l'épique 21 Reasons), "and the darkness round me started to creep, and I knew that I had to go, 'cause night is the hour of the mountain lion who sent me back home cryin' (sur le discret mais génial à pleurer Whispering Weeds), etc... La reprise de The Black Rider se fait alors plus logique, oui, jamais cela n'a été aussi clair : "come all along with the Black Rider, we'll have a gay old time, lay down in the web of the black spider, I'll drink your blood like wine..."

        Je m'excuse donc platement. Black Letter Days est le plus personnel des albums de Charles Thompson, le plus triste, le plus adulte. Sans doute n'est-il pas aussi inventif musicalement que ses précédents disques (surtout ceux avec les Pixies), sans doute, mais il a perdu en créativité ce qu'il a gagné en maturité, en qualité de "songwritting" et en émotion, tout ici est de la trempe de Cactus. Avec Black Letter Days, tout simplement et par la porte des géants, Frank Black prend sa place aux côtés des Springsteen, des Dylan, des Neil Young, des Leonard Cohen, des Johnny Cash, de tous ceux qui nous chante un blues électrique qui s'appelle le rock et qui le font avec leur cœur et leurs tripes. Black Letter Days est un putain de chef-d'oeuvre absolu.

- The Black Rider

- California Bound

- Chip Away Boy

- Cold Heat Of Stone

- Black Letter Day

- Valentine And Garuda

- How You Went So Far

- End Of Miles

- 1826

- The Farewell Bend

- Southbound Bevy

- I Will Run After You

- True Blue

- Jane The Queen Of Love

- Jet Black River

- 21 Reasons

- Whispering Weeds

- The Black Rider


Devils Workshop

DEVILS WORKSHOP - lp - (2002)

        Devil's Workshop se présente comme l'antithèse de Black Letter Days. A la pochette dépressive de l'album épique s'oppose les couleurs chatoyantes de l'album enregistré à la va-vite, comme une partie de pétanque un dimanche après-midi. Pas de Rich Gilbert, mais des participations amicales de Eric Drew Feldman, Joey Santiago ET Lyle Workman. Cela s'entend. L'album est léger, frais, directement rock et agréable. Il dure à peine une demie-heure (contre les 65 minutes de Black Letter Days). Il est composé de morceaux de 2 minutes 30 en moyenne et il y a aussi pas mal de recyclage. Pour preuve l'ouverture avec Velvety (fameuse face B des Pixies, écrite vers les 15 ans de Charles Thompson) qui trouve ici des paroles bien stupides, tout en ne perdant rien de son efficacité. On retrouve aussi His Kingly Cave, chute de Dog In The Sand. Et Modern Age, bonus de vieilles Black Session période The Cult Of Ray. Un disque de remplissage Devil's Workshop (bouh le jeu de mots nul !) ?? Non, pas du tout. C'est un disque pour se faire plaisir, pour exorciser le difficile Black Letter Days. C'est le contre-poison à la déprime galopante du grand disque noir et blanc. Devil's Workshop, c'est du rock tout simple, tout bête, qui brille d'autant plus qu'il est associé contre nature avec Black Letter Days et ses monuments dépressifs.

        Les meilleurs moments sont le grandiose His Kingly Cave qui aurait pu trouver sa place sur les premiers Frank Black solo, le magnifiquement rythmé et mélodieux San Antonio TX, le toujours amusant Modern Age, le très rock'n'roll à l'ancienne et aussi très "dansant" Are You Headed My Way, le divin The Scene qui recycle plein d'anciens morceaux de Frank Black pour 2 minutes 29 secondes d'efficacité pure, le prise de tête Whiskey In Your Shoes qui n'est pas sans rappeler certains effets des deux premiers albums solo, et le final charmant de Fields Of Marigold. D'un autre côté il y a deux-trois choses un peu lourdes, comme ce Bartholomew et cette Heloise (joli texte, donc, en hommage à l'Heloise d'Abélard).

        Dans son ensemble, Devil's Workshop est un album très réussi, immédiatement abordable et familier. Son écoute est facile, rapide, agréable, les morceaux s'accrochent presque tous au cerveau dès la première écoute. Et en ce sens, Frank Black a sorti l'un des meilleurs double-albums qui soient. Parce que ce n'est pas du tout un double album et pourtant les deux disques sont indissociables, comme le poison et le contre-poison. Et suivant les moments de la journée, on penchera vers l'un ou vers l'autre. Pour sûr, Black Letter Days est le chef-d'œuvre ambitieux et écrasant des deux, mais il serait incomplet, voire même trop "lourd", sans Devil's Workshop à ses côtés. Il faut acheter les deux, en même temps si possible. Et il sera nécessaire de refaire le point dans quelques jours et dans quelques semaines sur ces deux disques aussi beaux que complexes. Non, on n'aurait pas pu faire un seul album en prenant les meilleurs moments de chacun d'entre eux, ils existent ainsi et c'est fort bien car ils prennent une place de choix dans l'univers blackien.

- Velvety

- Out Of State

- His Kingly Cave

- San Antonio TX

- Bartholomew

- Modern Age

- Are You Headed My Way

- Heloise

- The Scene

- Whiskey In Your Shoes

- Fields Of Marigold


Show Me Your Tears

SHOW ME YOUR TEARS - lp - (2003)

- Nadine : Sur l'intro, on se dit que Frank Black, plutôt que de reprendre Tom Waits ou de faire semblant d'être les Rolling Stones, veut tout simplement prendre la place de l'un et des autres. Donc, Nadine s'avance pendant une minute sur les bases d'un "blues-rock tribal" troublant. Avant d'exploser sur un rock carré et un solo de guitare hystérique. Le son est très agressif, très coupant et la voix de Frank Black annonce la couleur, Show Me Your Tears ne sera pas un disque gai. Ca va chier. Une superbe entrée en matière, comme sur à peu près tous les albums de Charles Thompson.

- Everything Is New : Une délicate ballade rock, très classique, qui pourra rappeler bon nombre d'autres chansons de l'ami Frank. Quelque part entre End of Miles et I'll Be Blue. Aucun effet de surprise, mais un superbe emballage (production classe, piano classe, chœurs classes, guitare classe, paroles classes). Et déjà une bonne dose d'émotion.

- My Favorite Kiss : Musicalement, c'est du Catholics tout ce qu'il y a de plus habituel (avec l'introduction de l'harmonica). Mais ce qui transcende ici le morceau, c'est le chant de Frank Black. Posé, confiant, visiblement très préoccupé de toucher l'auditeur, deux minutes parmi les plus matures de l'œuvre de Charles Thompson. Très beau.

- Jaina Blues : belle intro acoustique, avant d'évoluer vers une réminiscence étonnante des deux premiers albums solos de Frank. Et rapidement la chanson prend son rythme de croisière sur un rock plus classique et finalement moins blues que Nadine. Un morceau efficace mais qui perd son intensité sur la durée. 

- New House of the Pope : énorme intro piano + basse pour un bien beau moment de Show Me Your Tears. Un rock-blues bien sûr très influencé par Neil Young, mais interprété avec un vrai panache par les Catholics. Un exercice de style et de classicisme. Oui, mais quelle classe !

- Horrible Day : une version légère et "joyeuse" du terrible Black Letter Days. Au désespoir des paroles répond une musique country-rock particulièrement enlevée. Encore du très classique mais qui culmine sur un refrain audacieux dans son lyrisme country obsolète. Amusant.

- Massif Centrale : On pardonnera sans problème la faute d'orthographe du titre pour s'extasier devant ce qui est peut-être la meilleure chanson de Show Me Your Tears. Massif Centrale est un petit best of de ce que l'on aime dans la carrière solo de Frank Black. Intro en mode mineur, basse pixisienne en diable (celle de Debaser, quand même !), piano en soutien discret mais essentiel, énergie croissante, solo de guitare ultra bref et bordélique, refrain à double détente et un véritable moment de grâce en tout début de chanson quand Frank Black part dans les aigus en livrant une imitation troublante de Freddie Mercury. Le genre de petits chefs-d'œuvre "pan dans la gueule" qui transforme les plus classiques des albums en vrais indispensables. Monumental.

- When Will Happiness Find Me Again : sur la deuxième moitié de Show Me Your Tears, Frank Black mise sur de courtes chansons qui sont un peu à la country-blue-rock des Catholics ce que les missiles hardcore-punk-pop étaient aux Pixies. Pour exemple, ce When Will Happiness Find Me Again, discret, carré, classique (décidément), mais joliment présenté.

- Goodbye Lorraine : dès le début on a compris la donne : c'est de la country. De la pure, de la dure. Une image d'Epinal du standard country comme on voit dans les vieux films. Quelque part entre le traditionnel My Darling Clementine et le So Long Marianne de Leonard Cohen (Goodbye / So Long, je sais, je fais des comparaisons faciles...). L'un des moments les plus dispensables de l'album.

- This Old Heartache : encore une magnifique intro au piano (de plus en plus la marque de fabrique des Catholics) qui s'enchaîne à une rythmique inattendue et une mélodie troublante qui feront une nouvelle fois penser à certaines oeuvres de Tom Waits. Comme Waits, Frank Black dérive parfois vers la musique de "westerns gothiques". Cette ambiance bizarre, le chant malade de Frank Black et un travail sur les guitares particulièrement barré font de cette chanson l'un des sommets de Show Me Your Tears.

- The Snake : l'un des standards évidents de Show Me Your Tears, The Snake pourrait faire un single grandiose, malgré (ou grâce) à sa très courte durée. The Snake est un petit rouleau-compresseur rock dont le climax se situe bien sûr dans un étonnant solo de saxophone (on se croirait revenu au premier disque solo).

- Coastline : l'hommage le plus évident (hors reprises) que Frank Black ait rendu à son plus important inspirateur : monsieur Neil Young. Non seulement Coastline porte le même titre qu'une chanson du Loner (sur Hawks & Doves, récemment réédité en CD), mais il sonne avec un mimétisme frappant comme une chanson perdue d'un Comes a Time ou d'un After The Gold Rush. Deux petits minutes émouvantes pour bien rappeler que si l'on aime Frank Black on ne peut que placer au-dessus de tout l'intégrale de Neil Young.

- Manitoba : un hénaurme final. Encore une fois, mais on commence à avoir l'habitude, l'intro est splendide. Avant d'enchaîner sur ce que l'on peut qualifier de véritable hymne. Un rock quasiment "pompier" qui culmine sur un refrain à reprendre en chœur en concert. Manitoba est d'ailleurs taillé pour le live. Cela pourrait être indigeste, mais la belle mélodie, les paroles amusantes et le chant très nuancé de Frank Black, font de Manitoba une conclusion étonnante, audacieuse et particulièrement marquante à Show Me Your Tears. 

        Au final, l'album s'affirme comme très classique mais aussi très agréable, la qualité des compositions n'étant à peu près jamais prise en défaut. On notera aussi que, si Frank Black annonçait le disque comme très sombre, ce album est moins déprimé et bouleversant que le terrible Black Letter Days. La déception est sans doute présente, mais avec le temps on finit essentiellement par retenir les excellentes chansons et même si elles sont peut-être un peu moins nombreuses que sur Dog in the Sand ou Black Letter Days, Show Me Your Tears demeure un album indispensable pour les fans de Frank Black et une oeuvre d'une grande classe. Forcément.

        Petite précision en conclusion (provisoire, forcément provisoire). Il faut radicalement distinguer les deux périodes de la carrière solo de Frank Black (sans puis avec les Catholics), sous peine de ne pas apprécier pleinement les qualités de ses dernières oeuvres. En effet, si l'on compare le génial Teenager of the Year avec les productions des Catholics, on ne peut qu'être déçu. Les albums des Catholics sont nettement moins dynamiques, novateurs, variés, enthousiasmants. La moindre intro d'une chanson de Teenager of the Year est plus surprenante et affolante que l'intégralité d'un Show Me Your Tears. Mais les qualités des Catholics se situent ailleurs. Dans l'émotion qui se dégage de leurs albums, dans la qualité de l'écriture et du chant de Frank Black, dans les instants magiques disséminés ici et là. Frank Black n'est plus le Dieu du rock comme il l'était encore à l'époque de Teenager of the Year, c'est désormais un vieux sage du rock américain, qui a encore de grandes choses à nous conter et de belles chansons à nous offrir.

- Nadine

- Everything Is New

- My Favorite Kiss

- Jaina Blues

- New House of the Pope

- Horrible Day

- Massif Centrale

- When Will Happiness Find Me Again ?

- Goodbye Lorraine

- This Old Heartache

- The Snake

- Coastline

- Manitoba


Frank Black 93-03 - compilation - 2003


FRANK BLACK FRANCIS - compilation + remixes - 2004

        2004 fut bien sûr marquée par la reformation des Pixies. L'événement se trouva amplement commenté, en long, en large et surtout de travers. Et après la série de concerts et les deux titres enregistrés par le groupe réuni, on ne peut pour l'instant conclure qu'une seule chose : les Pixies ressuscités sont beaucoup moins grands vivants que morts. Car, aujourd'hui, quand tant d'autres musiciens ne cessent de s'inspirer de leurs percées révolutionnaires, les Pixies semblent bien obsolètes, ce qui est pour le moins paradoxal de la part d'un ex-plus grand groupe de rock du monde... On attendra avec intérêt le nouvel album (produit par Tom Waits, ce qui est rassurant), prévu pour 2005 et on se consolera amplement avec la dernière folie de Charles Thompson, aka Black Francis, aka Frank Black, aka Frank Black Francis (mais pas aka The Bride...).

        D'après le monsieur, ce disque était en projet depuis déjà quelques années, mais son arrivée, juste après la reformation des Pixies, est extrêmement bienvenue. La chose se présente sous la forme d'un double disque. Le "principal", contient les toutes premières démos enregistrées par Black Francis, seul avec sa guitare, dans le but de séduire un producteur. Même si l'énergie adolescente de Charles Thompson fait plaisir à entendre, on se retrouve avec toujours les mêmes scies du début de carrière des Pixies, dans des versions finalement très similaires à celles que nous connaissons par coeur. Bref, on écoute la chose à titre documentaire et on la range sans regret dans la pochette.

        Heureusement il y a le disque "bonus", Frank Black ayant jugé qu'il était dommage de refourguer aux fans une énième compilation de démos à l'intérêt discutable. Et diantre, que le gros génie avait une nouvelle fois raison !

        Ce deuxième disque, enregistré en 2003, propose de nouvelles versions de grands standards des Pixies, par ledit Frank Black secondé par les deux membres des Two Pale Boys. Le résultat est un vrai bouleversement, le coup de pied au cul salutaire qui dépoussière le "gospel" pixisien avec un bonheur quasi total. Les classiques sont passés à la moulinette électronique, dépouillés de leurs oripeaux rocks, pour se métamorphoser en de voluptueuses et cotonneuses errances peuplées de cuivres et d'accents "ambient" rêveurs.

        Certaines chansons, que l'on avait sans doute trop entendues, trouvent une seconde jeunesse. Where Is My Mind resurgit des profondeurs, portée par un Frank Black qui n'a peut-être jamais aussi bien chanté que sur ce disque. Des bruitages incongrus et des silences fascinants piratent nos habitudes. Les cuivres de Nimrod's Son transforment la comptine en un objet tordu, inquiétant et drôle, que n'aurait pas renié un certain Tom Waits. Wave of Mutilation, épurée, est troublante. La version chaloupée de Monkey Gone To Heaven réjouit et Velouria devient une sublime complainte fêlée. The Holiday Song copule avec des mariachis funèbres et l'angoissante relecture de Is She Weird redonne toutes ses couleurs menaçantes à ce chef-d'oeuvre. Subbacultcha, en boîte à musique détraquée, définitivement enfant cachée de Tom Waits, est peut-être supérieure à son apparences d'origine. Et la très audacieuse épopée de Planet of Sound conclut l'album le plus original et passionnant du vaste univers Frank Black Francisien, depuis ses débuts en solitaire.

        Sur la base de chansons reconnues comme d'intouchables classiques, le sieur Francis s'amuse et expérimente, en laissant transparaître une mélancolie onirique qu'on ne lui connaissait presque plus. Sur la seule foi de ce disque incroyable, on pardonne la fameuse reformation et on attend la suite avec impatience.


Honeycomb

HONEYCOMB - lp - 2005

        Lorsqu'un nouvel album de Frank Black surgit, on sait déjà que la première approche se révélera trompeuse. En effet, l'entrée dans Honeycomb est tout sauf réellement transcendante. La musique de Charles Thompson n'a jamais été aussi mélancolique et délicatement calme. Plus le moindre hurlement, l'électricité se fait oublier, les rythmes sont lents et les accompagnateurs en présence sont tous des légendes du country rock. On pourrait alors croire qu'en enregistrant à Nashville et en s'offrant un énième gros plaisir égocentrique, Frank Black soit cette fois allé trop loin. Trop loin dans la complaisance et sa fascination largement poussiéreuse pour le "bon vieux rock à papa". Pourtant, au fil des écoutes, Honeycomb dévoile sa nostalgie insondable, encore plus présente que dans Black Letter Days et Show Me Your Tears. Malheureusement, l'instrumentation résolument pépère et l'interprétation souvent fort mollassonne risquent d'en rebuter plus d'un. Même si cela est justifié par le thème du morceau, on pourrait jurer que Frank Black va s'endormir sur son micro avant la fin de Another Velvet Nightmare.

        Mais cette désinvolture désenchantée sied aussi merveilleusement à d'autres passages comme la merveilleuse reprise de Dark End of the Street ou sur la charmante chanson éponyme. Parmi les sommets de Honeycomb, on trouvera aussi la nervosité de Go Find Your Saint, le duo fêlé entre Black et son ex femme sur Strange Goodbye, la version définitive de l'amusant Sunday Sunny Mill Valley Groove Day, la tristesse enjouée de I Burn Today. Mais le véritable chef-d'oeuvre de l'album se découvre peut-être dans son ultime morceau, le franchement sublime Sing For Joy. Comme je le lisais ailleurs, on ne peut pas reprocher à Charles Thompson son manque d'éclectisme. En à peine une année, il a ravivé sur scène la vieille énergie punk des Pixies, il a dynamité ladite énergie avec les expérimentations du second disque du Frank Black Francis et il prend le temps de ciseler une adorable errance country. Certes, Honeycomb risque de désarçonner certains auditeurs, Frank Black n'a jamais été aussi éloigné des Pixies, et l'ensemble est quand même très répétitif, aussi bien dans les arrangements que dans les thèmes abordés. C'est un disque pour les soirées d'été, à la campagne. A écouter quand la lumière du soleil couchant vient baigner le monde de teintes aussi tendres que crépusculaires.


Fast Man, Raider Man

FAST MAN RAIDER MAN - lp - 2006

C’est devenu annuel, comme Noël, le 11 novembre et les films de Woody Allen, Frank Black sort son disque de country-rock. Mais comme le monsieur est gourmand, en 2006, l’album sera double, sans commettre l’erreur du diptyque Black Letter Days/Devil’s Workshop (qui avait divisé les ventes par deux), et donc en insérant les deux disques dans le même boîtier. On ne reviendra plus sur les vieilles litanies selon lesquelles il fut un temps (désormais très lointain) où Charles Thompson était le sommet de la créativité, tout cela n’a plus lieu d’être depuis au moins une décennie. A présent, Frank Black est devenu un label qualité en matière de rock’n’roll à l’ancienne, sans âge, un peu country, presque folk par moment, avec du rockabilly ici et des solos de saxophone comme chez Bruce Springsteen. Avouons-le, le songwriting du monsieur, associé à sa voix toujours aussi belle, nous offrent de très grands moments. La première moitié du premier disque de Fast Man/Raider Man est ainsi fort réjouissante, avant de sombrer peu à peu dans le répétitif. Il devient ainsi inévitable d’aborder l’œuvre par fragments, pour mieux apprécier la personnalité de chaque morceau, certains d’entre eux tenant du petit chef-d’œuvre (If Your Poison Gets You, Johnny Barleycorn, Elijah, Dirty Old Town, End of the Summer…).

        27 chansons, bien sûr, c’est trop, beaucoup trop, surtout que le second disque n’est pas du niveau du premier et que si l’on essaie de tout écouter d’affilé, cela tient du masochisme et l’on passe à côté des perles, noyées dans la masse. Frank Black pêche une nouvelle fois par complaisance, délitant son chef-d’œuvre dans une précipitation et une quantité qui prouvent une nouvelle fois qu’il se fait plaisir mais qu’il se moque un peu du résultat final. Si Fast Man/Raider Man se bonifie au fil des écoutes, il lui manque l’étrangeté, le souffle, bref la flamme qui lui permettrait d’accrocher durablement l’auditeur. De la musique infiniment respectable, bien fichue, mais poliment ennuyeuse, gentiment inutile.


Christmass


Bluefinger

BLUEFINGER - lp - 2007

       Cela devrait être la Révolution, Charles Thompson reprend son pseudonyme pixisien et se remet à faire du rock. Certes, Bluefinger dégage bien plus les oreilles que ses dernières productions country peinardes. Mais pour autant il suffit de remonter à Black Letter Days et à Show Me Your Tears pour retrouver des morceaux tout aussi vindicatifs que les deux premiers titres de Bluefinger. Il ne s’agit pas non plus d’un retour en arrière, à la folie de Teenager of the Year. Nous sommes au contraire en présence de ce que Charles Thompson fait le plus aisément : le recueil de gros rocks qui tâchent. Bref, ça bastonne, sans réelle surprise (à part pour quelques chœurs ici ou là) et c’est très efficace.


Svn Fngrs


The Golem


Nonstoperotik

NONSTOPEROTIK - lp - 2010

Mince, un nouvel album de Charles Thompson. On devrait avoir l’habitude. Après tout, les Pixies sont séparés (une reformation ? quelle reformation ?) depuis presque 20 (vingt !) ans. Et ce n’est jamais que le douzième (12e !) album solo de leur leader. Frank Black, pardon, Black Francis, a de nouveau enregistré un disque de heavy country hard rock en une poignée de jours, en enfermant Eric Drew Feldman, Dave Philips & co dans un studio rustique. Mais avec une thématique ! Le sexe ! L’érotisme ! Le libertinage ! Ohlala ! Caliente ! Non, en fait, pas du tout, vous vous en doutez peut-être. Tout ici n’est que métaphores bizarres et chemins de traverse, voire romantisme intimiste. Ce n’est définitivement pas le disque pour emballer sur la piste de danse.

Ce qui surprend dès le premier morceau, Lake of Sin, c’est le son, énorme. Loin de l’ascétisme bien roots des albums avec les Catholics, Nonstoperotik (quel titre gag) flirte souvent avec une sophistication assez rare dans la discographie de Black. Il faut remonter à Teenager of the Year pour retrouver autant de fastes, même si SVEN FNGRS annonçait cette évolution. Ce sont en fait les ballades qui profitent le plus de ces élans spectoriens. Rabbits en est un excellent exemple, avec ses bizarreries joliment mises en valeur. Les rocks sont plus classiques, parfois bien gras (Corrina), globalement efficaces ; le plus brutal est un bonus (Rocket USA), le plus spectaculaire est Six Legged Man et le plus attachant conclut l’album (le lumineux Cinema Star).
Ainsi Nonstoperotick se présente comme l’œuvre la plus accessible de Black Francis depuis Dog in the Sand. Il faut aussi avouer que le bonhomme n’avait pas été aussi attachant depuis au moins Honeycomb (en 2005), si ce n’est Black Letter Days (en 2001). Voilà un disque qui va à l’essentiel, suffisamment varié et séduisant pour ne pas ronronner dans la routine. Cela fait longtemps qu’on ne demande plus à Charles Thompson d’être révolutionnaire, et la moindre de ses petites originalités nous ravit.


Abbabubba


Paley & Francis


Frank Black en concert à Bordeaux en 1996, à Toulouse et à Angoulême en 1999, à Paris et Toulouse en 2001, au Bataclan en 2003

FRANK BLACK & THE CATHOLICS - PARIS - LE BATACLAN - 29/11/03

 
 
 
 
 
 
 
 
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