J'ai grandi avec à mon chevet Jules Verne et Stevenson, aujourd'hui encore je m'émerveille devant Le Château dans le Ciel de Miyazaki. Comme tant d'enfants, aujourd'hui adultes ou un jour prochain adultes, je suis fasciné par l'Aventure, celle qui s'écrit avec un grand A. L'aventure que l'on espère toujours voir surgir dans son existence et qui rendra nos vies extraordinaires. Ce sentiment unique que l'on ressent à la lecture de Voyage au Centre de la Terre ou de l'Ile au Trésor. On a toujours rêvé de vivre de tels instants. On les désirait plus que tout. On ne pouvait ôter cette magie de notre esprit, même avec le passage des ans. Et un jour, grâce aux jeux vidéos, on a vraiment eu l'impression de vivre dans un roman de Jules Verne.
Le jeu qui transforme les rêves en réalité, c'est Skies of Arcadia (Eternal Arcadia au Japon). Un jeu de rôle/aventure, très inspiré dans son déroulement, ses personnages et sa jouabilité par les intouchables Final Fantasy et Legend of Zelda. Oui, mais l'élève dépasse souvent ses maîtres. Skies of Arcadia égale ses prédécesseurs par la force d'un univers incroyablement réussi et immersif. On ne joue pas dans le monde de Skies of Arcadia, on existe à part entière dans ces lieux gigantesques, dans ces combats grandioses, dans son histoire merveilleuse.
Le monde de Skies of Arcadia est un univers maritime où l'océan aurait été remplacé par le vide du ciel, où les vagues sont des nuages, où le ciel serait les plus hautes couches de l'atmosphère, où les profondeurs sous-marines serait des zones de hautes pressions toujours plongées dans le noir, recouvrant une terre dévastée depuis des millénaires. On y trouve aussi un vortex, sorte de quatrième dimension qui correspondrait à notre triangle des bermudes. Ainsi que l'espace, ici aperçu sous la forme d'une station spatiale entre 2001 et Solaris. Les lieux sont variés, même si finalement assez classiques (le monde de la forêt, le monde du désert, etc...), mais les clichés des jeux d'aventure sont transcendés par un sentiment immense de liberté et de plaisir de l'exploration.
Car ce qui fait de Skies of Arcadia un tel chef-d'oeuvre c'est son aspect épique. Avouons-le c'est sans doute le jeu vidéo le plus épique qui soit. L'histoire est follement ambitieuse, les personnages sont forts, les situations sublimes, la musique totalement géniale et le déroulement du récit est digne des plus grands romans de notre enfance. Même si le jeu se réserve de nombreux moments d'humour ou de calme, jamais le rythme et l'ambiance ne faiblissent. Rarement un jeu aura réussi à ce point à nous tenir en haleine d'un bout à l'autre. On pensera à quelques Zelda ou à Final Fantasy 7, mais ce sont des cas exceptionnels. On ne peut pas décrocher une seule seconde de Skies of Arcadia avant d'en avoir vu le bout.
Et l'aventure est longue, très longue, gigantesque même. Outre les quêtes, très exigeantes dans l'ensemble et les rebondissements innombrables, les combats sont... épiques ! Bien sûr on se bat le plus souvent de manière aléatoire contre des monstres dotés de chouettes personnalités, à la manière d'un Final Fantasy. Mais ces batailles sont souvent rudes, très disputées et les Boss possèdent une résistance à la hauteur de leur charisme. Mais le coup de génie est d'avoir intégré un système de batailles "navales-aériennes" particulièrement efficace. Tous les combats aériens s'étalent dans la durée (certains flirtent avec plus d'une heure de jeu !!), demandent de la stratégie et de l'attention. On pourrait croire qu'ils sont lassants. Au contraire, leur mise en scène et la musique qui les accompagne, fait bondir dans tous les sens face à son écran. Skies of Arcadia devient alors un jeu éprouvant, mais à aucun moment on ne regrette d'être là et nulle part ailleurs. Sur un plan strictement formel, la jouabilité est impeccable, les décors sont parmi les plus impressionnants vus dans un jeu et la bande originale (orchestrale !) est d'une beauté à couper le souffle, à la fois épique et délicate, elle rivalise sans problème avec celles des Shenmue.
Je disais plus haut que les héros du jeu sont forts. Ils sont surtout dans l'ensemble très attachants et certains, tels Drachma (le capitaine Achab au grand cœur) ou Belleza (la traîtresse au touchant sens de l'honneur), sont tout simplement bouleversants. Le duo principal, Vyse et Aïka, est drôle, sympathique, adorable. Les seconds rôles imposent tous leur présence et le nombre de personnages inoubliables dépassent de très loin ce que l'on a l'habitude de voir dans le monde des jeux vidéos. En ce sens le générique de fin est un modèle du genre, car il présente des petites conclusions sur le destin de tous les personnages engagés comme équipage durant le jeu (et vous ne les rencontrerez pas tous lors de votre premier voyage, croyez-moi !). Car non seulement Skies of Arcadia est immense à jouer une première fois, mais il donne immédiatement envie de recommencer l'aventure lorsque la fin survient. Ah et puis les méchants sont sublimes, même si là encore on pense à Final Fantasy 7. Peu importe, Skies of Arcadia possède suffisant de personnalité pour s'imposer à part entière. Et s'imposer face à un Final Fantasy, il faut le faire !
Les séquences époustouflantes ne cessent de s'enchaîner. On se retrouve ainsi à la poursuite d'une baleine volante, héritière de Moby Dick, aussi tragique que l'originale. On se retrouve vraiment abandonné sur une île déserte. On va de découvertes en découvertes, mais sans jamais sombrer dans l'ennui ou dans la routine. L'épique et le spectaculaire sont toujours omniprésents. Presque trop. Mais le déroulement du jeu est si bien construit que lorsque l'on frôle l'overdose de scènes immenses, les programmeurs nous accorde une pause bienvenue. L'évolution des personnages et du monde qui les entoure donne au jeu une aura resplendissante.
Skies of Arcadia était le meilleur jeu de la Dreamcast (console dont la moitié de la ludothèque était constituée de perles), il est aujourd'hui le meilleur jeu de la GameCube (devant Zelda !). C'est non seulement un chef-d'œuvre mais aussi le RPG sur consoles le plus proche de la grande aventure dont nous rêvions quand nous étions petits. Skies of Arcadia est un songe d'enfance qui devient réalité. Une expérience qu'il serait criminel d'ignorer. Une oeuvre d'art, bien sûr, au sens le plus noble du terme, supérieure à bien des films et à bien des livres. |