Bravo à tous les courageux qui ont tenu jusqu'ici. Bravo à ceux qui restent, prêt à en découdre avec les 20 meilleurs disques de 2018. Je l'ai déjà dit au début de ce classement, ce fut une merveilleuse année musicale. En particulier, tous les albums présents dans le top 10 mériteraient l'honneur de la première place, c'est important de le rappeler. Essayez de n'en négliger aucun, ils méritent tous votre attention et votre bienveillance. Bien, allons-y. On ne va pas revenir sur la règle d'or : on clique sur la pochette, ça fait de la musique.


 

20

Gazelle Twin - Pastoral

Ne le cachons pas, aussi génial que soit le dernier album de Gazelle Twin, c'est aussi une des écoutes les plus exigeantes de 2018. Mais ce n'est pas ça qui pourrait nous faire reculer, surtout après la réussite du précédent disque, l'existentiel Unflesh. Cette fois, la britannique s'attaque à l'Angleterre d'aujourd'hui mise en parallèle à celle d'hier, aussi bien en mêlant des siècles de genres musicaux qu'en scrutant les évolutions (ou régressions) des mentalités. Il y a ici des idées à revendre, chaque morceau débordant de sons incroyables, de rythmes extra-terrestres. Une manière unique de parler du monde actuel, d'en faire ressentir le désarroi, la colère, la cruelle ironie.

 


 

19

Kero Kero Bonito - Time 'n' Place

Le petit bazar sonore de Kero Kero Bonito semble toujours en chantier, avec autant de bulles bondissantes que de bruit, mais il y a ici les échos d'un album de pop mutante assez génial. Un pied dans la J-pop, un autre chez Broadcast et la tête dans les nuages, le groupe anglais est un des plus passionnants du moment.

 


 

18

Gas - Rausch

Depuis qu'il a relancé le projet Gas, après plus de 15 ans de veille, Wolfgang Voigt semble ne plus pouvoir arrêter son inspiration. C'est de l'ambient sylvestre, où les morceaux sont nommés avec des photos retravaillées de sous-bois. Dans le genre, c'est toujours la crème de la crème.

 


 

17

Young Fathers - Cocoa Sugar

Le trio britannique est le roi du ruage dans les genres : du rap, du gospel, du rock, de l'électro, de la pop, de la soul... Y a de tout, dans la plus saisissante des auberges espagnoles. Et toujours au service de remarquables vignettes sur l'époque.

 


 

16

Suede - The Blue Hour

Les récents albums des vétérans de Suede ont surpris par leur qualité. On n'en demandait presque pas autant de Brett Anderson et ses compagnons, mais non, après tout, c'est ce qu'on leur demande : des merveilles, comme dans les années 90, mais avec le poids des ans, pour leur donner une nouvelle patine. C'est un nouveau sommet avec The Blue Hour, un disque qui s'appuie à fond sur la veine la plus élégiaque du groupe. Des cordes, de grandes envolées lyriques, des récits cinématographiques en diable. Grandiose.

 


 

15

Let's Eat Grandma - I'm All Ears

Les deux anglaises ont à peine 20 ans, mais c'est déjà leur deuxième album et un nouveau bond musical. Plus accessible, mais pas moins remarquable, leur musique flirte avec le grand public pour mieux amener les pièges et les contre-pieds. Une belle vision de l'avenir de la pop avec un son immense.

 


 

14

Dilly Dally - Heaven

La nostalgie du rock des années 90 peut faire des ravage, sauf quand elle est bien comprise et retranscrite. C'est le cas chez Dilly Dally, en grande partie grâce à la voix incroyable de sa chanteuse, Katie Monks. C'est du grunge, voyez-vous, bien old school, mais avec une voix de dingue, un truc qui te colle des frissons. Et puis les guitares bien grasses, le rythme lourd, par endroit ce n'est plus du grunge, c'est presque du doom. Les morceaux dureraient 10 minutes, on serait chez Windhand. Mais non, le format reste résolument rock, de la bonne grosse balade rock avec du coeur et des tripes. C'est énorme.

 


 

13

Karine Polwart - Laws of Motion

L'Histoire du monde s'écrit par la petite histoire de chacun de ses habitants, la grande Histoire se construit au fil des aventures, parfois minuscules, parfois épiques, de chacun. Les "lois du mouvement", ce sont les lois des migrations, des peuples qui changent de ville, de pays, de continent, dans l'espoir, souvent déçu, de trouver une vie meilleure. Au final, rappeler que nous ne sommes tous que de passage sur cette planète qui appartient à tous et à personne en particulier. La grande compositeur folk Karine Polwart a taillé des mélodies magiques pour signer un des disques politiques les plus indispensables de ces dernières années. Déjà un classique folk.

 


 

12

Kacey Musgraves - Golden Hour

La princesse de 2018, c'est Kacey Musgraves, que tout le monde aime (ou peu s'en faut). Avec raison. C'est de la country pop, au fond, un peu country, très pop. C'est de la musique pour ados, mais avec les trucs en plus qui font qu'on peut s'y abandonner passés 20 ans. Déjà, elle a une belle voix, Kacey, et elle est attachante, c'est une fille bien. Ensuite, bon sang, les chansons sont imparables. Des refrains complètement fous, qu'elle compose elle-même en majeure partie. Autant de talent, ça force le respect. C'est de la pop, de la vraie, de l'excellente, écoutez-la sans honte.

 


 

11

Young Galaxy - Down Time

C'est un des drames musicaux de 2018, Young Galaxy s'est arrêté, dans l'indifférence quasi générale. Les deux derniers albums, passés inaperçus, étaient pourtant magnifiques. L'ultime opus, Down Time, est un recueil presque parfait de chansons électropop amples, douces, dansantes, réconfortantes, qui sont du miel pour les oreilles. Oui, du miel musical, et voilà encore des abeilles qui disparaissent, nous courrons à notre perte si nous ne savons plus apprécier et préserver des orfèvres pop de ce calibre. Il n'est pas trop tard, redécouvrez Young Galaxy, achetez leurs disques, encouragez-les à revenir, le monde a besoin d'eux.

 


 

10

Car Seat Headrest - Twin Fantasy

Relecture d'un des albums discrètement autoproduits par Will Toledo au début de la décennie, ce Twin Fantasy amélioré est ce que le rock actuel peut offrir de mieux. Quel impact ! Et quel souffle ! Le gars donne tout ce qu'il a, tout le temps. Même quand le morceau dure 15 minutes, il ne lâche rien. Il y a une foi incroyable dans le pouvoir des guitares, un truc qui rappelle que le rock ne meurt jamais. A chaque fois, la presse nous sort que : ça y est, le rock est mort, les synthés ont tué les guitares, Autotune, c'est l'avenir. Taratata, que dalle ! Il y a toujours un Will Toledo en embuscade. Gloire à lui !

 


 

9

Julia Holter - Aviary

Après son album le plus accessible (Have You in my Wilderness), Julia Holer sort son disque le plus exigeant. Une odyssée de 90 minutes, avec des chansons longues, déstructurées, sans refrain, oh non, surtout pas de refrain. De la pure expérimentation qui fait exploser les frontières de la pop. Pour quelqu'un comme moi, qui considère Have One On Me de Joanna Newsom comme le meilleur disque des années 2000, ça ne me fait pas peur. Admettons, Aviary demande du temps, de la patience et se dévoile progressivement. Quel bonheur ! Un disque qui demande de l'attention, à l'époque de la déficience généralisée de ladite attention. Un album qui se conçoit en tant qu'album, qui propose un voyage, un univers, qui ouvre des fenêtres sur d'autres mondes, ou, tout simplement, sur notre propre monde.

 


 

8

Lucy Dacus - Historian

Bon, quand on ouvre son disque avec la chanson de l'année (Night Shift), c'est un peu compliqué de tenir la distance. Et pourtant Lucy Dacus y parvient, avec un rock féminin à fleur de peau. C'est souvent déchirant, en particulier le récit de l'agonie de sa grand-mère sur Pillar of Truth. Mais tout n'est pas aussi sombre et l'album réserve de délicats éclats de lumière. En matière de rock de fille avec une guitare, c'est une pierre angulaire, une date. Lucy Dacus c'est une personnalité, une future étoile aussi attachante que sa musique.

 


 

7

Middle Kids - Lost Friends

Autre révélation d'envergure de 2018, le groupe australien Middle Kids cisèle des chansons d'indie rock absolument incroyables. Une bonne moitié de ce premier album tient du génie. Ah oui, j'insiste, c'est une succession ininterrompue de refrains immenses et d'idées accrocheuses. Et puis, encore une fois, quelle chanteuse. Dans un monde parfait Hannah Joy (quel nom !) serait une des plus grandes stars de la planète. Découvrez ce disque sans attendre, il pourrait bien ne plus vous quitter.

 


 

6

Father John Misty - God's Favorite Customer

Ah, il divise notre Josh Tillman, il énerve, il exaspère, il laisse perplexe. Mais quel compositeur ! Toutes les chansons de son dernier (et meilleur) album sont géniales. Oui, encore ce mot, mais franchement, si c'était si facile de composer des morceaux pareils, au paradis déjà nous y serions. L'ironie est omniprésente, le cynisme aussi, sans doute, une verve folle, un humour qui est, plus que jamais, la politesse du désespoir. Noir, c'est noir, mais il y a encore de l'espoir. Ne serait-ce que, grâce à Father John Misty, la catharsis fonctionne à bloc. On en sort, paradoxalement, moins misanthrope, plus léger. Le souvenir des errances nocturnes, des erreurs répétées, de la lassitude, se fait plus lointain. Tiens, il devrait être remboursé par la Sécu, notre Josh.

 


 

5

Low - Double Negative

On pourra en discuter à l'infini, mais Low n'a jamais fait de mauvais album. Le précédent (One & Sixes), passé un peu inaperçu, était tout à fait réussi. Mais rien ne préparait à cette réinvention du son du groupe qui a plongé tout entier dans l'océan bruitiste pour en rapporter des perles tourmentées. L'univers sonore de Double Negative est le plus frappant de 2018. Et il faut tout le talent du groupe pour reconstruire des mélodies et des chansons magiques à partir d'un matériau aussi abrasif.

 


 

4

U.S. Girls - In A Poem Unlimited

Meghan Remy est en colère, Meghan Remy est "mad as hell". Elle a tant à dire sur l'hypocrisie sociale, sur les trahisons amoureuses, sur la passivité de ses contemporains. Avec sa voix, elle pourrait renverser le patriarcat, révolutionner des pays entiers. Et elle a trouvé un cheval de Troie : des chansons disco hyper accrocheuses, un univers pop un peu étrange mais juste ce qu'il faut pour que les mélodies soient entêtantes, pour qu'on ait l'impression d'être accueilli chez une bonne amie. Qui, mais on ne l'avait pas remarqué, nous attendait le couteau entre les dents.

 


 

3

Miya Folick - Premonitions

Après deux EPs très réussis, Miya Folick a débarqué directement dans la cour des grands avec un premier album fantastique. Un mélange de genres et d'ambiances imprévisible qui ne cesse de rebondir de surprise en surprise. Que des tubes, que des hits, que des chansons, lentes ou frénétiques, qui devraient être les plus écoutées des mois à venir. Il le faut, c'est important. Miya Folick : LA révélation de 2018.

 


 

2

Neko Case - Hell-On

Elle n'est pas passée de la première place, presque 10 ans après avoir été numéro 1 de ce site avec Middle Cyclone. Quel album ! Quel album magnifique. Avec des chansons incroyables. Que voulez-vous que je vous dise ? Neko Case, c'est évidemment une voix, mais c'est, bien plus encore, une plume. Pour moi, c'est cela qui compte le plus au final. L'originalité, j'adore, attention, bien sûr. Découvrir toujours de nouveaux artistes, de nouveaux sons, être surpris, c'est important. Mais voilà, vous me mettez des chansons simples, ou du moins en apparence. Juste des couplets, des refrains, des arrangements, une voix, et ça peut être l'amour absolu, la lune de miel éternel.

C'est un album que j'aurais pu classer avec d'autres comme : le bon disque d'une valeur sûre, c'est toujours aussi bien, et c'est déjà pas mal. Mais non, c'est mieux que bien, Hell-On est un très, très très, grand album. Ce n'est pas parce qu'on a l'habitude avec Neko Case d'être gâtés qu'il faut passer à côté, le mettre un peu en retrait. Quand cela nous apporte autant de bonheur, cela mérite (presque) la première place.

 


 

1

Dear Nora - Skulls Example

Dans le tumulte du monde, dans le bruit et la fureur, en marge de la souffrance et des inquiétudes pour le lendemain, il y a une musique. Attention, une musique qui regarde en face ce monde qui chancèle, une musique qui englobe des siècles d'histoire(s), une musique qui part de l'anecdote nostalgique la plus minuscule pour parler à l'univers entier.

C'est minimal, cela semble terriblement simple, simpliste même, de toutes petites chansons qui n'ont besoin de rien d'autres que d'une mélodie, d'une idée. De toutes petites chansons simples qui sont les plus complexes qui soient. De petits poèmes mis en musique, avec les plus belles mélodies du monde. De toutes petites mélodies, parfois dissonantes. Des chansons minuscules, toutes très différentes les unes des autres, pour décrire le monde tel qu'il est, avec des métaphores ou des images toutes simples. Des chansons simples, mais en fait, pas du tout, ce sont les chansons les plus difficiles, celles qui paraissent tellement évidentes que, bien sûr, on les a toujours connues. Au temps où on ne se souvenait pas encore, elles étaient déjà là, avec nous, en nous.

C'est un disque minuscule, qui provoque les émotions les plus grandes. C'est un rayon de soleil matinal, une montagne au crépuscule, une petite vague qui roule sur le sable. C'est une promenade en forêt, un souvenir d'enfance. C'est le plus petit des hymnes contre la déshumanisation, c'est un tract à demi effacé contre le capitalisme et les illusions technologiques. C'est une main tendue pour adoucir la solitude. Skulls Example est une brindille d'espoir, le portrait éphémère d'un éternel instant présent.

 


 

 


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