- Eels : Electro-Shock
Blues(1998)
Cet album est gigantesque, cet album est
sublime, cet album est un chef-d'oeuvre, mais surtout cet album est une terrible
démonstration de l'adage : il faut souffrir pour créer. Après un premier disque très
réussi mais un peu fourre-tout et surtout encore engoncé dans des effets "à la
mode" inutiles, Eels était bien évidemment attendu au tournant. Je dis Eels, mais
je devrais tout simplement parler de E, le chanteur, parolier, etc... qui fait à peu
près tout tout seul (en particulier sur Electro-Shock Blues). On a beaucoup parlé du
fait qu'entre les deux albums, la sur de E s'est suicidée et que son père est
mort, et on a eu raison. Car Electro-Shock Blues ne parle que de cela. De la mort, du
suicide, de la souffrance physique et psychologique, etc... Des thèmes déjà bien
connus, mais qui sont interprétés ici avec une originalité touchante, une magie triste
bouleversante. Eels, c'est un peu Beck avec un cur, c'est un peu le fameux post-rock
mais avec de la poésie. Eels, c'est le petit bastion d'émotion dans le monde aseptisé
et froid des Bjork et des Massive Attack. Eels, ce sont des chansons courtes, des chansons
mélodiques au possible, débordantes d'inventions en tout genre mais qui gardent toujours
une humilité, une humilité de deuil. Au détour de certains morceaux, toute la
souffrance contenue hurle aux oreilles de l'auditeur (Cancer For The Cure, avec des effets
industriels, Hospital Food, la chanson qui ressemble le plus à un rock "à
l'américaine"). Mais le plus souvent ce sont des sonorités cristallines, des
mélodies guillerettes, des instruments joyeux (des clochettes, un orgue obsolète, des
samples de violons, etc...) qui installent un contre-poids étonnant aux textes
franchement bouleversants de E. Sur Electro-Shock Blues, la chanson, ce sont carrément
des lignes de la sur suicidée qui sont délicatement apposées sur une mélodie de
boîte à musique. Sur Going To Your Funeral part 1, c'est toute la cruauté de la mort
qui vient secouer son squelette décharné au cur d'une richesse de composition
incroyable. Sur Last Stop To This Town (l'impensable "tube" de l'album, une des
plus parfaites chansons des années 90), on atteint des sommets de poésie décalée.
Certes il reste toujours une vague impression de démonstration de force, E ne fait que
des chansons simples extrêmement compliquées et c'est tant mieux. Moderne, voire
post-moderne, sans être arty, référentiel sans être parodique, bidouillé sans virer
au gimmick, touchant sans être niais (très loin de là), brillant mais discret,
Electro-Shock Blues reprend les choses là au Cure les avait abandonné après Faith et
Pornography (surtout Faith en fait), en changeant radicalement la forme, en s'accaparant
le fond pour faire du neuf avec du cliché. Eels venait de signer un disque culte,
terrifiant et délicieux, beau à en pleurer, réintroduisant l'émotion pure dans un
monde musical de plus en plus virtuel.
Ma page Eels
Ma page Electro-Shock
Blues
- The Flaming Lips : Zaireeka(1997)
Gorky's Zygotic Mynci : How I Long To Feel That Summer In My Heart
La vie réserve parfois des coups de foudre.
Des coups de foudre pour des
personnes. Pour des lieux. Pour des sons. Pour des images. Pour des histoires.
Pour des objets. Pour des œuvres. Des coups de foudre. L'amour au premier
regard. L'amour à la première note. Les coups de foudre sont rares, c'est ce
qui fait tout leur prix. Quand on en reçoit un, tout devient évident. Quand on
y repense, on se rend compte que c'était fait pour être ainsi. Sans que ni le
destin, ni la Providence, ni quoi que ce soit de ce style entre en jeu. Le coup
de foudre ne pouvait qu'arriver à cet instant.
Des coups de foudre musicaux,
j'en ai connu quelques uns. Peu. Tous inestimables. Des coups de foudre pour une
mélodie, un texte, une chanson dans son entier. Oui, cela arrive. Encore
faut-il que cet amour dure et c'est encore plus rare. Des coups de foudre pour
des albums entiers, cela tient du domaine de l'extraordinaire. Au sens le plus
exact du terme. Combien de disques ai-je aimé dès la première écoute ? Ils
sont là, je le sais, ils sont près de moi. Je regarde les disques que j'aime.
Pour beaucoup d'entre eux, c'est le temps qui m'a plongé dans leurs bras. Mais
auprès de combien me suis-je abandonné dès les premières notes ? Pour
certains, le doute m'étreint. J'aime tellement ces albums, est-ce que je peux
ne pas les avoir adoré dès les premiers instants ? Peut-être, sans doute.
Mais je vois aussi ceux dont je ne peux pas douter. Entièrement, follement,
j'ai été amoureux instantanément du Five Leaves Left de Nick Drake. Comme du
Trompe Le Monde des Pixies. Oui, je le sais, je m'en souviens. Comme si c'était
hier.
Mais aujourd'hui, cela
recommence. Cela a recommencé. Je savais que le disque pouvait me plaire. Mais
sans doute pas à ce point. Je suis resté là. Un peu ahuri. Un peu stupide. Un
peu désemparé. Un peu heureux. Un peu inquiet. Amoureux d'une musique comme on
peut être amoureux d'une musique (ce qui n'est pas la même chose que d'être
amoureux d'un tableau, d'un animal ou d'un arbre). Et j'ai tout de suite compris
pourquoi j'étais pris au piège. Cette musique était mélancolique. Au plus
haut point. Aux abords d'un autre artiste pour qui j'ai eu quelques uns des plus
grands coups de foudre de mon existence. Cette musique voyageait sous
l'influence bienveillante de Nick Drake.
Cette musique était triste
et joyeuse. Parfois incroyablement gaie, elle faisait se lever le soleil à
toute heure de la journée. Parfois follement triste, elle faisait verser des
larmes sans que l'on sache vraiment pourquoi. Elle nous contait quelque chose
d'essentiel et qui paraît pourtant si peu doté d'importance. Elle nous parlait
de l'été. Elle nous parlait des étés passés. Elle nous parlait du soleil,
du ciel, des vacances. Elle parlait des gens que l'on a connu et que l'on a
perdu de vue. Elle parlait des gens que l'on aime et dont on est loin. Elle
parlait de ces sensations qui n'appartiennent qu'aux mois d'été. Elle parlait
de tomber amoureux. Elle parlait d'être gai et d'être triste. Elle parlait de
sourires et de larmes. Avec une simplicité qui allait directement au cœur.
Parfois elle touchait les rivages des plus belles ballades des Beatles, parfois
c'était la sophistication juvénile des Beach Boys, parfois la profondeur
sublime de Nick Drake, parfois l'exubérance brillante des Kinks. Un disque
d'amour et d'humanité.
Les mélodies étaient immédiatement
familières et uniques. La voix s'envolait là où personne n'ose s'aventurer.
Et tout était si léger. Et en même temps si lourd du temps qui passe. On
entendait des déclarations d'amour, des prières pour retourner chez soi, des
invitations à passer une lune de miel ensemble, des appels lancés aux
personnes que l'on a aimé et le désir idéal, inexprimable, de ressentir à
nouveau l'été au plus profond de notre être. Retrouver l'insouciance du temps
passé et toucher avec son âme le bonheur absolu.
Ce que conte cet album est la
quête du passé idéalisé. Une quête d'un futur espéré. Faire revivre et
vivre à chaque instant les réalités du rêve. Humble, délicate, drôle,
douce comme une brise, la musique de Gorky's Zygotic Mynci porte en elle la bénédiction
du soleil de l'été et des souvenirs que l'on garde au plus près de son cœur.
Grandaddy : The Sophtware Slump
Le plus beau
des albums des années 2000. On me parle sans cesse du OK Computer de Radiohead,
grand disque par ailleurs, mais ce Sophtware Slump est mille fois plus cher à
mon coeur et à mes oreilles. De l'ouverture surprenante et lyrique de He's
Simple, He's Dumb, He's The Pilot, jusqu'à l'envol de So You'll Aim Toward The
Sky, l'album est un rêve éveillé. Le concept est voisin de Radiohead, mais
aussi des oeuvres d'Oshii (Ghost In The Shell ou Avalon). Avec de surcroît une
touche raffinée d'écologie et de nostalgie. Le disque est triste, errant,
mélancolique. Grandaddy et son compositeur/chanteur de génie Jason Lytle,
n'oublie pourtant pas de servir des chansons pop-rock d'une rare perfection.
Soit avec les guitares en avant comme sur les grands classiques Hewlett's
Daughter et The Crytal Lake, soit en version torturée et élégiaque comme sur
Broken Household et Miner at the Dial-A-View. Et bien sûr il y a les deux
récits dédiés à l'humanoïde Jed, personnage fascinant, idéal pour
symboliser les préoccupations de notre futur pas si lointain. Aucune fausse
note, pas même une chanson un peu plus "faible", rien ne vient
empêcher The Sophtware Slump de prétendre et d'accéder au statut de
chef-d'oeuvre.
1. Now It's On : On ne peut pas reprocher à Grandaddy de ne pas
savoir comment ouvrir ses albums. Depuis Under The Western Freeway, le groupe
n'a jamais commis la moindre faute et parvient sans peine à plonger, en
quelques notes, l'auditeur dans l'ambiance du disque. En contre-pied quasi
parfait de l'épique, tortueux et divin He's Simple, He's Dumb, He's The Pilot
de The Sophtware Slump, Now It's On est un rêve de single pop. Mélodie immédiatement
familière, riff accrocheur, paroles lumineuses, progression entraînante. Sur
le refrain on ne peut s'empêcher de sauter sur place, emporté par ce déferlement
de bonheur harmonieux. La douceur de la voix de Jason Lytle sert parfaitement ce
qui aurait pu être autrement un simple single très efficace. Par l'entremise
de son chant perpétuellement entre humour et tristesse, Jason Lytle transforme
Now It's On en chef-d'œuvre. Thématiquement, Grandaddy en a marre de la déprime
et veut retrouver la lumière. Heureuse initiative, s'il en est.
2. I'm On Standby : Ce second morceau ne change pas l'approche
rythmique et mélodique entamée avec Now It's On. C'est encore du pop-rock
solide, avec joli couplet et refrain très prenant. On reprochera juste des
paroles un peu trop prévisibles mais biens dans l'esprit du groupe. Ce qui
sauve le morceau, c'est sa légèreté, sa sympathie, la manière dont Lytle
aborde ses chansons un peu "déprimées". Pas de lourd
auto-apitoiement, pas de chouinement sans trêve. Même lorsque l'on est triste,
on est toujours un peu gai chez Grandaddy. Ces gens ont tout compris.
3. The Go In The Go-For-It : Encore une chanson assez similaire
aux deux précédentes. Si on ne peut pas remettre en cause la qualité de
composition, on remarquera que Grandaddy se révèle sur Sumday moins aventureux
que sur les deux premiers albums. On peut le regretter, comme on peut s'extasier
devant la puissance mélodique des morceaux et la voix vraiment divine de Jason
Lytle.
4. The Group Who Couldn't Say : Oui, même quand ils ont des
critiques à formuler, même quand ils cherchent à faire réfléchir, à
toucher, les gens de Grandaddy ne perdent rien de leur décontraction, de leur
humour, de leur joie de vivre. Une nouvelle fois, pour montrer du doigt les
valeurs contemporaines (technologie et déshumanisation en première ligne), ils
prennent les chemins de traverse, en perdant leurs protagonistes aseptisés dans
la campagne idéalisée. Un superbe morceau de pop narrative, qui vaut de l'or,
au même titre que l'inoubliable, mais nettement plus mélancolique, Jed The
Humanoid.
5. Lost On Yer Merry Way : première mini-fresque de l'album,
Lost On Yer Merry Way, provoque la première rupture de rythme de l'album. On se
dit que rarement groupe aura aussi bien su gérer les ballades un peu longues,
un peu lentes. Car on ne s'ennuie pas une seule seconde sur ce Lost On Yer Merry
Way, qui débute dans la douceur pour s'achever dans le déluge
sonore et les errances guitaristiques. En cela, la musique accompagne au mieux
les paroles et on se sent vraiment perdu, angoissé et désireux de revenir sain
et sauf chez soi. Beau.
6. El Camino In The West : Après cette petite symphonie pour
guitariste agoraphobe, Grandaddy trouve le génie d'enchaîner avec l'une des
chansons les plus légères de son répertoire. El Camino In The West pourrait
sembler anodin, c'est un incroyable tour de force de compositeur, qui ne
manquera pas de faire dire à nouveau que Jason Lytle est le digne successeur de
Brian Wilson, l'âme des Beach Boys ("Here comes my baby, laughing at me in
the sun..."). Pas besoin de réfléchir à l'écoute de cette chanson, on
se laissera porter et on abordera en douceur la seconde moitié de l'album, plus
triste mais plus réussie encore.
7. Yeah Is What We Had : Une chanson de séparation. On se dit :
aie aie aie. Et on aura bien raison. L'introduction du morceau avec son lourd
riff est en fait un piège à la manière du Velouria des Pixies. Car aussitôt,
les harmonies et la voix de Lytle nous emmènent dans les nuages et dans les tréfonds
de la tristesse. Le clip, filmé chronologiquement à l'envers (comme un Irréversible
poussé à son paroxysme), donne parfaitement le ton. C'est terrible et les
textes font mal. "In this life, will I ever see you again ?". On
commence à verser une larme.
8. Saddest Vacant Lot In All The World : Et la tristesse durera.
Car c'est une nouvelle histoire de séparation, réaliste et douloureuse, qui
surgit ici. Contée d'un point de vue féminin, elle évoquera aussi bien les
Beatles de She's Leaving Home que les Flaming Lips de The Soft Bulletin (façon
Suddenly Everything Has Changed). Car c'est sur une valse au piano que vient se
poser la voix de Jason Lytle. C'est gracieux, aérien, et bouleversant.
9. Stray Dog And The Chocolate Shake : Après ces deux moments éprouvants
pour notre petite sensibilité, Grandaddy nous offre un petit morceau typique de
leur talent. Il y est question de robots et de magie (avec un étrange clin d'œil
à... Queen). Le tout sur une petite rythmique amusante et des sons de synthés
non moins drôles, à la manière de leur A.M. 180. Léger et agréable, pour
entamer la dernière ligne droite qui va transformer l'album en chef-d'œuvre.
10. O.K. With My Decay : une fresque, oui, mais une fresque à la
manière de Grandaddy. Et on a beau s'y attendre, on se fait prendre au piège.
On commence en douceur, ballade pop impeccable. On s'amuse du refrain avec ses
rimes faciles ("I'm OK, with my decay, I have no choice, I have no voice").
Et soudain, vlan, Jason Lytle baisse le masque et s'offre le plus bel hommage
aux Beach Boys qui puissent se concevoir. Une minute de "tu tu tu du
du" en état de grâce, paradisiaques, gorgés d'une mélancolie folle et
d'une douceur émouvante. Ce type est capable de nous écrire un nouveau Surf's
Up, là, il faut se méfier ! Et O.K. With My Decay se poursuit sur un rythme
vivant, qui nous fait penser que les chansons les plus tristes ont souvent l'air
d'être des chansons gaies.
11. The Warming Sun : Peut-être le plus beau morceau de l'album,
The Warming Sun est un monument émotionnel douloureux qui nous parle de ce qui
aurait pu être mais qui n'a jamais été. Bien, où vais-je trouver des
superlatifs convenables ? Vous devriez écouter cette chanson, je ne vois
vraiment pas quoi ajouter. C'est absolument et totalement parfait. Vraiment
parfait. Une telle écriture vaut tout l'or du monde, ce Jason Lytle a du génie,
non, franchement, que peut-on dire de plus ? On pleure, là, voilà, on pleure.
Et on sourit en même temps.
12. The Final Push To The Sum : Une autre chose qui devient
certaine avec ce groupe, c'est qu'il sait achever ses albums aussi haut qu'il
les a ouverts. Il sait se réserver les sommets (le mot est donc juste) pour le
final et ne donne ainsi jamais l'impression de s'épuiser en cours de route. Débutant
par une énorme explosion harmonique qui le propulse vers des hauteurs
admirables, The Final Push To The Sum se poursuit une nouvelle fois dans une
ambiance éthérée et rêveuse. Cette ambiance n'empêche pas de ressentir au
plus fort l'inquiétude des textes et cette mélancolie toujours omniprésente.
Notez la beauté des quelques instants où Jason Lytle nous murmure "Here
at the final push to the sum, if my old life is done, what have I become
?". Et après une nouvelle explosion sonore, Sumday va s'achever sur la répétition
délicate, inquiète, poétique de ces quelques mots : "what have I become
?" L'introspection s'achève et nous voilà transfiguré.
- Greenday : Réabilitation en quelques lignes
De tous les nécrophiles
nécrophages du punk, et en particulier de la vague néo-punk ricain de sinistre mémoire
(aussi nommée "punk californien", ce qui veut tout dire...), Greenday est
souvent, et à très juste titre, considéré comme l'avatar le plus doué, voir le plus
touchant. Certes, Greenday est une photocopie ensoleillée (et donc très paradoxale) des
Clash. Un cliché, donc. Mais dans cette visée de devenir le nouveau Last Band In Town,
Greenday a trouvé les bonnes portes et surtout (surtout !) les bonnes clefs. Ils ont
compris que ce qui faisait le génie des Clash était leur aspect "magma en
ébullition perpétuelle". Avec une sincérité sans failles, les Clash mélangeaient
les genre, les idées, les émotions. Avec une bonne dose d'intelligence et de maturité,
ils nous ont donné les chefs-d'uvre que l'on sait (cf ma page Clash, on sait jamais
finalement). Et Greenday dans tout ça ? Et bien ces ptits gars n'ont pas le génie de la
bande à Joe, mais, avec l'âge, l'expérience, le temps, ils ont suivi un parcours
exemplaire, une courbe ascendante, sur laquelle (et c'est fichtrement rare !) chaque
nouvel album est plus réussi que le précédent. Greenday n'est pas le genre de groupes
à avoir tout déballé dès le début, à avoir tout gaspillé plus ou moins à raison,
au contraire. Les chefs-d'uvre sont à venir, c'est pour cela que l'on ne peut
parler pour l'instant "que" de "très grands disques" en évoquant
Nimrod et Warning. Alors y a quoi donc de bien dans Greenday ? Et bien, une fois
éliminés les tics punks lourdauds et la jeunesse, certes attachante mais aussi limitée,
des très sympathiques Dookie et Insomniac, il reste des merveilles power pop, punk pop,
pop pop ou je ne sais quoi, telles que Redundant et Time Of Your Life. Et des Warning, des
Hold On, des Misery... Un petit groupe, certes, mais un bon petit groupe.
- Hüsker Dü : Everything Falls
Apart and more (1982-1993)
Le groupe de Bob Mould est l'un des
plus dignes descendants de l'explosion punk, mais là où les Dead Kennedys poursuivirent
dans la bonne veine old school, Husker Du a lorgné sur ce que l'on a rapidement appelé,
le hardcore. Du punk hyper bourrin, déjanté, très métallique voire carrément
expérimental comme sur l'effrayant Zen Arcade. De Husker Du, on peut conseiller une
grande partie de la discographie. Du bordel sonore monstrueux et jouissif de Land Speed
Record (superbe pochette, pour une fois...) jusqu'au nettement plus pop Candy Apple Grey
en passant par l'historique Metal Circus. Mais ma subjectivité des plus subjectives a un
faible pour la réédition de Everything Falls Apart. C'est un peu un best of accéléré
du groupe. On a droit au hardcore réjouissant de Punch Drunk (un Chef-d'Oeuvre) et de
Bricklayer (le son d'un groupe qui se casse la gueule dans les escaliers), à la
perfection mélodique d'un Everything Falls Apart, à la folie pure d'un What Do I Want et
même à l'éprouvant Statues. Entre deux merveilles punks telles que From The Gut ou Blah
Blah Blah, Rhino case des bonus comme le new wavesque (!?!) Do You Remember ?. Un disque
riche, historique, éreintant, enthousiasmant, à posséder.
- Jefferson Airplane : Surrealistic
Pillow (1967)
De l'Airplane il est bien difficile de
choisir un album en particulier. Une intégrale semble assez indispensable. Pour beaucoup
c'est Crown of Creation qui fait figure de chef-d'oeuvre, mais Volunteers marque aussi par
sa portée politique. Et finalement j'en viens à considérer leur album le plus connu
comme étant le plus fondamental. Jefferson Airplane faisait du rock à une période où
la folk triomphait. Certes il y a pas mal de pure folk sur Surrealistic Pillow, pour
preuve le divin Today. Mais il y a surtout des monuments de modernité qui n'ont pas
vieilli d'un pouce comme le clouant Plastic Fantastic Lover. Et bien sûr il y a les deux
chefs-d'oeuvre absolus qui font de cet album un classique : Somebody To Love et White
Rabbit. Historique...
- Joy Division : Unknown Pleasures,
Closer, Substance, Heart & Soul
Pour un groupe dont la
carrière officielle se limite à deux albums et à une poignée de singles.
Pour un groupe dont l'influence sur la musique populaire avec de la classe, ne
s'est jamais démentie en 25 ans. Pour un groupe auquel on peut offrir le terme
"mythique" sans jamais passer pour un pédant ridicule. Pour un groupe
qui a su passer du punk radical et irrésistible (Warsaw) à la pop coupante (She's
Lost Control) en passant par le rock glacé (tout Closer), en se permettant
d'inventer la "new wave", la "cold wave" et plein d'autres
"waves" que je ne pourrais pas énumérer ici. Pour un groupe qui ne
cesse d'enchaîner les chansons sublimes comme autant de larmes amères (Atmosphere)
et de hurlements ectoplasmiques (Dead Souls). Pour un groupe déviant, maudit,
hideux et magnifique. Pour un groupe qui nous fera éternellement souffrir avec
l'une des plus belles chansons de l'univers, qui donne aux synthétiseurs la
voix des démons infernaux (Love Will Tear Us Apart). Pour un groupe noir et
brillant. Pour un groupe qui a chanté la fin de tout. Pour un tel groupe,
l'intégrale n'est pas seulement indispensable, elle devient l'air aigre que
l'on respire les jours où l'existence semble s'effondrer pour de bon. Et
soudain on comprend : Joy Division est le surcroît de douleur qui fait oublier
la douleur. Sublime.
- The Kinks : Are The Village Green Preservation
Society (1968)
Il serait facile de tenir les Kinks dans l'ombre de leurs
illustres inspirateurs. Oui, Ray Davies lorgnait sur la copie des Beatles, des
Beach Boys et des Rolling Stones. Mais les originaux avaient tant de talents
qu'on ne peut pas lui en vouloir de les avoir admirés. Ray Davies s'engouffrait
dans les territoires défrichés par Revolver, Sergent Pepper et autres Pet
Sounds. Mais c'est totalement réducteur de présenter le chef-d'oeuvre des
Kinks ainsi. Car ce qui fait de Ray Davies un génie, c'est son talent
incroyable pour écrire des pop-songs absolument parfaites. The Village Green
Preservation Society est ainsi une collection de 15 chansons d'une beauté
affolante. Le disque est nostalgique, mais jamais véritablement déprimé.
Toutes les chansons sont légères sans être stupides. Et elles possèdent une
personnalité très affirmées et très attachante. Une personnalité si
universelle et particulière toute à la fois que l'on a l'impression de
connaître toutes les chansons dès la première écoute. Ce qui est un peu
logique, vu qu'elles ont été copiées ou reprises par la moitié des groupes
de pop-rock qui ont suivi les Kinks.
Outre l'excellente chanson
titre, qui rappelle le Sergent Pepper de qui vous savez, on notera des perles
telles que le parfait Do You Remember Walter, Picture Book, Last of the Steam-Powered
Train, Sitting by the Riverside, le magiquement triste Village Green, le brutal Wicked Annabella (plagié plus
tard par Frank Black) ou bien encore
le sautillant People Take Pictures of Each Others. En fait, tous les morceaux
ont leur charme et il est immense. Des Kinks on peut aussi fortement conseiller
toute la production qui va de 1964 à 1971. En particulier les tout aussi
excellents (voire parfois supérieurs) The Kink Kontroversy, Face To Face,
Something Else by the Kinks et Arthur or the Decline and Fall of the British
Empire.
The Knife - Silent Shout
C'est toujours quand on pense avoir
tout écouté, tout entendu que l'on tombe sur une musique qui réveille notre
curiosité, qui titille nos sens, qui s'immisce dans notre discothèque
quotidienne sans forcément faire beaucoup de bruit mais avec une flagrante
efficacité. Ce début d'année 2006 fut très riche en disques de grande qualité et
en découvertes enthousiasmantes, le troisième album du duo suédois de The Knife
étant peut-être le plus électrisant du lot. Pourtant, lorsque l'on expose le
"concept" autour de Silent Shout, il y a de quoi rester perplexe. Un disque d'electro dans son aspect le plus basique, voire le plus daté, où ce qui compte avant
tout est la manière dont les rythmiques techno-disco vont s'amouracher des
bruitages électroniques et de la voix toujours déformée de la chanteuse Karin Dreijer Andersson. A priori, ça n'a
rien de très engageant, même si, précisons-le, comme The Fiery Furnaces, le duo
de The Knife est familial, la musique étant composée par Olof Dreijer, le
frangin de la première citée. Et oui, un tel détail peut être un gage de
qualité, ou du moins intriguer davantage l'auditeur "people".
Et ne
l'épargnons point plus longtemps, notre lecteur/auditeur favori et lançons-le au
coeur de Silent Shout, par exemple directement sur la piste 4, We Share Our
Mother's Health. Des "bips" et des "blips" rebondissent dans les enceintes avant
de former une curieuse base rythmique qui s'épanche en une irrésistible mélodie
de "GameBoy" schizophrène. Lorsque la voix de Karin surgit, on sait que chez The
Knife on a depuis longtemps perdu de vue les bornes du grotesque et que l'on
oeuvre définitivement "ailleurs". A tel point que parfois on pourra se croire
face à une musique déjantée de film d'horreur très conceptuel ou carrément dans
une partouze de morts-vivants, comme sur le génial et purement jubilatoire One
Hit ("Oh oh oh oh, wooo wooo wooo wooo"). Ce qui permet d'évoquer le plus grand
paradoxe de Silent Shout, celui d'être un disque plutôt sombre, voire glauque,
tout en demeurant hautement et volontairement léger et comique.
Le clip du
premier single et chanson éponyme, Silent Shout rappelle les expérimentations de
Chris Cunningham pour Aphex Twin et c'est bien d'Aphex Twin qu'il s'agit ici car
l'on pense plus d'une fois à l'humour aussi sordide que burlesque du créateur de
Windowlicker. On oscille donc entre un premier degré pleinement affirmé comme
sur ce Silent Shout d'ouverture particulièrement envoûtant, ou un second degré
totalement inattendu, comme lorsque la belle errance "ambient" de The Captain se
drape d'accents japonisants incongrus. Sur cet album, aucun morceau ne ressemble
à celui qui l'a précédé, et la liberté de ton de The Knife ne cesse de ravir. Le
duo se permet tout et même franchement n'importe quoi, de la berceuse aux dents
aigues de Na Na Na à une chanson presque normale telle que l'entêtant Marble
House qui s'effondre doucement sur l'un des refrains les plus accrocheurs de ce
début d'année. On croisera même de la sensualité perverse au détour d'un From
Off To On et un final digne d'un train fantôme où le frère et la soeur entament
un duo aussi terrifiant que touchant.
L'oeuvre de
The Knife ne ressemble VRAIMENT à rien d'autre et risque de laisser plus d'un
auditeur pour le moins dubitatif. C'est pourtant sur Silent Shout que l'on peut
se régaler de la musique la plus bizarre, la plus créative mais aussi peut-être
la plus jouissive de ce début d'année ; une bande son idéale pour danser, rire,
se faire peur, s'amuser, s'interroger, s'abreuver de sensations extraordinaires.
- Kraftwerk : Trans Europe Express (1977)
Cet album historique est une bonne
définition du terme : fascinant. Inventant une techno-pop minimaliste et envoûtante, les
génies de Kraftwerk venaient tout bonnement de révolutionner la musique. Car c'est la
techno qui est en train de naître dans nos oreilles émerveillées à l'écoute de cet
album magique. Deux chefs-d'uvre légendaire dominent le disque. Le tétanisant The
Hall Of Mirrors, intriguant, sublime. Et bien sûr Trans Europe Express, merveille absolue
d'un groupe inégalable. Indispensable. Et on ne saura trop conseillé l'intégrale de
Kraftwerk, au fil de laquelle on reconnaîtra aussi bien Aphex Twin que la techno de
Détroit, et à peu près toute la musique électronique de ces 15 dernières années. De
Autobahn (qui serait le véritable acte de naissance de la musique électronique, ou du
moins son premier chef-d'uvre populaire) à The Man-Machine (et ses ambiances de
villes nocturnes à pleurer d'émerveillement) en passant par Radioactivity (Nine Inch
Nails en 1975) et le fastueux Computer World (le Not For Threes de l'époque), tout est en
avance de plusieurs millénaires sur son temps. Seul Kraftwerk savait (sait ?) faire du
Kraftwerk. Et ils sont toujours les meilleurs. En tout.
Jens Lekman – Night Falls Over Kortedala
Dès la
première minute de And I Remember Every Kiss on comprend que Jens Lekman vient
d’atteindre son plein accomplissement. Il fallait à sa grâce de l’espace, du
grandiose, une galaxie sonore pour s’épanouir. En cela, Night Falls Over
Kortedala, associe le lyrisme d’une musique immense à l’affection de textes
apprêtés et sublimes. Véritable bible pour les garçons hypersensibles du nouveau
millénaire, l’album s’assume dans toutes ses exagérations. Bouleversante et
ridicule, la beauté selon Jens Lekman ne se chante pas en demi-mesure.
Infiniment sincère, bourré d’ironie, l’auteur suit son inspiration en ne
reculant jamais devant le concept du « trop ». Piochant dans toute la musique
populaire, Lekman amourache Scott Walker avec la Motown, puis y adjoint les
Smiths et Buddy Holly, remet une couche de samples et secoue bien fort avec des
idées qui lui sont uniques. Le résultat, évident, beau à en crever, drôle,
touchant, est sans égal.
- Claudine Longet : The Very Best Of
Essentiellement connue pour
son apparition miraculeuse dans The Party, Claudine Longet n'a pas seulement
été la nymphe qui murmurait le magique Nothing To Lose (absent de ce Very Best
Of, malheureusement, mais présent sur la réédition de la BO du chef-d'œuvre
de Blake Edwards). Non, durant une poignée d'années, Claudine Longet, sa voix
humide, son accent coquin et sa grâce cristalline, se
sont appropriés quelques chansons d'une beauté parfois stupéfiante et
toujours d'un érotisme ravissant. Il n'y a bien, à l'heure actuelle, que chez
Broadcast que l'on retrouve de tels charmes. Grâce à Claudine, God Only Knows
devient un murmure quasi pornographique où la moindre respiration donne
l'impression que la dame s'adonne au plaisir solitaire devant son micro. Sur la
scie We've Only Just Begun, on frôle l'orgasme. Mais c'est sans doute sur Here,
There and Everywhere que nous nous évanouissons dans une extase douce et
joliment sensuelle. Tout n'est pas aussi décadent sur ce Very Best Of,
mais les petites perles dynamique, joyaux de pop 60's toujours imités, jamais
égalés, tels que Hello, Hello ou Small Talk, ne cessent d'accroître le charme
de ce disque interdit aux cardiaques.
- Love : Forever Changes(1967)
- Madness : Complete Madness
S'il est bien un groupe des années 80
qui fut injustement sous-estimé, c'est Madness. La tendance s'inverse doucement, mais
sûrement. Je contribue modestement à la réhabilitation de ce formidable groupe de
pop-ska qui fut victime d'un nombre incroyable de malentendus. Le plus important étant
sans doute l'amalgame ska-skinhead, certes, il y a des skins qui écoutent du ska et
Madness, et alors ? Les nazis écoutaient bien Wagner et Mozart, est-ce que cela pose un
si grand problème de conscience que cela ? On a aussi longtemps jugé Madness sur ses
deux plus gros tubes, les cartoonesques One Step Beyond et Our House (cette dernière
merveille étant effectivement dotée d'un clip inoubliable). Et on a réduit le groupe à
un machin déconneur, définitivement ringard en un rien de temps. Et c'est bien là que
réside la plus grosse erreur. De tous les groupes "populaires" des années 80,
Madness est l'un de ceux qui ont le moins vieilli. Si je conseille ici une compilation
(gargantuesque ! 23 titres, que du bon !), cela ne doit pas vous empêcher de vous ruer
sur les albums originaux. Mais cette compil possède le mérite de révéler au grand
jour, dans la durée et le luxe de la démonstration, que Madness était un groupe
génial. Car pour une bonne louche de Madness "fun fun fun" (du moins
musicalement "fun", pour les textes le livret remettra aussi bien des choses à
leur place), on a droit aux vraies perles enfouies. De My Girl à Embarrassment en passant
par Grey Day, Tomorrow's Just Another Day ou encore Michael Caine, c'est du très grand
art et ce n'est pas de la déconne, croyez-moi ! Tous ces morceaux ou presque, ont été
des hits en leur temps, le livret le rappelle dans le détail (le sublime My Girl a quand
même grimpé à la 3e place des charts en 1980), mais ils ont été cruellement oublié
depuis (surtout hors de leur pays d'origine). Bref, sur cette compilation parfaite, il y
en a pour tous les goûts. De House Of Fun à The Sun and the Rain, en passant par la
bouleversante version de It Must Be Love, qui a elle seule rend primordiale la présence
de Madness dans toute bonne discothèque.
- The
Mamas and the Papas : California Dreamin' (1966-67)
Oui, je sais, il existe de nos jours
des compilations luxueuses, remasterisées, remplies à ras bord de ce brillant groupe top
bab qui est un peu l'incarnation à lui seul du Flower Power. Mais, comme tout puriste, je
suis résolument pro-album, même si je reconnais qu'une compilation bien fichue est
souvent un bon moyen de connaître un groupe. En fait ce California Dreamin' n'est pas un
véritable album, car du temps des Mamas & Papas, on faisait des disques n'importe
comment. On s'en fiche, ici il n'y a que 10 chansons, 31 minutes, le son est d'époque
directement en CD, c'est en very mid price (40 balles maximum sur internet), c'est que du
top du top. Bien sûr en ouverture il y a le sublime California Dreamin', l'une des plus
belles chansons du siècle. Et le reste est presque aussi bon. En particulier le délicat
Spanish Harlem, l'amusant Glad To Be Unhappy, le tubesque Monday, Monday, le bien mignon
My Girl et le divin Twelve Thirty. Tout cela s'écoute avec une facilité déconcertante
et un plaisir immense.
- Curtis Mayfield : Superfly
Réédité il y a peu dans une édition
collector onéreuse mais bourrée de bonus, Superfly est un disque vital (tout comme les
premiers Marvin Gaye et Stevie Wonder, puisque l'on parle de la sainte trilogie
"black" du début des 70's). On doit parler du film, pas fameux, dont ce disque
est la bande originale et la bonne conscience. Contredisant en permanence ce qui se
déroule à l'écran, Curtis Mayfield joue les Jimminy Cricket et dénonce avec un lyrisme
sans égal la violence, la drogue et en général tout le mode de vie rêvée des années
70. Manifeste bouleversant d'humanité, Superfly flotte sur la voix de Mayfield, en
perpétuelle apesanteur. Funk, Soul, et même Pop, sont tous tourneboulés, chavirés,
détruits et reconstitués. Pour les auditeurs qui vont découvrir sous peu Superfly, je
peux déjà leur annoncer les chocs qui vont accompagner leurs écoutes. Le choc du
premier contact avec la voix divine de Mayfield sur Little Child Runnin' Wild, il ne
faudra pas plus d'une minute pour que vous approchiez du paradis. Le choc du groove
meurtrier de Pusherman. Le choc indélébile de l'une des plus belles chansons de
l'univers, Freddie's Dead (sa ligne de basse, la voix angélique, les paroles
déchirantes, les cordes à se damner, tout à la fois, accrochez-vous). Et ainsi de suite
au fil de ce court album fondamental (ah zut, j'aurais aussi voulu vous parler du piano de
No Thing On Me et de "l'étalon" funk qu'est la chanson Superfly, mais bon, vous
avez déjà compris, si vous n'avez pas ce disque, il vous le faut !)
- Manic Street Preachers :
Everything Must Go (1996)
Un chef-d'oeuvre et l'un des disques les plus emblématiques des années 90. Après la disparition de Richey James, "l'âme" des premiers albums du groupe, les Manic Street Preachers trouvent un second souffle avec cette pulsion de vie qu'est Everything Must Go. C'est grandiose, épique, surproduit, bourré de refrains inoubliables et de chansons sublimes.
- Meat Puppets : No Joke (1995)
Une petite curiosité que cet album des
précurseurs et survivants de la vague Grunge. Les frangins Kirkwood sont au
sommet de leur art, jamais ils n'ont été aussi mélodiques sans pour autant vendre leur
âme au commerce. Ils composent d'étranges ballades métalliques, torturent la pop pour
en extraire de superbes harmonies larsennées. Cela donne le brutal Scum, le divin Head,
le délicat Vampires, le tortueux Eyeball et au final un recueil de chansons parfaites
sans être tape-à-l'oeil, un disque de métal fin, d'or pur en quelque sorte.
- My Bloody
Valentine : Loveless(1991)
Il arrive toujours un moment dans
l'existence de l'amateur de musique où il faut affronter le monstrueux Loveless, cet
Everest du bruit mélodique, incontournable monument inécoutable qui fait copuler sur 258
pistes et demi, la Pop, le Rock, l'Industriel, le Hard, le Heavy et que sais-je encore.
Lorsque l'oreille arrive aux abords de To Here Knows When, on se dit qu'il y a un
problème quelque part. Soit c'est la chaîne qui est en train de rendre l'âme, soit ce
sont les baffles qui pètent une durite, soit Kevin Shields a bien entassé 300 guitares,
200 basses, 5 machines à laver et un pipeau pour aboutir à ce tsunami sonore qui fait
d'étranges vagues dans les conduits auditifs. La délicate voix, perdue en haute mer de
larsens, nous montre le chemin. Loveless est un recueil de gentilles chansons pop, avec
des mélodies tubesques dedans. No problemo ! Sur Only Shallow, on avait bien reconnu les
contours d'un vrai morceau pop-rock "normal". Mais plus le disque avance,
moins... enfin... plus... enfin... I Only Said, Come In Alone, Blown A Wish (un des grands
morceaux Sublimes des 90's), c'est koidonça ? Du pop rock indus progressif pour brosses
à dents électriques ? Loveless est bien tel qu'on a pu le décrire : unique, éprouvant,
génial, inécoutable, guilleret, bordélique, parfait, épuisant, grotesque, miraculeux,
inégalable, effrayant, indispensable, chiant et divin. Suivant les écoutes on pourra le
considérer comme un chef-d'oeuvre pour masochistes ou comme un classique de la musique du
20e siècle. Jugeant, fort justement, qu'il était impossible de surenchérir, le groupe a
depuis disparu de notre univers. Leur retour, toujours annoncé, ne devrait se faire que
vers 2156, quand les androïdes écouteront Loveless en boucle. |