10
Dungen - Ta De Lugnt
Animal Collective - Sung Tongs
Cette année, c'est la 10e position de mon classement qui sera partagée. Par deux groupes étonnants, que tout semble opposer de prime abord et qui se retrouvent pourtant dans leur amour pour le psychédélisme le plus inventif.
L'album de Dungen est un fastueux poème épique et baroque, où de superbes chansons se retrouvent noyées dans une production dantesque et des errances instrumentales parfois envoûtantes mais trop fréquemment complaisantes. L'album se trouve ainsi malheureusement très déséquilibré, mais enthousiasme au final par ses instants de féerie sonique grandiloquente.
Le Sung Tongs d'Animal Collective est quant à lui immédiatement séduisant. Les bricolages rigolos du groupe amusent et surprennent. Avant de tourner bien vite au procédé et provoquer une regrettable lassitude. Un interminable morceau de plus de 12 minutes, Visiting Friends, parfaitement superflu, finit de plomber l'album dans sa seconde moitié. Néanmoins, la musique de Animal Collective est si originale et ludique, que l'on ne cesse de revenir auprès de ce Sung Tongs et de son emblématique Who Could Win a Rabbit ? |
9
David Byrne
Grown Backwards
Pas facile de survivre à sa légende. Certes, un nouveau disque de l'ex-leader des Talking Heads est moins attendu et discuté que celui d'un David Bowie. On ne pourra que hurler à l'injustice. Tant l'écoute de ce magnifique Grown Backwards prouve que l'on tient là le projet solitaire le plus cohérent, accessible et réussi de David Byrne. Dès l'ouverture sur le gracieux Glass, Concrete and Stone, Grown Backwards évoque les meilleures heures des Talking Heads. Une pop sophistiquée, sensible, gorgée de mille et une influences. La musique d'un érudit jamais pédant, même lorsqu'il se met à rêver d'opéra en entonnant du Bizet en duo avec Rufus Wainwright.
Sur cet album, Byrne poursuit aussi des thèmes toujours d'actualité, comme les angoisses citadines, les paradoxes politiques, le malaise occidental et tout un dédale d'introspections ironiques et malicieuses. Le tout emballé dans des mélodies chatoyantes et des arrangements gentiment 80's. Et grâce à des perles telles que The Other Side of This World, on pardonne facilement la très vilaine faute de goût finale, Lazy, un effroyable machin "house", que renierait même la Kylie Minogue de Fever. Non, rien ne parvient à empêcher Grown Backwards d'être un grand disque et David Byrne d'être un artiste diablement attachant. |
8
Green Day
American Idiot
Résultat logique de sa réélection, cette fin d'année 2004 nous situe en plein coeur du règne quasi planétaire de George W. Bush. Inutile d'ajouter ici des pages sur le sujet, il suffit de désapprouver la politique et les idées du bonhomme pour rejoindre la majorité des habitants de notre planète (du moins, la majorité pensante). Les artistes n'ont pas hésité à se mêler à la dernière campagne présidentielle américaine, pour le meilleur et pour le pire, avec malheureusement un résultat peu concluant (pour John Kerry).
Musicalement, le malaise "bushien" aura été notamment évoqué, métaphoriquement, au sein de la mélancolie poétique et électrisante de The Arcade Fire, mais aucun autre album n'aura le plus directement parlé de cette nouvelle génération de mômes sacrifiés sur l'autel de la paranoïa et du fanatisme que le American Idiot de Green Day.
Les punks américains attendaient leur grand sujet de révolte. Mais peu d'entre eux possédaient le talent pour vêtir leur colère d'habits musicaux dignes de la tristesse qui gagne peu à peu tout un peuple. Il n'est pas étonnant que Green Day, le groupe le plus doué en son genre, soit à l'origine de ce manifeste. Alors qu'on célébrait les 25 ans du London Calling de The Clash, c'est des USA qu'est venu le plus réussi des hommages. En l'espace de deux fresques de 10 minutes, Jesus of Suburbia et Homecoming, le groupe de Billy Joe a réveillé les plus percutants accents du punk-rock ambitieux, lyrique et engagé.
En s'adressant directement à la jeunesse américaine, Green Day dessine un portrait désenchanté, en forme de nouvelle perte de l'innocence et un terrible récit du temps qui passe et brise les êtres et les souvenirs. Le fragile Wake Me Up When September Ends et la conclusion discrète et émouvante de Whatsername, confirment ce que l'on savait finalement depuis longtemps : Billy Joe possède un talent immense pour ciseler les mélodies pop et créer des histoires et des personnages attachants au possible.
American Idiot est un album dur, quasi désespéré, qui cache sa résignation derrière de grosses guitares conquérantes et une rythmique dévastatrice. Mais, au bout du parcours, la solitude triomphe et l'on se retrouve engourdi dans le maelstrom des existences qui défilent trop vite... |
7
Nosfell
Pomale Klokochazia Balek
Découvert grâce aux excellents conseils d'un camarade de bon goût, Nosfell est avant tout un choc scénique, pour ne pas dire un choc physique. Car le monsieur mise essentiellement sur l'intensité de ses performances et sur son charisme étonnant. On ne s'attend pas à entendre le bonhomme chanter alternativement avec les voix de Kylie Minogue, Jeff Buckley, Marilyn Manson ou David Bowie. Alternativement et parfois en même temps, car il construit ses rythmiques et autres accompagnements avec le seul recourt de son décidément phénoménal organe (vocal), qu'il sample avec une précision et une confiance déroutantes.
Avec l'aide d'une guitare acoustique et d'une contrebasse (parfois échangée au profit d'une basse électrique plus traditionnelle), Nosfell crée un univers sonore impressionnant, d'une puissance évocatrice rare. Puissance renforcée par l'utilisation fréquente d'une langue inventée permettant de conter les légendes d'un pays chimérique n'appartenant qu'au seul Nosfell.
Pour sûr, cet artiste est un cas à part, en particulier dans le rock français. Nosfell est perdu dans son monde déglingué, où se mêlent les influences les plus diverses (rock, folk, Afrique, Moyen-Orient, Asie...), avec une cohérence pourtant sans faille. Passant de la comptine au folk acide, tout en faisant de l'oeil aux chants traditionnels des quatre coins de la planète, Nosfell, bien plus que la frileuse Bjork, aura remis la voix et la chair au coeur de la musique pop de 2004. Moins immédiatement sublimes sur disque qu'en concert, les chansons de Nosfell n'en viennent pas moins hanter l'esprit de l'auditeur et fasciner par leur étrangeté, leur poésie surréaliste et leur sensualité enivrante. |
6
Les Mouettes
Vers La Mer
Un trio vocal féminin, sous la haute protection des Andrews Sisters et des Boswell Sisters, qui se vêt de quelques orchestrations discrètes, entre jazz soft et rumba de fin de soirée, avec parfois des accents joueurs à la Brassens.
Si la maestria de ce trio lui permet de donner une dynamique virevoltante aux chansons les plus légères et délicieuses de l'album, telles Je Dépense ou le Feutre Taupé, c'est lorsque les Mouettes se laissent gagner par leur mélancolie qu'elles touchent les étoiles. Pour commettre un jeu de mots un peu facile, ce recueil pourrait tout aussi justement se nommer "Vers l'Amer", tant les thèmes abordés retranscrivent souvent, avec une tristesse évidente, un blues citadin qui n'avait que rarement connu une si juste incarnation.
Pour exemple, la chanson titre, aux paroles déchirantes, où l'on "navigue à l'aveuglette dans une mer de remords", où "l'on pense donc je fuis", et où entre deux vitrines parisiennes on "remet du fard pour cacher son spleen"...
Souvent bouleversantes, les Mouettes chantent de manière très personnelle la fin de l'amour (le crève-coeur Café Socrate), la mort d'une relation (Intuition, qui pourrait aussi être la chanson de l'année), les espoirs déçus (la cruauté de Cher Inconnu, qui se dissimule pudiquement derrière un humour discret), la lutte contre le quotidien qui emporte les bonheurs fanés (Cinquième Saison).
Et même lorsqu'elles essaient de faire entrer le soleil dans leurs coeurs en peine, sur des perles a capella comme Je Partirai, Trois Je T'aime et Si J'Étais Mouette, la douceur des voix ne cesse de révéler une émotion intime et précieuse.
Vibrant de rêves impossibles et de désillusions qui se murmurent, Vers la Mer n'est pourtant en rien un disque déprimant. D'une part parce que les chansons amusantes, du style de l'irrésistible Taches de Rousseur ou de l'ironique les Poissons Rouges, sont judicieusement dispersées au sein de l'album. Et surtout parce que la personnalité des Mouettes, leurs harmonies vocales splendides et leur humour désenchanté, créent une ambiance amicale, rassurante et d'une grande tendresse.
On n'écoute pas ce disque, on en tombe amoureux. On tombe amoureux des Mouettes, de leurs histoires brisées et de leur désir d'ailleurs. On tombe amoureux de Vers la Mer, oeuvre sensible de 2004. |
5
Xiu Xiu
Fabulous Muscles
Preuve supplémentaire, s'il en était encore besoin, de la qualité exceptionnelle de l'année musicale 2004, Xiu Xiu, mon cri du coeur du printemps, se retrouve finalement assez bas dans le top 10. Pourtant, la musique tourmentée, dissonante et tranchante du groupe n'a rien perdu de sa force et de son actualité. Peuplé d'angoisses existentielles, entre sordide et humour noir, hanté par la guerre, Fabulous Muscles se place en héritier du Closer de Joy Division ou de The Downward Spiral de Nine Inch Nails. On y retrouve la même froideur, la même atmosphère fascinante, parfois effrayante, embellie par de soudaines éclaircies mélodiques (I Love The Valley Oh!, Clowne Towne) et surtout par l'émotion épidermique insufflée par le chanteur Jamie Stewart, en particulier sur les tétanisants Little Panda McElroy et Mike.
Disque cruel, angoissant, et pourtant étrangement plaisant et attirant, Fabulous Muscles aura incarné la face la plus ténébreuse et inquiète de 2004. Et au bout du tunnel, dans un chuchotement étranglé, bouleversant, la plus étincelante des déclarations : "I will always love you..." |
4
Les Savy Fav
Inches
Le disque rock de 2004 est une compilation. Une compilation des singles sortis par les américains de Les Savy Fav, entre 1998 et 2004. Présentés dans l'ordre anté-chronologique, ces 18 chansons prouvent avec panache combien le groupe parvient à être en phase avec les sonorités et les attentes de son époque. Le revival "new wave" n'aura jamais eu aussi bonne mine que sur l'épique Meet Me at the Dollar Bin ou sur le fantastique Hold On To Your Genre. Les références ne varient pourtant pas. The Cure, Joy Division, les Buzzcocks, Gang of Four, New Order, sont tous évoqués par cette musique décomplexée dont l'énergie charme la moindre réticence.
L'efficacité à tout prix, sans jamais laisser le temps à l'auditeur de s'ennuyer, ni même de souffler. Les Savy Fav débutent souvent leurs chansons par un calme trompeur, pour mieux les achever dans des déluges punks. Avec pour meilleur exemple le fabulissime The Sweat Descends, qui ne fait pas de prisonnier et ne laisse pas d'autre alternative que de s'abandonner totalement à cette musique généreuse et palpitante. Dance or die ! |
3
Annie
Anniemal
Elle nous vient du nord, vous savez, la Norvège, l'autre pays de la musique couverte de sucre glacé. Elle est un peu bizarre et adore créer sa propre légende. Elle n'a pourtant pas froid aux yeux, n'hésite jamais à laisse aller son ego et à sampler Madonna avec désinvolture. Elle, c'est Annie, la nouvelle égérie pop des esthètes. L'objet du délit, c'est Anniemal, le hold-up musical doux-amer de l'année.
Un véritable coffre aux trésors, où brillent une dizaine de joyaux, jonglant entre l'évidence mélodique la plus charmante (le single Chewing Gum, Me Plus One, Greatest Hit), des méandres plus nuancés et inattendus (Always Too Late, Happy Without You) et surtout la fusion idéale entre cette pop la plus vivifiante et des tonalités résolument matures (My Heartbeat, sans doute le délice de 2004, l'euphorisant Anniemal, Come Together qui rendrait Kylie Minogue verte de jalousie).
D'ailleurs, avec ce premier album, Annie donne un terrible coup de vieux à toutes les bimbos des dancefloors. Même notre chère Britney obtient un aller simple pour la maison de retraite. La musique pop, en particulier cette "bubble pop" dont la Annie de Chewing Gum se revendique explicitement, est un univers où l'on ne peut pas espérer rester longtemps au sommet. Une saison, parfois deux... Puis on tente des come-backs plus ou moins réussis, avec un succès généralement décroissant. Le seul espoir étant de se faire une petite place culte dans le coeur de certains auditeurs. Avec Anniemal, Annie a déjà accompli admirablement cette tâche si délicate. On ne l'oubliera pas. |
2
The Fiery Furnaces
Blueberry Boat
Le retour vers l'innocence.
Écouter de la musique pour la première fois. Être surpris à chaque note. Être amusé et ému. Bêtement et miraculeusement. Sans la moindre once de cynisme ou de lassitude.
The Fiery Furnaces auront proposé avec leur Blueberry Boat une synthèse de ce que le rock et la pop pouvaient offrir de meilleur en 2004. Jouissif d'un bout à l'autre, leur très ambitieux album, derrière sa complexité apparente préserve l'essentiel : le plaisir immédiat de l'auditeur. De la pureté de Birdie Brain au tranchant d'un Straight Street en passant par les méandres de Quay Cur et Chris Michael, les Fiery Furnaces ne se séparent jamais d'une fraîcheur inestimable et d'un ludisme qui autorise des dizaines d'écoutes sans jamais lasser.
Véritable fresque intime, Blueberry Boat intrigue autant qu'il charme, en ne reculant ni devant les errances les plus abstraites, ni devant les mélodies les plus évidentes. Pour mieux créer un tout cohérent, aussi monumental dans sa totalité que délicat dans son détail. On aura écouté peu de moments aussi exaltants en 2004 que la rupture pop au milieu de Chief Inspector Blancheflower, que l'ouverture électronique de Blueberry Boat, que les montagnes russes de Chris Michaels, que la pureté mélancolique de Spaniolated, que la voix bondissante de Birdie Brain...
Blueberry Boat est une fête foraine de cristal, qui virevolte, qui clignote, qui effraie, qui émerveille, qui chuchote, qui bondit et qui en-chante mieux que tous les autres... |
1
The Arcade Fire
Funeral
En 2004, sur les ruines symboliques de notre monde, un disque a vu le jour. Se nourrissant de la souffrance humaine, sous tous ses aspects, pour la refléter dans le miroir de l'espoir, pour la transformer en un chant passionné, lyrique, débordant de l'énergie la plus sincère, la plus essentielle.
Funeral est un torrent de larmes, un crève-coeur. Tout en nous donnant en permanence l'impression que nos êtres les plus chers nous serrent dans leurs bras, nous rassurent et nous redonnent courage. The Arcade Fire contemple la mort, la séparation, l'injustice, la peur et la rage, droit dans les yeux, sans détour. Et chacune de leur chanson triomphe, chacun de leur mot guérit les plus profondes blessures.
Quand l'amour s'enfuit, comme dans Crown of Love, l'intensité de la complainte débouche sur un rythme de résurrection. Quand l'amour se fait inaccessible, rien n'est impossible pour le rejoindre, et on n'hésitera pas à creuser un tunnel sous la neige qui a englouti le monde, comme dans Neighborhood #1 (Tunnels), peut-être la plus belle chanson de 2004.
Face à la léthargie du monde, les hymnes sont les premiers porteurs de la révolte. Des cris sublimes, comme sur le dévastateur Neighborhood #3 (Power Out), l'étourdissant Wake Up ou le monumental Rebellion (Lies). Entre ces déflagrations, le groupe réserve des instants de murmures mélancoliques (Une Année Sans Lumière), angoissés (Haïti), ou totalement déchirants (la conclusion transcendante de In The Back Seat).
Comparé à Funeral, tout ce qui a pu nous bouleverser dans le rock paraît soudainement obsolète, froid, lointain. Pour évoquer cette musique, il faudrait citer Nick Drake, Neil Young, Kate Bush, sans doute Grandaddy... Mais rien ne se compare à l'état de grâce de The Arcade Fire.
Impossible de décrire ce que l'on ressent en écoutant ce Power Out, et de s'imaginer soudain pouvoir triompher de tout, de toutes les épreuves, toutes les angoisses. Sur Tunnels, les larmes aux yeux, on veut aimer, plus fort, tout de suite, éternellement. Funeral est un album qui donne envie d'être heureux, et surtout de rendre heureux. Et de se sentir vivre, de profiter pleinement de notre existence, de partager ce qu'il y a de meilleur et de plus intense en nous.
Alors peu importe que Funeral soit de loin mon disque de l'année, que The Arcade Fire soit le nouveau plus grand groupe du monde, peu importe ce que je peux raconter. Cette musique peut changer votre vie. Une fois, dix fois, cent fois. A chaque écoute, peut-être... |
Hors Classement
Brian Wilson
Smile
J'ai déjà évoqué sur ce site le fantôme de ce disque mythique porté disparu pendant plus de 30 ans. Ce qui devait être la réponse au Revolver des Beatles et donc le plus grand album de l'histoire de la pop, n'arrive enfin achevé que peut-être bien tard. S'il était sorti en 1967, Smile aurait changé la face du monde (au moins du monde de la musique (et aurait mis Paris en bouteille)). Le plus regrettable étant sans doute que les chansons sublimes qui le constituent aient été dispersées après le naufrage du paquebot Smile. Dans des versions inachevées, mais déjà magnifiques, nous connaissons par coeur Good Vibrations, Surf's Up et Heroes & Villains. On a alors l'impression que, comme Frank Black, Brian Wilson "profane les Saintes Écritures".
Mais bien vite on réalise que ce Smile fidèle à la vision de Wilson est sans doute le chef-d'oeuvre définitif qu'il promettait d'être. Et ce n'est pas le moindre des exploits que de parvenir à ne pas décevoir après une si longue attente. Grâce à une production miraculeuse et à des mélodies inégalées, Smile s'offre enfin à nous dans toute sa perfection.
La voix un peu chancelante, un peu usée, de Brian Wilson, offre en émotion ce que l'absence des Beach Boys au complet fait perdre en angélisme. Mais peu importe les anges, Brian Wilson est le premier des immortels. |
Frank Black Francis
2004 fut bien sûr marquée par la reformation des Pixies. L'événement se trouva amplement commenté, en long, en large et surtout de travers. Et après la série de concerts et les deux titres enregistrés par le groupe réuni, on ne peut pour l'instant conclure qu'une seule chose : les Pixies ressuscités sont beaucoup moins grands vivants que morts. Car, aujourd'hui, quand tant d'autres musiciens ne cessent de s'inspirer de leurs percées révolutionnaires, les Pixies semblent bien obsolètes, ce qui est pour le moins paradoxal de la part d'un ex-plus grand groupe de rock du monde... On attendra avec intérêt le nouvel album (produit par Tom Waits, ce qui est rassurant), prévu pour 2005 et on se consolera amplement avec la dernière folie de Charles Thompson, aka Black Francis, aka Frank Black, aka Frank Black Francis (mais pas aka The Bride...).
D'après le monsieur, ce disque était en projet depuis déjà quelques années, mais son arrivée, juste après la reformation des Pixies, est extrêmement bienvenue. La chose se présente sous la forme d'un double disque. Le "principal", contient les toutes premières démos enregistrées par Black Francis, seul avec sa guitare, dans le but de séduire un producteur. Même si l'énergie adolescente de Charles Thompson fait plaisir à entendre, on se retrouve avec toujours les mêmes scies du début de carrière des Pixies, dans des versions finalement très similaires à celles que nous connaissons par coeur. Bref, on écoute la chose à titre documentaire et on la range sans regret dans la pochette.
Heureusement il y a le disque "bonus", Frank Black ayant jugé qu'il était dommage de refourguer aux fans une énième compilation de démos à l'intérêt discutable. Et diantre, que le gros génie avait une nouvelle fois raison !
Ce deuxième disque, enregistré en 2003, propose de nouvelles versions de grands standards des Pixies, par ledit Frank Black secondé par les deux membres des Two Pale Boys. Le résultat est un vrai bouleversement, le coup de pied au cul salutaire qui dépoussière le "gospel" pixisien avec un bonheur quasi total. Les classiques sont passés à la moulinette électronique, dépouillés de leurs oripeaux rocks, pour se métamorphoser en de voluptueuses et cotonneuses errances peuplées de cuivres et d'accents "ambient" rêveurs.
Certaines chansons, que l'on avait sans doute trop entendues, trouvent une seconde jeunesse. Where Is My Mind resurgit des profondeurs, portée par un Frank Black qui n'a peut-être jamais aussi bien chanté que sur ce disque. Des bruitages incongrus et des silences fascinants piratent nos habitudes. Les cuivres de Nimrod's Son transforment la comptine en un objet tordu, inquiétant et drôle, que n'aurait pas renié un certain Tom Waits. Wave of Mutilation, épurée, est troublante. La version chaloupée de Monkey Gone To Heaven réjouit et Velouria devient une sublime complainte fêlée. The Holiday Song copule avec des mariachis funèbres et l'angoissante relecture de Is She Weird redonne toutes ses couleurs menaçantes à ce chef-d'oeuvre. Subbacultcha, en boîte à musique détraquée, définitivement enfant cachée de Tom Waits, est peut-être supérieure à son apparences d'origine. Et la très audacieuse épopée de Planet of Sound conclut l'album le plus original et passionnant du vaste univers Frank Black Francisien, depuis ses débuts en solitaire.
Sur la base de chansons reconnues comme d'intouchables classiques, le sieur Francis s'amuse et expérimente, en laissant transparaître une mélancolie onirique qu'on ne lui connaissait presque plus. Sur la seule foi de ce disque incroyable, on pardonne la fameuse reformation et on attend la suite avec impatience. |
Singles
-10-
Franz Ferdinand - Darts of Pleasure
S'il faut vraiment s'incliner devant la suprématie des Franz Ferdinand, que ce soit au moins pour ce single efficace, qui trouve le juste équilibre entre énergie dansante et tonalités pop.
-9-
The Strokes - The End Has No End
Leur second, et pourtant très plaisant, album, Room of Fire, peinait à retrouver le succès de Is This It. En France c'est grâce à une judicieuse publicité pour l'EDF que les Strokes ont gagné un second souffle. Mais peu importe la vitrine que leur a procuré ce lucratif partenariat, car l'important demeure la musique, ici absolument excellente. La synthèse entre rythmes électroniques, accents de techno-pop et purs envolées de punk-rock a rarement trouvé une telle plénitude. Terriblement addictif, The End Has No End est le sommet des Strokes et l'une des bandes-son les plus représentatives de 2004 (disponible aussi en sonnerie polyphonique).
-8-
Bombes 2 Bal - La Voiture
"Et voilà les flics sont là... On va voir s'ils sont sympas..."
-7-
The Walkmen - The Rat
On n'écoute pas The Rat, on se le prend dans la gueule. Un cri brutal et cruel, sans concession, en forme d'hymne rock. Un vrai tourbillon qui laisse l'auditeur cloué sur son siège.
-6-
Iron & Wine - Naked as we Came
L'évidence folk dans toute sa pureté. Une guitare acoustique, une voix fragile, quelques accords cristallins et un thème déchirant. Il suffit alors d'à peine deux minutes pour faire de cette chanson l'un des instants les plus touchants de l'année.
-5-
Les Savy Fav - The Sweat Descends
Ce pourrait aussi être le single de l'année, mais il vaut mieux acquérir Inches en son entier. Cependant, difficile de ne pas souligner à nouveau l'efficacité démentielle (oui, j'ai bien dit démentielle) de ce brûlot punk-rock débordant d'une énergie purement physique et donc d'un érotisme dévastateur. Le souverain "Meet me where the sweat descends!" aura été l'un des mots d'ordre de 2004.
-4-
The Arcade Fire - Neighborhood #1 (Tunnels)
La plus belle chanson de l'année. Sublime, intense à crever sur place, d'un lyrisme à chialer toutes les larmes de son corps. Achetez Funeral, par la malepeste !
-3-
Annie - Chewing Gum
Sans doute pas la plus fastueuse perle de son formidable Anniemal, mais néanmoins un poison pop de plus délicieux effet, ce Chewing Gum aura permis à la primesautière Annie de pirater durablement nos cerveaux. La recette est simple, évidente : un bon rythme, une jolie voix, de l'insolence, de la personnalité, de la fraîcheur et un refrain purement irrésistible. Son album est un petit chef-d'oeuvre de bubble-pop et Annie est la nouvelle princesse du genre. Chewing Gum est son étendard.
-2-
The Go!Team - The Power Is On
En secouant les cadavres du KLF et du Thrill Kill Kult, The Go!Team a repeuplé les dancefloors avec le wall of sound spectorien et le délire burlesque emprunté aux plus épuisants cartoons. Pièce montée gargantuesque de samples, de choeurs féminins idiots et de beats conquérants, The Power is On est aussi effroyable que réjouissant. Pour se défouler à tous les moments du jour et de la nuit.
-1-
Britney Spears - Toxic
Il fallait bien que cela arrive un jour. Il fallait bien que ma Bit-Bit pose sa voix sur une bonne musique et offre enfin un single indéniablement génial. Même les plus farouches détracteurs de la "girl next door" la plus agréablement exaspérante des années 2000, reconnaissent des qualités à ce Toxic hautement contagieux. Un beat sévèrement membré, une coulée de violons vicieux, une petite guitare surf titillante, des mélodies dissonantes et Britney usant comme jamais de son charme pervers. Résultat : une chanson fichtrement bien biaisée, toute en faux-semblants et en coups bas. Le chemin fut long, laborieux et parfois indéfendable, mais Britney Spears a enfin gagné sa place au panthéon pop. |
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