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 The Spiritde Frank Miller        
                          Pour oser s’attaquer à l’œuvre fondatrice de Will Eisner, sans que les fans 
                          crient au scandale, il fallait au moins le nom prestigieux de Frank Miller. 
                          Qu’un auteur de comics respecté se confronte à l’un des pères fondateurs du 
                          genre permettait d’offrir une relative bienveillance au projet et en tout cas de 
                          générer une grande curiosité. Mais s’il faut reconnaître à Miller un beau sens 
                          du visuel et de l’énergie au sein des cases d’une bande-dessinée, son premier 
                          film seul aux commandes est un ratage assez désolant.         
                          Pourtant tout le monde fait preuve de bonnes intentions dans ce Spirit. 
                          A commencer par des acteurs, visiblement pas du tout dirigés, auxquels Miller a 
                          juste demandé de faire leurs shows. En résulte des aberrations telles qu’un 
                          Samuel L. Jackson qui se prend pour un personnage de Tex Avery. En soit, ce 
                          n’est pas forcément gênant, car le réalisateur a essayé de retrouver la verve 
                          d’Eisner. Non, The Spirit ne s’est jamais pris au sérieux. Les 
                          gags ont toujours été abondants et la dynamique proche des cartoons. Les 
                          histoires étaient légères et pleines de rebondissements rocambolesques. 
         
                          Mais le film échoue à tous les niveaux. Mêlant humour consternant et discussions 
                          interminables, hésitant entre de très plates tentatives de caractérisation et 
                          une bêtise élevée au rang de premier principe (quand on en est réduit à faire 
                          exploser des chatons pour faire rire, on a plus ou moins touché le fond). Peu 
                          aidé par un interprète transparent (Gabriel Macht, qui ne devrait pas s’en 
                          relever) le personnage du Spirit traverse le film comme un jouet que l’on 
                          déplace d’un plan à l’autre. Si Miller a bien intégré l’aspect sexy du Comics, 
                          c’est pour l’adapter à une sauce plus que douteuse : Eva Mendes se photocopie 
                          les fesses, Scarlett Johansson (nullissime) s’habille en nazie, Paz Vega ondule 
                          du cul, toutes craquent pour cette endive de Spirit...          
                          L’ensemble est emballé dans des plans si clinquants qu’on finit par se croire 
                          devant une vaste publicité pour parfums. On touche là à certaines limites de 
                          l’esthétisation à outrance, surtout que le film est loin d’être aussi beau qu’il 
                          le souhaiterait. Succession de cadres statiques, le montage ajoute à 
                          l’abrutissement général. Pas d’action, aucune implication, et les longs tunnels 
                          de dialogues sans aucun intérêt s’accumulent. L’indifférence monte doucement, 
                          laissant à la consternation (voire au sommeil). Bien sûr, il y a toujours 
                          quelques moments à sauver, mais Miller vient de torpiller les sympathiques 
                          intentions de Sin City. Fini la bienveillance, le bonhomme devra 
                          désormais moins jouer sur l’apparence et davantage sur l’esprit pour nous 
                          séduire. |  
 
                  
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 Vinyande Fabrice Du Welz
                         Dès son générique d'ouverture, où l'eau se transforme  lentement en sang et où les cris stridents des enfants noyés par le tsunami  envahissent l'espace sonore, Vinyan se présente comme un trip  intense et agressif. Le début de l'œuvre, dans un environnement urbain, n'est  pas sans rappeler les expérimentations du Gaspar Noé d'Irréversible. Mais  lorsque Emmanuelle Béart et Rufus Sewell s'embarquent pour le cœur de la Birmanie, à la recherche  d'un enfant qu'ils pensent mort depuis la catastrophe, le film se  perd avec eux.                          Vinyan se voudrait la mise en image d'un voyage mental, et on se  dit que Fabrice Du Welz se rêvait un peu en Francis Ford Coppola lors de son  tournage. Malheureusement les effets de style et l'implication des acteurs ne  suffisent pas à créer une atmosphère inoubliable. Surtout, c'est le manque  d'implication générée auprès du spectateur qui fait le plus de tort à Vinyan.  La folie du personnage incarné par Emmanuelle Béart (toujours très généreuse  dans sa présence physique) est peu crédible. De même, les quelques séquences  oniriques ne s'intègrent pas au reste du film, qui ne demandait pas que le  trait soit aussi forcé.                          Tous ces défauts ne seraient pas si gênants si Vinyan parvenait à nous piéger dans sa quête languissante. Mais le film ne débute  jamais vraiment. Lorsque les enfants sauvages, promis par l'affiche,  apparaissent enfin dans les dernières minutes du film, c'est pour voir  l'histoire se résoudre en une très littérale (pour ne pas dire pesante)  illustration du complexe d'Œdipe. Quelques plans cherchent vaguement à choquer,  ils ne sont qu'incongrus, voire déplacés. Vinyan résonne alors comme une  coquille vide. On gardera un œil sur la suite du parcours du réalisateur de Calvaire,  tout en regrettant l'échec de ce film ambitieux mais désincarné.  |  
 
                  
                    
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 Australiade Baz Luhrmann        
                          C’est un genre en soi : le blockbuster en forme d’accident industriel. Une œuvre 
                          si catastrophique, derrière son budget dépassé et ses stars perdues, qu’elle en 
                          devient fascinante et quasi réjouissante. Le nanar de luxe, l’apocalypse 
                          cinématographique, voilà en somme le projet d’Australia. Dès les 
                          premières minutes, avec son montage au hachoir, ses panoramiques accélérés, son 
                          propos niais et prétentieux, Baz Luhrmann terrifie le spectateur. On ne pourra 
                          certainement pas tenir 2h35 ainsi. Pourtant, l’esprit humain s’habitue à tout. 
                          Et si l’œuvre paraît interminable, on finira par y prendre du plaisir, dans la 
                          consternation.         
                          Bouffant à tous les râteliers de la fresque pompeuse, Australia se 
                          veut le Autant en emporte le vent du 21e siècle. Mais 
                          c’est Le Magicien d’Oz, l’autre chef-d’œuvre de Victor Fleming, 
                          qui est cité jusqu’à l’écœurement (Somewhere over the rainbow est 
                          massacré une bonne diazine de fois !). En voulant retrouver la douce naïveté 
                          de l’âge d’or d’Hollywood, le réalisateur australien accumule les fautes de 
                          goût. Histoire d’amour grasse, message humaniste pesant, leçon de tolérance pour 
                          les incultes, ajout d’un contexte historique comme s’il s’agissait de la plus 
                          grosse des ficelles dramatiques (attention les japonais attaquent !), le 
                          scénario étouffe par abus de clichés et de guimauve.         
                          Mais ce sont les personnages qui en souffrent le plus. Taillés à coups de serpe, 
                          peu aidés par des dialogues grotesques, les acteurs font ce qu’ils peuvent. Si 
                          Hugh Jackman assure le minimum avec classe et une touche d’ironie, Nicole Kidman 
                          délivre probablement sa pire performance. Insupportable du début à la fin, elle 
                          en fait des tonnes, roule des yeux, bat des bras, hésite entre hystérie et 
                          consternation. On souffre pour elle. Mais surtout on souffre à cause d’elle. Au 
                          point de souhaiter sa disparition du cadre, ce qui n’arrive que trop rarement. 
         
                          Ce cadre, d’ailleurs, que Luhrmann rate consciencieusement. Comment enlaidir des 
                          décors naturels sublimes ? En abusant des effets numériques et de la 
                          photographie délavée qui va avec. Les fonds verts intégrés n’importe comment 
                          (pour faire toc, mais trop c’est trop) finissent par donner la nausée. Le tout 
                          sur un rythme inconstant car Australia accumule par ailleurs les 
                          fausses fins, décevant les espoirs, même les plus infimes. Et dans sa volonté de 
                          rendre justice au peuple aborigène, le film n’évite pas le paternalisme propret, 
                          qui tend à sacrifier le bon sauvage et à privilégier le regard du blanc 
                          bienveillant.         
                          Baz Luhrmann aimerait en remontrer à tout le monde. A John Ford (un troupeau 
                          mené à travers l’outback, sans que jamais le spectateur ne se sente impliqué), à 
                          Fleming (la romance est insipide), à Nicolas Roeg (revoir impérativement Walkabout), à James Cameron, à Peter Jackson (on va 
                          réévaluer son King Kong, obligé), à Clint Eastwood…  Australia finit par sonner si faux que l’on se demande si tout cela ne 
                          serait pas en fait une vaste farce. Mais non, c’est un « monument » dédié à un 
                          continent, à l’Amour, à la Vie, à l’Enfance, à la Fraternité. On en ressort 
                          mi-hilare, mi-malade. C’est peut-être une expérience à tenter, mais à réserver 
                          aux plus endurcis d’entre vous.  |  
 
                  
                    
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 Teethde Mitchell Lichtenstein Résumer le synopsis de Teeth c’est déjà révéler la clef de l’œuvre : Dawn est une lycéenne membre   d’un  groupe prônant la chasteté jusqu’au mariage, mais le désir est plus fort   que  les vœux pieux et au moment où elle s’apprête à succomber, tourmentée   par le  remord, elle découvre qu’elle possède le premier cas avéré de « vagina   dentata ».   Même si vous n’avez pas pratiqué  le latin dans votre jeunesse (on vous pardonne si vous avez pris   l’option « drague  à la cafét » à la place), vous avez déjà compris tout ce qui fait   l’originalité  et le prix de cette nouvelle variation sur le statut de la femme au sein   de la  société machiste.  Très justement, mais  sans trop forcer sur la finesse, l’auteur mélange les genres et fait   dériver  son étude de mœurs du sarcastique vers l’horreur. Le résultat   décontenancera  certainement beaucoup de spectateurs, que l’on espère cependant avertis,   et  ravira les autres par ses audaces et son charme.   On nous répondra que le terme de « charmant »  ne semble pas le plus approprié lorsqu’il s’agit de qualifier quelques   pénis  tranchés avec abondance de gore, sans parler d’une visite chez le   gynécologue  proposant le suspens le plus sexuellement déviant, mais aussi le plus   drôle,  depuis le cunnilingus décapité de Re-Animator. Teeth en est-il pour  autant un film d’horreur ? Pas le moins du monde et tout ceci grâce à la  performance de la jeune Jess Weixler. Superbe révélation (primée à   Sundance), l’actrice  fait preuve d’une grâce, d’une intensité et d’un humour qui transcendent   les  scènes scabreuses. Ce qui permet de tracer un parallèle d’autant plus   évident  avec le May de Lucky McKee qui ne manquera pas de venir à l’esprit des  cinéphiles.  
  Si Teeth manque de la  maîtrise et de l’émotion offertes par May (au   profit de la comédie), il use avec autant d’intelligence  des règles de l’épouvante mais aussi des films de monstres (ouvertement   cités  par le réalisateur). Pimenter la chronique adolescente avec de grands   coups de  mâchoires aussi vicieusement situées est un petit tour de force qui   échappe au  ridicule pour mieux flirter avec le mythologique. Pour le spectateur   masculin Teeth est fréquemment douloureux, tout en s’épanchant en   un rire  libérateur. Pour le public féminin, Dawn devient une sorte de   super-héroïne,  versant serial-killer (décidément très à la mode depuis Dexter).   La métaphore n’est peut-être pas  subtile : la nouvelle Eve s’émancipant et se vengeant par là où on   l’accuse  d’avoir originellement péché. Pourtant l’efficacité de Teeth réside dans cette  confrontation sans œillères avec ses thèmes triviaux. Et il faut bien   vous  avouer que Jess Weixler est le piège le plus mortel et irrésistible que   l’on  ait aperçu depuis longtemps sur un écran. Plaisir et souffrance portés à   ce  niveau font de Teeth une sucrerie dévergondée   qui secoue agréablement le cinéma  indépendant américain.  |  
 
                  
                    
                      |   Hellboy IIde Guillermo del Toro        
                          Non, je n’avais pas 
                            particulièrement apprécié le premier Hellboy par Guillermo del 
                          Toro. Incapable de m'attacher à cet univers aisément ridicule, j’y avais surtout 
                          découvert un plaisant nanar, sympathique, drôle mais loin d’être impérissable. 
                          Dire que je n’attendais pas grand-chose de cette suite est une évidence. Malgré 
                          une bande-annonce prometteuse, il y avait fort à faire pour me convaincre. La 
                          seule raison d’espérer étant que entre-temps Del Toro a offert un très grand film avec Le Labyrinthe de Pan.         
                          Et cela fait toute la différence. En effet c’est toujours Hellboy, 
                          mais en mieux. Certes, on n'entre pas aisément  dans le film. L’histoire sous 
                          forme de marionnettes dans le prologue vaut le coup d’œil, mais elle est 
                          contrebalancée par le Hellboy gamin totalement ridicule. Ensuite c’est un vague 
                          remake du premier film, avec une touche de Blade II et beaucoup de 
                          Tolkien. On le sait, depuis Del Toro a signé pour mettre en scène Bilbo le 
                            Hobbit, et ce Hellboy ressemble à une lettre de motivation.                                  
                          Heureusement au bout de 45 minutes Hellboy II prend une autre 
                          ampleur, versant dans la foire aux monstres d’une grande générosité et 
                          empruntant soudain avec talent du côté de Miyazaki. On se laisse enfin happer 
                          par ce monde et ses personnages. Souriant avec bienveillance aux percées 
                          comiques un peu grasses mais adorables. Le final a beau être convenu, on y 
                          croit. Enfin. Et c’est à regret que l’on quitte Hellboy et ses petits camarades. 
                          Le divertissement est visuellement impressionnant, tout en gardant un petit côté 
                          système D rafraîchissant. Mais surtout la fantaisie d’un conte sincère et 
                          humble, malgré ses atours clinquants, nous touche de manière inattendue. Une 
                          autre belle surprise de 2008. |  
 
                  
                    
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 Quantum of Solacede Marc Forster        
                          Reprenant les choses là où Casino Royale s’achevait, Quantum 
                            of Solace est donc une histoire de vengeance. Peu importe alors les 
                          circonvolutions pas très convaincantes du scénario, James Bond a le cœur brisé 
                          et il revient très énervé. Ce nouvel opus est ainsi le plus sombre de la saga, 
                          l’un des plus agité mais aussi l’un des plus froids. Par rapport au film 
                          précédent on gagne en puissance et en densité narrative. Quitte à vouloir trop 
                          en faire et à laisser beaucoup d’éléments en marge, Quantum of Solace déboule à toute vitesse dès la scène de poursuite en voitures d’ouverture.          
                          Les quarante premières minutes foncent tête baissée, en cherchant à en découdre 
                          avec tout le monde : aussi bien avec les morceaux de bravoure de Casino 
                            Royale qu’avec toute la série des Jason Bourne. C’est 
                          peut-être le plus gros reproche que les fans adresseront au film, Bond y devient 
                          encore plus un concurrent à l’agent spécial campé par Matt Damon. Marc Forster, 
                          réalisateur généralement très pépère et même plutôt nul, n’égale pas le talent de Paul Greengrass, 
                          mais son efficacité s’avère surprenante. 
         
                          Malheureusement le démarrage en fanfare, qui nous fait croire au Bond ultime, 
                          s’enchaîne avec de gros passages à vide, entrecoupés de sursauts épars. Cette 
                          deuxième partie de métrage est sauvée par ses interprètes. Daniel Craig, 
                          toujours plus acéré, demeure le 007 idéal. Ses rapports conflictuels avec M 
                          offrent quelques-uns des meilleurs échanges du film. Mathieu Amalric séduit par 
                          une certaine sobriété là où l’on s’attendait à ce qu’il en fasse des tonnes. Son 
                          personnage est cependant loin des méchants les plus flamboyants de la saga. 
                          Beaucoup seront choqués par l’aspect bien peu sexy de Quantum of Solace. 
                          Olga Kurylenko est très juste et charmante, mais elle est avant tout une femme 
                          forte et jamais une proie pour Bond. En donzelle facile, Gemma Arterton apparaît 
                          alors comme un ajout assez artificiel, de surcroît évacuée bien misérablement 
                          par les scénaristes.         
                          Très imparfait, comme tous les James Bond, Quantum of Solace doit sa réussite à sa farouche volonté d’assurer le divertissement coûte que 
                          coûte, avec une grande rigueur, voire une certaine austérité. Pour tous ceux qui 
                          n’ont jamais pris 007 au sérieux, le choc sera encore plus important qu’avec  Casino Royale. Fini la déconne, il faut que ça cogne. A l’image de 
                          l’excellente chanson du générique d’ouverture composée par Jack White (des White 
                          Stripes), Quantum of Solace veut définitivement imposer un Bond 
                          adulte, contemporain, échappant aux fautes de goût qui ont pourtant longtemps 
                          été la marque de fabrique du personnage. Aussi étonnant que cela puisse 
                          paraître, le défi est relevé haut la main. Et même si cet épisode s’affirme 
                          comme une transition, il donne terriblement envie de découvrir la nouvelle 
                          direction que vont prendre les aventures de l’espion le plus célèbre de la 
                          planète. |  
 
                  
                    
                      | 
 Délire Expressde David Gordon Green        
                          Le « stoner movie » (ou film de défoncés) est un genre à part entière, dont les 
                          fleurons demeurent des incontournables des soirées DVD où se consomment les 
                          substances plus ou moins illégales. De Up in smoke à Mec, 
                            elle est où ma caisse ? en passant par le Las Vegas Parano de Terry Gilliam, il est parfois bien difficile d’apprécier ces œuvres en étant 
                          « sobre ». C’est en partie le cas avec Délire express, très bonne 
                          comédie au demeurant, mais qui ne prendra probablement sa pleine ampleur qu’une 
                          fois le spectateur mis dans les meilleures conditions.         
                          Il manquait à l’équipe Judd Apatow, Seth Rogen et Evan Goldberg un grand 
                          exutoire en forme d’ode à la fumette. C’est chose faite avec ce Délire 
                            express qui s’engage, à l’occasion, sur le terrain du film d’action 
                          musclé ne se prenant jamais au sérieux. En résulte une succession de scènes de 
                          dialogues absurdes entre Rogen et James Franco, entrecoupées de pétages de 
                          plomb bien bourrins (une baston anthologique avec l’inénarrable Danny R. 
                          McBride en particulier). 
         
                          Comme toujours chez Apatow, le duo central fonctionne idéalement (Franco et 
                          Rogen ne sont rien de moins que géniaux) mais il ne peut survivre sur l’ample 
                          durée (presque 2 heures) qu’avec l’aide d’excellents comparses. Délire 
                            express est ainsi très généreux en matière de seconds couteaux qui 
                          parviennent à marquer en l’espace de quelques instants (deux tueurs 
                          surréalistes, une fliquette vindicative, Amber Heard qui promène ses charmes, 
                          Bill Hader en héros d’un flashback timbré, etc…)         
                          En tant que film de camés, Délire express est un jalon, une date. 
                          David Gordon Green se donne en effet beaucoup de mal pour emballer le bordel 
                          général dans une mise en scène efficace et très dynamique. Que les deux zigotos 
                          se perdent en forêt ou qu’ils se fassent de grandes déclarations d’amour, la 
                          caméra n’en perd jamais une miette. Et lorsque les flingues sont de sortie et 
                          que les bastons s’entrecroisent, tous les plaisirs se confondent. Comme la 
                          pineapple express, ce film est rare, précieux, quasi unique, y goûter c’est 
                          devenir instantanément accro. Un risque à prendre, les effets secondaires étant 
                          limités à des crampes de zygomatiques. |  
 
                  
                    
                      |   L'Échangede Clint Eastwood        
                          Depuis Impitoyable, chaque œuvre de Clint Eastwood ressemble à une 
                          somme.  Le réalisateur semble chercher à la fois l’épure et l’apothéose de tous 
                          les genres qu’il visite. Du mélodrame au polar en passant par le récit de guerre 
                          ou celui de sport, Eastwood taille ses films dans la veine la plus classique 
                          d’Hollywood. Il en résulte une intemporalité visuelle et thématique qui donne 
                          d’autant plus de force à sa vision. En ce sens, L’Echange apparaît 
                          comme la synthèse de toute sa  filmographie récente, voire, n’ayons pas peur 
                          d’aller trop loin dans l’enthousiasme, de toutes ses créations.         
                          La richesse de L’Echange  se déploie à la fois sur son ample durée 
                          et sa tranquille humilité. Les multiples récits de souffrances déchirantes sont 
                          centrés autour du personnage de la mère trahie, superbement incarnée par 
                          Angelina Jolie, dans ce qui est probablement son meilleur rôle. Le film touche à 
                          tous les genres et tous les sentiments. A la fois reconstitution historique, 
                          enquête policière, film de procès, récit de corruption, conte cruel sur 
                          l’enfance, chronique d’hôpital psychiatrique et bien sûr un portrait de femme 
                          forte et bouleversante. Et encore, on ne vous dit pas tout, de peur de dévoiler 
                          les surprises d’une œuvre qui semble inépuisable.         
                          Mais avant de pouvoir théoriser sur la forme, d’une classe proverbiale, ou sur 
                          les thèmes abordés, il faut simplement vivre L’Echange. Comme un 
                          déchirement insondable, que certains trouveront peut-être trop lacrymal, mais 
                          qui, au contraire, trouve le juste équilibre entre mélodrame et retenue. Tout 
                          autant qu’avec Million Dollar Baby ou La Route de Madison, 
                          Eastwood nous désarme entièrement ; nous laissant, dès les premières scènes 
                          d’intimité entre la mère et son fils, complètement acquis à son sujet.  
         
                          On peut beaucoup pleurer devant ce crève-cœur, on peut aussi se passionner pour 
                          ses zones d’ombre et ses ambiguïtés, car le film ne se laisse pas apprivoiser 
                          d’un seul regard. Parfaitement aidé par des seconds rôles fantastiques (depuis 
                          quand n’avait-on pas vu John Malkovich aussi sobre ?), Eastwood crée une galerie 
                          de portraits qui échappent bien souvent aux stéréotypes attendus, ou, tout du 
                          moins, les magnifient. Au cœur du film Angelina Jolie use de toute la palette de 
                          son talent, et on admet qu’on ne l’imaginait pas si vaste.         
                          A l’image de There will be blood en début d’année 2008,  L’Echange peut impressionner par sa puissance. Mais à l’inverse du film 
                          de Paul Thomas Anderson, Eastwood a voulu revenir au plus près de ce qui peut 
                          rendre l’humain attachant. C’est ainsi le pendant positif de l’histoire de 
                          Daniel Plainview, un autre versant de l’Amérique, qui lutte contre son passé 
                          fait de sang et de trahison. Même face à la tragédie, il s’agit de ne jamais 
                          perdre espoir. Même face à la faiblesse, à la corruption, au mensonge, il est 
                          possible de résister. Et cette résistance, aussi vaine qu’elle puisse paraître, 
                          est à elle seule la plus grande et la plus belle des victoires. L’Echange est un hymne à cette croyance en la bonté et la justice humaine. Il nous 
                          faut l’écrire aujourd’hui, pour ne pas le regretter plus tard : c’est un 
                          chef-d’œuvre. |  
 
                  
                    
                      |   Bangkok Dangerousdes frères PangAvec  Bangkok dangerous Nicolas Cage semble atteindre un 
                          nouveau stade de sa carrière. Avec ce remake d’une nullité abyssale 
                          d’un film déjà médiocre à l’origine (et toujours torché par les 
                          ineffables frères Pang), l’acteur assume son récent statut d’icône 
                          de nanars avec une sincérité et un aplomb presque touchants. 
                          Monolithique ou cabotin, Cage provoque le sourire par sa simple 
                          présence à l’écran (et une énième coupe de cheveux pittoresque). Un 
                          point de non-retour est peut-être franchi, comme si on ne pouvait 
                          plus prendre l’acteur au sérieux.  Il faut dire que 
                          dans cette histoire de tueur à gages  mélancolique tout est 
                          ridicule, au mieux, voire complètement idiot, au pire. Les scènes 
                          d’action surréalistes font place aux détails incroyables (la trompe 
                          de l’éléphant, la séquence du restaurant, l’entraînement du 
                          disciple) ; Bangkok dangerous accumule les 
                          qualités du ratage anthologique. S’il était un tout petit peu plus 
                          rythmé, on y trouverait presque un plaisir coupable incontournable.  
 Malheureusement 
                          on est rapidement lassé par la bêtise ambiante. Y retrouver Charlie 
                          Yeung, après une décennie d’absence sur les écrans, fend d’autant 
                          plus le cœur. Celle qui fut la plus belle des actrices dans le plus 
                          beau des films (The Lovers de Tsui Hark) 
                          hérite d’un rôle de sourde-muette qui confine au grotesque dans sa 
                          relation niaise avec l’halluciné Nicolas.  Au final,  Bangkok dangerous n’est pas détestable, loin de là, 
                          mais il n’est recommandable qu’à ceux qui savent apprécier la 
                          nouvelle orientation (involontairement) comique du parcours de M. 
                          Cage. |  
 
                  
                    
                      |   Mamma Mia !de Phyllida Iloyd        
                          C’est l’archétype du film bienheureux. Une œuvre improbable dont il se dégage 
                          tant de charme et de joie que les défauts, qui nous feraient fuir ailleurs, sont 
                          ici immédiatement pardonnés. Forcément, ça déborde d’Abba, avec toutes les 
                          chansons qui rendent bêtement ravi, mais aussi terriblement triste (oui, il y a The Winner Takes It All). Puis il y a Meryl Streep, dont on oublie 
                          parfois qu’elle est la meilleure actrice du monde, un titre qui n’est pas usurpé 
                          lorsque l’on voit ce qu’elle accomplit dans un film tel que celui-ci.                          Certes l’emballage global n’a pas la classe des grandes comédies musicales. La mise 
                          en scène n’a aucun souffle et se révèle fréquemment hideuse, l’histoire n’est qu’une ossature sympathique, mais 
                          sans éclat. Pourtant dès les premiers instants, par la simple grâce de la très 
                          craquante Amanda Seyfried, on est conquis. Ce n’est plus qu’une succession de 
                          moments d’anthologie jusqu’au générique final qui fait hurler en chœur les 
                          salles de cinéma remplies de fans. Grande réussite. |  
 
                  
                    
                      | Martyrsde Pascal Laugier        
                          La politesse et le bon sens obligent à retenir ses coups face à un machin tel 
                          que le dernier film de Pascal Laugier. L’exaspération à l’écoute des répliques 
                          des chantres de  Martyrs n’est cependant pas feinte. En clair on entend 
                          souvent que si l’on n’aime pas ce ramassis des pires clichés du genre, c’est que 
                          l’on n’a rien compris, ou que le film est trop fort. La bonne blague ! D’une 
                          bêtise abyssale, cet énième calvaire mettant en scène des jeunes filles soumises 
                          aux pulsions sadiques du réalisateur se double d’une prétention incongrue qui 
                          ne peut séduire que ceux qui n’ont jamais vu un Bresson ou un Lynch dans leurs 
                          vies. Souvent involontairement drôle, d’une complaisance qui repousse des 
                          limites déjà fréquemment bousculées,  Martyrs n’a pour unique qualité que 
                          d’enfoncer davantage le « cinéma de genre » français, qui continue à creuser sa 
                      tombe avec une obstination qui force presque le respect. Presque. |  
 
                  
                    
                      | 
 Phénomènesde M. Night Shyamalan                                
                          Si vous rêvez de découvrir ces deux films, vous devriez cesser de lire ici, car 
                          nous allons immédiatement tomber dans les révélations essentielles. Bref. C’est 
                          la nouvelle tendance du fantastique, les plantouilles ne sont pas contentes. Et 
                          on ne sait pas trop quoi choisir entre le rien de Shyamalan et les fleurs 
                          imitant les sonneries de portable des  Ruines. Dans les deux cas c’est 
                          surtout comique, et pas franchement effrayant. Faire peur avec une forêt ce 
                          n’est pas bien compliqué, qu’on se souvienne du  Projet Blair Witch ou de  Twin Peaks. Mais ce ne sont pas les arbres en eux-mêmes qui forment la 
                          menace, car, après tout, un arbre ce n’est jamais bien méchant. Ne parlons pas 
                          de quelques brins d’herbe agités par le vent. En clair Shyamalan, de son côté, 
                          vise l’anti-film d’horreur, creusant l’épure qui lui réussissait si bien 
                          autrefois. Malheureusement, dans  Phénomènes il semble ne plus savoir quoi 
                          faire pour emballer une œuvre un tant soit peu correcte. Acteurs en roue libre, 
                          répliques qu’on jurerait improvisées, scénario qui avance au hasard, scènes 
                          comiques dont on se demande si elles sont vraiment conçues pour faire rire. 
                          Pire, la mise en scène, habituellement à même de sauver tout le film, assure ici 
                          le minimum. La menace n’est jamais crédible et l’histoire se dénoue dans 
                          l’indifférence totale.  
 Les Ruinesde Carter Smith        Les Ruines fait un peu mieux à certains niveaux (les 
                          plantes sont clairement vindicatives, voire carrément sadiques), mais s’empêtre 
                          aussi dans le ronflement d’une histoire qui peine à impliquer le spectateur. 
                          C’est dommage, car avec davantage d’ambition, le film aurait pu développer son 
                          malaise et sa cruauté. A voir une jolie jeune fille tomber dans la folie et 
                          s’auto-mutiler de manière fort gore pour ôter les vilaines lianes qui commencent 
                          à lui pousser sous la peau, on se dit qu’on tenait là une bonne petite série B 
                          choc. Mais au final il ne se passe pas grand-chose, on s’ennuie beaucoup et les 
                      plantouilles demeurent avant tout drôles et très rarement inquiétantes. |  
 
                  
                    
                      |   Indiana Jones et le royaume du crâne de cristalde Steven Spielberg        
                          On n’aime pas voir vieillir ses idoles. Quelque part, toutes ces actrices 
                          hollywoodiennes qui ont décidé de s’éloigner des projecteurs avant de laisser 
                          apercevoir les dégâts du temps, ne sont pas à blâmer.  Elles demeurent figées 
                          dans la grâce de leur gloire et de leur beauté. Ressortir  Indiana Jones après la parfaite conclusion de  la Dernière croisade, est une aberration 
                          dont on accuse très vite ce grand rigolo de George Lucas. Certes, il est la 
                          principale cause, mais il ne faut pas oublier que c’est un travail de groupe. On 
                          y retrouve un Spielberg en mode automatique (façon  Le Monde perdu) et un 
                          Harrison Ford pépère. C’est sûr, ça fait un choc.                         En définitive, le film est 
                          loin d’être indigne. La première partie est même très sympathique et 
                          parfaitement dans l’esprit des premiers épisodes. C’est lorsque la 
                          science-fiction prend le dessus que le calvaire commence. En résulte 20 
                          dernières minutes consternantes, qui auront révolté presque tous les publics à 
                          travers le monde. Malgré tout, cet  Indiana Jones n’est pas un mauvais 
                          bougre, il arrive juste trop tard, bien trop tard, avec des défauts aisément 
                          rédhibitoires (ridiculiser la belle Cate Blanchett avec une coupe de cheveux 
                          pareille, c’est criminel). Nul doute que les années et le recul adouciront les 
                      jugements, mais il y a de quoi être un peu triste. |  
 
                  
                    
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 Doomsdayde Neil Marshall        
                          La grande braderie de la série Z, voilà ce que nous promettait  Doomsday, 
                          avec sa bande-annonce pleine de souvenirs émus pour cinéphiles de vidéoclub. Au 
                          final, Neil Marshall propose bien des mini-remakes de  New-York 1997, de  Class 1984 et de  Mad Max 2, cités par scènes entières, mais vus au 
                          travers du prisme des  Rats de Manhattan et des  Gladiateurs du futur. 
                          Bref, le réalisateur veut revenir au bon cinéma en digérant sa descendance 
                          nanar.          
                          Pendant une grosse demi-heure, jusqu’à l’arrivée de Rhona Mithra et de ses 
                          petits camarades dans la Zone, il y parvient presque. Il essaie de construire 
                          une histoire, de créer une ambiance, de présenter des personnages et des enjeux 
                          que l’on connaît déjà par cœur. Mais sa mise en scène le trahit, abusant des 
                          cuts et de plans tarabiscotés pour donner une fausse impression de rythme. Au 
                          moment où l’on commence à s’inquiéter du devenir du film, Marshall ouvre les 
                          vannes et déverse un torrent de n’importe quoi, qui ne se tarira plus jusqu’au 
                          plan final.                         
         
                          Car dans  Doomsday tout est permis, de préférence dans l’excès et la bonne 
                          humeur. Les punks parlent avec l’accent écossais et s’adonnent au cannibalisme 
                          sur fond de Siouxsie and the Banshees. Malcom McDowell joue les seigneurs 
                          médiévaux adepte de la torture inquisitoriale. Les plans très gores 
                          s’enchaînent, n’épargnant rien, ni aux lapins, ni aux tronches inénarrables (un 
                          nouveau record de décapitations complaisantes est battu). Au milieu de cette 
                          foire, Rhona Mithra assure parfaitement son rôle de Snake Plissken aux charmes 
                          évidents.          
                          Comme pris dans l’ambiance, Marshall persiste à manipuler sa caméra comme un 
                          Michael Bay fauché, rendant ainsi autant hommage à George Miller qu’à Uwe Boll. 
                          En particulier lors d’une poursuite motorisée finale dont on ne sait plus très 
                          bien si elle est un hommage ou une parodie de celle de  The Road warrior. 
                          Qu’importe, tant le plaisir est immédiat et les idées souvent hilarantes. Bien 
                          sûr, pour apprécier  Doomsday il faut accepter le trip très particulier et 
                          on comprend sans peine l’échec prévisible du film auprès du grand public. C’est 
                          du cinéma de samedi soir entre potes, fun et déviant, assumé comme tel et, en ce 
                          sens, hautement attachant. |  
 
                  
                    
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 The Dark Knightde Christopher Nolan        
                          Pour peu que l’on vénère l’univers de Batman autant que votre serviteur,  The 
                            Dark Knight de Christopher Nolan a tout du projet rêvé. A partir des bases 
                          sympathiques posées par l’imparfait mais séduisant  Batman Begins, voilà 
                          le grand film crépusculaire que la chauve-souris, et surtout le Joker, 
                          réclamaient. Le résultat possède les mêmes qualités (accentuées) et les mêmes 
                          défauts (plus discrets) que le premier opus. En clair, c’est bien foutu et 
                          frustrant. Juste comme il faut.         
                          On ne peut nier l’ambition du film, qui veut en remontrer à tout le monde. A Tim 
                          Burton, à Alan Moore, à Frank Miller, à Bob Kane, bref, à tout ce qui a un jour 
                          compté dans l’existence de Batman. Avouons-le, l’échec n’est pas évité, mais les 
                          dommages sont gérés avec le talent que l’on connaît à Nolan (son  Prestige, 
                          tout aussi bancal, n’en demeure pas moins un bon film). Mais ces ambitions 
                          sont aussi le principal point faible de  The Dark Knight, qui, comme   Batman Begins, veut trop en faire, trop en dire, trop en montrer en 2h30 de 
                          temps.  
         
                          Pourtant, pendant près de deux heures, l’œuvre flirte avec la perfection. Tout 
                          est là, développé avec soin et interprété par une flopée d’excellents acteurs. 
                          Feu Heath Ledger est un Joker idéal, directement issu de The Killing Joke de Moore et Bolland. Nolan en emprunte même les thématiques principales et 
                          certaines répliques. Sauf que noyée dans le cahier des charges du blockbuster 
                          familial, la puissance des écrits d’Alan Moore se dissout un peu, engoncée dans 
                          un scénario répétitif et didactique qui se perd dans la précipitation lors d’une dernière 
                          demi-heure décevante.         
                          Les surprises sont néanmoins nombreuses. L’une des plus inattendues étant 
                          quelques scènes d’action plutôt très bien filmées, une nouveauté chez Nolan. 
                          Comme pour se faire pardonner de la nullité graphique de  Batman Begins, 
                          le réalisateur efface tout et recommence. En résulte, en particulier, une 
                          poursuite motorisée, dénuée de musique, juste formidable. En parlant de la 
                          musique, elle est toujours aussi catastrophique, avec ce thème à deux notes, 
                          sciant les nerfs, qui souffre en permanence de la comparaison avec les 
                          partitions monstrueuses de Danny Elfman pour les Burton. 
         
                          Burton ? Justement, il est tranquille notre Tim. Nolan ne vient pas trop lui 
                          chatouiller les moustaches, préférant un côté réaliste et technoïde au cirque 
                          géant. Question d’affinités,  Batman Returns nous semble toujours plus 
                          proche de l’esprit de Batman que toutes ces conneries de téléphones portables 
                          radars. De même, on ne creusera pas trop le message politique du film, qui en 
                          gros nous rappelle que pour le bien de tous on a le droit de passer pour le 
                          grand méchant de service qui ne négocie pas avec les terroristes. Si on se 
                          laisse emporter par le final, on a envie de chanter : Votez McCain ! quand le 
                          générique démarre. On laissera donc poliment de côté cet aspect, Batman ayant 
                          toujours eu des aspects réactionnaires bourrins que seuls quelques auteurs plus 
                          malins ont réussi à détourner.         
                          Nolan ne fait qu’illustrer le mythe avec soin, laissant tout son petit monde 
                          s’ébattre avec précision dans la folie. Le plaisir est immédiat, mais toujours 
                          contrebalancé par des détails qui fâchent. C’est presque parfait, voilà d’où 
                          naît la frustration. Et c’est peut-être ce qui caractérise le plus le cinéma de 
                          Christopher Nolan. C’est beau, intelligent, plein de charme, mais cela nous tire 
                          régulièrement de notre émerveillement pour nous ramener à l’imperfection 
                          première du spectacle, à son côté artificiel, explicatif et glacé. C’est sans doute parce que  The Dark Knight cherche 
                          à plaire au plus grand monde qu’il courbe ainsi l’échine. Le succès phénoménal 
                          du film au box office prouve que les créateurs ont eu raison de sacrifier une 
                          part d’intégrité pour le bien commun. Ah mais zut alors, on avait dit qu’on ne 
                          parlait pas de politique… |  
 
                  
                    
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 Wall-Ede Andrew Stanton        Le petit robot lève 
                          ses yeux mécaniques vers les étoiles. Dans son regard d'objet, dans ses pixels 
                          de personnage animé, l'émotion se devine. L'humanité a abandonné la Terre depuis 
                          700 ans, laissant derrière elle un dépotoir géant et des automates pour faire le 
                          ménage. Wall-E est le dernier d'entre eux. Par-delà le protocole informatique, 
                          une âme est née dans la machine. Le cœur du nouveau film des studios Pixar bat 
                          ici, dans l'essence des sentiments. Tout a déjà été dit, écrit, tourné sur les 
                          émotions humaines, mais qu'en est-il des machines ?          Que nous pensions à 2001 (cité de façon brillante à de nombreuses reprises) et à  Ghost in the shell n'est pas une surprise. On retrouve la même 
                          tension entre la solitude absolue (de l'espace, du réseau, de la Terre dévastée) 
                          et la fragilité de l'être. Dès les premiers plans du film, Wall-E apparaît comme 
                          minuscule, d'autant plus adorable, égaré au sein de visions post-apocalyptiques 
                          frappantes. Plus tard, il sera cette petite chose perdue dans l'espace, 
                          suspendue à un extincteur, entamant une danse sublime avec Eve, l'élue de son 
                          cœur. Les instants de tendresse robotique apparaissent comme inédits. 
                          L'anthropomorphisme étant réduit au strict minimum (les machines s'expriment 
                          quasiment sans un mot), c'est une nouvelle étape du cinéma de science-fiction 
                          qui s'ouvre à nous.   
         L'humanité, la 
                          nôtre, a-t-elle encore sa place ? Oui, mais comme peuple décadent : des esclaves 
                          volontaires d'un univers idéalement construit par le marketing et les machines. 
                          Les hommes, qui sont passés du réel (en tant qu'acteurs) à l'animation (en tant 
                          qu'issus de l'informatique), ne peuvent plus être à l'origine d'une révolte. 
                          Wall-E est le seul à échapper aux règles, un électron libre dans la plus belle 
                          veine du 7e art, quelque part entre Chaplin et Jacques Tati. Là où il 
                          passe, la technologie s'évade. Son armée est celle des mécaniques cassées, son 
                          appel est celui du libre arbitre, à un moment où toutes les existences sont 
                          conditionnées. Les humains méritent-ils d'être sauvés ? Bien sûr, répond le 
                          film, dans une bienveillance réjouissante. Mais au final, la renaissance de la 
                          Terre passera par Wall-E et Eve, en leur nouvel Eden.  
         En tant qu'œuvre 
                          cinématographique, Wall-E peut provoquer des déluges d'éloges sans 
                          pouvoir être décrit à sa juste valeur. On parlera de technique (c'est d'une 
                          beauté à couper le souffle), on parlera de poésie, de politique, d'humour... 
                          Mais chaque détail, de l'image ou du propos, mérite que l'on s'y arrête. En ce 
                          sens c'est le plus ambitieux des films offerts par Pixar, sans doute le plus 
                          sombre, mais aussi le plus profond. Le studio y perd en accessibilité ce qu'il 
                          gagne paradoxalement en universalité. Oui, Andrew Stanton vient tutoyer Stanley 
                          Kubrick et Hayao Miyazaki, sur le terrain de leurs chefs-d'œuvre (2001 et Nausicaa). Et il apporte une nouvelle pierre à leurs édifices.          Rarement la 
                          sensation d'assister à un spectacle fondateur aura été aussi forte. Wall-E, 
                          film de l'année ? De la décennie ? Du 21e siècle ? Ces considérations 
                          paraissent bien ridicules, comme toute forme de jugement critique, forcément 
                          pompeux, forcément incomplet. Mais pendant une fraction de seconde, on aura été 
                          persuadé que l'avenir du monde se jouait dans le regard de deux robots animés se 
                          prenant par la main.    |  
 
                  
                    
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 Speed Racerde Andy et Larry Wachowski        
                          C’est sans doute la chose la plus improbable qui pouvait se produire sur ce 
                          site. Pas la peine de revenir sur l’aversion farouche que je porte envers les 
                          Wachowski et leur immonde trilogie  Matrix. J’en ai écrit des pages et des 
                          pages pour bien signifier qu’ils trônaient très haut dans ma liste des 
                          réalisateurs à abattre. Les premières images de leur nouveau projet, 
                          l’adaptation du dessin animé japonais  Speed Racer, avaient de quoi faire 
                          saigner les yeux et les oreilles par avance. 2h10 de fluorescences hystériques, 
                          le menu le plus adéquat pour finir en larmes et furibard sur le coin d’un 
                          strapontin.         
                          Le générique de fin débute, les lumières se rallument. Je me tourne alors vers 
                          mon voisin et je lui dis, entre euphorie et panique : « C’est pas normal, c’est 
                          pas possible, c’est super bien. » J’ai un sourire jusque là, qui mettra une 
                          bonne demi-heure avant de s’estomper. Le continuum du monde que nous connaissons 
                          s’est fissuré, quelque chose a déconné :  Speed Racer des Wachowski Bros 
                          est un excellent film. 
         
                          Pourquoi ? Justement parce qu’ils ont pris le contre-pied quasi-total de   Matrix.  Speed Racer est spectaculaire et humble, drôle et prenant, 
                          d’une fidélité absolue à son concept de base. L’œuvre ne ressemble à rien de 
                          connu, d’où, en partie, son échec public retentissant. Le bide s’explique 
                          essentiellement par un énorme problème de marketing, à la fois pour les mômes 
                          (humour burlesque à l’appui) et pour les adultes (plus de deux heures 
                          consistantes), le film est pour une fois vraiment en avance sur son époque.          
                          Le tour de force c’est de parvenir, malgré les a priori extrêmement négatifs que 
                          l’on peut avoir, à nous conquérir lors d’un premier quart d’heure 
                          extraordinaire. Dans une débauche visuelle, à toute vitesse, les Wachowski 
                          exposent les enjeux principaux en de savants montages parallèles, d’un dynamisme 
                          à toute épreuve, portés par une partition géniale de Michael Giacchino. Ce qui 
                          frappe immédiatement c’est le brio de la mise en scène, toutes les scènes 
                          d’action sont lisibles, compréhensibles, même dans les pires instants de chaos 
                          des courses. Un tour de force en soi. 
         
                          Après ce début de métrage parfait,  Speed Racer baisse de régime et plonge 
                          dans 40 minutes de blah-blah, qui navigue entre lourdeurs et numéros d’acteurs 
                          en plein pétage de câble. Heureusement, le casting est dans l’ensemble excellent 
                          et ce long tunnel un peu ennuyeux limite les dégâts. Puis arrive à toute bombe 
                          la deuxième heure, gigantesque succession de courses et d’enjeux dramatiques 
                          évidents et touchants.  Speed Racer devient alors l’un des plus 
                          incroyables grand 8 de l’histoire du cinéma. Une formidable machine à 
                          éblouissement, qui fonce, fonce, fonce, jusqu’à virer à l’abstraction visuelle.         
                          L’exaltation qui en découle est à la fois un bonheur de môme et un vrai plaisir 
                          de cinéma. Rarement on aura vu divertissement aussi généreux et à la fois aussi 
                          expérimental. C’est sans doute la plus grande surprise, on ne pouvait pas 
                          imaginer les Wachowski nous offrir une œuvre aussi sympathique et attachante. On 
                          aurait 10 ans, cela deviendrait probablement notre film favori. Avec 20 ans de 
                          plus, un cynisme bien ancré et des facultés d’émerveillement bien plus limitées, 
                          on en ressort heureux comme un gosse. Probablement le miracle cinématographique 
                          de 2008. |  
 
                  
                    
                      |   [REC]de Paco Plaza et Jaume Balaguero        
                          On vous jure que le cinéma fantastique est ressuscité en Espagne, ça fait des 
                          années qu’on vous le dit. Depuis au moins  Tesis et l’Echine du Diable. 
                          Mais pour une réussite, combien de pavés ronflants ? Parmi les gentils fumistes 
                          Jaume Balaguero avait jusqu’à présent une place relativement confortable. Trop 
                          sérieux, trop pompier, trop académique, trop casse-couilles, pour résumer. En 
                          s’associant à Paco Plaza, Jaume a vu la lumière. Il n’a rien perdu de sa 
                          méchanceté, mais a gagné mille fois en efficacité. Même qu’il a découvert 
                          l’humour. Sans blague !         
                          Caméra à l’épaule, façon reportage TV,  [REC] fonce droit dans son concept. 
                          Mise en place crédible, puis urgence de survie. Ca va vite, ça bondit dans tous 
                          les coins, pour retrouver une panique primitive, très voisine de celle qui 
                          habitait la dernière partie de  The Descent. D’ailleurs, il faut le 
                          reconnaître, on n’avait pas eu aussi peur au cinéma depuis le Neil Marshall. Et 
                          même, peut-être, soyons fous, on n’avait jamais eu autant la pétoche dans une 
                          salle obscure.                         
         
                          Pourquoi ? Parce que la peur est contagieuse, encore plus sûrement que le virus 
                          bizarre qui galope dans les couloirs de cet immeuble madrilène. Oppressions et 
                          explosions, en réactions primaires. Tout est permis, même les comportements les 
                          plus invraisemblables et les trucs les plus éculés. On est dedans. Notre regard 
                          faisant corps avec le champ de la caméra et notre cœur s’unissant à celui des 
                          protagonistes. Jusqu’où ira l’effroi ?         
                          Très loin. Très très loin. Plaza et Balaguero s’offrant la meilleure adaptation 
                          (officieuse) de Resident Evil et Silent Hill réunis. Pas rien. Un coup de 
                          maître. Qui culmine dans un trip atroce lors des 10 dernières minutes 
                          insoutenables. Coincé dans un clip de Chris Cunningham, le spectateur ne peut 
                          que subir, l’étirement du temps et de l’horreur. On est alors au-delà du suspens 
                          et au centre du malaise de l’image. Virus de la pellicule, qui s’étale, se 
                          prélasse, en une excroissance immonde des pires terreurs. |  
 
                  
                    
                      |   Never Back Downde Jeff Wadlow        
                          Ne jamais reculer, clame le titre français, vaguement homophobe. Pourtant, voilà 
                          un film gay. Comme tous les films de tatanes. De jeunes éphèbes ont le feu au 
                          culte (du moi) et se bastonnent en se regardant avec gourmandise. On colle une 
                          blonde bien gaulée au milieu, pour dire que bon, hein, quand même, non, 
                          qu’allez-vous donc penser ! Mais ça ne trompe personne. D’ailleurs il n’y a rien 
                          à tromper. Par les créateurs de  Sexy Dance, c'est écrit sur l'affiche... 
                          Nul du début à la fin,  Never Back Down ennuie son public mais provoque 
                          aussi de francs éclats de rire. Des acteurs super investis déclament des 
                          répliques très existentielles, avant que la bande son vomisse un affreux rock 
                          américain. Le metteur en scène se dit que couper des plans très courts est 
                          toujours gage d’efficacité. C’est un âne. Et on s’entraîne, et on se mandale, et 
                          on a des problèmes familiaux, des traumatismes débiles. C’en est forcément 
                          drôle. Du moins, on se rassure ainsi, lorsqu’on est coincé devant ça. Alors 
                          que, franchement, on ne l’avait pas mérité. De la graine de nanar ? 
                      Probablement. Comme presque tous les films de tatanes. |  
 
                  
                    
                      |   Bons baisers de Brugesde Martin McDonaghLe concept est 
                          alléchant dans ses prémisses surréalistes : deux tueurs, on ne peut 
                          plus britanniques, Ray (Colin Farrell) et Ken (Brendan Gleeson), 
                          sont obligés d’attendre dans la ville de Bruges que leur patron 
                          irascible, Harry (Ralph Fiennes), daigne les rappeler. En jeune 
                          débutant, Ray a commis une erreur impardonnable lors de son premier 
                          contrat et le vieux sage Ken n’est pas sûr de pouvoir le protéger 
                          contre Harry, son camarade de longue date. Les enjeux dramatiques de Bons baisers de Bruges ne sont guère plus 
                          complexes, mais leur traitement s’avère remarquable.  Véritable 
                          comédie noire, le film passe du drame au burlesque au sein de la 
                          même scène avec un naturel qui doit beaucoup aux performances de ses 
                          interprètes. Le trio principal est en effet proche du génial ; même 
                          Colin Farrell dont il devient (après Le Rêve de 
                            Cassandre) de plus en plus difficile de douter des 
                          capacités à être un excellent acteur, à la fois drôle et tourmenté. 
                          On croit par ailleurs sans mal au statut de tueurs de Brendan 
                          Gleeson (très touchant) et de Ralph Fiennes (énorme).  
 Les dialogues 
                          naviguent entre cynisme désabusé, humour grinçant et menaces bien 
                          senties. Souvent très politiquement incorrectes, les répliques 
                          donnent du rythme à un film qui prend par ailleurs son temps. In Bruges n’évite pas ainsi les baisses de 
                          régime et se perd un peu en chemin, entre virtuosité et pure 
                          flânerie. On en vient à faire du tourisme, au même titre que les 
                          personnages du film. De même l’amourette entre Farrell et Clémence 
                          Poésy ne mène pas bien loin, à part pour une hilarante scène de 
                          restaurant.  Assez 
                          représentatif du charme et des faiblesses de l’œuvre, le long final 
                          souffle le chaud et le froid. Même si certaines idées ne sont pas 
                          forcément bienvenues, ou paraissent un peu forcées, on ressort du 
                          film avec le sentiment d’avoir assisté à un spectacle original. Il 
                          ne faut pas se laisser tromper par la manière dont Bons 
                            baisers de Bruges est présenté, ce n’est ni un polar, 
                          ni un film d’action, il s’agit d’une errance existentielle follement 
                          drôle, tout autant que terriblement sombre. Et son univers décalé 
                      peut vous poursuivre bien après la fin de la projection.  |  
 
                  
                    
                      |   There will be bloodde Paul Thomas Anderson        
                          C’est un film trop grand pour lui-même. Si grand qu’il donne l’impression de 
                          s’effondrer, lentement, dans un fracas sonore entrecoupé de silences grinçants. 
                          C’est un long hurlement, filmé comme du Kubrick, qui se repose sur le jeu de 
                          Daniel Day Lewis. L’acteur, trop grand pour son être, trop immense pour son 
                          rôle, explose les limites du cinéma. C’est un film sur l’incapacité du 7e art à dépasser ses frontières. Anderson se débat, essaie tout, cherche au-delà 
                          de la fresque pour donner à son biopic des allures de traité historique à 
                          l’échelle d’un pays. L’Amérique, la voilà, il y a eu du sang, il y aura du sang. 
                          La voilà ta démocratie, ton modèle économique, ta grande âme 
                          politico-religieuse. Du milk-shake, du pétrole, de l’eau bénite, des larmes et 
                      de l’hémoglobine. La voilà, l’Amérique. Et par-delà, tout un projet de société capitaliste où la loi du plus fort et du plus inhumain doit triompher. Chef-d’œuvre. |  
 
                  
                    
                      |   Black Sheepde Jonathan King        
                          Il faudrait consacrer un ouvrage très sérieux sur le potentiel comique du 
                          mouton. On citerait les  Monty Python, Groland, Wallace et Gromit, et un 
                          plan inoubliable de  Bad Taste. Entre autres. Et certainement ce  Black 
                            Sheep, entièrement à la gloire des ovins. Le mouton est drôle, un simple 
                          plan sur une bonne bouille de pelote de laine et c’est l’hilarité qui surgit. 
                          Après, y a du gore, des gags bien orchestrés, de chouettes répliques, des 
                          acteurs sympas, tout pour faire un bon film. Mais les moutons sont les stars. 
                          Meilleurs encore que les excellents effets spéciaux de Weta Digital. C’est 
                      affreusement bêêête, mais c’est parfait ainsi. |  
 
                  
                    
                      |   Redactedde Brian de Palma        
                          Un film de gros bourrin. Brian bas de plafond te frappe dans la gueule avec sa 
                          caméra numérique. Tiens, tu le sens mon message, bordel ? La forme est chouette, 
                          avec son Youtube qui clame que Allah est grand. C’est n’importe quoi, et c’est 
                          ce qui nous plaît. C’est filmé en dépit du bon sens, par un grand gosse 
                          irresponsable qui veut donner des leçons de morale. Lorsqu’il juge et assène, De 
                          Palma mérite des tartes, mais ce n’est pas nouveau. Lorsqu’il fait du 
                          documentaire français, il amuse. Lorsqu’il gigote dans tous les sens, pour dire 
                          que la guerre c’est vilain, on lui pardonne, sans trop savoir pourquoi. 
                          Pourtant, on n’aime pas De Palma. Et à voir la gueule de  Redacted, lui 
                      aussi nous déteste. Pas grave, Youtube en arabe, c’est amusant. |  
 
                  
                    
                      |   Bienvenue chez les Ch'tisde Danny Boon        
                          Un téléfilm sympa. Sur le culte de l’identité, sur la gloire de l’exception 
                          culturelle. Les accents rigolos, les coutumes locales, les clichés touristiques, 
                          le préposé de La Poste, tout ça. Voyez, ça sent presque son Tati du pauvre, y a 
                          une tournée à bicyclette, avec des types ivres, qui se marrent. C’est amusant. 
                          Pas de quoi en faire un jour de fête. Pourtant, 20 millions y sont allés, 
                          revenus, retournés. Explications ? La faute à Sarkozy, comme pour tout ce qui ne 
                          va pas en ce pays. Ou bien le pouvoir d’achat. La guerre en Afghanistan. Les 
                          Jeux Olympiques de Pékin. Le réchauffement climatique. Le monstre du Loch Ness. 
                          Tout est possible pour comprendre l’incompréhensible. Un téléfilm sympa. 
                          Phénomène de société. Un téléfilm plus fort que tout. Pourquoi chercher à 
                          expliquer ce qu’il suffit de nommer ? Devant la réalité, l’esprit s’incline. Vox 
                      populi, vox Dei. |  
 
                  
                    
                      |   Cloverfieldde Matt Reeves        
                          Ceci n’est pas un film, c’est un cauchemar. Du genre que l’on fait lorsque l’on 
                          est môme et qui revient nous hanter régulièrement. Le monstre est grand et l’on 
                          est très petit. On ressent d’abord sa menace, et on le perçoit au loin, là-bas, 
                          derrière les montagnes, les immeubles, les nuages… Il s’approche et on ne peut 
                          pas lui échapper. Quel que soit l’endroit où l’on fuit, on se retrouve toujours 
                          face à lui. Si haut, si immense, prêt à nous écraser ou à nous dévorer.           
                          La vue subjective, mi-reportage, mi-vidéo familiale, n’est pas la seule qualité 
                          de  Cloverfield. Sa plus grande force réside en sa cruauté. L’histoire 
                          dont vous êtes le héros vous broiera inéluctablement. Pas d’échappatoire 
                          possible, juste un crescendo dans l’horreur. Un sentiment d’Apocalypse monte 
                          doucement, entre panique et incrédulité. La fin du monde, en direct, dans toute 
                          son absurdité. |  
 
                  
                    
                      |   Junode Jason Reitman        
                          C’est le film de l’année pour ceux qui ne vont au cinéma qu’une seule fois par 
                          an. Formaté et prémâché avec  les ingrédients dosés comme dans une 
                          canette de Coca,  Juno accumule toutes les tares du faux cinéma 
                          « indépendant » approuvé par les grands studios. Trop écrit, extrêmement 
                          prévisible, gorgé de bons mots patauds, d’humour gentiment acide (donc 
                          parfaitement inoffensif) et de sentiments gluants,  Juno écœure. Portée 
                          par un personnage principal tête à claques, l’histoire déroule son moralisme et 
                          ses aphorismes. Tout ici nous tire par la manche en nous criant : « Regardez 
                          comme c’est mignon, regardez comme c’est plein de bon sens et de vie ! ». 
                          L’agression par la mollesse, le hold-up par le cliché. Avec les pires travers du 
                          cinéma hollywoodien qui se veut malin (bande originale blindée de morceaux cool 
                      à l’appui). Affreux. |  
 
                  
                    
                      |   John Rambode Sylvester Stallone        
                          Que pouvait-on sérieusement attendre d’un tel film ? Rien. Sauf à croire que la 
                          belle petite surprise qu’était  Rocky Balboa pouvait se reproduire sur   Rambo. Mais c’est oublier que les deux personnages n’ont finalement pas 
                          grand-chose en commun. A part la schizophrénie latente de leur interprète, le 
                          plus fleur bleue des bourrins. Faisant suite à deux sommets du nanar bas de 
                          plafond,  John Rambos’égare donc dans 1h15 de réflexions débiles sur les 
                          mauvais penchants de l’humanité ; avant de flatter lesdits travers barbares 
                          durant un quart d’heure de boucherie effectivement très amusante. Rarement 
                          démonstration se sera révélée aussi absurde. Stallone est toujours aussi parfait 
                          en machine de guerre ultime, mais avec des bouts de gentillesse dedans. On 
                          comprend son propos en 30 secondes. Le reste du temps on somnole ou l’on rigole 
                          (le déjà mythique « Fuck the world ! »). En ce sens, le film fait honneur 
                      à la série. |  
 
                  
                    
                      |   Live !de Bill Guttentag        
                          Que se passerait-il si la télévision osait franchir la dernière de ses frêles 
                          limites ? Après tout, comme il est dit dans Live !, de très nombreux 
                          américains seraient prêts à payer pour regarder des exécutions capitales sur 
                          leurs écrans plasma flambant neufs. Et pourtant comment croire à l’existence 
                          d’un show télévisé mettant en scène une roulette russe entre six personnes 
                          n’ayant pourtant aucune pulsion suicidaire ?          
                          Pour se faire la mise en scène use d’un procédé devenu classique mais souvent 
                          efficace : le faux documentaire. Très progressivement, l’idée du « show qui 
                          tue » fait son chemin, convainquant chaque niveau de l’administration (de la 
                          chaîne, de la censure, de la loi et enfin du gouvernement). Nous voici, otage du 
                          spectacle, à désirer cette émission qui dépasse l’entendement mais dont nous ne 
                          pouvons pas détourner le regard.                                  
                          Dans la dernière demi-heure, et en quasi temps réel, le film offre donc le show 
                          « historique », après lequel la télévision ne sera jamais plus la même. Plus 
                          douloureux que  Running Man, plus cynique qu’un  American Dreamz, Live ! devient insoutenable, comme un  Voyage au bout de l’enfer entrecoupé de 
                          strass et de pubs.  De chronique acerbe sur le monde de la télé (on connaissait 
                          déjà), le film verse dans l’horreur, où l’humour noir surnage vers une 
                          conclusion désespérée.          Productrice et 
                          star, Eva Mendes est l’autre immense surprise du film. A la fois au sommet de sa 
                          beauté et totalement détestable, elle conjugue prise de risques et confort du 
                          rôle taillé à sa mesure. Certes,  Live ! existe pour mettre en valeur 
                          l’actrice et elle est présente dans presque tous les plans de la première 
                          partie. On pourra aussi critiquer la virulence un peu grossière de l’histoire. 
                          Pourtant la télé-réalité prouve quotidiennement son manque de finesse : plus 
                          l’idée est cruelle et humiliante plus elle fait recette. |  
 
                  
                    
                      |   No country for old mende Joel et Ethan Coen         Un homme (Josh Brolin) 
                          erre dans la nature. Il croit y trouver un nouvel 
                            espoir (un sac plein de dollars). Mais l’avenir humain ne connaît qu’une seule 
                            fin. La Mort (Javier Bardem) rôde et colporte son aura d’injustice et de chaos. 
                            Un chœur antique (Tommy Lee Jones) scande la tragédie avec ironie.  Chez Cormack 
                            McCarthy, l’un des plus grands écrivains américains, il n’y a pas de fuite 
                            possible. Il n’y a que le cheminement précis et barbare du Destin. Un canevas 
                            idéal pour les frères Coen, qui trouvent ici le plein accomplissement de leur 
                            art.         
                          Sans rien édulcorer de la violence et de l’étrangeté du roman, les réalisateurs 
                          cisaillent leur suspens avec un sens du cadre qui touche en permanence au 
                          sublime.  No country for old men n’est pas composé de scènes mémorables, 
                          c’est autour de plans inoubliables qu’il se joue. Métaphore biblique ? Non, 
                          l’histoire se révèle encore plus séminale, écrasée par la silhouette grotesque 
                          et terrifiante du tueur Chigurh. Dans le rôle, Javier Bardem réinvente le 
                          concept de « Terminator », avec d’improbables armes qui renouvellent la 
                          configuration des gunfights. 
         No country for old men n’est pas seulement un dispositif théorique, c’est avant tout le plus original 
                          des survivals de baroudeurs. Brolin et Bardem sont prêts à tout pour parvenir à 
                          leur fin (vivre pour l’un, tuer pour l’autre). Et leur inventivité contribue à 
                          l’aspect passionnant de l’œuvre.         
                          Film d’ambiance au sein duquel chaque geste et chaque parole comptent comme 
                          s’ils étaient les derniers (ce qui est souvent le cas),  No country for old 
                            men décuple sa force dans sa dernière partie. Se riant des conventions 
                          dramatiques, les Coen prennent à contre-pied les attentes du spectateur. Ils se 
                          révèlent plus intéressés par la portée symbolique des événements que par leur 
                          simple expression cinématographique.          
                          Les deux frères proposent de la temporalité, du hors-champ et de l’abstraction 
                          en opposition au démonstratif et à l’explicatif. Jusqu’à une conclusion 
                          bouleversante où le désarroi humain résonne dans les mots de Tommy Lee Jones. Le 
                          sens du conte, et de l’existence en général, est voué à nous échapper ; tel un 
                          rêve confondant passé, présent et avenir. A peine le temps de l’effleurer, à 
                          peine une chance de le saisir, qu’il est déjà trop tard. |  
 
                  
                    
                      | 
 Sweeney Toddde Tim Burton        
                          C’est (déjà) la meilleure nouvelle cinématographique de 2008. Le (vieux) fan qui 
                          est en moi vous dirait peut-être que c’est l’événement de la décennie. Du 
                          siècle, donc. Tim Burton, le vrai, celui que nous aimions tant depuis les tout 
                          débuts, pas l’auto-parodique, pas le Disney du gothique, pas le traître de  Big 
                            Fish. Non, le Tim Burton d’Edward, d’Ed Wood, de Batman, de Jack. Ce Tim Burton 
                          là est revenu parmi les siens. Mais encore plus grand, encore plus talentueux, 
                          avec une œuvre taillée pour lui, dans le marbre des monuments.          Sweeney Todd est une tragédie musicale, avec des bouts de comédie et de chair 
                          humaine à l’intérieur. C’est aussi le plus sombre des films « en chanté ». Car 
                          au ¾, l’intrigue se compose de chansons, interprétées par les acteurs. Et voir 
                          Johnny Depp et Alan Rickman partir en duo, c’est une raison possible pour aimer 
                          la vie davantage. Probablement l’œuvre la plus noire de Burton,  Sweeney Todd ne 
                          se conçoit qu’en musique. Que les fans ne tremblent pas, l’absence de Danny 
                          Elfman ne se fait que peu sentir. L’ambiance est plus proche de Broadway, les 
                          mélodies sont moins évidentes, le lyrisme s’exprime différemment. Mais l’ampleur 
                          s'avère toute autre. 
         
                          Drôle et déchirant à la fois, le film est d’une richesse qui part dans tous les 
                          sens. D’un côté les paroles, qui fusent à toute vitesse, de l’autre le visuel, 
                          qui n’a jamais été aussi maîtrisé. Au milieu, les émotions, qui virevoltent, du 
                          rire à l’horreur. Cette maestria cinématographique, qui donne le tournis, est 
                          indispensable pour faire passer le désespoir de l’histoire. On est dans le 
                          glauque du début à la fin. Mais un glauque bourré de grâce, d’une beauté à 
                          couper le souffle.          Sweeney Todd est peut-être une révolution, car il semble tracer une nouvelle voie pour le 
                          blockbuster, comme Batman Returns en son temps. On pense, immédiatement, à un 
                          croisement entre  Phantom of the Paradise (qui serait la parenté la plus 
                          évidente) et le  Rocky Horror Picture Show (pour le décorum décomplexé). Probable 
                          film culte,  Sweeney Todd redonne aussi ses lettres de noblesse à une esthétique 
                          gothique dévoyée qui gagne ici de nouvelles nuances. Tim Burton avait 
                          durablement influencé le style, il est normal que ce soit lui qui le repeigne à 
                          neuf.  
         
                          On peut aussi louer les performances des acteurs, avec un Johnny Depp qui ne 
                          fait finalement pas beaucoup plus que dans  Edward aux Mains d’Argent, si ce 
                          n’est, quand même, chanter. Helena Bonham Carter, celle que l’on avait du mal à 
                          admettre à la place de Lisa Marie, que l’on était prêt à accuser de la déchéance 
                          artistique de son mari, gagne sa place au panthéon des grandes figures 
                          romantiques de Burton.         
                          Mais surtout, de  Sweeney Todd se dégage une fraîcheur inespérée, un plaisir de 
                          filmer la noirceur qui donne le sourire. La tragédie la plus cruelle, mais aussi 
                          la plus évidente, peut se dérouler avec tous les fastes d’Hollywood. Tim Burton 
                          retrouve la formule magique, celle qui lui permet de détourner les codes pour 
                          faire gicler le sang à la face du public avec innocence. Mais rien n’est pour 
                          autant perdu de la douleur, comme le prouve la scène finale. Belle à se damner, 
                          comme une apothéose à une filmographique dantesque, elle s’achève sur un plan 
                          qui pourrait rapidement s’imposer comme le plus beau de l’œuvre de Burton. 
                          Inutile d'en révéler davantage,  Sweeney Todd est le chef-d’œuvre dont je rêvais.  La musique du film |  |  |